SITE : Matière et Révolution
Contribution au débat sur la philosophie dialectique du mode de formation et de transformation de la matière, de la vie, de l’homme et de la société
Pourquoi ce site mêle révolution, sciences, philosophie et politique ?
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Chaos déterministe (dynamique non-linéaire) et dialectique - en anglais -
La dynamique chaotique de la géophysique et de la climatologie.
Climatologie et chaos déterministe.
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Le cerveau et le chaos déterministe
Psychanalyse et chaos déterministe
Chaos cardiaque, cérébral et cellulaire : les rythmes émergents du vivant
Qu’est-ce que le chaos déterministe en sciences ?
Lire à l’extérieur du site :
James Gleick expose le chaos déterministe
Le chaos dans les système inertes et vivants
La non-linéarité ; qu’est-ce que cela change en sciences ?
Recherches actuelles sur la non-linéarité
« Un système dynamique non linéaire oscillant sur trois fréquences incommensurables peut devenir instable et avoir un comportement chaotique. »
D. Ruelle et F. Takens, étude sur la turbulence, 1971
Qu’est-ce que le non-linéaire ?
La linéarité est une propriété de proportionnalité des causes et des effets : doublez la cause et vous doublez l’effet. Deux fois plus de molécules d’eau suppose le double de poids. Cela semble simple et les sciences ont fait de nombreux progrès en se fondant seulement sur le linéaire. Mais si elles n’ont pas été au delà c’est que les équations différentielles non-linéaires ne peuvent être résolues simplement. En fait, l’univers n’est pas linéaire et les phénomènes ne font que ressembler parfois un peu à la linéarité. ils n’y sont jamais identiques. Même les molécules ne se contentent pas de s’additionner et d’additionner leurs effets. En grand nombre, elle passent à un nouvel état qui est collectif et n’est pas la somme des états. Un nuage n’est pas une simple somme de molécules. Sinon, l’eau du nuage tomberait immédiatement au sol. Les molécules d’eau produisent des interactions qui ont un effet collectif. Elles forment une structure collective : le nuage. Le non-linéaire a une propriété étonnante : la capacité de produire des structures émergentes.
Pourquoi une communauté du Non-Linéaire ?
"....la physique ne nous donne pas seulement l’occasion de résoudre des problèmes ; elle nous aide à en trouver les moyens, et cela de deux manières. Elle nous fait pressentir la solution ; elle nous suggère des raisonnements."
POINCARÉ, Valeur sc., 1905, p.152.
Comme il est souvent le cas dans les autres disciplines, l’évolution de la science du non-linéaire a procédé par paliers, avec des aller-retours entre développement des méthodes et techniques mathématiques et application à des phénomènes réels. Mais plus que d’autres peut-être, cette science dépend très étroitement des mathématiques appliquées. Au XIXème siècle, il s’agissait pour les mathématiciens de résoudre des équations différentielles non-linéaires, l’exemple-type étant fourni par la mécanique céleste. Cependant, dès la moitié du siècle, les problèmes non-linéaires s’étudiaient au cas par cas sans concept général, comme par exemple pour les ondes non-linéaires (Stokes 1847, Riemann 1858). Avec H. Poincaré qui établit les bases unificatrices pour l’étude des problèmes de la mécanique non-linéaire[1,2], et Liapounov qui pose le problème général de la stabilité [3], les outils mathématiques nouveaux apparaissent. Suit une période de sommeil relatif.
En même temps, dans notre enseignement, l’idée dominante en cours au début du XX ème siècle, malgré Stokes, Riemann, Poincaré et autres, est : "Les problèmes de la Physique mathématique dépendent en général d’équations aux dérivées partielles d’ordre supérieur au premier, mais linéaires par rapport à la fonction inconnue et à ses dérivées." (Jordan : Cours d’Analyse de l’Ecole Polytechnique 1908-1909, page 244).
Dans les années 1927-1938, l’école russe surtout (Mandelstam-Andronov) commence à appliquer ces méthodes à des modèles en relation avec des problèmes pratiques en mécanique des vibrations de structures, en électricité (oscillateurs), et en optique (diffraction). Par ailleurs, d’autres écoles se développent et les applications sont même étendues en science du vivant (rythmes cardiaques : Van der pol et Van der Mark 1928 [4] ; dynamique des populations : Volterra 1931 [5]).
Dans certains pays ces méthodes sont introduites dans l’enseignement et par exemple, dans son "Introduction to Non-Linear Mechanics ", un cours sur des applications pour les ingénieurs de la marine, N. Minorsky note en 1944 :
" This report aims to bring to the attention of technical personnel, both of the Navy and of other agencies engaged in the war effort, certain new developments in applied mathematical methods. These new methods have come to be called "Non-Linear Mechanics"..... Practically all differential equations of Mechanics and Physics are non-linear...". En d’autres termes, la Physique (représentation du monde réel) est d’abord non-linéaire.
Il apparait donc déjà que la solution à certains problèmes concrets passe par l’étude complète des modèles non-linéaires : "...Thus, it became necessary to attack the non-linear problems directly instead of evading them by dropping the non-linear terms.."
Dans les années 1960-80 les outils mathématiques sont encore développés ("systèmes dynamiques") et les applications deviennent très nombreuses en hydrodynamique, optique, mécanique, matière condensée, métallurgie et même en sociologie, économie etc... L’école fran\c caise de mécanique non-linéaire qui avait été une des plus actives dans les années 30 (Denjoy, ...) réapparaît et la communauté est actuellement une des plus nombreuses au monde (signalons que c’est sans doute l’article de Ruelle-Takens de 1972 qui a relancé l’intérêt des physiciens).
Actuellement, le message de Minorsky est toujours d’actualité et pourtant les méthodes et concepts de la Physique non-linéaire diffusent lentement dans pratiquement tous les domaines. La physique non-linéaire est à la fois un domaine fondamental de la science et un thème unificateur largement interdisciplinaire. Elle doit faire partie du bagage de tout étudiant en physique, mathématique, mécanique, chimie, au même titre que le calcul différentiel, la cinématique du point, ou la mécanique quantique. La mission de l’Université qui est de préparer les étudiants à l’évolution de la science, doit inclure l’enseignement des méthodes non-linéaires.
Or, ces méthodes sont appliquées depuis longtemps. En 1985 la NASA utilise les propriétés de sensibilité aux conditions initiales du "problème à trois corps" pour re-diriger avec très peu d’énergie une sonde (ISEE-3/ICE) vers une comète. Très récemment (juin 1999) le CNET a porté le débit d’informations dans une fibre optique à 1012 bits/s en utilisant des solitons pour support.
Il est alors surprenant que notre Université, peut-être encore sous l’effet des affirmations péremptoires de Jordan (1908), et cinquante ans après Minorsky, tarde à introduire les bases de cet enseignement. Comme pour d’autres disciplines, la multiplication des domaines d’application favorise la dispersion et le cloisonnement. Aussi il est nécessaire d’opérer à certain moment un rassemblement des thèmes pour permettre une progression des études théoriques ou des méthodes expérimentales, par la comparaison et l’échange.
C’est un des objectifs des "Rencontres du Non-linéaire". Leur succès montre qu’il existe en France aussi, une communauté très active et nombreuse en Physique non-linéaire. Le caractère interdisciplinaire des rencontres doit permettre un échange des idées mais aussi des personnes. L’accent est mis sur la participation aux exposés, des doctorants en fin de thèse et ces rencontres annuelles devraient favoriser la migration des jeunes chercheurs vers des équipes ou des thèmes différents. Certains pourraient aussi, par ce biais, découvrir les aspects industriels nouveaux et des voies professionnelles différentes dans lesquelles s’engager.
Afin de faciliter la transmission des informations et l’organisation de la communauté du non-linéaire, un serveur destiné à la Physique Non-Linéaire est en place (http://pnl.lps.u-psud.fr/pnl/). Il est recommandé de l’utiliser et de lui fournir des informations à diffuser, dans l’intérêt de tous.
Nous tenons à remercier J. Oesterlé, Directeur de l’IHP, et E. Guyon Directeur de l’ENS pour leur aide à l’organisation de ces Rencontres. P. Collet, P. Coullet, P. Glorieux, Y. Pomeau, R. Ribotta, J-C. Saut, B. Schmitt [1] "Sur les courbes définies par une équation différentielle" H. Poincaré, Oeuvres, Gauthier-Villars, Paris, Vol. 1, (1928). [2] "Les méthodes nouvelles de la mécanique céleste" H. Poincaré, Gauthier-Villars, Paris, Vol. 1, (1892). [3] "Problème général de la stabilité du mouvement" M.A. Liapounoff, Annales de la Faculté des sciences de Toulouse, Paris Vol. 9, 1907. [4] "Leçons sur la théorie mathématique de la lutte pour la vie" , V. Volterra, Gauthier-Villars, Paris, (1931). [5] "Le battement de coeur considéré comme oscillation de relaxation" , B. Van der Pol et Van der Mark, Onde Electrique, Paris, p. 365 (1928).
Bernard Sapoval dans « Universalités et fractales :
« Certaines questions relèvent de phénomènes non-linéaires dont nous verrons qu’ils mettent en jeu les limites essentielles de la prévisibilité. Prenons un exemple, celui du réchauffement de l’atmosphère par l’effet de serre. Ce que l’on sait avec certitude, c’est que l’effet de serre, en lui-même, existe, et dire que cet effet de serre ne peut pas exister est contraire à la science constituée. En revanche, dire comment, quand, et même répondre à la simple question de savoir quelle est la mesure qui prouve ou prouvera le réchauffement de l’atmosphère reste une question totalement ouverte pour les spécialistes. Le chaos déterministe entraîne que certains phénomènes connus ont un comportement à long terme impossible à prédire. »
Atome : rétroaction de la matière/lumière et du vide (de la microphysique à l’astrophysique)
* 01- Les contradictions des quanta
* 02- La matière, émergence de structure au sein du vide
* 03- Matière et lumière dans le vide
* 05- Le vide destructeur/constructeur de la matière
* 06- La matière/lumière/vide : dialectique du positif et du négatif
* 07- La construction de l’espace-temps par la matière/lumière
* 08- Lumière et matière, des lois issues du vide
* 09- Matière noire, énergie noire : le chaînon manquant ?
* 10- Les bulles de vide et la matière
* 11- Où en est l’unification quantique/relativité
* 13- Qu’est-ce que la rupture spontanée de symétrie ?
* 14- De l’astrophysique à la microphysique, ou la rétroaction d’échelle
* 15- Qu’est-ce que la gravitation ?
* 16- Big Bang ou pas Big Bang ?
* 17- Qu’est-ce que la relativité d’Einstein ?
* 19- Qu’est-ce que l’antimatière ?
* 21- Qu’est-ce que le spin d’une particule ?
* 22- Qu’est-ce que l’irréversibilité ?
* 23- Qu’est-ce que la dualité onde-corpuscule
* 26- Le quanta ou la mort programmée du continu en physique
* 26- La discontinuité de la lumière
* 27- Qu’est-ce que la vitesse de la lumière c et est-elle indépassable ?
* 28- Les discontinuités révolutionnaires de la matière
* 30- Qu’est-ce qu’un système dynamique ?
* 31- Qu’est-ce qu’une transition de phase ?
* 32- Quelques notions de physique moderne
* 33- Qu’est-ce que le temps ?
* 34- Henri Poincaré et le temps
* 35- La physique de l’état granulaire
* 36- Aujourd’hui, qu’est-ce que la matière ?
* 37- Qu’est-ce que la rupture de symétrie (ou brisure spontanée de symétrie) ?
* 38- Des structures émergentes au lieu d’objets fixes
* 39- Conclusions provisoires sur la structure de la matière
MOTS CLEFS :
dialectique – discontinuité – fractales - physique quantique – relativité – chaos déterministe – atome – système dynamique – structures dissipatives – percolation – irréversibilité – non-linéarité – quanta – émergence – inhibition – boucle de rétroaction – rupture de symétrie - turbulence – mouvement brownien – le temps - contradictions – crise – transition de phase – criticalité - attracteur étrange – résonance – psychanalyse - auto-organisation – vide - révolution permanente - Zénon d’Elée - Antiquité - Blanqui - Lénine - Trotsky – Rosa Luxemburg – Prigogine - Barta - Gould - marxisme - Marx - la révolution - l’anarchisme - le stalinisme - Socrate - socialisme - religion
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Chacun sait que la physique a découvert que la matière, comme la lumière, est constituée de « grains » appelés particules. La matière serait appelée fermions, c’est-à-dire particules obéissant à la règle de Fermi qui empêche les particules de même état de s’agglomérer du fait du « principe de Pauli ». Les fermions sont de deux types : leptons (comme l’électron) ou quarks (constituant des neutrons et des protons). La lumière – expression employée ici pour regrouper toutes les particules dites d’interaction - serait formée de bosons, c’est-à-dire de particules qui obéissent à la règle de Bose qui concerne des particules qui ont tendance à s’agglomérer dans un état commun.
L’ensemble a semblé dans un premier temps fonctionner comme un jeu de construction : on additionne les particules pour former des ensemble plus importants comme l’atome, les molécules et les macromolécules. On additionne les neutrons et les protons pour former le noyau des atomes et on rajoute les électrons pour former l’entourage atomique qui permet à l’atome d’être globalement neutre électriquement.
Cette logique additive n’est pas entièrement fausse mais elle a atteint ses limites d’explication et depuis longtemps maintenant elle est abandonnée par les physiciens pour expliquer le fonctionnement de la matière/lumière. La première raison provient du fait que cette image additive supposait que les particules soient des objets statiques, individuels, existant en permanence ou au moins sur de longues durées. A chaque particule individuelle était attribuée une masse qui était considérée comme attachée à la chose matérielle. La physique actuelle est très différente. L’individualité de la particule n’est plus admise. La masse est une propriété qui se déplace et saute d’un point à un autre, sans être fixée à un objet. L’objet lui-même n’est plus une image reconnue. En fait, la matière ne s’explique plus par la fixité mais, au contraire, par une dynamique extraordinairement agitée : celle du vide qui n’est plus synonyme d’absence. Le fondement du caractère apparemment conservatif de la structure globalement conservée qu’est la matière est l’agitation permanente du vide !
On a donc longtemps eu une vision « additive » de la physique de la matière. Cela signifiait que les objets étaient des sommes de molécules, elles-mêmes considérées comme des sommes d’atomes, considérés comme la somme d’un noyau et d’électrons, le noyau étant une somme de protons et de neutrons et, enfin, proton et neutron étant des sommes de quarks. Mais cette vision a dû être profondément changée avec la physique quantique des champs selon laquelle le vide quantique est une apparition fugitive d’un nombre indéfini de particules qui n’existaient pas auparavant, le nombre total de particule n’étant pas un nombre fixe. L’énergie peut produire des particules. Les particules peuvent disparaître également. Enfin, la particule est « habillée », c’est-à-dire entourée d’un nuage de particules virtuelles d’interaction (photons, gluons, etc) pouvant se transformer en toutes les sortes de particules (et leurs antiparticules) ayant une durée de vie très courte, dites particules et antiparticules virtuelles. Le proton est entouré de gluons virtuels qui se polarisent en couples de quarks et antiquarks virtuels. L’électron est entouré d’un nuage de photons qui peuvent se matérialiser fugitivement en électrons et positons virtuels. Le nombre total de particules n’est donc pas une constante. Pas plus que le nombre de charges électriques.
La masse, elle aussi, est longtemps apparue comme additive. C’est ce que l’on constate à notre échelle. Par contre, à l’échelle de la matière atomique, il faut tenir compte des interactions qui ont, elles-mêmes, une masse. Dans l’atome, par exemple, il n’y a pas que le noyau et les électrons mais également l’énergie d’interaction qui les maintient ensemble. Il en va de même pour le noyau qui ne pourrait se maintenir stablement sans l’énergie qui maintient ensemble les nucléons. La masse ne s’avère d’ailleurs pas une propriété fixe d’une matière « solide », « compacte », « lourde ». C’est un phénomène. C’est une propriété et elle n’appartient pas en fixe à un objet individuel appelé la particule. La propriété peut migrer rapidement d’une particule virtuelle à une autre. Elle peut même disparaître dans un trou d’énergie négative ou par interaction avec l’antimatière.
Ce qui s’additionne, ce n’est ni la masse, ni l’énergie. On le voit en physique quantique au fait que des particules de masse qui s’entrechoquent peuvent disparaître en tant que telles pour donner de l’énergie et que l’énergie peut disparaître pour donner de la masse.
La relativité a, elle aussi, été contrainte, pour conserver provisoirement cette additivité, d’admettre que l’énergie faisait partie de la masse, le total masse au repos plus énergie se conservant. Cependant, ce point de vue lui-même ne convient que si on ne descend pas en dessous de certains seuils de temps. Sous ces seuils, il y a une incertitude sur l’énergie qui peut être considérable. Plus le temps considéré est court, plus il peut apparaître et disparaître d’énergie, moins l’énergie est simplement additive.
Le temps, lui-même, cesse du coup d’apparaître comme additif. On peut en effet croire que le temps long est une somme d’espaces de temps courts. Cela convient pour des dynamiques régulières, sans grandes discontinuités, ne tenant pas compte d’intervalles courts de temps, comme le mouvement des corps macroscopiques. Cela ne convient plus du tout en physique quantique. En passant à des temps courts, les lois changent, les objets ne sont plus les mêmes. Là où il n’y avait rien (le vide vu du point de vue macroscopique), apparaissent des myriades de plus en plus importantes de particules virtuelles. Le monde entier peut apparaître dans un temps suffisamment court, autrement appelé le temps du Big Bang, qu’il ne faut pas voir comme la création de l’univers mais comme le temps minimum et comme l’énergie maximum. Le temps du Big Bang n’est que le dernier seuil connu au-delà duquel parler de matière, même virtuelle, n’aie plus de sens.
En tout cas, la notion d’intervalles de temps longs constitués par une somme d’intervalles courts devient obsolète. Dans des temps courts, des grandes énergies peuvent apparaître et disparaître, ce qui n’est pas le cas dans des temps longs. Le temps change complètement d’image par rapport aux deux représentations que nous lui connaissons : le cycle et la ligne droite orientée. Le vide a montré que le temps fondamental est désordonné. Il est fondé sur des oscillations non linéaires de couples de particules polaires (par exemple électron et positon) qui est chaotique. Le temps ordonné est une émergence au sein d’ensemble d’un très grand nombre de particules durables et il est sans cesse en train de se créer et de s’autodétruire au sein du vide quantique.
La physique macroscopique a dû elle-même renoncer à la vision régulière, linéaire et additive. La mécanique des fluides a dû introduire la dynamique non-linéaire dans son étude de la turbulence, comme l’ont montré Ruelle et Takens, car elle n’est pas une somme d’un très grand nombre de fluctuations linéaires. Le domaine du chaos déterministe, plus généralement, a montré que la physique pouvant se passer du non-linéaire comme approximation n’est pas très vaste et ne concerne que des phénomènes n’agissant à plusieurs niveaux hiérarchiques de la matière, sur des systèmes pouvant apparaître pour isolés énergétiquement et subissant des évolutions lentes et sans passage de seuils. Autant dire que, fondamentalement, toute la physique est non-linéaire. Le « simple » pendule l’est !
Le chaos déterministe avec sa « sensibilité aux conditions initiales » a montré qu’un très grand nombre de situations permettent qu’une somme donne bien autre chose que le total des résultats bien plus ou … bien moins. C’est le fameux « effet papillon ».
Le dernier domaine clef de l’additivité restait celui des ondes. L’électromagnétisme, incluant la lumière, semblait lui avoir donné ses lettres de noblesse. Et pourtant ! La dualité quantique a mis fin à cette illusion. Toute onde est également et en même temps corpusculaire. Et si la physique quantique continue à parler d’ondes, il ne s’agit plus du tout de la même « chose » puisqu’il s’agit seulement d’une onde mathématique qui se propage non dans l’espace réel mais dans celui des phases et concerne une probabilité de présence. Et même là, l’additivité ne concerne pas des « objets ».
La réalité restera donc non additive. Elle n’est pas décrite par des « simples » opérations mathématiques, même si ces dernières gardent leur efficacité. Celle-ci n’est pas d’ordre descriptif. Elles se contentent de calculer des probabilités, ce qui est bien différent d’une description, au grand dam de physiciens comme Einstein. Cela ne veut pas dire que le monde réel n’existe pas et que n’existent que des probabilités. Cela signifie que la « description » mathématique en reste au calcul des probabilités. Ce n’est pas parce qu’on a seulement comme outil u marteau que le monde autour de nous n’est formé que de clous !!
Le quantitatif ne suffit pas parce que la matière (ou plutôt le vide structuré) existe à plusieurs échelles et que les changements ont donc un caractère qualitatif.
L’autre raison de souligner le caractère limité de l’additivité, c’est que les contraires ne s’additionnent pas comme deux nombres positifs et négatifs de même valeur absolue. Ils ne donnent pas le rien. Les contradictions ne s’annulent pas dans la nature. Ce sont au contraire elles qui produisent la dynamique du monde !
Citons sur ces points quelques auteurs :
« Qu’entre qualité et quantité il y ait passage conceptuel susceptible de reproduire des passages réels est chose si peu hypothétique qu’existe une discipline scientifique dont c’est tout l’objet, la physique des transitions de phase (…) Peut-on expliquer les discontinuités qui s’observent à l’échelle macroscopique par exemple dans la vaporisation d’un liquide à partir de sa structure microscopique ? Se produirait-il une « modification brutale » à la température de transition « dans les interactions entre atomes », dont le changement de phase serait le « reflet » ? La question, indique Roger Balian dans « Le temps macroscopique » dans « Le temps et sa flèche », a été définitivement tranchée : « Rien à l’échelle atomique ne distingue l’eau de sa vapeur ou de la glace ; leurs transformations mutuelles ne traduisent qu’un changement d’organisation de l’édifice global, contrôlé seulement par deux paramètres macroscopiques, la température et la pression. » (…) Le qualitativement nouveau vient à jour à partir de lui-même. »
Lucien Sève dans « Nature, science, dialectique : un chantier à rouvrir »
« Avec chaque niveau d’organisation, apparaissent des nouveautés, tant de propriétés que de logiques. (…) Une dialectique fait s’interpénétrer les contraires et s’engendrer la qualité et la quantité. »
François Jacob dans « La logique du vivant »
« On ne compte pas les électrons ou les photons comme on compte les objets que nous rencontrons autour de nous. »
Les physiciens Georges Lochak, Simon Diner et Daniel Farge dans « L’objet quantique ».
« Si un électron entre et sort d’une boite (une zone par exemple) (...), on ne peut pas dire que c’est le même électron qui entre et qui sort. (...) La masse est longtemps apparue comme une propriété fondamentale. N’est-il pas surprenant de la voir maintenant apparaître comme une propriété purement dynamique, liée aux propriétés du vide et à la façon dont elles affectent les particules qui s’y trouvent ? (...) Cette nouvelle conception de la masse est une révolution importante. Ce qui apparaissait comme une propriété intrinsèque et immuable se voit relégué au rang d’effet dynamique dépendant des interactions et, avant tout, de la structure du vide. »
Le physicien Maurice Jacob dans « Au cœur de la matière ».