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Socrate, dialecticien et communiste
jeudi 18 mars 2010, par
Socrate : je ne suis le maître de personne !
"Nous croyons façonner la cité heureuse, non pas en prenant à part un petit nombre de ses habitants pour les rendre heureux, mais en la considérant tout entière."
Socrate dans "La République de Platon
Le jugement de Socrate en 399 :
« Accusation :
Socrate est coupable de ne pas croire aux dieux auxquels croit la cité. Il est aussi coupable de corrompre la jeunesse. Le châtiment proposé est la mort. »
Pourtant, à Athènes, il n’y avait pas à cette époque de religion officielle, obligatoire, pas d’orthodoxie, pas de crime religieux, pas de loi protégeant telle ou telle croyance. La vérité est ailleurs ….
Elle est plus politique et plus sociale.
"Je n’ai jamais été le maître de qui que ce soit. »
Socrate rapporté dans « Apologie » de Platon
« Je ne suis ni Athénien, ni Grec, mais un citoyen du monde. » aurait dit Socrate.
Hegel écrit :
"Socrate fut un héros en ce qu’il comprit consciemment le principe suprême et le proclama. Le principe suprême possède un droit absolu. Telle est en général la condition des héros dans l’histoire universelle : c’est par leur intermédiaire que se réalise l’ascension du monde nouveau. Parce qu’il contredit le principe établi, le principe nouveau parait un principe destructeur. Pour la même raison, il semble aussi que les héros font violence aux lois ; et, individuellement, ils sont condamnés à périr ; mais leur principe poursuit son action, encore que sous une autre forme, et il sape ce qui est établi."]
Socrate affirmait :
« L’homme est le seul animal à croire à des dieux. »
« L’homme doit s’élever au-dessus de la Terre - aux limites de l’atmosphère et au-delà - ainsi seulement pourra-t-il comprendre tout à fait le monde dans lequel il vit. »
« J’ignore l’étendue de mon ignorance. Les hommes croient savoir ce qu’ils ne connaissent pas. »
Les phrases citées plus haut sont attribuées à Socrate, philosophe énigmatique parce qu’il n’a pas laissé d’écrits et parce que sa méthode elle-même laissait l’auditeur sur sa faim. Il cherchait en effet à pousser son adversaire dans tous les retranchements de ses contradictions.
Ceci n’a pas principalement une cause philosophique mais politique. Socrate n’est pas silencieux mais il ne diffuse pas par écrit ses leçons philosophiques et ce pour des raisons politiques. Il s’est fait remarquer par son refus du pouvoir, son refus de l’argent, son refus de participer à tous les actes injustes auxquels tous les pouvoirs l’ont convié. Par exemple, il tient tête publiquement à une Assemblée en délire dans le procès des généraux d’Arginuses. Il refuse d’obéir aux Trente tyrans qui lui ont donné l’ordre d’aller arrêter Léon de Salamine, innocent que l’on voulait condamner à mort. Il refusera même de se prêter au jeu convenu des procès qui lui aurait permis de ne pas être condamné à mort. Mais il refusera aussi de fuir ce qui aurait été tout à fait possible pour se sauver d’un procès où ses adversaires étaient déjà convenus contre lui. Il est condamné à mort à soixante-dix ans pour avoir détourné les enfants des classes dirigeantes de l’idéologie dominante et, en particulier, de la religion. Cette condamnation est loin d’être quelque chose de courant à l’époque, à Athènes. C’est qu’elle cache, plus profondément, le reproche d’avoir tenté de détourner des enfants de la classe dirigeante pour les gagner à une idéologie de suppression des classes sociales : le communisme.
La philosophie dialectique et communiste de Socrate décrite par Platon dans « Phédon » :
« - Socrate : Maintenant, ne borne pas ton enquête aux hommes, si tu veux découvrir plus aisément la vérité ; étend la à tous les animaux et aux plantes, bref à tout ce qui a naissance et voyons, en considérant tout cela, s’il est vrai qu’aucune chose ne saurait naître que de son contraire, quand elle a un contraire. « (…) Voyons donc si c’est une nécessité que tout ce qui a un contraire ne naisse d’aucune autre chose que de contraire. (…) Autre question : n’y a-t-il pas entre tous ces couples de contraires une double naissance, l’une qui tire l’un des deux contraires de l’autre, et l’autre qui tire celui-ci du premier ? (…) N’en est-il pas de même de ce que nous appelons se décomposer et se combiner, se refroidir et s’échauffer, et ainsi de tout ? Et si parfois les mots nous font défaut pour le décrire, en fait du moins, c’est toujours une nécessité qu’il en soit ainsi, que les contraires naissent les uns des autres et qu’il y ait génération de l’un des deux à l’autre. (…) N’admet-tu pas que le contraire de la vie, ce soit la mort ? (…) Et qu’elles naissent l’une de l’autre ? (…) Si en effet les naissance ne s’équilibraient pas d’un contraire à l’autre, et tournaient pour ainsi dire en cercle, si au contraire elles se faisaient en ligne droite et uniquement d’un contraire à celui qui lui fait face, si elles ne revenaient pas vers l’autre et ne prenaient pas le sens inverse, tu te rends bien compte qu’à la fin toutes les choses auraient la même figure et tomberaient dans le même état et que la génération s’arrêterait. (…) Si, par exemple, l’assoupissement existait seul, sans avoir pour lui faire équilibre le réveil né du sommeil, tu te rend compte (…) que tout le monde serait endormi. (…)
D’où nous vient l’idée d’égalité ? (…) Nous disons bien qu’il y a quelque chose d’égal, je n’entend pas parler d’un morceau de bois égal à un autre morceau de bois, ni d’une pierre égale à une pierre, ni de rien de pareil, mais d’autre chose qui est par delà toutes celles-là, de l’égalité elle-même. (…) Il faut donc que nous ayons eu connaissance de l’égalité avant le temps où, voyant pour la première fois des choses égales, nous nous sommes dit : « Toutes ces choses tendent à être telles que l’égalité, mais ne le sont qu’imparfaitement. » (…) Il faut donc que l’égalité ait existé avant que nous naissions pour qu’elle nous apparaisse ensuite comme une réminiscence. (…) Te parait-il aussi que tous les hommes puissent rendre raison de ces réalités dont nous parlions tout à l’heure ? (…) Tu ne crois pas que tous les hommes connaissent ces réalités ? (…) Qu’on m’apporte le poison. (…) Jusque là nous avions eu presque tous assez de force pour retenir nos larmes ; mais en le voyant boire et quand il eut bu, nous n’en fûmes plus les maîtres. (…) Que faites vous mes étranges amis, s’écria-t-il, soyez donc calmes et fermes. »
Qu’est-ce qu’un philosophe pour Socrate ? (conversant avec le géomètre Théodore et Théétète et rapporté par Platon dans « Théétère »)
« Des philosophes, il faut dire d’abord que, dès leur jeunesse, ils ne connaissent pas quel chemin conduit à l’agora, ni où se trouvent le tribunal, la salle du conseil ou toute autre salle de réunion publique. Ils n’ont ni yeux, ni oreilles pour les lois et les décrets proclamés ou écrits. (…) Est-il arrivé quelque bonheur ou quelque malheur à l’Etat, (…), le philosophe n’en a pas plus connaissance que du nombre de gouttes d’eau de la mer. Il ne sait même pas qu’il ignore tout cela (…) c’est que son corps seul est présent et séjourne dans la ville, tandis que sa pensée, considérant tout cela avec dédain comme des choses mesquines et sans valeur, promène partout son vol (…) scrutant de toutes les façons la nature (…) Voilà donc, ami, comme je le disais en commençant, ce qu’est notre philosophe dans les rapports privés et publics qu’il a avec ses semblables. Quand il est forcé de discuter dans un tribunal ou quelque part ailleurs (…) sa terrible gaucherie le fait passe pour un imbécile. Dans les assauts d’injures, il ne peut tirer de son cru aucune injure contre personne. (…) Quand les gens se louent et se vantent, comme on le voit rire, mais tout de bon, on le prend pour un niais. Entend-il faire l’éloge d’un tyran ou d’un roi, il s’imagine entendre exalter le bonheur de quelque pâtre, porcher, berger ou vacher, qui tire beaucoup de lait de son troupeau. (…) Entend-il parler d’un homme qui possède une très grande surface de terres comme d’un homme prodigieusement riche, il trouve que c’est très peu de chose, habitué qu’il est à considérer sienne la terre entière. Quant à ceux qui chantent la noblesse et disent qu’un homme est bien né parce qu’il peut prouver qu’il a sept aïeux riches, il pense que cet éloge vient de gens qui ont la vue basse et courte parce que, faute d’éducation, ils ne peuvent jamais fixer leurs yeux sur le genre humain tout entier, ni se rendre compte que chacun de nous a d’innombrables myriades d’aïeux et d’ancêtres, parmi lesquels des riches et des gueux, des rois et des esclaves, des barbares et des Grecs qui se sont succédé par milliers dans toutes les familles. Qu’on se glorifie d’une série de vingt-cinq ancêtres et qu’on fasse remonter son origine à Héraclès, fils d’Amphitryon, il ne voit là qu’une étrange petitesse d’esprit. (…) Dans toutes ces circonstances, le vulgaire se moque du philosophe, qui tantôt lui paraît dédaigneux, tantôt ignorant de ce qui est à ses pieds et embarrassé sur toutes choses. »
Comme Platon, nombre de contemporains qui ont connu Socrate nous ont rapporté ses propos et ses buts.
Il a été éliminé par les classes dirigeantes grecques. Le motif de se condamnation est politique. Son procès laisse des traces de ce que la classe dirigeante d’Athènes lui reprochait : détourner la jeunesse d’Athènes de l’idéologie dominante qui commençait à se mettre en place dans l’Etat naissant. Il avait, en effet, organisé une université libre, sans locaux, sans professeurs, ouverte à tous et gratuite. Au lieu d’y diffuser des connaissances, il discutait et contestait les idéologies dominantes.
Socrate met en cause bien des choses : nationalisme, religion, machisme, mépris et oppression des femmes, exploitation des enfants, mépris des pauvres et de la pauvreté, corruption des riches et adoration de la richesse, fondement social se basant sur l’intérêt individuel contre celui de la collectivité, etc...
Dans ce sens, Socrate est l’un des premiers militants communistes.
Pour connaitre la pensée de Socrate, nous sommes contraints de lire entre les lignes des textes de ses amis comme Simias, Criton et Cébès, de ses adeptes comme Xenophon, de ses faux amis et de ses faux adeptes comme Platon, et de ses ennemis comme Aristophane. Xénophon et Platon, quoique se réclamant tous deux de Socrate, s’opposent radicalement sur les thèses philosophiques et politiques et ne parlent jamais l’un de l’autre.
« La Cité où ceux qui doivent détenir le pouvoir sont le moins désireux du pouvoir est nécessairement celle qui est la mieux et la plus paisiblement dirigée. »
Socrate dans « La république » de Platon (Allégorie de la caverne)
’Sources :
Platon, un faux disciple :
La « République », la « Charmide », le « Phédon », le « Banquet » et l’ « Apologie de Socrate », voilà certains des textes de Platon dans lesquels il met en scène un Socrate à sa manère.
C’est le point de vue de Platon qui a été, à tort, le plus diffusé sur les idées de Socrate. Platon s’est prétendu le meilleur rapporteur des idées de Socrate dont il avait été l’élève, mais il est celui qui les trahissait le plus, du vivant même de Socrate. "Lysis" de Platon se prétendait une oeuvre inspirée par la philosophie de Socrate et Diogène Laërce rapporte que "Socrate, qui venait d’entendre Platon donner lecture du Lysis, s’écria : ’Par Héraclès, que de faussetés dit sur moi ce jeune homme ! "
Dans "le banquet", Platon écrit : "J’ai bien peur, dis-je à Socrate, de n’être pas tel que tu voudrais, mais plutôt, selon Homère, l’homme médiocre qui se rend à la table du sage sans être invité."
Dans "La République", Platon donne la parole à Socrate face à Glaucon :
"Voyons d’abord l’Etat. (...) Quelle constitution entend-on par oligarchie ? C’est la forme de gouvernement fondée sur le cens, où les riches commandent et où les pauvres n’ont point de part à l’autorité. (...) Ce trésor où chacun entasse l’or, voilà ce qui perd cette sorte de gouvernement. Tout d’abord ils découvrent des sujets de dépense et, pour y satisfaire, ils tournent les lois et ne leur obéissent plus, ni eux, ni leurs femmes. (...) Nécessairement, un tel Etat n’en est pas un, mais deux : celui des pauvres et celui des riches, qui habitent le même sol et conspirent sans cesse les uns contre les autres. (...) Il est certain que, si on n’y met aucun obstacle, les uns seront riches à l’excès et les autres indigents. (...) Il est manifeste que partout où tu vois des mendiants dans un Etat, le même endroit recèle des voleurs, des coupeurs de bourse, des sacrilèges et des malfaiteurs de toute espèce. (...) Or, comme il suffit à un petit corps débile d’un petit ébranlement du dehors pour tomber malade, que parfois même des troubles éclatent sans cause extérieure, ainsi un Etat, dans une situation analogue, devient à la moindre occasion la proie de la maladie et de la guerre intestine. (...) N’en va-t-il pas de même dans la démocratie fondée sur l’argent ? N’est-ce pas la richesse excessive qui a servi à l’établissement de l’oligarchie ? (...) Eh bien, c’est la même recherche de l’argent , le même désir insatiable, qui cause la perte de la démocratie fondée sur le même désir insatiable d’accumulation de biens. (...) La même maladie qui, née dans l’oligarchie, a causé sa ruine, naissant aussi dans la démocratie, s’y développe avec plus de force et de virulence et réduit à l’esclavage l’Etat démocratique. (...) Partageons par la pensée l’Etat démocratique en trois classes, dont il est composé. La première est la même engeance qui s’est développée à la tête de l’oligarchie. (...) Il y a ensuite une autre classe qui se distingue toujours de la multitude. C’est celle qui recherche de l’argent. (...) La troisième classe, c’est le peuple, c’est-à-dire tous les ouvriers manuels et les particuliers étrangers aux affaires publiques qui n’ont qu’un petit avoir. Dans la démocratie, ce serait la classe la plus nombreuse et donc la plus puissante si elle était assemblée. Mais elle n’est guère disposée à s’assembler. (...) Le peuple a l’habitude de choisir un favori qu’il met à sa tête et dont il nourrit et accroit le pouvoir. (...) Et le protecteur du peuple commence à se transformer en tyran. (...) C’est le moment pour tous les ambitieux qui en sont venus à ce point de recourir à la fameuse requête du tyran, de demander au peuple des gardes du corps, afin que le "défenseur du peuple" se conserve pour le servir. Et le peuple lui en donne ; car toutes ses craintes sont pour le défenseur du peuple. Pour sa propre défense, il ne fait rien : il est trop plein d’assurance. (...) Dans les premiers jours, il n’a que sourires et saluts pour tous ceux qu’il rencontre, qu’il se défend d’être un tyran, qu’il multiplie les promesses en particulier et en public, qu’il remet des dettes et partage des terres au peuple et à ses favoris et affecte la bienveillance et la douceur envers tout le monde. (...) Mais, quand il en a fini avec ses ennemis du dehors, (...) il ne cesse de susciter des guerres pour que le peuple ait besoin d’un chef. Et aussi, il se débrouille pour que les citoyens soient appauvris par les impôts et soient ainsi forcés de s’appliquer à leurs besoins journaliers et conspirent moins contre lui. Et s’il soupçonne que certains d’entre eux ont l’esprit trop indépendant pour se plier à sa domination, la guerre lui donne un prétexte de les perdre, en les livrant à l’ennemi. Pour toutes ces raisons, un tyran est toujours contraint de fomenter des guerres. (...) Ainsi, en réalité, quoiqu’en pensent certaines gens, le véritable tyran est un véritable esclave, d’une bassesse et d’une servilité extrêmes, réduit qu’il est à flatter les hommes les plus méchants, impuissant à satisfaire tant soi peu ses désirs (...) Il passe sa vie dans une frayeur continuelle, en proie à des douleurs convulsives. (...) Mais outre ces maux, il est victime de ceux que le pouvoir développe encore davantage, je veux dire l’envie, la perfidie, l’injustice, le manque d’amis. (...) Ainsi donc le sage refusera de prendre part aux affaires publiques, s’il a de telles idées ? Non par le Chien ! Il s’en occupera dans son propre Etat et activement. J’entends, répondis-t-il, tu parles de l’Etat dont nous venons de tracer le plan, et qui n’existe que dans nos discours ; car je ne crois pas qu’il y en ait un pareil en aucun lieu du monde. (...) Peu importe que cet Etat soit réalisé quelque part ou soit encore à réaliser, c’est sur celui-là et lui seul qu’il se fixera et dont il suivra les lois."
Aristophane, un ennemi :
« Les nuées », « L’assemblée des femmes », où il caricature et combat les thèses de Socrate.
Aristophane dans « Les nuées » : « Il (Socrate) se promène dans les airs, débitant toutes sortes de sottises. »
Aristophane, La pièce de théatre de satire anti-Socrate : "L’assemblée des femmes"
Aristophane contre Socrate dans "Les nuées"
Xénophon, un ami :
« Mémorables »
« Mémorables » (Ἀπομνημονευμάτων / Apomnêmoneumatôn), récits sur la vie de Socrate où Xénophon se veut le porte-parole de son ancien maître. Les « Mémorables » sont le plus connu des ouvrages consacres par Xénophon à la mort de son maître. Ce sont des dialogues socratiques. Mélange entre le traité philosophique et un livre de souvenirs. Socrate considéré comme un des pères pour la philosophie occidentale et l’un des inventeurs de la philosophie morale, a exercé une grande influence sur l’esprit de Xénophon qui passa plusieurs années à le suivre et à l’écouter s’entretenir avec toutes sortes de personnes sur toutes sortes de sujets. Ce sont ces entretiens qu’il a recueillis dans les Mémorables. Xénophon aurait commencé à écrire cette œuvre vers la fin de sa vie à partir de 370. Ces années furent marquées pour lui par des voyages et des guerres avec des péripéties de toute sorte. En effet, les Mémorables ont été écrites au lendemain de la guerre du Péloponnèse qui débute en 431.
Apologie de Socrate par Xénophon
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LE PROCÈS DE SOCRATE
La défense de Socrate :
« Anytos vous a déclaré qu’il fallait absolument me condamner à mort, parce que si j’échappais, vos fils pratiqueraient les enseignements de Socrate et se corrompraient tout entièrement ; même si vous me disiez : « Socrate, nous n’écouterons pas Anytos, et nous t’acquittons, mais à une condition, c’est que tu ne passeras plus ton temps à examiner ainsi les gens et à philosopher ; et si l’on te prend à le faire, tu mourras » et si donc vous m’acquittiez à cette condition, je vous répondrais : « Athéniens, je vous sais gré et je vous aime, mais, (…) tant que j’aurai un souffle de vie, tant que j’en serai capable, ne comptez pas que je cesse de philosopher, de vous exhorter et de vous faire la leçon. A chacun de ceux que je rencontrerai, je dirai ce que j’ai l’habitude de dire : « Comment toi, excellent homme, qui es Athénien et citoyen de la plus grande cité du monde et de la plus renommée pour sa sagesse et sa puissance, comment ne rougis-tu pas de mettre tous tes soins à amasser le plus d’argent possible et à rechercher la réputation et les honneurs, tandis que ta raison, ta conscience, ta recherche de la vérité, tout ce qui mériterait d’être sans cesse perfectionné, tu ne daignes à en prendre aucun soin, aucun souci ? » (…) Soyez persuadés que, si vous me faites mourir, sans égard à l’homme que je prétend être, ce n’est pas à moi que vous ferez le plus de mal, c’est à vous-mêmes. (…) Mais peut-être qu’il vous est paru étrange que j’aille par les rues, donnant des conseils en particulier et me mêlant des affaires des autres, et qu’en public je n’ose pas paraître dans les assemblées officielles pour donner des conseils à la république. (…) Personne ne vit très vieux s’il s’oppose publiquement à vous ou s’il veut empêcher ouvertement que se commettent beaucoup d’injustices et d’illégalités dans l’Etat. Quand on veut réellement combattre pour la justice et si l’on veut vivre quelque temps, il faut le faire de façon discrète et sans s’afficher publiquement. (…) Je ne suis pas homme à parler pour de l’argent et à me taire si on ne m’en donne pas. (…) Les arguments que je peux donner pour ma défense se réduisent à peu près à ceux-là. Mais peut-être se trouvera-t-il quelqu’un parmi vous qui s’indignera en se souvenant que l’accusé doit prier et supplier les juges à force de larmes, les attendrir le plus possible avec ses enfants, avec ses amis, tandis que moi je ne veux naturellement rien faire de tout cela, alors même que je puis me croire en but au suprême danger. (…) Pour mon honneur, pour le vôtre et celui de la cité tout entière, il ne me semble pas convenable de recourir à aucun de ces moyens. »
Allocution de Socrate face à ses juges :
"Athéniens, ceux qui cherchent à décrier votre ville vont vous reprocher d’avoir fait mourir Socrate, un sage ; car ils diront, pour vous faire honte, que j’étais un sage, bien que je ne le sois pas. Si vous aviez attendu quelque temps, la chose serait venue d’elle-même ; car vous voyez mon âge : je suis déjà avancé dans la vie et près de la mort. Ce que je dis là s’adresse à ceux qui m’ont condamné à mort. (...) Si je suis condamné ce n’est pas faute d’un discours (...) dans lequel, Socrate se lamentant, gémissant, faisant et disant une foule de choses que j’estime indignes de moi, choses que vous êtes habitués à entendre des autres accusés. (...) J’aime beaucoup mieux mourir après m’être défendu comme je l’ai fait que de vivre grâce à ces bassesses. (...) Souvent, dans les combats, on voit bien qu’on pourrait échapper à la mort en jetant les armes et en demandant quartier à ceux qui vous poursuivent. (...) Je vous prédis, à vous juges qui me faites mourir, que vous aurez à subir aussitôt après ma mort, un châtiment beaucoup plus pénible que celui que vous m’infligez en me tuant. (...) Car si vous croyez qu’en tuant les gens, vous empêcherez qu’on vous reproche de vivre mal, vous êtes dans l’erreur. (...) Sur quoi, je prend congé de vous."
rapporté par Platon dans "Apologie de Socrate"
LE CONTEXTE HISTORIQUE
La philosophie de Socrate est politique et révolutionnaire. ce n’est pas un hasard. la période se prêtait à une remise en cause de la société.
Au départ, la richesse d’Athènes, comme celle de la Grèce, n’a pas été conquise par des guerres ni par la puissance d’un Etat. Il s’agit d’un territoire d’agriculteurs qui a trouvé sa place dans le commerce régional puis international, devenant ainsi de plus en plus riche, fondant des villes prospères d’artisans, de petits commerçants et de grands négociants. La richesse a développé les inégalités : propriétaire fonciers d’un côté prolétaires agricoles de l’autre, grands négociants et travailleurs des villes et des campagnes. Et, bien entendu, les esclaves… La richesse des villes a nécessité progressivement, pour les classes dirigeantes, la mise en place d’un Etat. Mais ce n’est encore achevé à l’époque de Socrate. Il n’y a même pas de police pour l’arrêter quand il est condamné. Cependant, la richesse d’Athènes résulte de plus en plus de l’exploitation de l’empire commercial et de l’exploitation des esclaves et des travailleurs et l’oppression commence à nécessiter un régime politique d’oppression. Athènes résout le problème en développant son impérialisme par un développement de son armée et par des conquêtes militaires… La fuite en avant du militarisme est rendue indispensable par le développement des contradictions sociales.
Une cinquantaine d’années séparent la fin des Guerres médiques (480 av. J.-C. environ) du début de la Guerre du Péloponnèse (430 av. J.-C. environ). Cette période, décrite par Thucydide, correspond dans les faits à l’âge d’or de la cité d’Athènes, période dont la figure principale reste Périclès, la cité marquant alors son hégémonie sur l’ensemble du monde grec. Celui-ci voit la montée progressive de l’impérialisme athénien : grâce à la puissance de sa flotte mise sur pied par Thémistocle, Athènes impose sa mainmise sur ses alliés de la ligue de Délos, créée à l’origine pour combattre la menace de l’empire achéménide. La guerre oppose d’abord Athènes à Corinthe et Mégare. Sparte s’oppose à l’impérialisme athénien, ouvrant la guerre du Péloponnèse. Athènes tente de profiter de l’affaiblissement de Sparte, dû notamment à la révolte des Hilotes. Partout, Athènes feint d’intervenir pour mettre en place la démocratie mais la ville construit son empire commercial.
En -431, début de la guerre du Péloponnèse qui ouvre l’époque la plus mouvementée de l’histoire d’Athènes. Les révolutions se sont succédées en Grèce de -411 à -403.
En -429, mort de Périclès.
Progressivement, l’impopularité d’Athènes grandit et son impérialisme est contesté en Grèce.
En -415, Alcibiade lance une offensive en Sicile qui se termine par un échec puis Alcibiade, jugé, passa dans le camp de Sparte.
En -406, Alicibiade étant à nouveau jugé et exilé, Socrate devient président du Conseil d’Athènes.
Athènes se reprend en un dernier sursaut, promettant la citoyenneté aux métèques et aux esclaves pour constituer une flotte qui bat Callicratidas à la Bataille des îles Arginuses. Ce succès est cependant terni par la mise à mort des stratèges victorieux (dont Périclès le Jeune et Thrasyle ). Athènes, dans un accès de colère, élimine donc elle-même ses meilleurs généraux.
C’est par réprobation de ces décisions que Socrate va se retirer définitivement de la vie politique publique.
Lysandre, remplaçant Callicratidas mort aux Arginuses, reprend le commandement de la flotte spartiate. La flotte athénienne, en position dans les Dardanelles afin de garantir la route du blé venant de Mer Noire, est surprise et écrasée à Aigos Potamos. Les dernières sources de ravitaillement d’Athènes disparaissent avec sa flotte. Athènes aux abois tente de résister encore : elle offre le droit de cité aux Samiens, derniers alliés fidèles, et consolide ses fortifications. Mais, soumise au blocus terrestre et maritime, accablée par la famine, elle doit capituler en 404.
La paix contraint Athènes à dissoudre la ligue de Délos, à détruire les Longs Murs et les fortifications du Pirée et à livrer sa flotte, sauf douze navires.
Elle entre dans la ligue du Péloponnèse et la démocratie est remplacée par la tyrannie des Trente.
Athènes entre dans la ligue du Péloponnèse et la démocratie est remplacée par la tyrannie des Trente.
Sous la tyrannie des Trente, qui dura huit mois, il fut interdit à Socrate d’enseigner. On lui intima l’ordre de procéder à l’arrestation d’un citoyen, Léon, qu’il considérait comme innocent. Il refusa de se soumettre à cet acte inique. Il échappa par chance aux purges des Trente. Socrate est à la veille de sa propre arrestation, mais la dictature tombe.
Socrate ne fait, officiellement, plus de politique mais, sous couvert d’une université gratuite en plein air, il constitue un groupe de jeunes révolutionnaires dont il espère qu’ils vont changer la société et fonder une société socialiste. Les classes dirigeantes averties décident d’en finir et le condamnent à mort.
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TEXTES DE PLATON SUR LE PROCES DE SOCRATE
La mort de Socrate, citoyen d’Athènes et philosophe condamné à boire la ciguë par sa Cité en 399 avant notre ère, est presque aussi connue que celle de Jésus de Nazareth, et reste dans les esprits comme le symbole du scandale de la mise à mort d’un innocent. Ce procès nous est connu par le témoignage contemporain de deux disciples de Socrate, Platon et Xénophon. C’est au premier qu’on s’intéresse ici. Il nous livre dans les trois textes de l’Eutyphron, l’Apologie de Socrate et le Criton des œuvres consacrées aux dernières semaines de Socrate, du procès et de la condamnation qui s’ensuivit, à son exécution, un mois après, par empoisonnement.
L’Apologie (étymologiquement, en grec, le discours de défense présenté par l’accusé à son procès) représente bien plus que la simple retranscription du discours prononcé par Socrate devant ses juges. Tout en respectant la forme qu’il a dû prendre et son contenu probable, Platon écrit un véritable éloge de son maître, qui a su rester tout au long du procès fidèle à ses principes. Le contradicteur de Socrate est ici Mélétos, un poète, qui – avec l’appui du riche tanneur et puissant démocrate, Anytos, et celui de Lycon, un orateur peu connu – a déposé plainte auprès de l’archonte-roi et accusé Socrate non seulement d’être impie (en introduisant de nouvelles divinités et en refusant les cultes civiques traditionnels), mais encore, par son enseignement, de corrompre la jeunesse. Le procès se déroule devant les héliastes, jury composé de plusieurs centaines de citoyens tirés au sort et chargés de trancher dans les actions publiques. L’accusé n’avait pas d’avocat pour se défendre et prononçait son propre plaidoyer (il pouvait avoir recours aux services d’un logographe, sorte d’écrivain public spécialisé dans la rédaction de plaidoyers, ce que Socrate ne fit pas). Le procès se déroulait en trois temps : l’accusé prononçait un premier discours destiné à réfuter les arguments de la partie adverse ; puis le jury décidait de la culpabilité ou de la non culpabilité de l’accusé ; ensuite, s’il était jugé coupable, chacune des parties prononçait un nouveau discours proposant une peine ; le jury devait choisir entre l’une des deux. Enfin, une fois le châtiment connu, l’accusé tenait son dernier discours. L’Apologie montre bien cette triple articulation. Socrate réfute tout d’abord les accusations qu’on a portées contre lui ; il propose ensuite comme « peine » d’être nourri au Prytanée, c’est-à-dire nourri aux frais de la Cité ; il prononce enfin un dernier discours une fois sa condamnation à mort arrêtée.
L’Eutyphron, écrit peu après l’Apologie, sans doute à l’occasion du retour de Platon à Athènes en 396 av. J.-C., vise à illustrer, comme l’indique son sous-titre, « De la piété », la véritable et profonde piété de Socrate et l’inanité des chefs d’accusation religieux portés contre lui. Son interlocuteur est ici le devin Eutyphron, qui le rencontre à l’occasion de son dépôt de plainte devant l’archonte-roi contre son propre père, au motif que celui-ci a puni un esclave meurtrier d’un autre esclave, et que cette punition, par négligence du père d’Eutyphron, a entraîné la mort du serviteur coupable. Socrate lui fait part de l’accusation portée contre lui par Mélétos, puis la discussion se porte sur la piété. Par sa méthode maïeutique, Socrate le trouble et lui fait comprendre les contradictions de sa pensée. Il ne cesse de l’interroger, et le devin fier de son savoir finit par s’avouer vaincu par les questions et la feinte ignorance de Socrate.
Le Criton vient compléter le portrait du philosophe, en présentant son respect des lois de la Cité qui l’a vu naître, Athènes. Alors que son ami Criton vient lui signifier en prison qu’il a organisé son évasion, Socrate refuse de le suivre et décide de mourir dans la dignité, illustrant ainsi sa profonde conviction que faire de la philosophie, c’est se préparer à mourir. Dans la célèbre « prosopopée des Lois », Socrate fait imaginer à Criton le dialogue qu’il pourrait avoir avec les Lois personnifiées, qui interrogent ainsi le philosophe lui-même sur sa conception du devoir du citoyen.
La lecture de ces trois textes doit inciter à la prudence : ils sont l’œuvre de Platon et non de Socrate, qui, lui, n’a jamais rien écrit. Il n’est donc pas sûr que ce soit un témoignage objectif, et l’enseignement est peut-être plus empreint de platonisme que de véritable socratisme. Il s’agit néanmoins d’œuvres de jeunesse, et l’objectif de Platon est de toute évidence la réhabilitation de son maître.
Quant aux raisons du procès, il faut garder à l’esprit le contexte historique. Athènes connaît alors une grave crise politique ; elle a perdu la guerre du Péloponnèse et Sparte y a imposé un régime oligarchique sanglant. La démocratie est rapidement rétablie, mais le climat est à la méfiance et au découragement. Le peuple finit par soupçonner les intellectuels, habiles orateurs et penseurs audacieux, d’avoir miné les valeurs qui avaient fait la grandeur d’Athènes et, en définitive, d’être la cause de sa défaite face à Sparte. On comprend mieux, dès lors, pourquoi Socrate a pu être accusé de « corrompre la jeunesse », et pourquoi il constituait le bouc émissaire idéal dans une Cité en plein désarroi.
Sébastien Dalmon
( Mis en ligne le 05/09/2004 )
APOLOGIE DE SOCRATE.
De Platon
[17a] Je ne sais, Athéniens, quelle impression mes accusateurs ont faite sur vous. Pour moi, en les entendant, peu s’en est fallu que je ne me méconnusse moi-même, tant ils ont parlé d’une manière persuasive ; et cependant, à parler franchement, ils n’ont pas dit un mot qui soit véritable.
Mais, parmi tous les mensonges qu’ils ont débités, ce qui m’a le plus surpris, c’est lorsqu’ils vous ont recommandé de vous bien
[17b] tenir en garde contre mon éloquence ; car, de n’avoir pas craint la honte du démenti que je vais leur donner tout à l’heure, en faisant voir que je ne suis point du tout éloquent , voilà ce qui m’a paru le comble de l’impudence, à moins qu’ils n’appellent éloquent celui qui dit la vérité. Si c’est là ce qu’ils veulent dire, j’avoue alors que je suis un habile orateur, mais non pas à leur manière ; car, encore une fois, ils n’ont pas dit un mot qui soit véritable ; et de ma bouche vous entendrez la vérité toute entière, non pas, il est vrai, Athéniens, dans les discours étudiés, comme ceux le mes adversaires, et brillants de
[17c] tous les artifices du langage, mais au contraire dans les termes qui se présenteront à moi les premiers ; en effet, j’ai la confiance que je ne dirai rien qui ne soit juste. Ainsi que personne n’attende de moi autre chose. Vous sentez bien qu’il ne me siérait guère, à mon âge, de paraître devant vous comme un jeune homme qui s’exerce à bien parler. C’est pourquoi la seule grâce que je vous demande, c’est que, si vous m’entendez employer pour ma défense le même langage dont j’ai coutume de me servir dans la place publique, aux comptoirs des banquiers, où vous m’avez souvent entendu, ou partout ailleurs, vous n’en soyez pas surpris, et ne vous emportiez pas contre moi ; car c’est aujourd’hui la première fois de ma vie que je parais devant un tribunal,
[17d] à l’âge de plus de soixante-dix ans ; véritablement donc je suis étranger au langage qu’on parle ici. Eh bien ! de même que, si j’étais réellement un étranger, vous me laisseriez parler dans
[18a] la langue et à la manière de mon pays, je vous conjure, et, je ne crois pas vous faire une demande injuste, de me laisser maître de la forme de mon discours, bonne ou mauvaise et de considérer seulement ; mais avec attention, si ce que je dis est juste ou non : c’est en cela que consiste toute la vertu du juge ; celle de l’orateur est de dire la vérité.
D’abord, Athéniens, il faut que je réfute les premières accusations dont j’ai été l’objet, et mes premiers, accusateurs ; ensuite les accusateurs, récentes et les accusateurs qui viennent de
[18b] s’élever contre moi. Car, Athéniens, j’ai beaucoup d’accusateurs auprès de vous, et depuis bien des années, qui n’avancent rien qui ne soit faux, et que pourtant je crains plus qu’Anytus et ceux, qui se joignent à lui, bien que ceux-ci soient très redoutables ; mais les autres le sont encore beaucoup plus. Ce sont eux, Athéniens, qui, s’emparant de la plupart d’entre vous dès votre enfance, vous ont répété, et vous ont fait accroire qu’il y a un certain Socrate, homme savant, qui s’occupe de ce qui se passe dans le ciel et sous la terre, et qui d’une mauvaise cause en sait faire une bonne.
[18c] Ceux qui répandent ces bruits, voilà mes vrais accusateurs ; car, en les entendant, on se persuade que les hommes, livrés à de pareilles recherches, ne croient pas qu’il y ait des Dieux. D’ailleurs, ces accusateurs sont en fort grand nombre, et il y a déjà longtemps qu’ils travaillent à ce complot et puis, ils vous ont prévenus de cette opinion dans l’âge de la crédulité ; car alors vous étiez enfants pour la plupart, ou dans la première jeunesse : ils m’accusaient donc auprès de vous tout à leur aise, plaidant contre un homme qui ne se défend pas ; et ce qu’il y a de plus bizarre, c’est
qu’il ne m’est pas permis de connaître, ni de nommer
[18d] mes accusateurs, à l’exception d’un certain faiseur de comédies. Tous ceux qui, par envie et pour me décrier, vous ont persuadé ces faussetés, et ceux qui, persuadés eux-mêmes, ont persuadé les autres, échappent à toute poursuite, et je ne puis ni les appeler devant vous, ni les réfuter ; de sorte que je me vois réduit à combattre des fantômes, et à me défendre sans que personne m’attaque. Ainsi mettez-vous dans l’esprit que j’ai affaire à deux sortes d’accusateurs, comme je viens de le dire ; les uns qui m’ont accusé depuis longtemps, les autres qui m’ont cité en dernier lieu ; et croyez, je vous prie,
[18e] qu’il est nécessaire que je commence par répondre aux premiers ; car ce sont eux que vous avez d’abord écoutés, et ils ont fait plus d’impression sur vous que les autres.
Eh bien donc, Athéniens, il faut se défendre,
[19a] et tâcher d’arracher de vos esprits une calomnie qui y est déjà depuis longtemps, et cela en aussi peu d’instants. Je souhaite y réussir, s’il en peut résulter quelque bien pour vous et pour moi ; je souhaite que cette défense me serve ; mais je regarde la chose comme très difficile, et je ne m’abuse point à cet égard. Cependant qu’il arrive tout ce qu’il plaira aux dieux, il faut obéir à la loi, et se défendre.
Reprenons donc dans son principe l’accusation
[19b] sur laquelle s’appuient mes calomniateurs, et qui a donné à Mélitus la confiance de me traduire devant le tribunal. Voyons ; que disent mes calomniateurs ? Car il faut mettre leur accusation dans les formes, et la lire comme si, elle était écrite, et le serment prêté : Socrate est un homme dangereux, qui, par une curiosité criminelle, veut pénétrer ce qui se passe dans le ciel et sous la terre, fait une bonne cause d’une mauvaise,
[19c] et enseigne aux autres ces secrets pernicieux. Voilà l’accusation ; c’est ce que vous avez vu dans la comédie d’Aristophane, où l’on représente un certain Socrate, qui dit qu’il se promène dans les airs, et autres semblables extravagances sur des choses où je n’entends absolument rien ; et je ne dis pas cela pour déprécier ce genre de connaissances, s’il y a quelqu’un qui y soit habile (et que Mélitus n’aille pas me faire ici de nouvelles affaires) ; mais c’est qu’en effet ; je ne me suis jamais mêlé de ces matières, et je puis en prendre à témoin la plupart d’entre vous. Je vous conjure donc tous tans que vous êtes avec qui j’ai conversé, et il y en a ici un fort grand nombre, je vous conjure de déclarer si, vous m’avez jamais entendu parler de ces sortes de sciences, ni de près ni de loin ; Par-là, vous jugerez des autres parties de l’accusation, où il n’y a pas un mot de vrai. Et si l’on vous dit que je me mêle d’enseigner, et que j’exige un salaire, c’est encore une fausseté. Ce n’est pas que je ne trouve fort beau de pouvoir instruire les hommes, comme font Gorgias de Léontium, Prodicus de Coos ; et Hippias d’Élis. Ces illustres personnages parcourent toute la Grèce, attirant les jeunes gens qui pourraient, sans aucune dépense, s’attacher
[20a] à tel de leurs concitoyens qu’il leur plairait de choisir ; ils savent leur persuader de laisser là leurs concitoyens, et de venir à eux : ceux-ci les paient bien, et leur ont encore beaucoup d’obligation. J’ai ouï dire aussi qu’il était arrivé ici un homme de Paros, qui est fort habile ; car m’étant trouvé l’autre jour chez un homme qui dépense plus en sophistes que tous nos autres, citoyens ensemble, Callias, fils d’Hipponicus ; je m’avisai de lui dire, en parlant de ses deux fils : Callias, si, pour enfants, tu avais deux jeunes chevaux ou
[20b] deux jeunes taureaux, ne chercherions-nous pas à les mettre entre les mains d’un habile homme, que nous paierions bien, afin qu’il les rendît aussi beaux et aussi bons qu’ils peuvent être, et qu’il leur donnât toutes les perfections de leur nature ? Et cet homme, ce serait probablement un cavalier ou un laboureur. Mais, puisque pour enfants tu as des hommes, à qui as-tu résolu de les confier ? Quel maître avons-nous en ce genre, pour les vertus de l’homme et du citoyen ? Je m’imagine qu’ayant des enfants ; tu as dû penser à cela ? As-tu quelqu’un ? lui dis-je. Sans doute, me répondit-il. Et qui donc ? repris-je ; D’où est-il ? Combien prend-il ? C’est Évène, Socrate, me répondit Callias ; il est de Paros, et prend cinq mines. Alors je félicitai Évène, s’il était vrai qu’il eût ce talent, et qu’il l’enseignât à si bon marché. Pour moi, j’avoue
[20c] que je serais bien fier et bien glorieux, si j’avais cette habileté ; mais malheureusement je ne l’ai point, Athéniens.
Et ici quelqu’un de vous me dira sans doute :
Mais, Socrate, que fais-tu donc ? Et d’où viennent ces calomnies que l’on a répandues contre toi ? Car si tu ne faisais rien de plus ou autrement que les autres, on n’aurait jamais tant parlé de toi. Dis-nous donc ce que c’est, afin que nous ne portions pas un jugement téméraire.
[20d] Rien de plus juste assurément qu’un pareil langage ; et je vais tâcher de vous expliquer ce qui m’a fait tant de réputation et tant d’ennemis. Écoutez-moi ; quelques-uns de vous croiront peut-être que je ne parle pas sérieusement ; mais soyez bien persuadés que je ne vous dirai que la vérité. En effet, Athéniens, la réputation que j’ai acquise vient d’une certaine sagesse qui est en moi. Quelle est cette sagesse ? C’est peut-être une sagesse purement humaine ; et je cours grand risque de n’être sage que de celle-là, tandis que les hommes dont je viens de vous parler
[20e] sont sages d’une sagesse bien plus qu’humaine. Je n’ai rien à vous dire de cette sagesse supérieure, car je ne l’ai point ; et qui le prétend en impose et veut me calomnier. Mais je vous conjure, Athéniens, de ne pas vous émouvoir, si ce que je vais vous dire vous paraît d’une arrogance extrême ; car je ne vous dirai rien qui vienne de moi, et je ferai parler devant vous une autorité digne de votre confiance ; je vous donnerai de ma sagesse un témoin qui vous dira si elle est, et quelle elle est ; et ce témoin c’est le dieu de Delphes. Vous connaissez tous
[21a] Chérephon, c’était mon ami d’enfance ; il l’était aussi de la plupart d’entre vous ; il fut exilé avec vous, et revint avec vous. Vous savez donc quel homme c’était que Chérephon , et quelle ardeur il mettait dans tout ce qu’il entreprenait. Un jour, étant allé à Delphes, il eut la hardiesse de demander à l’oracle (et je vous prie encore une fois de ne pas vous émouvoir de ce que je vais dire ) ; il lui demanda s’il y avait au monde un homme plus sage que moi : la Pythie lui répondit qu’il n’y en avait aucun. A défaut de Chérephon, qui est mort, son frère, qui est ici,
[21b] pourra vous le certifier. Considérez bien, Athéniens, pourquoi je vous dis toutes ces choses, c’est uniquement pour vous faire voir d’où viennent les bruits qu’on a fait courir contre moi.
Quand je sus la réponse de l’oracle, je me dis en moi-même : que veut dire le dieu ? Quel sens cachent ses paroles ? Car je sais bien qu’il n’y a en moi aucune sagesse, ni petite ni grande ; Que veut-il donc dire, en me déclarant le plus sage des hommes ? Car enfin il ne ment point ; un dieu ne saurait mentir. Je fus longtemps dans une extrême perplexité sur le sens de l’oracle, jusqu’à ce qu’enfin, après bien des incertitudes, je pris le parti que vous allez entendre pour
[21c] connaître l’intention du dieu. J’allai chez un de nos concitoyens, qui passe pour un des plus sages de la ville ; et j’espérais que là, mieux qu’ailleurs, je pourrais confondre l’oracle, et lui dire : Tu as déclaré que je suis le plus sage des hommes, et celui-ci est plus sage que moi. Examinant donc cet homme, dont je n’ai que faire de vous dire le nom, il suffit que c’était un de nos plus grands politiques, et m’entretenant avec lui, je trouvai qu’il passait pour sage aux yeux de tout le monde, surtout aux siens, et qu’il ne l’était point. Après cette découverte, je m’efforçai de lui faire voir qu’il n’était nullement ce qu’il croyait être ; et voilà déjà ce qui me rendit odieux
[21d] à cet homme et à tous ses amis, qui assistaient à notre conversation. Quand je l’eus quitté, je raisonnai ainsi en moi-même : Je suis plus sage que cet homme. Il peut bien se faire que ni lui ni moi ne sachions rien de fort merveilleux ; mais il y a cette différence que lui , il croit savoir, quoiqu’il ne sache rien ; et que moi, si je me sais rien, je ne crois pas non plus savoir. Il me semble donc qu’en cela du moins je suis un peu plus sage, que je ne crois pas savoir
[21e] ce que je ne sais point. De là, j’allai chez un autre, qui passait encore pour plus sage que le premier ; je trouvai la même chose, et je-me fis là de nouveaux ennemis. Cependant je ne me rebutai point ; je sentais bien quelles haines j’assemblais sur moi ; j’en étais affligé, effrayé même : Malgré cela, je crus que je devais préférer à toutes choses la voix du dieu, et, pour en trouver le véritable sens, aller de porte en porte chez tous ceux
[22a] qui avaient le plus de réputation ; et je vous jure, Athéniens, car il faut vous dire la vérité, que voici le résultat que me laissèrent mes recherches : Ceux qu’on vantait le plus me satisfirent le moins, et ceux dont on n’avait aucune opinion, je les trouvai beaucoup plus près de la sagesse. Mais il faut achever de vous raconter mes courses et les travaux que j’entrepris. Pour m’assurer de la vérité de l’oracle. Après les politiques, je m’adressai
[22b] aux poètes tant à ceux qui font des tragédies, qu’aux poètes dithyrambiques et autres, ne doutant point que je ne prisse là sur le fait mon ignorance et leur supériorité. Prenant ceux de leurs ouvrages qui me paraissaient travaillés avec le plus de soin, je leur demandai ce qu’ils avaient voulu dire, désirant m’instruire dans leur entretien. J’ai honte, Athéniens, de vous dire la vérité ; mais il faut pourtant vous la dire. De tous ceux qui étaient là présents, il n’y en avait presque pas un qui ne fut capable de rendre compte de ces poèmes mieux que ceux qui les avaient faits. Je reconnus donc bientôt que ce n’est pas la raison qui, dirige le poète, mais une sorte d’inspiration naturelle,
[22c] un enthousiasme semblable à celui qui transporte le prophète et le devin, qui disent tous de fort belles choses, mais sans rien comprendre, à ce qu’ils disent. Les poètes me parurent dans Je même cas, et je m’aperçus en même temps qu’à cause de leur talent pour la poésie, ils se croyaient sur tout le reste les plus sages des hommes ; ce qu’ils n’étaient en aucune manière. Je les quittai donc, persuadé que j’étais au-dessus d’eux, par le même endroit qui m’avait mis au-dessus des politiques.
[22d] Des poètes, je passai aux artistes. J’avais la con-science de n’entendre rien aux arts, et j’étais bien persuadé que les artistes possédaient mille secrets admirables, en quoi je ne me trompais point. Ils savaient bien des choses que j’ignorais ; et en cela ils étaient beaucoup plus habiles que moi.. Mais, Athéniens, les plus habiles me parurent tomber dans les mêmes défauts que les poètes ; il n’y en avait pas un qui, parce qu’il excellait, dans son art, ne crut très-bien savoir les choses les plus importantes, et cette folle présomption
[22e] gâtait leur habileté ; de sorte que, me mettant à la place de l’oracle, et me demandant à moi-même lequel j’aimerais mieux ou d’être tel que je suis, sans leur habileté et aussi sans leur ignorance ; ou d’avoir leurs avantages avec leurs défauts ; je me répondis à moi-même et à l’oracle : J’aime mieux être comme je suis. Ce sont ces recherchés, Athéniens, qui ont excité contre
[23a] moi tant d’inimitiés dangereuses ; de là toutes les calomnies répandues sur mon compte, et ma réputation de sage ; car tous ceux qui m’entendent croient que je sais toutes les choses sur lesquelles je démasque l’ignorance des autres. Mais, Athéniens, la vérité est qu’Apollon seul est sage, et qu’il a voulu dire seulement, par son oracle, crue toute la sagesse humaine n’est pas grand’chose, ou même qu’elle n’est rien ; et il est évident que l’oracle ne parle pas ici de moi, mais qu’il s’est servi de mon nom comme d’un
[23b] exemple, et comme s’il eût dit à tous les hommes : Le plus sage d’entre vous, c’est celui qui, comme Socrate, reconnaît que sa sagesse n’est rien. Convaincu de cette vérité, pour m’en assurer encore davantage, et pour obéir au dieu, je continue ces recherches, et vais examinant tous ceux de nos concitoyens et des étrangers, en qui j’espère trouver la vraie sagesse ; et quand je ne l’y trouve point, je sers d’interprète à l’oracle, en leur faisant voir qu’ils ne sont point sages. Cela m’occupe si fort, que je n’ai pas eu le temps d’être un peu utile à la république, ni à ma
[23c] famille ; et mon dévouement au service du dieu m’a mis dans une gêne extrême. D’ailleurs ; beaucoup de jeunes gens, qui ont du loisir, et qui appartiennent à de riches familles, s’attachent à moi, et prennent un grand plaisir à voir de quelle manière j’éprouve les hommes ; eux-mêmes ensuite tâchent de m’imiter, et se mettent à éprouver ceux qu’ils rencontrent ; et je ne doute pas qu’ils ne trouvent une abondante moisson ; car il ne manque pas de gens qui croient tout savoir, quoiqu’ils ne sachent rien, ou très-peu de chose. Tous ceux qu’ils convainquent ainsi d’ignorance s’en prennent à moi, et non pas à eux, et vont disant qu’il y a un certain Socrate,
[23d] qui est une vraie peste pour les jeunes gens ; et quand on leur demande ce que fait ce Socrate, ou ce qu’il enseigne, ils n’en savent rien ; mais, pour ne pas demeurer court, ils mettent en avant ces accusations banales qu’on fait ordinairement aux philosophes, qu’il recherche ce qui se passe dans le ciel et sous la terre ; qu’il ne croit point aux dieux, et qu’il rend bonnes les plus mauvaises causes ; car ils n’osent dire ce qui en est, que Socrate les prend sur le fait, et montre qu’ils
[23e] font semblant de savoir, quoiqu’ils ne sachent rien. Intrigants, actifs et nombreux, parlant de moi d’après un plan concerté et avec une éloquence fort capable de séduire, ils vous ont depuis longtemps rempli les oreilles des bruits les plus perfides, et poursuivent sans relâche leur système de calomnie. Aujourd’hui ils me détachent Mélitus, Anytus et Lycon.
[24a] Mélitus représente les poètes ; Anytus, les politiques et les artistes ; Lycon, les orateurs. C’est pourquoi, comme je le disais au commencement, je regarderais comme un miracle, si, en aussi peu de temps, je pouvais détruire une calomnie qui a déjà de vieilles racines dans vos esprits.
Vous avez entendu, Athéniens, la vérité toute pure ; je ne vous cache et ne vous déguise rien, quoique je n’ignore pas que tout ce que je dis ne fait qu’envenimer la plaie ; et c’est cela même qui prouve que je dis la vérité, et que
[24b] je ne me suis pas trompé sur la source de ces calomnies : et vous vous en convaincrez aisément, si vous voulez vous donner la peine d’approfondir cette affaire, ou maintenant ou plus tard.
Voilà contre mes premiers accusateurs une apologie suffisante ; venons présentement aux derniers, et tâchons de répondre à Mélitus, cet homme de bien, si attaché à sa patrie, à ce qu’il assure. Reprenons cette dernière accusation comme nous avons fait la première ; voici à peu près comme elle est concile : Socrate est coupable, en ce qu’il corrompt les jeunes gens, ne reconnait pas la religion de l’état, et met à
[24c] la place des extravagances démoniaques ". Voilà l’accusation ; examinons-en tous les chefs l’un après l’autre.
Il dit que je suis coupable, en ce que je corromps les jeunes gens. Et moi, Athénièns, je dis que c’est Mélitus qui est coupable, en ce qu’il se fait un jeu des choses sérieuses, et, de gai té de, cœur, appelle les gens en justice pour faire semblant de se soucier beaucoup de choses dont il ne s’est jamais mis en peine ; et je m’en vais vous le prouver. Viens ici, Mélitus ; dis-moi : Y a-t-il rien que tu aies tant à cœur que de rendre les
[24d] jeunes gens aussi vertueux qu’ils peuvent l’être ?
MÉLITUS.
Non, sans doute.
SOCRATE.
Eh bien donc, dis à nos juges qui est-ce qui est capable de rendre les jeunes gens meilleurs ? Car il ne faut pas douter que tu ne le saches, puisque cela t’occupe si fort. En effet, puisque tu as découvert celui qui les corrompt, et que tu l’as dénoncé devant ce tribunal, il faut que tu dises qui est celui qui peut les rendre meilleurs. Parle, Mélitus .... tu vois que tu es interdit, et ne sais que répondre : cela ne te semble-t-il pas honteux, et n’est-ce pas une preuve certaine que tu ne t’es jamais soucié de l’éducation de la jeunesse ? Mais, encore une fois, digne Mélitus, dis-nous qui peut rendre les jeunes gens meilleurs ?
MÉLITUS.
[24e] Les lois.
SOCRATE.
Ce n’est pas là, excellent Mélitus, ce que je te demande. Je te demande qui est-ce ? Quel est l’homme ? Il est bien sûr que la première chose qu’il faut que cet homme sache, ce sont les lois.
MÉLITUS.
Ceux que tu vois ici, Socrate ; les juges.
SOCRAT E.
Comment dis-tu, Mélitus ? Ces juges sont capables d’instruire les jeunes gens, et de les rendre meilleurs ?
MÉLITUS.
Certainement.
SOCRATE.
Sont-ce tous ces juges, ou y en a-t-il parmi eux qui le puissent, et d’autres qui ne le puissent pas ?
MÉLITUS.
Tous.
SOCRATE.
A merveille, par Junon ; tu nous as trouvé un grand nombre de bons précepteurs. Mais poursuivons ; et tous ces citoyens qui nous écoutent, peuvent-ils aussi rendre les jeunes
[25a] gens meilleurs, ou ne le peuvent-ils pas ?
MÉLITUS :
Ils le peuvent aussi.
SOCRATE.
Et les sénateurs ?
MÉLITUS.
Les sénateurs aussi.
SOCRATE.
Mais, mon cher Mélitus, tous ceux qui assistent aux assemblées du peuple ne pourraient-ils donc pas corrompre la jeunesse, ou sont-ils aussi tous capables de la rendre vertueuse ?
MÉLITUS :
Ils en sont tous capables.
SOCRATE.
Ainsi, selon toi, tous les Athéniens peuvent être utiles à la jeunesse ; hors moi ; il n’y a que moi qui la corrompe : n’est-ce pas là ce que tu dis ?
MÉLITUS.
C’est cela même.
SOCRATE.
En vérité, il faut que j’aie bien du malheur ; mais continue de me répondre. Te paraît-il qu’il en soit de même des chevaux ? Tous les hommes
[25b] peuvent-ils les rendre meilleurs, et n’y en a-t-il qu’un seul qui ait le secret de les gâter ? Ou est-ce tout le contraire ? N’y a-t-il qu’un seul homme, ou un bien petit nombre, savoir les écuyers, qui soient capables de les dresser ? Et les autres hommes, s’ils veulent les monter et s’en servir, ne les gâtent-ils pas ? N’en est-il pas de-même de tous les animaux ? Oui, sans doute, soit qu’Anytus et toi, vous en conveniez ou que vous n’en conveniez point ; et, en vérité, ce serait un grand bonheur pour la jeunesse, qu’il n’y eût
[25c] qu’un seul homme qui pût la corrompre, et que tous les autres pussent la rendre vertueuse. Mais tu as suffisamment prouvé, Mélitus, que l’éducation de la jeunesse ne t’a jamais fort inquiété ; et tes discours viennent de faire paraître clairement que tu ne t’es jamais occupé de la chose même pour laquelle tu me poursuis.
D’ailleurs, je t’en prie, au nom de Jupiter, Mélitus, réponds à ceci : Lequel est le plus avantageux d’habiter avec des gens de bien, ou d’habiter avec des méchants ? Réponds-moi, mon ami ; car je ne te demande rien de difficile. N’est-il pas vrai que les méchants font toujours quelque mal à ceux qui les fréquentent, et que les bons font toujours quelque bien à ceux qui vivent avec eux ?
MELITUS.
Sans doute.
SOCRATE.
[25d] Y a-t-il donc quelqu’un qui aime mieux recevoir du préjudice de la part de ceux qu’il fréquente, que d’en recevoir de l’utilité ? Réponds-moi, Mélitus ; car la loi ordonne de répondre. Y a-t-il quelqu’un qui aime mieux recevoir du mal que du bien ?
MÉLITUS.
Non, il n’y a personne.
SOCRATE.
Mais voyons, quand tu m’accuses de corrompre la jeunesse, et de la rendre plus méchante, dis-tu que je la corromps à dessein, ou sans le vouloir ?
MÉLITUS.
A dessein.
SOCRATE.
Quoi donc ! Mélitus, à ton âge, ta sagesse surpasse-t-elle de si loin la mienne à l’âge ou je suis parvenu, que tu saches fort bien que les méchants fassent toujours du mal à ceux qui
[25e] les fréquentent et que les bons leur font du bien, et que moi je sois assez ignorant pour ne savoir pas qu’en rendant méchant quelqu’un de ceux qui ont avec moi un commerce habituel, je m’expose à en recevoir du mal, et pour ne pas laisser malgré cela de m’attirer ce mal, le voulant et le sachant ? En cela, Mélitus, je ne te crois point, et je ne pense pas qu’il y ait un homme au monde qui puisse te croire. Il faut de deux choses l’une, ou que je ne corrompe pas les
[26a] jeunes gens ; ou, si je les corromps, que ce soit malgré moi, et sans le savoir : et, dans tous les cas, tu es un imposteur. Si c’est malgré moi que je corromps la jeunesse, la loi ne veut pas qu’on appelle en justice pour des fautes involontaires ; mais elle veut qu’on prenne en particulier ceux qui les commettent, et qu’on les instruise ; car il est bien sûr qu’étant instruit, je cesserai de faire ce que, je fais malgré moi : mais tu t’en es bien gardé ; tu n’as pas voulu me voir et m’instruire, et tu me traduis devant ce tribunal, où la loi veut qu’on cite ceux qui ont mérité des punitions, et non pas ceux qui n’ont besoin que de remontrances. Ainsi, Athéniens, voilà une
[26b] preuve bien évidente de ce que je vous disais, que Mélitus ne s’est jamais mis en peine de toutes ces choses-là, et qu’il n’y a jamais pensé. Cependant, voyons ; dis-nous comment je corromps les jeunes gens : n’est-ce pas, selon ta dénonciation écrite, en leur apprenant à ne pas reconnaître les dieux que reconnaît la patrie, et en leur enseignant des extravagances sur les démons ? N’est-ce pas là ce que tu dis ?
MÉLITUS.
Précisément.
SOCRATE.
Mélitus, au nom de ces mêmes dieux dont il s’agit maintenant, explique-toi d’une manière un
[26c] peu plus claire, et pour moi et pour ces juges ; car je ne comprends pas si tu m’accuses d’enseigner qu’il y a bien des dieux (et dans ce cas, si je crois qu’il y a des dieux, je ne suis donc pas entièrement athée, et ce n’est pas là en quoi je suis coupable), mais des dieux qui ne sont pas ceux de l’état : est-ce là de quoi tu m’accuses ? ou bien m’accuses-tu de n’admettre aucun dieu, et d’enseigner aux autres à n’en reconnaître aucun ?
MÉLITUS.
[26d] Je t’accuse de ne reconnaître aucun dieu.
SOCRATE.
O merveilleux Mélitus ! pourquoi dis-tu cela ? Quoi ! je ne crois pas, comme les autres hommes, que le soleil et la lune sont des Dieux ?
MÉLITUS.
Non, par Jupiter, Athéniens, il ne le croit pas ; car il dit que le soleil est une pierre, et la lune une terre.
SOCRATE.
Tu crois accuser Anaxagore, mon cher Mélitus, et tu méprises assez nos juges, tu les crois assez ignorants, pour penser qu’ils ne savent pas que les livres d’Anaxagore de Clazomène sont pleins de pareilles assertions. D’ailleurs, les jeunes gens viendraient-ils chercher auprès de moi avec tant d’empressement une doctrine qu’ils pourraient aller à tout moment entendre débiter à
[26e] l’orchestre, pour une dragme tout au plus, et qui leur donnerait une belle occasion de se moquer de Socrate, s’il s’attribuait ainsi des opinions qui ne sont pas à lui, et qui sont si étranges et si absurdes ? Mais dis-moi, au nom de Jupiter, prétends-tu que je ne reconnais aucun dieu.
MÉLITUS.
Oui, par Jupiter, tu n’en reconnais aucun.
SOCRATE.
En vérité, Mélitus, tu dis là des choses incroyables, et auxquelles toi-même, à ce qu’il me semble, tu ne crois pas. Pour moi, Athéniens, il me paraît que Mélitus est un impertinent, qui n’a intenté cette accusation que pour m’insulter, et par une audace de jeune homme ; il est venu ici
[27a] pour me tenter, en proposant une énigme, et disant en lui-même : Voyons si Socrate, cet homme qui, passe pour si sage, reconnaîtra que je me moque, et que je dis des choses qui se contredisent, ou si je le tromperai, lui et tous les auditeurs. En effet, il paraît entièrement se contredire dans, son accusation ; c’est comme s’il disait : Socrate est coupable en ce qu’il ne reconnaît pas de dieux, et en ce qu’il reconnaît des dieux ; vraiment c’est là se moquer. Suivez-moi, je vous en prie, Athéniens, et examinez avec moi en quoi je pense qu’il se contredit. Réponds,
[27b] Mélitus ; et vous, juges, comme je vous en ai conjurés au commencement, souffrez que je parle ici à ma manière ordinaire. Dis, Mélitus ; y a-t-il quelqu’un dans le monde qui croie qu’il y ait des choses humaines, et qui ne croie pas qu’il y ait des hommes ?... Juges, ordonnez qu’il réponde et, qu’il ne fasse pas tant de bruit. Y a-t-il quelqu’un qui croie qu’il y a des règles pour dresser les chevaux, et qu’il n’y a pas de chevaux ? des airs de flûte, et point de joueurs de flûte ?... Il n’y a personne, excellent Mélitus. C’est moi qui te le dis, puisque tu ne veux pas répondre, et qui le dis à toute l’assemblée. Mais réponds à ceci : Y a-t-il quelqu’un qui admette quelque chose relatif aux démons, et qui croie
[27c] pourtant qu’il n’y a point de démons ?
MÉLITUS.
Non, sans doute.
SOCRATE.
Que tu m’obliges de répondre enfin, et à grand peine, quand les juges t’y forcent ! Ainsi tu conviens que j’admets et que j’enseigne quelque chose sur les démons : que mon opinion, soit nouvelle, ou soit ancienne, toujours est-il, d’après toi-même, que j’admets quelque chose sur les démons ; et tu l’as juré dans ton accusation. Mais si j’admets quelque chose sur les démons, il faut nécessairement que j’admette des démons ; n’est-ce pas ? .... Oui, sans doute ; car je prends ton silence pour un consentement. Or, ne regardons-nous
[27d] pas les démons comme des dieux, ou des enfants des dieux ? En conviens-tu, oui ou non ?
MELITUS.
J’en conviens.
SOCRATE.
Et par conséquent, puisque j’admets des démons de ton propre aveu, et que les démons sont des dieux, voilà justement la preuve de ce que je disais, que tu viens nous proposer des énigmes, et te divertir à mes dépens, en disant que je n’admets point de dieux, et que pourtant j’admets des dieux, puisque j’admets des démons. Et si les démons sont enfants des dieux, enfants bâtards, à la vérité, puisqu’ils les ont eus de nymphes ou, dit-on aussi, de simples mortelles, qui pourrait croire qu’il y a des enfants des dieux, et qu’il n’y ait pas des dieux ?
[27e] Cela serait aussi absurde que de croire qu’il y a des mulets nés de chevaux ou d’ânes, et qu’il n’y a ni ânes ni chevaux. Ainsi, Mélitus, il est impossible que tu ne m’aies intenté cette accusation pour m’éprouver, ou faute de prétexte légitime pour me citer devant ce tribunal ; car que tu persuades jamais à quelqu’un d’un peu de sens, que le même homme puisse croire qu’il y a des choses relatives aux démons et aux dieux,
[28a] et pourtant qu’il n’y a ni démons, ni dieux, ni héros, c’est ce qui est entièrement impossible.
Mais je n’ai pas besoin d’une plus longue défense, Athéniens ; et ce que je viens de dire suffit, il me semble, pour faire voir que je ne suis point coupable, et que l’accusation de Mélitus est sans fondement. Et quant à ce que je vous disais au commencement, que j’ai contre moi de vives et nombreuses inimitiés, soyez bien persuadés qu’il en est ainsi ; et ce qui me perdra si je succombe, ce ne sera ni Mélitus ni Anytus, mais l’envie et la calomnie, qui ont déjà fait périr tarit de gens de bien, et qui en feront encore périr tant d’autres ; car il ne faut pas espérer
[28b] que ce fléau s’arrête à moi.
Mais quelqu’un me dira peut-être : N’as-tu pas honte, Socrate, de t’être attaché à une étude qui te met présentement en danger de mourir ?
Je puis répondre avec raison à qui me ferait cette objection :Vous êtes dans l’erreur, si vous croyez qu’un homme, qui vaut quelque chose, doit, considérer les chances de la mort ou de la vie, au lieu de chercher seulement, dans toutes ses démarches, si ce qu’il fait est juste ou injuste, et si c’est l’action d’un homme de bien ou d’un méchant. Ce seraient donc, suivant vous, des insensés que tous ces demi-dieux qui moururent au siège de Troie, et particulièrement le fils
[28c] de Thétis, qui comptait le danger pour si peu de chose, en comparaison de la honte, que la déesse sa mère, qui le voyait dans l’impatience d’aller tuer Hector, lui ayant parlé à peu près en ces termes, si je m’en souviens mon fils, si tu venges la mort de Patrocle, ton ami, en tuant Hector, tu mourras ; car
Ton trépas doit suivre celui d’Hector ;
lui, méprisant le péril et la mort, et
[28d] craignant beaucoup plus de vivre comme un lâche, sans venger ses amis :
Que je meure à l’instant,
s’écrie-t-il, pourvu que je punisse le meurtrier de Patrocle, et que je ne reste pas ici exposé au mépris,
Assis sur mes vaisseaux, fardeau inutile de la terre.
Est-ce là s’inquiéter du danger et de la mort ?
Et en effet, Athéniens, c’est ainsi qu’il en doit être. Tout homme qui a choisi un poste, parce qu’il le jugeait le plus honorable, ou qui y a été placé par son chef, doit, à mon avis, y demeurer ferme, et ne considérer ni la mort, ni le péril, ni rien autre chose que l’honneur. Ce serait donc de ma part une étrange conduite,
Athéniens, si, après avoir gardé fidèlement, comme un brave soldat, tous les postes où j’ai
[28e] été mis par vos généraux, à Potidée, à Amphipolis et à Délium, et, après avoir souvent exposé ma vie, aujourd’hui que le dieu de Delphes m’ordonne, à ce que je crois, et comme je l’interprète moi-même, de passer mes jours dans l’étude de la philosophie, en m’examinant moi-même, et en examinant les autres, la peur de
[29a] la mort, ou quelque autre danger, me faisait abandonner ce poste. Ce serait là une conduite bien étrange, et c’est alors vraiment qu’il faudrait me citer devant ce tribunal comme un impie qui ne reconnaît point de dieux, qui désobéit à l’oracle, qui craint la mort, qui se croit sage, et qui ne l’est pas ; car craindre la mort, Athéniens, ce n’est autre chose que se croire sage sans l’être, car c’est croire connaître ce que l’on ne connaît point. En effet, personne ne connaît ce que c’est que la mort, et si elle n’est pas le plus grand de tous les biens pour l’homme.
[29b] Cependant on la craint, comme si l’on savait certainement que c’est le plus grand de tous les maux. Or, n’est-ce pas l’ignorance la plus honteuse que de croire connaître ce que l’on ne connaît point ? Pour moi, c’est peut-être en cela que je suis différent de la plupart des hommes ; et si j’osais me dire plus sage qu’un autre en quelque chose, c’est en ce que, ne sachant pas bien ce qui se passe après cette vie, je ne crois pas non plus le savoir ; mais ce que je sais bien, c’est qu’être injuste, et désobéir à ce qui est meilleur que soi, dieu ou homme, est contraire au devoir et à l’honneur. Voilà le mal que je redoute et que je veux fuir, parce que je sais que c’est un mal, et non pas de prétendus maux qui peut-être sont des
[29c] biens véritables : tellement que si vous me disiez présentement, malgré les instances d’Anytus qui vous a représenté ou qu’il ne fallait pas m’appeler devant ce tribunal, ou qu’après m’y avoir appelé, vous ne sauriez vous dispenser de me faire mourir, par la raison, dit-il, que si j’échappais, vos fils, qui sont déjà si attachés à la doctrine de Socrate, seront bientôt corrompus sans ressource ; si vous me disiez : Socrate, nous rejetons l’avis d’Anytus, et nous te renvoyons absous ; mais c’est à condition que tu cesseras de philosopher et de faire tes recherches accoutumées ; et si tu y retombes , et que tu sois découvert, tu mourras ; oui, si vous me
[29d] renvoyiez à ces conditions, je vous répondrais sans balancer : Athéniens, je vous honore et je vous aime, mais j’obéirai plutôt au dieu qu’à vous ; et tant que je respirerai et que j’aurai un peu de force, je ne cesserai de m’appliquer à la philosophie, de vous donner des avertissements et des conseils, et de tenir à tous ceux que je rencontrerai mon langage ordinaire : ô mon ami ! comment, étant Athénien, de la plus grande ville et la plus renommée pour les lumières et la puissance, ne rougis-tu pas de ne penser qu’à amasser des richesses , à acquérir du crédit et
[29e] des honneurs, sans t’occuper de la vérité et de la sagesse, de toit âme et de son perfectionnement ? Et si quelqu’un de vous prétend le contraire, et me soutient qu’il s’en occupe, je ne l’en croirai point sur sa parole, je ne le quitterai point ; mais je l’interrogerai, je l’examinerai, je le confondrai, et si je trouve qu’il ne soit pas vertueux,
[30a] mais qu’il fasse semblant de l’être, je lui ferai honte de mettre si peu de prix aux choses les plus précieuses, et d’en mettre tant à celles qui n’en ont aucun. Voilà de quelle manière je parlerai à tous ceux que je rencontrerai, jeunes et vieux, concitoyens et étrangers, mais plutôt à vous, Athéniens, parce que vous me touchez de plus près ; et sachez que c’est là ce que le dieu m’ordonne, et je suis persuadé qu’il ne peut y avoir rien de plus avantageux à la république que mon zèle à remplir l’ordre du dieu : car toute mon occupation est de vous persuader,
[30b] jeunes et vieux, qu’avant le soin du corps et des richesses, avant tout autre soin, est celui de l’âme et de son perfectionnement. Je ne cesse de vous dire que ce n’est pas la richesse qui fait la vertu ; mais, au contraire, que c’est la vertu qui fait la richesse, et que c’est de là que naissent tous les autres biens publics et particuliers. Si, en parlant ainsi, je corromps la jeunesse, il faut que ces maximes soient un poison ; car si on prétend que je dis autre chose, on se trompe, ou l’on vous en impose. Ainsi donc, je n’ai qu’à vous dire : Faites ce que demande Anytus, ou ne le faites pas ; renvoyez-moi, ou ne me renvoyez pas, je ne ferai jamais autre chose, quand je devrais
[30c] mourir mille fois .... Ne murmurez pas, Athéniens , et accordez-moi la grâce que je vous ai demandée, de m’écouter patiemment ; cette patience, à mon avis, ne vous sera pas infructueuse. J’ai à vous dire beaucoup d’autres choses qui, peut-être, exciteront vos clameurs ; mais ne vous livrez pas à ces mouvements de colère. Soyez persuadés que si vous me faites mourir, étant tel que je viens de le déclarer, vous vous ferez plus de mal qu’à moi. En effet, ni Anytus ni Mélitus ne me feront aucun mal ;
[30d] ils ne le peuvent, car je ne crois pas qu’il soit au pouvoir du méchant de nuire à l’homme de bien. Peut-être me feront-ils condamner à la mort ou à l’exil ou à la perte de mes droits de citoyen, et Anytus et les autres prennent sans doute cela pour de très grands maux ; mais moi je ne suis pas de leur avis ; à mon sens, le plus grand-de tous les maux, c’est ce qu’Anytus fait aujourd’hui, d’entreprendre de faire périr un innocent.
Maintenant, Athéniens, ne croyez pas que ce soit pour l’amour de moi que je me défends, comme on pourrait le croire ; c’est pour l’amour de vous, de peur qu’en me condamnant,
[30e] vous n’offensiez le dieu dans le présent qu’il vous a fait ; car si vous me faites mourir, vous ne trouverez pas facilement un autre citoyen comme moi, qui semble avoir été attaché à cette ville, la comparaison vous paraîtra peut-être un peu ridicule, comme à un coursier puissant et généreux, mais que sa grandeur même appesantit, et qui a besoin d’un éperon qui l’excite et l’aiguillonne. C’est ainsi que le dieu semble m’avoir choisi pour vous exciter et vous aiguillonner, pour gourmander chacun de
[31a] vous, partout et toujours sans vous laisser aucun relâche.
Un tel homme, Athéniens, sera difficile à retrouver, et, si vous voulez m’en croire, vous me laisserez la vie. Mais peut-être que, fâchés comme des gens qu’on éveille quand ils ont envie de s’endormir, vous me frapperez, et, obéissant aux insinuations d’Anytus, vous me ferez mourir sans scrupule ; et après vous retomberez pour toujours dans un sommeil léthargique, à moins que la Divinité, prenant pitié de vous, ne vous envoie encore un homme qui me ressemble. Or, que ce soit elle-même qui m’ait donné à cette ville, c’est ce que vous pouvez aisément reconnaître à cette marque, qu’il y a
[31b] quelque chose de plus qu’humain à avoir négligé pendant tant d’années mes propres affaires, pour m’attacher aux vôtres, en vous prenant chacun en particulier, comme un père ou un frère aîné pourrait faire, et en vous exhortant sans cesse à vous appliquer à la vertu. Et si j’avais tiré quelque salaire de mes exhortations, ma conduite pourrait s’expliquer ; mais vous voyez que mes accusateurs mêmes, qui m’ont calomnié avec tant d’impudence, n’ont pourtant pas eu ; le front de me reprocher et d’essayer de prouver par témoins ;
[31c] que j’aie jamais exigé ni demandé le moindre salaire ; et je puis offrir de la vérité de ce que j’avance un assez bon témoin, à ce qu’il me semble : ma pauvreté.
Mais peut-être paraîtra-t-il inconséquent que je me sois mêlé de donner à chacun de vous des avis en particulier, et que je n’aie jamais eu le courage de me trouver dans les assemblées du peuple, pour donner mes conseils à la république. Ce qui m’en a empêché, Athéniens, c’est ce je ne sais quoi de divin et de démoniaque,
[31d] dont vous m’avez si souvent entendu parler, et dont Mélitus, pour plaisanter, a fait un chef d’accusation contre moi. Ce phénomène extraordinaire s’est manifesté en moi dès mon enfance ; c’est une voix qui rie se fait entendre que pour me détourner de ce que j’ai résolu, car jamais elle ne m’exhorte à rien entreprendre : c’est elle qui s’est toujours opposée à moi, quand j’ai voulu me mêler des affaires de la république, et elle s’y est opposée fort à propos ; car sachez bien qu’il y a longtemps que je ne serais plus en
[31e] vie, si je m’étais mêlé des affaires publiques, et je n’aurais rien avancé ni pour vous, ni pour moi. Ne vous fâchez point, je vous en conjure, si je vous dis la vérité. Non, quiconque voudra lutter franchement contre les passions d’un peuple, celui d’Athènes, ou tout autre peuple ; quiconque voudra empêcher qu’il ne se commette rien d’injuste ou d’illégal dans un état, ne le fera
[32a] jamais impunément. Il faut de toute nécessité que celui qui veut combattre pour la justice, s’il veut vivre quelque temps, demeure simple particulier, et ne prenne aucune part au gouvernement. Je puis vous en donner des preuves incontestables, et ce ne seront pas des raisonnements, mais ce qui a bien plus d’autorité auprès de vous, des faits. Écoutez donc ce qui m’est arrivé, afin que vous sachiez bien que je sois incapable de céder à qui que ce soit contre le devoir, par crainte de la mort ; et que, ne voulant pas le faire, il est impossible que je ne périsse pas. Je vais vous dire des choses qui vous déplairont, et où vous trouverez peut-être la jactance des plaidoyers ordinaires : cependant je ne vous dirai rien qui ne soit vrai.
[32b] Vous savez, Athéniens, que je n’ai jamais exercé aucune magistrature, et que j’ai été seulement sénateur. La tribu Antiochide, à laquelle j’appartiens, était justement de tour au Prytanée, lorsque, contre toutes les lois, vous vous opiniâtrâtes à faire simultanément le procès aux dix généraux qui avaient négligé d’ensevelir les corps de ceux qui allaient péri au combat naval des Arginuses ; injustice que vous reconnûtes, et dont vous vous repentîtes clans la suite. En cette occasion, je fus le seul des prytanes qui osai m’opposer à la violation des lois, et voter contre vous. Malgré les orateurs qui se préparaient à me dénoncer, malgré vos menaces et vos cris, j’aimai mieux courir ce danger avec
[32c] la loi et la justice, que de consentir avec vous à une si grande iniquité, par la crainte des chaînes ou de la mort. Ce fait eut lieu pendant que le gouvernement démocratique subsistait encore. Quand vint l’oligarchie, les Trente me mandèrent moi cinquième au Tholos et me donnèrent l’ordre d’amener de Salamine Léon le Salaminien, afin qu’on le fit mourir ; car ils donnaient de pareils ordres à beaucoup de personnes, pour compromettre le plus de monde qu’ils pourraient ; et alors je prouvai, non pas en paroles, mais
[32d] par des effets, que je me souciais de la mort comme de rien, si vous me passez cette expression triviale, et que mon unique soin était de ne rien faire d’impie et d’injuste. Toute la puissance des Trente, si terrible alors, n’obtint rien de moi contre la justice. En sortant du Tholos, les quatre autres s’en allèrent à Salamine, et amenèrent Léon, et moi je me retirai dans, ma maison ; et il ne faut pas douter que ma mort n’eût suivi ma désobéissance, si ce gouvernement n’eût été aboli bientôt après. C’est ce que peuvent
[32e] attester un grand nombre de témoins.
Pensez-vous donc que j’eusse vécu tant d’années, si je me fusse mêlé des affaires de la république, et qu’en homme de bien, j’eusse tout foulé aux pieds pour ne penser qu’à défendre la justice ? Il s’en faut bien, Athéniens ; ni moi, ni aucun autre homme, ne l’aurions pu faire.
[33a] Pendant tout le cours de ma vie, toutes les fois qu’il m’est arrivé de prendre part aux affaires publiques, vous me trouverez le même ; le même encore dans mes relations privées, ne cédant jamais rien à qui que ce soit contre la justice, non pas même à aucun de ces tyrans, que mes calomniateurs veulent faire passer pour mes disciples.
Je n’ai jamais été le maître de personne ; mais si quelqu’un, jeune ou vieux, a désiré s’entretenir avec moi, et voir comment je m’acquitte de ma mission, je n’ai refusé à personne cette satisfaction.
[33b] Loin de parler quand on me paie, et de me taire quand on ne me donne rien, je laisse également le riche et le pauvre m’interroger ; ou, si on l’aime mieux, on répond à mes questions, et l’on entend ce que j’ai à dire. Si donc, parmi ceux qui me fréquentent, il s’en trouve qui deviennent honnêtes gens ou malhonnêtes gens, il ne faut ni m’en louer ni m’en blâmer ; ce n’est pas moi qui en suis la cause, je n’ai jamais promis aucun enseignement, et je n’ai jamais rien enseigné ; et si quelqu’un prétend avoir appris ou entendu de moi en particulier autre chose que ce que je dis publiquement à tout le monde, soyez persuadés que c’est une imposture. Vous savez maintenant pour quoi on aime à converser si longtemps avec moi :
[33c] je vous ai dit la vérité toute pure ; c’est qu’on prend plaisir à voir confondre ces gens qui se prétendent sages, et qui ne le sont point ; et, en effet, cela n’est pas désagréable. Et je n’agis ainsi, je vous le répète, que pour accomplir l’ordre que le dieu m’a donné par la voix des oracles, par celle des songes et par tous les moyens qu’aucune autre puissance céleste a jamais employés pour communiquer sa volonté à un mortel. Si ce que je vous dis n’était pas vrai i1 vous serait aisé de me convaincre de mensonge ;
[33d] car si je corrompais les jeunes gens, et que j’en eusse déjà corrompu, il faudrait que ceux qui, en avançant en âge, ont reconnu que je leur ai donné de pernicieux conseils dans leur jeunesse, vinssent s’élever contre moi, et me faire punir ; et s’ils ne voulaient pas se charger eux-mêmes de ce rôle, ce serait le devoir des personnes de leur famille, comme leurs pères ou leurs frères ou leurs autres parents, de venir demander vengeance contre moi, si j’ai nui à ceux qui leur appartiennent ; et j’en vois plusieurs qui sont
[33e] ici présents, comme Criton, qui est du même bourg que moi, et de mon âge, père de Critobule, que voici ; Lysanias de Sphettios, avec son fils Eschine ; Antiphon de Céphise, père d’Épigenès, et beaucoup d’autres dont les frères me fréquentaient, comme Nicostrate, fils de Zotide, et frère de Théodote. Il est vrai que Théodote est mort, et qu’ainsi il n’a plus besoin, du secours de son frère. Je vois encore Parale, fils de Démodocus, et dont le frère était
[34a] Théagès ; Adimante, fils d’Ariston, avec son frère Platon ; Acéantodore, frère d’Apollodore, que je reconnais aussi, et beaucoup d’autres dont Mélitus aurait bien dû faire comparaître au moins un comme témoin dans sa cause. S’il n’y a pas pensé, il est encore temps ; je lui permets de le faire ; qu’il dise donc s’il le peut. Mais vous trouverez tout le contraire, Athéniens ; vous verrez qu’ils sont tout prêts à me défendre, moi qui ai corrompu et perdu leurs enfants et leurs frères,
[34b] s’il faut en croire Mélitus et Anytus ; car je ne veux pas faire valoir ici le témoignage de ceux que j’ai corrompus, ils pourraient avoir leur raison pour me défendre ; mais leurs parons, que je n’ai pas séduits, qui sont déjà avancés en âge, quelle autre raison peuvent-ils avoir de se déclarer pour moi, que mon bon droit et mon innocence ; et leur persuasion que Mélitus est un imposteur ,et que je dis la vérité ? Mais en voilà assez, Athéniens ; telles sont à peu près les raisons que je puis employer pour me défendre ; les autres seraient du même genre.
[34c] Mais peut-être se trouvera-t-il quelqu’un parmi vous qui s’irritera contre moi, en se souvenant que, dans un péril beaucoup moins grand, il a conjuré et supplié les juges avec larmes, et que, pour exciter une plus grande compassion, il a fait paraître ses enfants, tous ses parons et tous ses amis ; au lieu que je ne fais rien de tout cela, quoique , selon toute apparence , je coure le plus grand danger. Peut-être que cette différence, se présentant à son esprit, l’aigrira contre moi, et que, dans le dépit que lui
[34d] causera ma conduite, il donnera son suffrage avec colère. S’il y a ici quelqu’un qui soit dans ces sentiments ; ce que je ne saurais croire, mais j’en fais la supposition, je pourrais lui dire avec raison : Mon ami, j’ai aussi des parents ; car pour me servir de l’expression d’Homère.
Je ne suis point né d’un chêne ou d’un rocher, mais d’un homme. Ainsi, Athéniens, j’ai des parents ; et pour des enfants, j’en ai trois, l’un déjà dans l’adolescence, les deux autres encore en bas âge ; et cependant je ne les ferai pas paraître ici pour vous engager à m’absoudre. Pourquoi ne le ferai-je pas ? Ce n’est ni par une
[34e] opiniâtreté superbe, ni par aucun mépris pour vous ; d’ailleurs, il ne s’agit pas ici de savoir si je regarde la mort avec intrépidité ou avec faiblesse ; mais pour mon honneur, pour le vôtre et celui de la république, il ne me paraît pas convenable d’employer ces sortes de moyens, à l’âge que j’ai, et avec ma réputation, vraie ou fausse, puisque enfin c’est une
[35a] opinion généralement reçue que Socrate a quelque avantage sur le vulgaire des hommes. En vérité, il serait honteux que ceux qui parmi vous se distinguent par la sagesse, le courage ou quelque autre vertu, ressemblassent à beaucoup de gens que j’ai vus, quoiqu’ils eussent toujours passé pour de grands personnages, faire pourtant des choses d’une bassesse étonnante quand on les jugeait, comme s’ils eussent cru qu’il leur arriverait un bien grand mal si vous les faisiez mourir, et qu’ils deviendraient immortels si vous daigniez-leur laisser la vie. De tels hommes déshonorent la patrie ;
[35b] car ils donneraient lieu aux étrangers de penser que parmi les Athéniens, ceux qui ont le plus de vertu, et que tous les autres choisissent préférablement à eux-mêmes pour les élever aux emplois publics et aux dignités, ne diffèrent en rien des femmes ; et c’est ce que vous ne devez pas faire, Athéniens, vous qui aimez la gloire ; et si nous voulions nous conduire ainsi, vous devriez ne pas le souffrir, et déclarer que celui qui a recours à ces scènes tragiques pour exciter la compassion, et qui par-là vous couvre de ridicule, vous le condamnerez plutôt que celui qui attend tranquillement votre sentence. Mais sans parler de l’opinion, il me semble que
[35c] la justice veut qu’on ne doive pas son salut à ses prières, qu’on ne supplie pas le juge, mais qu’on l’éclaire et qu’on le convainque ; car le juge ne siège pas ici pour sacrifier la justice au désir de plaire, mais pour la suivre religieusement : il a juré, non de faire grâce à qui bon lui semble, mais de juger suivant les lois. Il ne faut donc pas que nous vous accoutumions au parjure, et vous ne devez pas vous y laisser accoutumer ; car les uns et les autres nous nous rendrions coupables envers les dieux. N’attendez donc point de moi, Athéniens, que j’aie recours auprès de vous à des choses que je ne crois ni honnêtes, ni justes,
[35d] ni pieuses, et que j’y aie recours dans une occasion où je suis accusé d’impiété par Mélitus ; si je vous fléchissais par mes prières, et que je vous forçasse à violer votre serment, c’est alors que je vous enseignerais l’impiété, et en voulant me justifier, je prouverais contre moi-même que je ne crois point aux dieux. Mais il s’en faut bien, Athéniens, qu’il en soit ainsi. Je crois plus aux dieux qu’aucun de mes accusateurs ; et je vous abandonne avec confiance à vous et au dieu de Delphes le soin de prendre à mon égard le parti le meilleur et pour moi et pour vous.
[Ici les juges avant été aux voix, la majorité déclare que Socrate est coupable. Il reprend la parole : ]
[35e] Le jugement que vous venez de
[36a] prononcer, Athéniens, m’a peu ému, et par bien des raisons ; d’ailleurs je m’attendais à ce qui est arrivé. Ce qui me surprend bien plus, c’est le nombre des voix pour ou contre ; j’étais bien loin de m’attendre à être condamné à une si faible majorité ; car, à ce qu’il paraît, il n’aurait fallu que trois voix de plus pour que je fusse absous. Je puis donc me flatter d’avoir échappé à Mélitus, et non-seulement je lui ai échappé, mais il est évident que si Anytus et Lycon ne se fussent levés pour m’accuser, il aurait été condamné à payer
[36b] mille drachmes, comme n’ayant pas obtenu la cinquième partie des suffrages.
C’est donc la peine de mort que cet homme réclame contre moi ; à la bonne heure ; et moi, de mon côté, Athéniens, à quelle peine me condamnerai-je ? Je dois choisir ce qui m’est dû ; Et que m’est-il dû ? Quelle peine afflictive, ou quelle amende mérité-je, moi, qui me suis fait un principe de ne connaître aucun repos pendant toute ma vie, négligeant ce que les autres recherchent avec tant d’empressement, les richesses, le soin de ses affaires domestiques, les emplois militaires, les fonctions d’orateur et toutes les autres dignités ; moi, qui ne suis jamais entré dans aucune des conjurations et des cabales si fréquentes dans la république, me
[36c] trouvant réellement trop honnête homme pour ne pas me perdre en prenant part à tout cela ; moi qui, laissant de côté toutes les choses où je ne pouvais être utile ni à vous ni à moi, n’ai voulu d’autre occupation que celle de vous rendre à chacun en particulier le plus grand de tous les services, en vous exhortant tous individuellement à ne pas songer à ce qui vous appartient accidentellement plutôt qu’à ce qui constitue votre essence, et à tout ce qui peut vous rendre vertueux et sages ; à ne pas songer aux intérêts passagers de la patrie plutôt qu’à la patrie elle-même,
[36d] et ainsi de tout le reste ? Athéniens, telle a été ma conduite ; que mérite-t-elle ? Une récompense, si vous voulez être justes, et même une récompense qui puisse me convenir. Or, qu’est-ce qui peut convenir à un homme pauvre, votre bienfaiteur, qui a besoin de loisir pour ne s’occuper qu’à vous donner des conseils utiles ?
II n’y a rien qui lui convienne plus, Athéniens, que d’être nourri dans le Prytanée ; et il le mérite bien plus que celui qui, aux jeux Olympiques, a remporté le prix de la course à cheval, ou de la course des chars à deux ou à quatre chevaux ; car celui-ci ne vous rend heureux qu’en
[36e] apparence : moi, je vous enseigne à l’être véritablement : celui-ci a de quoi vivre, et moi je n’ai rien. Si donc il me faut déclarer ce que je mérite, en bonne justice, je le déclare, c’est
[37a] d’être nourri au Prytanée.
Quand je vous parle ainsi, Athéniens, vous m’accuserez peut-être de la même arrogance qui me faisait condamner tout à l’heure les prières et les lamentations. Mais ce n’est nullement cela ; mon véritable motif est que j’ai la conscience de n’avoir jamais commis envers personne d’injustice volontaire ; mais je ne puis vous le persuader, car il n’y a que quelques instants que nous nous entretenons ensemble, tandis que vous auriez fini par me croire peut-être, si vous aviez,
[37b] comme d’autres peuples, une loi qui, pour une condamnation à mort, exigeât un procès de plusieurs jours , au lieu qu’en si peu de temps , il est impossible de détruire des calomnies invétérées. Ayant donc la conscience que je n’ai jamais été injuste envers personne, je suis bien éloigné de vouloir l’être envers moi-même, d’avouer que je mérite une punition, et de me condamner à quelque chose de semblable ; et cela dans quelle crainte ? Quoi ! pour éviter la peine que réclame contre moi Mélitus, et de laquelle j’ai déjà dit que je ne sais pas si elle est un bien ou un mal, j’irai choisir une peine que je sais très-certainement être un mal, et je m’y condamnerai moi-même !
[37c] Choisirai-je les fers ? Mais pourquoi me faudrait-il passer ma vie en prison, esclave du pouvoir des Onze, qui se renouvelle toujours ? Une amende, et la prison jusqu’à ce que je l’aie payée ? Mais cela revient au même, car je n’ai pas de quoi la payer. Me condamnerai-je à l’exil ? Peut-être y consentiriez-vous. Mais il faudrait que l’amour de la vie m’eût bien aveuglé, Athéniens, pour que je pusse m’imaginer que, si vous, mes concitoyens, vous n’avez pu supporter
[37d] ma manière d’être et mes discours, s’ils vous sont devenus tellement importuns et odieux qu’aujourd’hui vous voulez enfin vous en délivrer, d’autres n’auront pas de peine à les supporter. Il s’en faut de beaucoup, Athéniens. En vérité, ce serait une belle vie pour moi, vieux comme je suis, de quitter mon pays, d’aller errant de ville en ville, et de vivre comme un proscrit. Car je sais que partout où j’irai, les jeunes gens viendront m’écouter comme ici ; si je les rebute, eux-mêmes me feront bannir par les hommes
[37e] plus âgés ; et si je ne les rebute pas, leurs pères et leurs parents me banniront, à cause d’eux.
Mais me dira-t-on peut-être : Socrate, quand tu nous auras quittés, ne pourras-tu pas te tenir en repos, et garder le silence ? Voilà ce qu’il y a de plus difficile à faire entendre à
[38a] quelques-uns d’entre vous ; car si je dis que ce serait désobéir au dieu, et que, par, cette raison, il m’est impossible de me tenir en repos, vous ne me croirez point, et prendrez cette réponse pour une plaisanterie ; et, d’un autre côté, si je vous dis que le plus grand bien de l’homme, c’est de s’entretenir chaque jour de la vertu et des autres choses dont vous m’avez entendu discourir, m’examinant et moi-même et les autres : car une vie sans examen n’est pas une vie ; si je vous dis cela, vous me croirez encore moins. Voilà pourtant la vérité, Athéniens ; mais il n’est pas aisé de vous en convaincre. Au reste, je ne suis point accoutumé à me juger digne de souffrir aucun mal.
[38b] Si j’étais riche, je me condamnerais volontiers à une amende telle que je pourrais la payer, car cela ne me ferait aucun tort ; mais, dans la circonstance présente... car enfin je n’ai rien...à moins que vous ne consentiez à m’imposer seulement à ce que je suis en état de payer ; et je pourrais aller peut-être jusqu’à une mine d’argent ; c’est donc à cette somme que je me condamne. Mais Platon, que voilà, Criton, Critobule et Apollodore veulent que je me condamne à trente mines, dont ils répondent. En conséquence, je m’y condamne ; et assurément je vous présente des cautions qui sont très-solvables.
[Ici les juges vont aux voix pour l’application de la peine, et Socrate est condamné à mort. Il poursuit :]
[38c] Point n’avoir pas eu la patience d’attendre un peu de temps, Athéniens, vous allez fournir un prétexte à ceux qui voudront diffamer la république ; ils diront que vous avez fait mourir Socrate, cet homme sage ; car pour aggraver votre honte, ils m’appelleront sage, quoique je ne le sois point. Mais si vous aviez attendu encore un peu de temps, la chose serait venue d’elle-même ; car voyez mon âge ; je suis déja bien
[38d] avançé dans la vie, et tout près de la mort. Je ne dis pas cela pour vous tous, mais seulement pour ceux qui m’ont condamné à mort ; c’est à ceux-là que je veux m’adresser encore. Peut-être pensez-vous que si j’avais cru devoir tout faire et tout dire pour me sauver, je n’y serais point parvenu, faute de savoir trouver des paroles capables de persuader ? Non, ce ne, sont pas les paroles qui m’ont manqué, Athéniens, mais l’impudence : je succombe pour n’avoir, pas voulu vous dire les choses que vous aimez tant à entendre ; pour n’avoir pas voulu me
[38e] lamenter, pleurer, et descendre à toutes les bassesses auxquelles on vous a accoutumés. Mais le péril où j’étais ne m’a point paru une raison de rien faire qui fût indigne d’un homme libre, et maintenant encore je ne me repens pas de m’être ainsi défendu ; j’aime beaucoup mieux mourir après m’être défendu comme je l’ai fait, que de devoir la vie à une lâche apologie. Ni devant les tribunaux, ni dans les combats, il n’est permis ni à moi ni à aucun autre d’employer toutes sortes de moyens pour éviter la mort. Tout le monde
[39a] sait qu’à la guerre il serait très-facile de sauver sa vie, en jetant ses armes, et en demandant quartier à ceux qui vous poursuivent ; de même, dans tous les dangers, on trouve mille expédients pour éviter la mort, quand on est décidé à tout dire et à tout faire. Eh ! ce n’est pas là ce qui est difficile, Athéniens, que d’éviter la mort ;
[39b] mais il l’est beaucoup d’éviter le crime ; il court plus vite que la mort. C’est pourquoi, vieux et pesant comme je suis, je me suis laissé atteindre par le plus lent des deux ; tandis que le plus agile, le crime, s’est attaché à mes accusateurs, qui ont de la vigueur et de la légèreté. Je m’en vais donc subir la mort à laquelle vous m’avez condamné, et eux l’iniquité et l’infamie à laquelle la vérité les condamne. Pour moi, je m’en tiens à ma peine, et eux à la leur. En effet, peut-être est-ce ainsi que les closes devaient se passer ; et, selon moi, tout est pour le mieux.
[39c] Après cela, ô vous qui m’avez condamné voici ce que j’ose vous prédire ; car je suis précisément dans les circonstances où les hommes lisent dans l’avenir, au moment de quitter la vie. Je vous dis donc que si vous me faites périr ; vous en serez punis aussitôt après ma mort par une peine bien plus cruelle crue celle à laquelle vous me condamnez ; en effet, vous ne me faites mourir que pour vous délivrer de l’importun fardeau de rendre compte de votre vie : mais il vous arrivera tout le contraire, je vous le prédis.
[39d] Il va s’élever contre vous un bien plus grand nombre de censeurs que je retenais sans que vous vous en aperçussiez ; censeurs d’autant plus difficiles, qu’ils sont plus jeunes, et vous n’en, serez que plus irrités ; car si vous pensez qu’en tuant les gens, vous empêcherez qu’on vous reproche de mal vivre, vous vous trompez. Cette manière de se délivrer de ses censeurs n’est ni honnête ni possible : celle qui est en même temps et la plus honnête et la plus facile, c’est, au lieu de fermer la bouche aux autres, de se rendre meilleur soi-même. Voilà ce que j’avais à prédire à ceux qui m’ont condamné : il ne me reste qu’à prendre congé d’eux.
[39e] Mais pour vous, qui m’avez absous par vos suffrages, Athéniens, je m’entretiendrai volontiers avec vous sur ce qui vient de se passer, pendant que les magistrats sont occupés, et qu’on ne me mène pas encore où je dois mourir. Arrêtez-vous donc quelques instants, et employons à converser ensemble le temps qu’on me laisse.
[40a] Je veux vous raconter, comme à mes amis, une chose qui m’est arrivée aujourd’hui, et vous apprendre ce qu’elle signifie. Oui, juges (et en vous appelant ainsi, je vous donne le nom que vous méritez), il m’est arrivé aujourd’hui quelque chose d’extraordinaire. Cette inspiration prophétique qui n’a cessé de se faire entendre à moi dans tout le cours de ma vie, qui dans les moindres occasions n’a jamais manqué de me détourner de tout ce que j’allais faire de mal, aujourd’hui qu’il m’arrive ce que vous voyez, ce qu’on pourrait prendre, et ce qu’on prend en
[40b] effet pour le plus grand de tous les maux, cette voix divine a gardé le silence ; elle ne m’a arrêté ni ce matin quand je suis sorti de ma maison, ni quand je suis venu devant ce tribunal, ni tandis que je parlais, quand j’allais dire quelque chose. Cependant, dans beaucoup d’autres circonstances, elle vint m’interrompre au milieu de mon discours ; mais aujourd’hui elle ne s’est opposée à aucune de mes actions, à aucune de mes paroles : quelle en peut être la cause ? Je vais vous le dire ; c’est que ce qui m’arrive est, selon toute vraisemblance, un bien ; et nous nous trompons sans
[40c] aucun doute, si nous pensons que la mort soit un mal. Une preuve évidente pour moi, c’est qu’infailliblement, si j’eusse dû mal faire aujourd’hui, le signe ordinaire m’en eût averti.
Voici encore quelques raisons d’espérer que la mort est un bien. Il faut qu’elle soit de deux choses l’une, ou l’anéantissement absolu, et la destruction de toute conscience, ou, comme on le dit, un simple changement, le passage de l’âme d’un lieu dans un autre. Si la mort est la
[40d] privation de tout sentiment, un sommeil sans aucun songe, quel merveilleux avantage n’est-ce pas que de mourir ? Car, que quelqu’un choisisse une nuit ainsi passée dans un sommeil profond que n’aurait troublé aucun songe, et qu’il compare cette nuit avec toutes les nuits et avec tous les jours qui ont rempli le cours entier de sa vie ; qu’il réfléchisse, et qu’il dise en conscience combien dans sa vie il a eu de jours et de nuits plus heureuses et ; plus douces que celle-là ; je suis persuadé que non-seulement un simple
[40e] particulier, mais que le grand roi lui-même en trouverait un bien petit nombre, et qu’il serait aisé de les compter. Si la mort est quelque chose de semblable, je dis qu’elle n’est pas un mal ; car la durée tout entière ne paraît plus ainsi qu’une seule nuit. Mais si la mort est un passage de ce séjour dans un autre, et si ce qu’on dit est véritable, que là est le rendez-vous de tous ceux qui ont vécu, quel plus grand bien peut-on imaginer,
[41a] mes juges ? Car enfin, si en arrivant aux enfers, échappés à ceux qui se prétendent ici-bas des juges, l’on y trouve les vrais juges, ceux qui passent pour y rendre la justice, Minos, Rhadamanthe, Éaque, Triptolème et tous ces autres demi-dieux qui ont été justes pendant leur vie, le voyage serait-il donc si malheureux ? Combien ne donnerait-on pas pour s’entretenir avec Orphée, Musée, Hésiode, Homère ? Quant à moi, si cela
[41b] est véritable, je veux mourir plusieurs fois. O pour moi surtout l’admirable passe-temps, de me trouver là avec Palamède, Ajax fils de Télamon, et tous ceux, des temps anciens, qui sont morts victimes de condamnations injustes !
Quel agrément de comparer mes aventures avec les leurs ! Mais mon plus grand plaisir serait d’employer ma vie, là comme ici, à interroger et à examiner tous ces personnages, pour distinguer ceux qui sont véritablement sages, et ceux qui croient l’être et ne le sont point. A quel prix ne voudrait-on, pas, mes juges, examiner
[41c] un peu celui qui mena contre Troie une si nombreuse armée, ou Ulysse ou Sisyphe, et tant d’autres, hommes et femmes, avec lesquels ce serait une félicité inexprimable de converser et de vivre, en les observant et les examinant ? Là du moins on n’est pas condamné à mort pour cela ; car les habitants de cet heureux séjour, entre mille avantages qui mettent leur condition bien au-dessus de la nôtre, jouissent d’une vie immortelle, si du moins ce qu’on en dit est véritable.
C’est pourquoi, mes juges, soyez pleins d’espérance dans la mort, et ne pensez qu’à
[41d] cette vérité, qu’il n’y a aucun mal pour l’homme de bien, ni pendant sa vie ni après sa mort, et que les dieux ne l’abandonnent jamais ; car ce qui m’arrive n’est point l’effet du hasard ; et il est clair pour moi que mourir dès à présent, et être délivré dés soucis de la vie, était ce qui me convenait le mieux ; aussi la voix céleste s’est tue aujourd’hui, et je n’ai aucun ressentiment contre mes accusateurs, ni contre ceux qui m’ont condamné, quoique leur intention n’ait pas été de me faire du bien, et qu’ils n’aient cherché qu’à me nuire ; en quoi j’aurais bien quelque raison de me plaindre d’eux.
[41e] Je ne leur ferai qu’une seule prière. Lorsque mes enfants seront grands, si vous les voyez rechercher les richesses ou toute autre chose plus que la vertu, punissez-les, en les tourmentant comme je vous ai tourmentés ; et, s’ils se croient quelque chose, quoiqu’ils ne soient rien, faites-les rougir de leur insouciance et de leur présomption ; c’est ainsi que je me suis conduit avec vous. Si vous faites cela, moi et mes enfants nous n’aurons qu’à nous louer de votre justice.
[42a] Mais il est temps que nous nous quittions, moi pour mourir, et vous pour vivre.
Qui de nous a le meilleur partage ? Personne ne le sait, excepté Dieu.
Introduction de l’œuvre de Platon, « Gorgias », par Monique Canto :
« Les interlocuteurs de Socrate, dont il démolit systématiquement l’hypocrisie sociale sont successivement Polos, Gorgias et Calliclès. (…)
Le rhéteur Gorgias était originaire de Léontium, en Sicile, une colonie grecque de Naxos. (…) Gorgias fameux à Athènes, devint synonyme de la bonne manière de parler en public. Les griefs de Socrate (…) ne portent pas tant sur les moyens rhétoriques dont Gorgias fait usage (…) que sur l’objectif de sa rhétorique : faire passer pour vrai ce qui ne l’est pas (…) La rhétorique ne s’intéresse pas à la vérité, elle se soucie seulement de l’apparence et du vraisemblable. (…)
Le rhéteur Polos nous est beaucoup moins connu que Gorgias. Il serait lui aussi originaire de Sicile. (…) Il serait l’auteur d’un « Art oratoire » (…) et d’un certain nombre de livres. (…) Ce traité de Polos sur l’art oratoire a dû avoir un certain succès, puisque Aristote semble en citer, au début de la « Métaphysique », un court extrait. (…) L’idéal de vie de Polos se laisserait définir comme la volonté d’être tout-puissant parmi les hommes, d’avoir du succès et de l’influence à n’importe quel prix, tout en voulant garder une certaine respectabilité et la réputation d’un homme de bien. (…) Le Polos du « Gorgias » est donc le représentant d’une forme d’hypocrisie sociale contre laquelle Socrate s’est battu avec une grande énergie.
Calliclès est un jeune homme doué, qui espère une carrière politique glorieuse, s’est plus ou moins associé à Alcibiade et n’a de sympathie pour le peuple qu’en tant qu’il est convaincu que le pouvoir politique, dans une démocratie comme Athènes, dépend directement des faveurs de la foule. (…) L’autre trait caractéristique est son attitude à l’égard de la philosophie : à la fois intérêt et défiance. Intérêt, parce que la philosophie peut servir comme instrument de pouvoir (…) Et hostilité à l’égard de la philosophie répandue dans les cercles politiques athéniens.
Le Socrate de « Gorgias » est l’une des évocations les plus poignantes que Platon ait données de son ancien maître. Tous les engagements forts qui ont pu guider son existence (le retrait à l’égard de la vie publique, le courage, sinon la violence, des critiques adressées aux valeurs de prestige athéniennes, la défense de la philosophie, l’énergie des convictions, la lucidité à l’égard du caractère impitoyable de la politique d’Athènes, la certitude de sa propre impuissance et la prescience de son tragique destin) sont, dans le « Gorgias », explicitement énoncés, soumis à la menace, mais l’un après l’autre justifiés et délibérément assumés par Socrate. (…)
Socrate se joue des valeurs de la Cité et des opinions politiques ordinaires qui sont exposées par Gorgias, Polos et Calliclès. Par rapport aux valeurs sociales de ces trois interlocuteurs, Socrate représente le véritable anticonformiste. A plusieurs reprises, il emploie des formules qui le mettent en position d’extériorité à l’égard de la Cité et du groupe formé par ses interlocuteurs : « Je ne suis pas homme à m’occuper des affaires de la Cité ».
Socrate raconté par Platon dans « Gorgias » :
« Socrate : Gorgias, dis-nous toi même comment il faut t’appeler et quel est l’art que tu connais.
Gorgias : La rhétorique, Socrate.
Socrate : Il faut donc t’appeler orateur ?
Gorgias : Oui, et même bon orateur, selon le titre dont je me fais gloire (…)
Socrate : Quel est l’objet que la rhétorique fait connaître ?
Gorgias : Les discours.
Socrate : Quels discours, Gorgias ? Les discours qui indiquent aux malades le traitement qu’ils doivent suivre pour être en bonne santé ?
Gorgias : Non.
Socrate : Donc la rhétorique ne porte pas sur la totalité des discours.
Gorgias : Non, certes. (…)
Socrate : En ce cas, dis-je, sur quel objet portent les discours dont la rhétorique se sert ? (…)
Gorgias : Sur les plus importantes des choses, Socrate, et les meilleures. (…) En vérité, Socrate, ce bien est le bien suprême. Il est à la fois cause de liberté pour les hommes qui le possèdent et principe de commandement que chaque individu, dans sa propre cité, exerce sur autrui.
Socrate : Mais enfin de quoi parles-tu ?
Gorgias : Je parle du pouvoir de convaincre, grâce aux discours, les juges du Tribunal, les membres du Conseil de la Cité, et l’ensemble des citoyens à l’Assemblée, bref du pouvoir de convaincre dans n’importe quelle réunion de citoyens. En fait, si tu disposes d’un tel pouvoir, tu feras du médecin un esclave, un esclave de l’entraîneur et, pour ce qui est de ton homme d’affaires, il aura l’air d’avoir fait de l’argent, pas pour lui-même – plutôt pour toi, qui peux parler aux masses et qui sais les convaincre. (…)
Socrate : La rhétorique est donc, semble-t-il, productrice de conviction ; elle fait croire que le juste et l’injuste sont ceci et cela, mais elle ne les fait pas connaître.
Gorgias : En effet. (…)
Socrate : Bon, allons, essayons toujours, voyons ce que nous pouvons dire de la rhétorique, car, moi, en tout cas, je n’arrive pas encore à me représenter ce qu’il faut en penser. Quand on réunit les citoyens pour sélectionner des médecins, des constructeurs de navires, ou toute autre profession, a-t-on jamais prié l’orateur de donner son avis ? Non, car il est évident qu’il faut, dans chaque cas, choisir le meilleur spécialiste. (…) En fait, puisque c’est toi qui prétends être orateur et former d’autres orateurs, le mieux est de te demander à toi ce qui définit ton art. (…) Quel bien trouverons-nous à te fréquenter, Gorgias ? Dans quel domaine serons-nous capables d’être les conseillers de la Cité ? (…)
Gorgias : Certes, ce que je tenterai de faire, Socrate, c’est de te révéler, avec clarté, toute la puissance de la rhétorique. Car tu as, toi-même, fort bien ouvert la voie. Tu n’ignores sans doute pas que les arsenaux dont tu parles, les murs d’Athènes et l’aménagement de ses ports, on les doit, les uns, aux conseils de Thémistocle, les autres, à ceux de Périclès, et non pas aux conseils des hommes qui eurent à les construire. (…) Pour chacun des choix que tu évoquais tout à l’heure, Socrate, tu peux voir que les orateurs sont en fait les conseillers et qu’ils font triompher leur point de vue. (…) En effet, l’orateur est capable de parler de tout devant toutes sortes de public, sa puissance de convaincre est donc encore plus grande auprès des masses, quoi qu’il veuille obtenir d’elles – pour le dire en un mot. (…) Même s’il arrive, je peux l’imaginer, qu’un individu, une fois devenu orateur, se serve à tort du pouvoir que lui donne la connaissance de l’art, l’homme qu’il faut honnir et bannir des cités n’est pas son maître de rhétorique. (…) C’est donc l’homme qui s’est mal servi de son art, mais pas celui qui fut son maître. (…)
Socrate : Bon, écoute bien, Gorgias, quelque chose m’étonne dans ce que tu dis. (…) Tu prétends que si un homme souhaite apprendre la rhétorique avec toi, tu peux en faire un orateur.
Gorgias : Oui.
Socrate : Un orateur qui sache donc convaincre son public, quel que soit le sujet dont il parle, sans lui donner la moindre connaissance de ce sujet, mais par persuasion.
Gorgias : Oui, c’est tout à fait cela.
Socrate : Or, tout à l’heure, tu disais que, même sur des questions de santé, l’orateur est plus convaincant que le médecin.
Gorgias : En effet, je l’ai dit – quand l’orateur parle en public. (…)
Socrate : Mais si l’orateur est plus persuasif que le médecin, alors, il convainc mieux qu’un connaisseur !
Gorgias : Oui, parfaitement !
Socrate : Pourtant, il n’est pas médecin, n’est-ce pas ?
Gorgias : Non, bien sûr. (...)
Socrate : Donc l’orateur, qui n’y connaît rien, convaincra mieux que le connaisseur s’il s’adresse à des gens qui n’en connaissent pas plus que lui. (…) Ou les choses se passent autrement ?
Gorgias : Non, c’est bien ce qui arrive, dans le cas de la médecine, du moins. (…)
Socrate : Eh bien, vois-tu, quand tu affirmais que la rhétorique traitait de la justice, je me suis dit qu’elle ne pourrait jamais être une chose injuste – s’il est bien vrai que les discours qu’elle sait composer ne parlent que de justice. Mais quand, un peu plus tard, tu as déclaré qu’un orateur pouvait se servir sans aucune justice de la rhétorique, j’en ai été tout étonné. (…)
Polos : Qu’est-ce que tu racontes, Socrate ? (…) Parce que Gorgias a été gêné de ne pas te concéder que l’orateur ne pouvait pas ne pas connaître le juste (…) qu’il a admis que, si on venait à le trouver, tout ignorant de ces questions, ce serait à lui de les enseigner, …c’est à cause de cette concession, bien sûr, qu’il a eu l’air de se contredire, oui, c’est cela qui te fait le plus grand plaisir, surtout si c’est toi qui y pousses avec tes questions ! (…) Pour parler comme cela, il faut être vraiment mal dégrossi !
Socrate : Eh là, merveilleux Polos, heureusement qu’en pareils moments nous pouvons compter sur nos fils et nos jeunes collègues ! Comme cela, si nous, les vieux, nous faisons fausse route, c’est à vous, les jeunes, d’être là pour corriger notre façon de vivre, dans les actes comme dans les propos. Surtout maintenant, si Gorgias et moi, nous nous sommes trompés au cours de notre discussion, toi, tu es là pour nous corriger. C’est même ton devoir. (…) D’ailleurs, je suis sûr que tu prétends savoir faire tout ce que sait faire Gorgias, est-ce vrai ?
Polos : Oui, je le prétends. (…) Puisqu’à ton avis, Gorgias n’a rien à dire sur ce qu’est la rhétorique, qu’en dis-tu, toi ? (…)
Socrate : La rhétorique, j’en fais une partie de la flatterie. (…) Tu ne vas sans doute pas comprendre ma réponse : en fait, comme je la conçois, la rhétorique est la contrefaçon d’une partie de la politique.
Polos : Quoi ? Que veux-tu dire ? Dans ce cas, est-elle belle ou laide ?
Socrate : Laide, à mon avis. (…)
Polos : Ainsi, les orateurs de qualité te paraissent être mal considérés dans leurs cités, on les prend pour des flatteurs !
Socrate : A vrai dire, ils ne me paraissent même pas faire l’objet de la moinbdre considération.
Polos : Comment cela ? Pas la moindre considération ! Les orateurs ne sont-ils pas tout-puissants dans leurs cités ?
Socrate : Non. Pas si la puissance dont tu parles est un bien pour son possesseur.
Polos : Mais, bien sûr, je parle de cette puissance-là !
Socrate : En ce cas, les orateurs n’ont, à mon sens, presque aucun pouvoir dans leurs cités.
Polos : Tu plaisantes ! Les orateurs ne sont-ils pas comme les tyrans ? Ne font-ils pas périr qui ils veulent ? N’exilent-ils pas de la cité qui leur plaît, ne le dépouillent-ils pas de ses richesses ? (…)
Socrate : Les hommes qui commettent pareilles actions agissent-ils toujours ainsi pour en retirer un bien ? (…) Personne ne veut donc massacrer, bannir, confisquer des richesses, pour le simple plaisir d’agir ainsi. (….)
Polos : C’est la vérité. (…)
Socrate : Je disais donc la vérité quand j’affirmais qu’il était possible qu’un homme qui fait ce qui lui plait dans la cité en question, n’y eût presque pas de pouvoir et n’y fît pas non plus tout ce qu’il voulait.
Polos : A t’entendre, Socrate, il te serait indifférent d’être capable de faire ce qui te plaît dans la cité, tu préférerais n’y avoir aucun pouvoir, et tu n’éprouverais aucune envie pour l’homme que tu verrais ainsi tuer qui il veut, le dépouiller de ses richesses et le jeter dans les fers.
Socrate : Parles-tu d’un homme qui fait tout cela justement ou injustement ?
Polos : Qu’il le fasse d’une façon ou d’une autre, dans les deux cas, n’est-ce pas à envier ?
Socrate : Fais attention à ce que tu dis, Polos !
Polos : Qu’y a-t-il ? (…)
Socrate : En effet, mon cher, je disais que l’homme qui tue sans justice est malheureux, et j’ajoutais qu’il est à plaindre ; quant à l’homme qui tue justement, je dis qu’il n’est pas à envier. (…)
Polos : Que veut-tu dire, Socrate ?
Socrate : Rien qu’une chose : le plus grand mal, c’est l’injustice. (…)
Polos : Donc, toi, tu aimerais mieux subir l’injustice que la commettre ! (…) Tu refuserais donc le pouvoir d’un tyran !
Socrate : Oui, je le refuserais, si, quand tu parles de tyrannie, tu penses à ce que je pense.
Polos : Eh bien, je pense à ce que j’ai dit tout à l’heure : avoir le pouvoir de faire tout ce qu’on veut, pouvoir tuer, exiler, et faire tout ce dont on a envie.
Socrate : Si, à l’heure où la place du marché est pleine de monde, ej venais à toi, un poignard glissé dans la manche, et si je te disais : « Polos, un fameux pouvoir, une étonnante tyrannie vient de m’échoir. (…) L’homme que je veux tuer sera tué. (…) A ce compte, tu pourrrais également aller incendier la maison que tu veux, et pourquoi pas les arsenaux d’Athènes, les trières de la cité et tous les bateaux de commerce, publics ou privés.
Polos : L’homme qui agit comme cela sera nécessairement puni.
Socrate : Donc tuer et bannir des hommes, les dépouiller de leurs richesses, est quelques fois ce qu’il y a de mieux à faire. Mais d’autres fois non. Seulement si cela est puni ? (…) Etre tout puissant et faire ce qu’on veut, ce n’est pas la même chose. (…) Archélaos, par exemple, tu vois bien qu’il règne sur la Macédoine, à ton vais est-il heureux ou malheureux ?
Polos : Je ne sais pas, je ne l’ai jamais rencontré. (…) Mais, de la façon dont tu raisonnes, il ne peut qu’être malheureux. Comment ferait-il pour ne pas l’être ? Rien ne le destinait au pouvoir qu’il a aujourd’hui. Il est le fils d’une femme esclave d’Alkétès, le frère de Perdiccas. (…) D’abord, il fit mander Alkétès, qui était à la fois son maître et son oncle, et lui dit qu’il lui remettrait le pouvoir dont Perdiccas l’avait dépouillé. Il invita donc chez lui Alkétès et son fils Alexandre, son propre cousin, à peu près du même âge que lui. Dès qu’ils furent chez lui, il les rendit complètement ivres, les jeta au fond d’un char, et les emmena de nuit pour les égorger tous les deux et faire disparaître les corps. Or, bien qu’il eût commis une pareille injustice, il ne vit pas qu’il était devenu le plus malheureux des hommes et n’éprouva donc aucun regret de ce qu’il avait fait. Au contraire. Peu de temps après, à l’égard de son frère, le fils légitime de Perdiccas, un enfant d’environ sept ans et auquel, selon la justice, le pouvoir devait revenir, il ne voulut pas se rendre heureux et par une action juste, en éduquant cet enfant et en lui remettant le pouvoir de son père, mais il le jeta dans un puit, le noya….
Socrate : Je ne suis d’accord avec aucune des remarques que tu fais.
Polos : Parce que tu ne veux pas l’être, mais en fait tu penses exactement comme moi ! (…) Si un homme est devenu tyran, il a passé sa vie à commander dans la cité, en faisant ce qui lui plaît, en homme envié et aimé par les citoyens comme par les étrangers ! (…)
Socrate : Polos, je ne suis pas homme à m’occuper des affaires de la Cité. L’année dernière, quand j’ai été tiré au sort pour siéger à l’Assemblée et quand ce fut à ma tribu d’exercer la prytanie, j’ai pu faire voter les citoyens mais tout le monde a ri, parce que je ne savais pas comment mener une procédure de vote. (…)
Polos : Voyons, toi, tu aimerais mieux subir l’injustice que de la commettre !
Socrate : Par conséquent, s’il s’agit de se défendre lorsqu’on est accusé d’une injustice qu’on a soi-même commise, ou qu’ont commise ses parents, ses camarades, ses enfants, sa patrie même quand elle est coupable, la rhétorique, Polos, ne nous sera d’aucune utilité. (…)
Calliclès : Dis moi, Chéréphon, est-ce que Socrate par le sérieusement ? Est-ce qu’il plaisante ?
Chéréphon : j’ai l’impression, Calliclès, qu’il parle tout à fait sérieusement.
Calliclès : Dis-moi, Socrate, faut-il supposer qu’en ce moment tu parles sérieusement, ou bien est-ce que tu plaisantes ? (…)
Socrate : Calliclès, je me rend compte que toi, tu as beau être malin, à chaque fois que l’occasion s’en présente, tu n’es jamais capable de contredire celui que tu aimes quand il dit ceci ou cela, et tu le laisse t’entraîner de tous les côtés à la fois. A l’Assemblée, si tu dis quelque chose, et si le Démos d’Athènes, lui, ne parle pas comme toi, tu changes d’avis et tu finis par dire tout ce que Démos d’Athènes veut que tu dises. (…) Mais comprend bien que c’est pareil pour moi. (…) je fais de la philosophie ma bien-aimée (…) et tout ce que tu m’entends dire, c’est ce qu’elle me fait dire. Ces phrases qui maintenant t’étonnent, c’est la philosophie qui les fait prononcer. (…) Calliclès, j’estime qu’il vaut mieux ne pas être d’accord avec la plupart des gens et dire le contraire de ce qu’ils disent plutôt que d’être, moi tout seul, mal accordé avec moi-même et de contredire mes propres principes.
Calliclès : Socrate, tu as l’air d’un chien fou, tu parles comme si tu étais en train d’haranguer le peuple entier. Mais, à propos, pourquoi nous fait-tu cette harangue ? Parce que Polos a éprouvé la même gêne qu’il a accusé Gorgias de ressentir face à toi. (…) Et moi, je n’aime pas beaucoup ce qu’a fait Polos quand il t’a concédé que commettre l’injustice est plus vilain que la subir. En fait, dès qu’il t’a accordé cela, tu l’as fait s’empêtrer dans ce qu’il disait et ut lui as cloué le bec ; tout cela parce qu’il a eu honte de dire ce qu’il pensait. (…) L’homme qui se trouve dans la situation de devoir subir l’injustice n’est pas un homme, c’est un esclave, pour qui mourir est mieux que vivre s’il n’est même pas capable de se porter assistance à lui-même, ou aux êtres qui lui sont chers, quand on lui fait un tort injuste et qu’on l’outrage. Certes ce sont les faibles, la masse des gens, qui établissent les lois (d’Athènes), j’en suis sûr. C’est donc en fonction d’eux-mêmes et de leur intérêt personnel que les faibles font les lois, qu’ils attribuent des louanges, qu’ils répartissent des blâmes. Ils veulent faire peur aux hommes plus forts qu’eux et qui peuvent leur être supérieurs. Car, ce qui plaît aux faibles, c’est d’avoir l’air d’être égaux à de tels hommes, alors qu’ils sont inférieurs. (…) Partout il en est ainsi, c’est que la nature enseigne, chez toutes les espèces animales, chez toutes les races humaines et dans toutes les cités ! Si le plus fort domine le moins fort et s’il est supérieur à lui, c’est là le signe que c’est juste. De quelle justice Xerxès s’est-il servi lorsque avec son armée il attaqua la Grèce, ou son père quand il fit la guerre aux Scythes (…) Eh bien, Xerxès et son père ont agi, j’en suis sûr, conformément à la nature du droit, c’est-à-dire conformément à la loi, oui par Zeus, à la loi de la nature. (…) C’est la vérité que je dis, et tu le comprendras si tu abandonnes enfin la philosophie pour aborder les plus grandes questions. La philosophie, oui, bien sûr, Socrate, c’est une chose charmante, à condition de s’y attacher modérément, quand on est jeune ; mais si on passe plus de temps qu’il ne faut à philosopher, c’est une ruine pour l’homme. (…) Pourquoi ? Parce que petit à petit on devient ignorant des lois en vigueur dans sa propre cité, on ne connaît plus les formules dont les hommes doivent se servir pour traiter entre eux et pour pouvoir conclure des affaires privées et des contrats publics, on n’a plus l’expérience des plaisirs et des passions humaines, enfin, pour le dire en un mot, on ne sait plus du tout ce que sont les façons de vivre des hommes. (…) Aussi, quand je me trouve, Socrate, en face d’hommes qui philosophaillent, j’éprouve exactement le même sentiment qu’en face de gens qui babillent et s’expriment comme des enfants. (…) Si c’est un homme d’un certain âge que je vois en train de faire de la philosophie, un homme qui n’arrive pas à s’en débarrasser, à mon avis, Socrate, cet homme-là ne mérite plus que des coups. C’est ce que je disais tout à l’heure : cet homme, aussi doué soit-il, ne pourra jamais être autre chose qu’un sous-homme, qui cherche à fuir le centre de la Cité, la place des débats publics, là où, dit le poète, « les hommes se rendent remarquables ». Oui, un homme comme cela s’en trouve écarté pour tout le reste de sa vie, une vie qu’il passera à chuchoter dans son coin avec trois ou quatre jeunes gens, sans jamais proférer la moindre parole libre, décisive, efficace. (…) Tout de même, mon cher Socrate, tu vois, tu ne m’énerves pas du tout, regarde comme je te parle gentiment, à ton avis, n’est-ce pas une vilaine chose de se trouver dans cette situation misérable ? Eh bien, c’est celle que connaissent, j’en suis sûr, les gens qui s’obstinent à pousser plus loin qu’il ne faut l’étude de la philosophie ! Car, maintenant, si on t’arrêtait, toi ou quelqu’un comme toi, si on te jetait en prison, accusé d’avoir commis une injustice que tu n’as pas commise (…) on te condamnerait à mort pour peu que ton accusateur ait la moindre envie que tu meures. (…) Alors, dis-moi quelle est cette étrange sagesse, Socrate, quel est cet art (…) qui rend hors d’état de se porter secours à soi-même, quel est donc cet art qui fait d’un être doué un homme que ses ennemis peuvent dépouiller de toute sa fortune, un homme qui vit, privé d’estime, dans sa propre cité ? Un tel homme, même si c’est un peu dur à dire, on a le droit de lui taper sur la tête, impunément ! Allez, mon bon, laisse-toi convaincre par moi, achève tes discussions et réfutations, exerce-toi à la musique des affaires humaines, entraîne-toi à avoir l’air d’un sage, et laisse à d’autres ces finasseries – délires ou paroles creuses – à cause desquelles tu finiras par habiter une maison vide. Ne prends pas pour modèles ces philosophes qui font des réputations dérisoires, mais imite les citoyens qui ont une vie de qualité, une excellente réputation et jouissent de tous les autres bienfaits de l’existence. (…)
Socrate : Si par hasard mon âme était en or, Calliclès, peux-tu imaginer comme je serais heureux de trouver une de ces pierres de touche qui servent à contrôler l’or ! (…)
Calliclès : Puis-je savoir pourquoi tu me demandes cela, Socrate ?
Socrate : Je suis convaincu que si on doit contrôler une âme et la mettre à l’épreuve pour voir si elle vit bien ou mal, il faut avoir trois qualités ; or, toi tu les as toutes les trois. Il s’agit de la compétence, de la bienveillance et de la franchise. (…) Regarde, tes amis, Gorgias et Polos, ce sont des gens compétents et ils ont de l’amitié pour moi, mais ils n’ont pas assez de franchise, ils éprouvent trop de gêne. (…) Donc, tu as, toi, ces trois qualités que les autres n’ont pas. (…) Ce n’est pas toi qui me ferais la moindre concession, que ce soit par manque de compétence ou par excès de gêne. (…) La plus belle de toutes les questions que tu m’as reproché de poser : quel genre d’homme faut-il être, dans quel activité s’engager et jusqu’à quel point ? (…) Explique moi cette justice dont vous dites qu’elle est selon la nature. Est-ce le fait que l’homme supérieur enlève les biens de l’être inférieur, que le meilleur commande aux moins bons, et que celui qui vaut plus l’emporte sur celui qui vaut moins ? (…)
Calliclès : En effet, c’est ce que j’ai dit tout à l’heure et je le répète maintenant. (…)
Socrate : Est-ce que ce sont les plus forts que tu appelles supérieurs ? Et est-ce aux plus forts que les plus faibles doivent obéir ? J’ai l’impression que c’est ce que tu voulais exprimer tout à l’heure, quand tu disais que c’était conformément au droit de la nature que les grandes cités attaquaient les petites, puisqu’elles étaient à la fois supérieures et plus fortes. Alors, être supérieur, être plus fort, être meilleur, est-ce la même chose ?
Calliclès : Pour moi, je le dis clairement, c’est pareil.
Socrate : En ce cas, n’est-il pas conforme à la nature qu’une masse de gens soit supérieure à un seul individu ?
Calliclès : Comment pourrait-il en être autrement ?
Socrate : Par conséquent, les lois établies par la masse sont les lois des hommes supérieurs. (…) Or la masse n’estime-t-elle pas – comme d’ailleurs tu l’as dit toi-même – que la justice n’est faite que d’égalité et que commettre l’injustice est plus vilain que la subir ?
Calliclès : Eh bien, oui, en effet, la masse pense comme cela.
Socrate : Par conséquent, il y a des chances que tu n’aies pas dit la vérité.
Calliclès : Cet individu-là ne cessera jamais de parler pour rien ! Dis-moi, Socrate, ne te sens-tu pas un peu gêné, à ton âge, de faire la chasse aux mots ? (…) Crois-tu que je dise qu’être supérieur et être meilleur, c’est différent ? Est-ce que je ne te dis pas depuis longtemps que c’est la même chose ? Crois-tu que je puisse dire d’un ramassis d’esclaves, de sous-hommes, de moins-que-rien – sinon peut-être qu’ils sont physiquement plus forts -, crois-tu que je dise que tout ce que cette masse peut raconter, ce sont des lois ? (…)
Socrate : Je t’assure que je ne fais pas la chasse aux mots. Quand tu affirmes qu’un seul individu est supérieur à des milliers d’autres…
Calliclès : Mais c’est ce que je dis ! Car, le juste selon la nature, d’après moi, c’est que l’être le meilleur et le plus intelligent commande aux êtres inférieurs et qu’il ait plus de choses qu’eux. (…)
Socrate : Doit-il disposer, sous prétexte qu’il est le meilleur, de la plus grosse part des vivres que nous avons en commun ? (…) Calliclès, en est-il ainsi, oui ou non, mon bon ? (…) Dis moi enfin qui sont les hommes supérieurs et les meilleurs et en quoi ils le sont !
Calliclès : Mais je l’ai déjà dit : ce sont des hommes intelligents, qui savent s’occuper des affaires de la cité et qui sont courageux. Voilà quels sont les hommes qui méritent d’exercer le pouvoir dans leur propre cité ! Il est juste que ces hommes aient plus de choses que les autres, oui que les chefs aient plus que ceux à qui ils commandent !
Socrate : Chaque individu se commande soi-même, (…) ce qui veut dire être raisonnable, commander aux plaisirs et passions qui résident en soi-même.
Calliclès : (…) Si on veut vivre comme il faut, on doit laisser aller ses propres passions, si grandes soit-elles, et ne pas les réprimer. Au contraire, il faut être capable de mettre son courage et son intelligence au service de si grandes passions et de les assouvir avec tout ce qu’elles peuvent désirer. Seulement, tout le monde n’est pas capable, j’imagine, de vivre comme cela. C’est pourquoi la masse des gens blâme les hommes qui vivent ainsi, gênée qu’elle est de devoir dissimuler sa propre incapacité à le faire. La masse déclare donc bien haut que le dérèglement est une vilaine chose. C’est ainsi qu’elle réduit à l’état d’esclaves les hommes dotés d’une plus forte nature que celle des hommes de la masse ; et ces derniers, qui sont eux-mêmes incapables de se procurer les plaisirs qui les combleraient, font la louange de la tempérance et de la justice à cause du manque de courage de leur âme. Car, bien sûr, pour tous les hommes qui, dès le départ, se trouvent dans la situation d’exercer le pouvoir, qu’ils soient nés fils de rois ou que la force de leur nature les ait rendus capables de s’emparer du pouvoir – que ce soit le pouvoir d’un seul homme ou celui d’un groupe d’individus – oui, pour ces hommes-là, qu’est-ce qui serait plus vilain et plus mauvais que la tempérance et la justice ? (…) Ecoute, Socrate, tu prétends que tu poursuis la vérité, eh bien, voici la vérité : si la facilité de la vie, le dérèglement, la liberté de faire ce qu’on veut, demeurant dans l’impunité, ils font la vertu et le bonheur ! Tout le reste, ce ne sont que des manières, des conventions, faites par les hommes, à l’encontre de la nature. Rien que des paroles en l’air qui ne valent rien !
Socrate : Calliclès, tu viens de dire clairement ce que les autres pensent et ne veulent pas dire. (…) Donc je ne te convaincs pas de dire que les hommes dont la vie est ordonnée, sont plus heureux que ceux dont la vie est déréglée ?
Calliclès : Tu l’as bien dit, Socrate, et très bien ! C’est vrai : je ne changerai par d’avis !
Socrate : (…) Quel est donc l’art qui nous donne les moyens de ne pas subir d’injustice, ou du moins, d’en subir le moins possible ? (…) Il faut être au pouvoir dans sa propre cité, ou encore être un tyran, ou bien être partisan du gouvernement en place !
Calliclès : Tu vois, Socrate, comme je suis prêt à te féliciter dès que tu dis quelque chose de bien ! Ce que tu viens de dire me paraît être parfaitement juste !
Socrate : Eh bien, regarde si ce que je vais dire après te paraît être aussi bien. Les meilleurs amis du monde ce sont les êtres qui sont l’un à l’autre semblables. Es-tu d’accord ?
Calliclès : Oui, je suis d’accord.
Socrate : En conséquence, quand l’homme qui exerce le pouvoir est un tyran grossier, sans éducation ni culture, s’il y a dans la cité un homme bien supérieur à lui, le tyran, probablement, aura peur d’un tel homme et ne pourra jamais, au plus profond de son âme, devenir son ami.
Calliclès : Oui, en effet.
Socrate : (…) Suppose qu’un jeune homme, qui vit dans cette cité, commence à se demander : « par quel moyen pourrais-je devenir tout-puissant et m’arranger pour que personne ne me fasse la moindre injustice ? », la route qu’il devrait suivre serait, semble-t-il, de s’habituer dès sa jeunesse d’aimer les mêmes choses que le tyran et de détester les mêmes choses que son despote a en horreur ; bref qu’il se donne les moyens de lui ressembler le plus possible. Est-ce vrai ?
Calliclès : Oui.
Socrate : Un tel homme se trouvera dans la situation où il lui sera possible de commettre le plus grand nombre d’injustices et de les commettre sans en être puni, n’est-ce pas ?
Calliclès : Oui, apparemment.
Socrate : Dans ce cas, c’est le plus grave de tous les maux qui sera donné à cet homme : son âme sera misérable, souillée par l’imitation du despote et par l’exercice du pouvoir.
Calliclès : Je ne sais pas comment tu fais, Socrate, pour arriver à chaque fois à retourner sens dessus dessous tout ce qu’on a dit. Ne sait tu pas que l’homme qui imite le tyran va pouvoir tuer, s’il en a envie, tous ceux qui ne veulent pas l’imiter et qu’il va pouvoir les dépouiller de tout ce qu’ils ont ?
Socrate : Je sais, mon bon Calliclès. ( …) le fait est que cet homme, s’il le veut, tuera, mais c’est un scélérat qui tuera un homme de bien ! (…) Or, n’est-ce pas pour entreprendre d’améliorer le corps et l’âme de nos citoyens (…) que nous devons entreprendre de nous occuper de la cité et des citoyens ?
Calliclès : Oui, tout à fait, si cela peut te faire plaisir ! (…)
Socrate : Maintenant, fais un effort de mémoire, et, à propos des hommes illustres dont tu as parlé un peu avant, dis-moi si tu penses encore qu’ils ont été de bons citoyens ? (…) Donc quand Périclès a commencé à parler au peuple, les Athéniens étaient en plus mauvais état que lorsqu’il s’est adressé à eux pour la dernière fois.
Calliclès : Peut-être.
Socrate : (…) Dit-on que les Athéniens, sous l’influence de Périclès, se sont améliorés, ou bien, au contraire, qu’ils ont été corrompus par lui ?
Calliclès : Tu as dû entendre cela dans le parti spartiate, chez les hommes aux oreilles déchirées, Socrate !
Socrate : En ce cas, voici maintenant quelque chose que je n’ai pas entendu dire, mais que je sais parfaitement, et toi aussi. Au début, Périclès avait bonne réputation auprès des Athéniens (…) En revanche, à la fin de la vie de Périclès, quand les citoyens d’Athènes étaient devenus, grâce à lui, des hommes de bien, ils ont voté contre lui une condamnation pour vol et l’ont à peu de chose près condamné à mort, parce qu’ils pensaient évidemment que c’était un scélérat.
Calliclès : Et alors ? Est-ce une raison pour dire que Périclès était mauvais ?
Socrate : Toi, tu es bien d’accord pour dire que, parmi nos contemporains, il n’y en a pas un seul qui ait eu une bonne politique, mais malgré tout tu choisis ceux dont on vient de parler. (…) Toi, tu es bien d’accord pour dire que, parmi nos contemporains, il n’y en a pas un seul qui ait eu une bonne politique, mais malgré tout tu choisis ceux dont on vient de parler. (…) Toi, Calliclès, pour le moment, tu agis exactement comme cela. Tu fais l’éloge d’hommes qui ont nourri les Athéniens et qui les ont comblé de tout ce dont ils avaient envie. Certes, ces hommes ont agrandi la ville, mais en fait, grâce leur politique, elle est devenue une Cité tout enflée de pus – ce dont on ne se rend pas compte ! En effet, sans jamais se demander ce qui était raisonnable ou juste, ils ont gorgé la Cité d’arsenaux, de murs, de tributs et d’autres vanités du même genre ! Or, quand la crise arrive, sous la forme d’un accès de faiblesse, les hommes qu’on accuse sont ceux qui se trouvent là, à essayer de conseiller la Cité et, en revanche, on fait l’éloge de Thémistocle, de Cimon, de Périclès, qui sont les vrais responsables de ces maux ! (…) Alors, tu m’engages à prendre soin de la cité, mais comment ?
Calliclès : Sache que si tu ne le fais pas…
Socrate : Ne me répète pas ce que tu m’as déjà dit plusieurs fois – que celui qui veut me tuer me tuera ! – pour que je n’aie pas à tr redire que ce serait un scélérat qui tuerait un homme de bien ! Ne me dit pas non plus qu’on me dépouillerait de tout ce que j’ai, pour que je n’aie pas à te répéter que, tout au contraire, si on me dépouille de mes biens, on ne pourrait rien faire d’utile avec eux…
Calliclès : Tu m’as l’air d’être sûr, Socrate, que tu ne seras pas victime d’un tel sort, que tu peux vivre à l’abri et que tu ne risque pas d’être traîné devant un tribunal, accusé par un homme qui, sans doute, sera extrêmement méchant et médiocre !
Socrate : Je suis vraiment fou, Calliclès, si je pense que, dans notre Cité, on puisse être, selon les circonstances, à l’abri d’un tel sort ! (…) Certes, si je suis condamné à mort, cela n’aurait rien d’étrange ! Et veux-tu que je te dise pourquoi j’ai cette impression ? (...) Je pense que je suis l’un des rares athéniens, pour ne pas dire le seul, qui s’intéresse à ce qu’est vraiment l’art politique (...) Et si quelqu’un déclare que je déforme les plus jeunes parmi eux, que (...) j’accuse les plus vieux, je ne pourrai pas répondre ce qui est pourtant la vérité : "(...) j’agis dans votre intérêt". (...) Mais si je devais finir ma vie, faute d’avoir su montrer la complaisance d’un orateur, je sais bien que j’irais sans peine au-devant de la mort. Car personne n’a peur de la mort si on la prend pour ce qu’elle est (...) Et il n’y a pas à avoir peur de mourir si on a vécu selon la justice. (...) En revanche, les hommes qui ont commis les plus extrêmes injustices (...) sont ceux qui les ont commis à titre public. Les criminels, qui sont des personnages privés, n’ont pas, je pense, la même possibilité de mal faire que les criminels au pouvoir (...) Car, vois-tu Calliclès, c’est surtout chez les puissants que l’on trouve ces hommes capables de devenir absolument mauvais. (...) Calliclès, la plupart des hommes puissants sont des hommes mauvais."
Socrate dans « La république » de Platon (Allégorie de la caverne) :
« La Cité où ceux qui doivent détenir le pouvoir sont le moins désireux du pouvoir est nécessairement celle qui est la mieux et la plus paisiblement dirigée. »
Socrate face à Glaucon :
"Voyons d’abord l’Etat. (...) Quelle constitution entend-on par oligarchie ? C’est la forme de gouvernement fondée sur le cens, où les riches commandent et où les pauvres n’ont point de part à l’autorité. (...) Ce trésor où chacun entasse l’or, voilà ce qui perd cette sorte de gouvernement. Tout d’abord ils découvrent des sujets de dépense et, pour y satisfaire, ils tournent les lois et ne leur obéissent plus, ni eux, ni leurs femmes. (...) Nécessairement, un tel Etat n’en est pas un, mais deux : celui des pauvres et celui des riches, qui habitent le même sol et conspirent sans cesse les uns contre les autres. (...) Il est certain que, si on n’y met aucun obstacle, les uns seront riches à l’excès et les autres indigents. (...) Il est manifeste que partout où tu vois des mendiants dans un Etat, le même endroit recèle des voleurs, des coupeurs de bourse, des sacrilèges et des malfaiteurs de toute espèce. (...) Or, comme il suffit à un petit corps débile d’un petit ébranlement du dehors pour tomber malade, que parfois même des troubles éclatent sans cause extérieure, ainsi un Etat, dans une situation analogue, devient à la moindre occasion la proie de la maladie et de la guerre intestine. (...) N’en va-t-il pas de même dans la démocratie fondée sur l’argent ? N’est-ce pas la richesse excessive qui a servi à l’établissement de l’oligarchie ? (...) Eh bien, c’est la même recherche de l’argent , le même désir insatiable, qui cause la perte de la démocratie fondée sur le même désir insatiable d’accumulation de biens. (...) La même maladie qui, née dans l’oligarchie, a causé sa ruine, naissant aussi dans la démocratie, s’y développe avec plus de force et de virulence et réduit à l’esclavage l’Etat démocratique. (...) Partageons par la pensée l’Etat démocratique en trois classes, dont il est composé. La première est la même engeance qui s’est développée à la tête de l’oligarchie. (...) Il y a ensuite une autre classe qui se distingue toujours de la multitude. C’est celle qui recherche de l’argent. (...) La troisième classe, c’est le peuple, c’est-à-dire tous les ouvriers manuels et les particuliers étrangers aux affaires publiques qui n’ont qu’un petit avoir. Dans la démocratie, ce serait la classe la plus nombreuse et donc la plus puissante si elle était assemblée. Mais elle n’est guère disposée à s’assembler. (...) Le peuple a l’habitude de choisir un favori qu’il met à sa tête et dont il nourrit et accroit le pouvoir. (...) Et le protecteur du peuple commence à se transformer en tyran. (...) C’est le moment pour tous les ambitieux qui en sont venus à ce point de recourir à la fameuse requête du tyran, de demander au peuple des gardes du corps, afin que le "défenseur du peuple" se conserve pour le servir. Et le peuple lui en donne ; car toutes ses craintes sont pour le défenseur du peuple. Pour sa propre défense, il ne fait rien : il est trop plein d’assurance. (...) Dans les premiers jours, il n’a que sourires et saluts pour tous ceux qu’il rencontre, qu’il se défend d’être un tyran, qu’il multiplie les promesses en particulier et en public, qu’il remet des dettes et partage des terres au peuple et à ses favoris et affecte la bienveillance et la douceur envers tout le monde. (...) Mais, quand il en a fini avec ses ennemis du dehors, (...) il ne cesse de susciter des guerres pour que le peuple ait besoin d’un chef. Et aussi, il se débrouille pour que les citoyens soient appauvris par les impôts et soient ainsi forcés de s’appliquer à leurs besoins journaliers et conspirent moins contre lui. Et s’il soupçonne que certains d’entre eux ont l’esprit trop indépendant pour se plier à sa domination, la guerre lui donne un prétexte de les perdre, en les livrant à l’ennemi. Pour toutes ces raisons, un tyran est toujours contraint de fomenter des guerres. (...) Ainsi, en réalité, quoiqu’en pensent certaines gens, le véritable tyran est un véritable esclave, d’une bassesse et d’une servilité extrêmes, réduit qu’il est à flatter les hommes les plus méchants, impuissant à satisfaire tant soi peu ses désirs (...) Il passe sa vie dans une frayeur continuelle, en proie à des douleurs convulsives. (...) Mais outre ces maux, il est victime de ceux que le pouvoir développe encore davantage, je veux dire l’envie, la perfidie, l’injustice, le manque d’amis. (...) Ainsi donc le sage refusera de prendre part aux affaires publiques, s’il a de telles idées ? Non par le Chien ! Il s’en occupera dans son propre Etat et activement. J’entends, répondis-t-il, tu parles de l’Etat dont nous venons de tracer le plan, et qui n’existe que dans nos discours ; car je ne crois pas qu’il y en ait un pareil en aucun lieu du monde. (...) Peu importe que cet Etat soit réalisé quelque part ou soit encore à réaliser, c’est sur celui-là et lui seul qu’il se fixera et dont il suivra les lois."
Socrate, pour la liberté des femmes
Socrate : « Il y a donc, selon toi, des talens de femmes, et d’autres réservés aux hommes. »
SOCRATE.
Voyons donc ; si on te demandait : sont-ce les plus sages ou les moins sages qui donnent les noms les plus justes ?
HERMOGÈNE.
Évidemment ce sont les plus sages, répondrais-je.
SOCRATE.
Dans une ville, à parler en général, sont-ce les hommes ou les femmes qui te paraissent les plus sages ?
HERMOGÈNE.
Ce sont les hommes.
SOCRATE.
Remarque bien ceci. D’abord, je puis rapporter l’image de l’homme à l’homme, celle de la femme à la femme, et ainsi du reste.
CRATYLE.
Oui.
SOCRATE.
Je puis aussi rapporter, tout au contraire, l’image de l’homme à la femme et celle de la femme à l’homme,
CRATYLE.
Cela est encore possible.
Socrate :
« Au rapport de Solon, les prêtres égyptiens, lorsqu’ils lui racontèrent la guerre de ce temps-là. Et il en est de même des noms des femmes. En outre, la tenue et l’image de la déesse, que les hommes de ce temps-là représentaient en armes conformément à la coutume de leur temps, où les occupations guerrières étaient communes aux femmes et aux enfants, signifient que, chez tous les êtres vivants, mâles et femelles, qui vivent en société, la nature a voulu qu’ils fussent les uns et les autres capables d’exercer en commun la vertu propre à chaque espèce…
Tel était le genre de vie de ces hommes qui étaient à la fois les gardiens de leurs concitoyens et les chefs avoués des autres Grecs. Ils veillaient soigneusement à ce que leur nombre, tant d’hommes que de femmes, déjà en état ou encore en état de porter les armes, fût, autant que possible, constamment le même, c’est-à-dire environ vingt mille. »
SOCRATE
Ménexène, j’ai justement eu pour maître une femme qui ne manque pas de valeur dans l’art oratoire et qui a formé beaucoup d’excellents orateurs, et en particulier un qui est le premier de la Grèce, Périclès, fils de Xanthippe.
MÉNEXÈNE
Qui est cette femme ? C’est sans doute Aspasie dont tu parles ?
(…)
MÉNEXÈNE
Par Zeus, Socrate, elle est bienheureuse, ton Aspasie, de pouvoir, étant femme, composer de tels discours.
SOCRATE
Eh bien, si tu ne le crois pas, suis-moi, et tu l’entendras parler elle-même.
MÉNEXÈNE
Je me suis trouvé plus d’une fois avec Aspasie, Socrate, et je sais ce qu’elle vaut.
SOCRATE
Eh bien, ne l’admires-tu pas et aujourd’hui ne lui sais-tu pas gré de son discours ?
MÉNEXÈNE
Si, Socrate ; je sais même beaucoup de gré de ce discours à Aspasie ou à celui, quel qu’il soit, qui te l’a débité, et j’ajoute, beaucoup de gré aussi à celui qui l’a récité.
Socrate : « Puisqu’il y a doute, renvoyons la question à un autre moment : achevons à présent de qui est commencé. Pour moi, je vois la danseuse qui attend et à laquelle on apporte des cerceaux. » Sur cela, la musicienne fait entendre sa flûte, et quelqu’un placé près de la danseuse lui donne des cerceaux jusqu’à douze. Elle les prend : aussitôt elle danse et les jette en l’air, en calculant à quelle hauteur elle doit les jeter pour les recevoir en cadence. Alors Socrate : « Il y a mille preuves, mes amis, et ce que fait cette enfant en est une nouvelle, que la nature de la femme n’est pas inférieure à celle de l’homme : il ne lui manque qu’un peu plus d’intelligence et de vigueur. Qu’ainsi ceux d’entre vous qui ont une femme lui apprennent résolûment tout ce qu’ils veulent qu’elle sache et qu’elle mette en pratique. »
Socrate s’adressant directement à Antisthène : « Pour cette fois, dit-il, les spectateurs ne nieront pas, je crois, qu’on ne puisse donner des leçons de courage, puisque cette danseuse, toute femme qu’elle est, passe si hardiment à travers les épées.
Xénophon rapporte les propos de Socrate à son fils :
« Socrate, s’étant aperçu que Lamproclès, l’aîné de ses fils, était irrité contre sa mère : « Dis-moi, mon enfant, lui demanda-t-il, sais-tu qu’il y a certains hommes qu’on appelle ingrats ? — Je le sais, répondit le jeune homme. — Sais-tu donc aussi ce qu’ils font pour recevoir ce nom ? — Oui ; l’on appelle ingrats ceux qui ont reçu des bienfaits, et qui, le pouvant, n’en témoignent pas de reconnaissance. — Ne vois-tu pas que l’on range les ingrats parmi les hommes injustes ? — Je le vois. — T’es-tu donc déjà demandé si, de même qu’il est injuste de rendre ses amis esclaves, tandis qu’il est juste d’asservir ses ennemis, de même aussi il est injuste d’être ingrat envers ses amis, et juste de l’être envers ses ennemis ? — Assurément ; et je crois que celui qui ne s’efforce pas de témoigner de la reconnaissance à un bienfaiteur, soit ami, soit ennemi, est un homme injuste. — Eh bien ! s’il en est ainsi, l’ingratitude est donc une pure injustice. » Lamproclès en convint. « Et un homme est d’autant plus injuste qu’il se montre ingrat après avoir reçu plus de bienfaits ? » Il en convint encore. « Eh bien ! où trouverons-nous jamais personne qui ait reçu plus de bienfaits que les enfants n’en reçoivent de leurs parents ? Ce sont les parents qui les ont fait passer du néant à l’être, au spectacle de tant de merveilles, à la jouissance de tant de biens que les dieux ont donnés à l’homme : et ces biens nous semblent si précieux, que tous, tant que nous sommes, nous ne craignons rien tant que de les perdre. Aussi les cités ont-elles établi la peine de mort contre les plus grands crimes, comme le châtiment le plus effrayant pour arrêter l’injustice.
« Sans doute tu ne te figures pas que c’est exclusivement pour les plaisirs de l’amour que les hommes cherchent à avoir des enfants, puisque les rues et les maisons sont pleines de moyens de se satisfaire ; mais on nous voit considérer quelles femmes nous donneront les plus beaux enfants, et c’est à celles-là que nous nous unissons pour réaliser notre espoir. L’époux nourrit donc avec lui celle qui l’aide à devenir père ; il amasse d’avance pour ses futurs enfants tout ce qu’il croit devoir leur être utile durant leur vie, et il en fait la plus ample provision possible. La femme reçoit et porte ce fardeau qui l’alourdit et qui met ses jours en péril ; elle donne à son enfant une part de sa propre substance ; puis, après une gestation et un enfantement plein de douleurs, elle nourrit et soigne, sans aucun retour, un enfant qui ne sait pas de qui lui viennent ces soins affectueux, qui ne peut pas même faire connaître ce dont il a besoin, tandis que la mère cherche à deviner ce qui lui convient, ce qui peut lui plaire, et qu’elle le nourrit jour et nuit, au prix de mille fatigues, et sans savoir quel gré la payera de ses peines. Mais c’est peu de nourrir les enfants : dès qu’on les croit en âge d’apprendre quelque chose, les parents leur communiquent toutes les connaissances utiles qu’ils possèdent eux-mêmes ; ou bien, ce qu’ils croient un autre plus capable de leur enseigner, ils les envoient l’apprendre auprès de lui, sans épargner la dépense ni les soins, mais faisant tout pour que leurs fils deviennent les meilleurs possible. » À cela le jeune homme répondit : « Oui, certes, elle a fait tout cela et mille fois plus encore ; mais personne cependant ne pourrait supporter son humeur. » Alors Socrate : « Crois-tu donc, dit-il, que l’humeur sauvage d’une bête soit plus insupportable que celle d’une mère ? — Non vraiment, du moins d’une mère telle que la mienne. — Est-ce que par hasard elle t’aurait fait quelque morsure ou lancé une ruade, comme tant de gens en reçoivent des bêtes ? — Mais, par Jupiter, elle dit des choses qu’on ne voudrait pas entendre au prix de la vie. — Et toi, dit Socrate, combien, depuis ton enfance, ne lui as-tu pas causé de désagréments insupportables, et de parole, et d’action, et le jour, et la nuit ? combien de soucis ne lui ont pas donnés tes maladies ? — Mais, du moins, je ne lui ai jamais rien dit, jamais rien fait dont elle eût à rougir. — Quoi donc ? Dois-tu trouver plus pénible d’entendre ce qu’elle te dit, qu’il ne l’est aux comédiens d’écouter les injures qu’ils se prodiguent mutuellement dans les tragédies ? — Mais, à mon avis, comme ils ne pensent pas que celui qui les injurie les injurie pour leur infliger une peine, ni que celui qui les menace les menace pour leur faire du mal, ils endurent facilement ce qu’on leur dit. — Et toi, qui sais bien que ta mère, quoi qu’elle te dise, le dit sans songer à mal, mais qu’elle voudrait te voir aussi heureux que personne, tu t’irrites contre elle ? Crois-tu donc que ta mère soit pour toi une ennemie ? — Non, certes, je ne le crois point, » Alors Socrate : « Eh bien, cette mère qui t’aime, qui prend de toi tous les soins possibles quand tu es malade, afin de te ramener à la santé et que rien ne te manque, qui, en outre, prie les dieux de te prodiguer leurs bienfaits et s’acquitte des vœux qu’elle a faits pour toi, tu te plains de son humeur ? Pour moi, je pense que, si tu ne peux supporter une telle mère, tu ne peux supporter rien de bon. »
Messages
1. Socrate, dialecticien et communiste, 2 janvier 2009, 21:50
Bonjour, je suis B, élève au lycée au Mali.
Après avoir lues les déclarations de Socrate, je pense que l’on peut être sûr que Socrate était un homme qui voulait le bien du peuple, un homme juste qui ne voulait pas être dans un palais royal ou tout simplement au pouvoir. vu que Socrate a refusé l’argent, le pouvoir et aussi surtout a détesté l’injustice. Il était donc du côté du peuple.
J’appelle peuple, l’ensemble des travailleurs, des sans travail, etc. Mon professeur de philo m’a un peu parlé de lui mais, avant, je n’avais aucune idée sur lui. Maintenant je suis un peu informé sur lui et j’aime la façon dont il manifestait son engagement. C’était un homme très bien inspiré, mais souvent trahi par ses propres élèves qui changeaient certains de ses propos.
salut, je suis S, élève aussi au lycée. Par suite d’une brève lecture sur la conception de Socrate.j’ai compris que son engagement était pour les pauvres qui sont les dominés, sans l’influence du matériel et du pouvoir au sein de la société ;c’était un homme rare par ses qualités suivantes : courageux,honnête.inspiré par la possession d’une justice inimaginable pour les classes dominées. Mais avant cette lecture je n’avais pas trop d’idées sur son personnage et l’objectif de son engagement. je vais continuer ma lecture sur ses idées avant de donner davantage mon avis.
1. Socrate, dialecticien et communiste, 9 janvier 2009, 20:01, par Robert Paris
Chers amis, je suis bien content que vous découvriez le personnage de Socrate et à quel point ce qu’il dit est actuel.
C’est d’autant plus remarquable que son propos consistait à dénoncer non seulement les dictatures mais aussi la fausse démocratie qui a existé à son époque. C’est d’ailleurs cette fausse démocratie qui l’a condamnée à mort !
Socrate comprenait que ce qui comptait n’était pas seulement que les dirigeants soient ou pas élus, que les votes soient ou pas truqués, que les populations aient pu vraiment voter et s’exprimer ainsi. il affirmait que ce qui comptait, c’était si le système social avait pour but le bien-être des hommes.
cela reste une leçon essentielle.
Les démocraties bourgeoises ne visent nullement le bien-être des hommes.
Il va falloir que les peuples mettent en place leur propre démocratie : le pouvoir aux travailleurs.
2. Socrate, dialecticien et communiste, 3 mars 2009, 18:25
Bonjour, je suis Bill, élève à Bamako.
je voudrais savoir pourquoi les disciples de Socrate changeaient certaines de ses paroles pour les publier ? Voulaient-ils le bien de Socrate ? Obeïssaient ils à Socrate ?
J’ai aussi lu, par Epicure qui disait " Rien ne vient du néant et rien ne retourne au néant". Mais quand il a encore dit (c’est mon prof de philo qui me l’a dit) que les atomes sont incrées, les atomes qui sont à la base de tout. Est ce concrèt ? je serai très ravi d’avoir suite à mes questions. A bientôt
1. Socrate, dialecticien et communiste, 3 mars 2009, 20:34
Tout d’abord, il faut humblement reconnaître que les vraies idées de Socrate sont sujettes à débat car il n’a pas écrit lui-même.
D’autre part, sa mort violente posait problème à ceux qui étaient ses compagnons. Ils avaient plus ou moins envie de ne pas suivre le même chemin, ce qui se comprend. Et, surtout, ils avaient plus ou moins de courage de défendre ses conceptions, très radicales.
En fait, aucun de ses successeurs n’osait ni ne voulait les défendre, semble-t-il.
Sa mort leur semblait même la démonstration de l’inutilité de sa démarche. Ils ont, volontairement ou pas, amoindri son personnage et sa radicalité.
Celui qui n’a pas cessé de mettre en scène le personnage, réel ou inventé par lui, de Socrate est Platon. mais il est certain que le milieu riche de Platon a eu une influence sur ses idées bien plus proches des intérêts des classes dirigeantes que celles de Socrate qui se moquait de l’argent et de la réussite personnelle.
Certains ont été ses disciples de son vivant mais se sont écartés ensuite de lui après.
Finalement les plus proches de lui semblent être des philosophes qui n’étaient pas ses disciples mais qu’il a connu : Parménide et Zénon.
Eux aussi étaient dialecticiens et révolutionnaires.
2. Socrate, dialecticien et communiste, 3 mars 2009, 20:39
En ce qui concerne Epicure, il a suivi Démocrite sur son idée des atomes c’est-à-dire d’éléments tout petits de la matière, élémentaires et insécables. C’est une conception du discontinu. d’autre part, cela suppose deux mondes : la matière et le vide qui sont indispensables l’un à l’autre. Enfin, c’est une conception matérialiste puisque tout y dépend des lois de la matière.
Selon ses conceptions, l’univers n’a pas été créé une fois pour toutes. le mouvement est permanent et n’a pas été créé.
Cette physique est d’inspiration matérialiste et discontinuiste ; rien n’existe que la matière et le vide, qui se définissent par leur exclusion réciproque : là où il y a de la matière, il n’y a pas de vide ; là où il y a du vide, il n’y a pas de matière. Ces deux substances suffisent à tout expliquer, y compris l’homme, la pensée et les dieux. Rien, en effet, ne naît de rien : à l’origine de toute chose doivent donc se trouver des êtres éternels, qui ne naissent pas, et dont tout naît. Tels sont les atomes et le vide. Epicure prolonge en cela l’atomisme démocritéen : les atomes sont des corps absolument pleins, insécables, immuables, en nombre infini, d’une variété de formes innombrable (quoique tous restent inférieurs au seuil de sensibilité) et toujours en mouvement dans le vide infini.
3. Socrate, dialecticien et communiste, 5 mars 2009, 13:08
Je suis très ravi de lire les réponses à mes questions.
4. Socrate, dialecticien et communiste, 5 mars 2009, 13:29, par seydou diakite
bonjour fraternel à tous les lecteurs du site.c’set toujours S de Bamako, j’ai lu avec interêt les réponses de mes questions posées et elles m’ont beaucoup satisfait.maitenant je voulais savoir:dans une société communiste est-ce les réligieux ont leurs place ?ensuite la générosité est-
elle seulement pour les réligieux ?
Voir en ligne : http://http://www.matierevolution.f...
3. Socrate, dialecticien et communiste, 5 mars 2009, 13:16
Bonjour, j’ai une question qui me taraude, si vous pouviez me repondre comme d’habitude. " Toute philosophie est fille de son temps".
Bill à Bamako
4. Socrate, dialecticien et communiste, 24 septembre 2009, 21:24, par MOSHE
Socrate affirmait :
« Je ne suis ni Athénien, ni Grec, mais un citoyen du monde. »
« L’homme est le seul animal à croire à des dieux. »
« L’homme doit s’élever au-dessus de la Terre - aux limites de l’atmosphère et au-delà - ainsi seulement pourra-t-il comprendre tout à fait le monde dans lequel il vit. »
« J’ignore l’étendue de mon ignorance. Les hommes croient savoir ce qu’ils ne connaissent pas. »
5. Socrate, dialecticien et communiste, 6 octobre 2009, 17:28, par MOSHE
Socrate dans « La république » de Platon (Allégorie de la caverne)
’Sources :
Platon, un faux disciple :
La « République », la « Charmide », le « Phédon », le « Banquet » et l’ « Apologie de Socrate », voilà certains des textes de Platon dans lesquels il met en scène un Socrate à sa manère.
C’est le point de vue de Platon qui a été, à tort, le plus diffusé sur les idées de Socrate. Platon s’est prétendu le meilleur rapporteur des idées de Socrate dont il avait été l’élève, mais il est celui qui les trahissait le plus, du vivant même de Socrate. "Lysis" de Platon se prétendait une oeuvre inspirée par la philosophie de Socrate et Diogène Laërce rapporte que "Socrate, qui venait d’entendre Platon donner lecture du Lysis, s’écria : ’Par Héraclès, que de faussetés dit sur moi ce jeune homme ! "
Dans "le banquet", Platon écrit : "J’ai bien peur, dis-je à Socrate, de n’être pas tel que tu voudrais, mais plutôt, selon Homère, l’homme médiocre qui se rend à la table du sage sans être invité."
6. Socrate, dialecticien et communiste, 6 octobre 2009, 17:58, par MOSHE ET RAMIRO
salu RAMIRO moi c’est MOSHE comment ça va ?
ça va bien .
moshe : tu explique comment ce fameux votation qui est a la mode en ce moment dans le pays en quelques mots ?
Ramiro : Cette votation qui a eu lieu organisé par la Gauche ou plus exactement par le PS, est un moyen de canaliser les masses en leur faisant passer l’illusion que l’on peut empêcher la Privatisation de la Poste par la votation et non par la grève générale, c’est aussi un moyen de prendre la "température" de la population de voir jusqu’ou en est leur mécontentement est ainsi de réorienter et repositionner leur discours illusoire.
Moshe mais le but , ? l’objectif ? et l’impacte que ça peux y avoir sur le prolétariat ? le fait que ça soit un jeu de la social democratie et tout le reste de la gauche ok mais tu ne pense pas que c’est plus grave que ça , ? que c’est plus revoltent que ça ? et si un prolo veux savoir ton avie sur la question de la votation tu lui dira quoi ? en terme claire est tu choqué par ce votation ou pas ?
Ramiro : Biensure l’impacte sur le prolétariat peut être fort, ça apparait comme un réferundum quasi clandestin, une défiance d’un pouvoir devenu autocratique, la Gauche se redore le blason, elle apparait contestataire. Si un prolo me pose la question sur le vote contre la privatisation, je lui répondrai d’abord que c’est la Gauche plurielle qui a entamé les privatisations massives, que c’est sous Jospin qu’a été privatisé France Télecom ou aujourd’hui il y a des suicides de salariés en masse, je lui dirai aussi le rôle de la Bureaucratie syndicale et politique dans l’échec des mouvements sociaux de l’année, et que ceci est en rapport avec ce vote, son rôle n’est que de détourner les prolos de la lutte, cette manoeuvre intervient au moment ou leur discrédit est le plus visible. Donc bien entendu ce simili rèferundum me choque.
moshe oui peut être que la gauche est comme si ou comme ça ;mais QUE veux tu dire par discredit de la gauche ? il a toujour été credible pour quelle classe social ? quelle est la frontiere entre une entreprise publique et une entreprise privé ? dans quelle lutte les sindicats et les parties de gauches ne se battent pas contre les travailleurs en luttes ou même qu’il anticipent la colere des travailleurs pour servir le monde patronals qui est capitalisme donc criminel ? ok on continu la semaine prchaine porte toi bien
7. Socrate, dialecticien et communiste, 8 octobre 2009, 14:47, par MOSHE
Ce sont des dialogues socratiques. Mélange entre le traité philosophique et un livre de souvenirs. Socrate considéré comme un des pères pour la philosophie occidentale et l’un des inventeurs de la philosophie morale, a exercé une grande influence sur l’esprit de Xénophon qui passa plusieurs années à le suivre et à l’écouter s’entretenir avec toutes sortes de personnes sur toutes sortes de sujets. Ce sont ces entretiens qu’il a recueillis dans les Mémorables. Xénophon aurait commencé à écrire cette œuvre vers la fin de sa vie à partir de 370. Ces années furent marquées pour lui par des voyages et des guerres avec des péripéties de toute sorte. En effet, les Mémorables ont été écrites au lendemain de la guerre du Péloponnèse qui débute en 431.
8. Socrate, dialecticien et communiste, 26 octobre 2009, 21:39, par MOSHE
« - Socrate : Maintenant, ne borne pas ton enquête aux hommes, si tu veux découvrir plus aisément la vérité ; étend la à tous les animaux et aux plantes, bref à tout ce qui a naissance et voyons, en considérant tout cela, s’il est vrai qu’aucune chose ne saurait naître que de son contraire, quand elle a un contraire. « (…) Voyons donc si c’est une nécessité que tout ce qui a un contraire ne naisse d’aucune autre chose que de contraire. (…) Autre question : n’y a-t-il pas entre tous ces couples de contraires une double naissance, l’une qui tire l’un des deux contraires de l’autre, et l’autre qui tire celui-ci du premier ? (…) N’en est-il pas de même de ce que nous appelons se décomposer et se combiner, se refroidir et s’échauffer, et ainsi de tout ? Et si parfois les mots nous font défaut pour le décrire, en fait du moins, c’est toujours une nécessité qu’il en soit ainsi, que les contraires naissent les uns des autres et qu’il y ait génération de l’un des deux à l’autre. (…) N’admet-tu pas que le contraire de la vie, ce soit la mort ? (…) Et qu’elles naissent l’une de l’autre ? (…) Si en effet les naissance ne s’équilibraient pas d’un contraire à l’autre, et tournaient pour ainsi dire en cercle, si au contraire elles se faisaient en ligne droite et uniquement d’un contraire à celui qui lui fait face, si elles ne revenaient pas vers l’autre et ne prenaient pas le sens inverse, tu te rends bien compte qu’à la fin toutes les choses auraient la même figure et tomberaient dans le même état et que la génération s’arrêterait. (…) Si, par exemple, l’assoupissement existait seul, sans avoir pour lui faire équilibre le réveil né du sommeil, tu te rend compte (…) que tout le monde serait endormi. (…) D’où nous vient l’idée d’égalité ? (…) Nous disons bien qu’il y a quelque chose d’égal, je n’entend pas parler d’un morceau de bois égal à un autre morceau de bois, ni d’une pierre égale à une pierre, ni de rien de pareil, mais d’autre chose qui est par delà toutes celles-là, de l’égalité elle-même. (…) Il faut donc que nous ayons eu connaissance de l’égalité avant le temps où, voyant pour la première fois des choses égales, nous nous sommes dit : « Toutes ces choses tendent à être telles que l’égalité, mais ne le sont qu’imparfaitement. » (…) Il faut donc que l’égalité ait existé avant que nous naissions pour qu’elle nous apparaisse ensuite comme une réminiscence. (…) Te parait-il aussi que tous les hommes puissent rendre raison de ces réalités dont nous parlions tout à l’heure ? (…) Tu ne crois pas que tous les hommes connaissent ces réalités ? (…) Qu’on m’apporte le poison. (…) Jusque là nous avions eu presque tous assez de force pour retenir nos larmes ; mais en le voyant boire et quand il eut bu, nous n’en fûmes plus les maîtres. (…) Que faites vous mes étranges amis, s’écria-t-il, soyez donc calmes et fermes. »
Qu’est-ce qu’un philosophe pour Socrate ? (conversant avec le géomètre
9. Socrate, dialecticien et communiste, 6 décembre 2009, 11:44
Socrate : je ne suis le maître de personne !
"Nous croyons façonner la cité heureuse, non pas en prenant à part un petit nombre de ses habitants pour les rendre heureux, mais en la considérant tout entière."
Socrate dans "La République de Platon
10. Socrate, dialecticien et communiste, 12 janvier 2010, 07:34, par Robert Paris
Supposons qu’il y ait un homme qui connaisse toutes les sciences, laquelle serait le plus chère à son coeur ? Est-ce la science des dés, du calcul, de la santé ? Est-ce que le but premier d’un tel homme ne serait pas que tous les hommes vivent heureux. Est-ce qu’un tel but pour la cité ne serait pas autant l’objet d’une science que tous les autres ? Est-ce que chaque type d’activité ne nécessite pas une science particulière et des hommes dédiés à cette profession ? Est-ce qu’une telle activité, rendre les hommes heureux, ne nécessiterait pas autant que d’autres, plus même que d’autres, une science particulière et des hommes qui en fassent profession ? Est-ce que, pour en faire profession une fois qu’ils auraient décidé d’y consacrer leur activité, ils n’auraient pas dû d’abord apprendre leur métier ? Est-ce que cet homme connaisseur de toutes les sciences ne choisirait pas d’aimer particulièrement celle-ci puisqu’elle vise au bonheur de tous ? Mais, en même temps qu’une science, le bonheur des hommes ne serait-il pas un art ?
1. Socrate, dialecticien et communiste, 13 janvier 2010, 11:02, par MOSHE
Supposons qu’il y ait un homme qui connaisse toutes les sciences, laquelle serait le plus chère à son coeur ? Est-ce la science des dés, du calcul, de la santé ? Est-ce que le but premier d’un tel homme ne serait pas que tous les hommes vivent heureux. Est-ce qu’un tel but pour la cité ne serait pas autant l’objet d’une science que tous les autres ? Est-ce que chaque type d’activité ne nécessite pas une science particulière et des hommes dédiés à cette profession ? Est-ce qu’une telle activité, rendre les hommes heureux, ne nécessiterait pas autant que d’autres, plus même que d’autres, une science particulière et des hommes qui en fassent profession ? Est-ce que, pour en faire profession une fois qu’ils auraient décidé d’y consacrer leur activité, ils n’auraient pas dû d’abord apprendre leur métier ? Est-ce que cet homme connaisseur de toutes les sciences ne choisirait pas d’aimer particulièrement celle-ci puisqu’elle vise au bonheur de tous ? Mais, en même temps qu’une science, le bonheur des hommes ne serait-il pas un art ?
2. Socrate, dialecticien et communiste, 27 janvier 2010, 18:01, par ZONGO DE BKO
Socrate fut un héros en ce qu’il comprit consciemment le principe suprême et le proclama. Le principe suprême possède un droit absolu. Telle est en général la condition des héros dans l’histoire universelle : c’est par leur intermédiaire que se réalise l’ascension du monde nouveau. Parce qu’il contredit le principe établi, le principe nouveau parait un principe destructeur. Pour la même raison, il semble aussi que les héros font violence aux lois ; et, individuellement, ils sont condamnés à périr ; mais leur principe poursuit son action, encore que sous une autre forme, et il sape ce qui est établi."]
En lisant,l’article sur socrate on saura directement qu’il est un hoe juste
pourquoi le juste est il condamné à mourir ?
socrate ne representait il pas une ménace à athene ?
socrate aréagit en héros en buvant la cigüe en faisant cet acte de bravoure est ce que le juste avait pensé à sa famille et à ses amis ?
3. Socrate, dialecticien et communiste, 28 janvier 2010, 10:34, par MOSHE
pourquoi le juste est il condamné à mourir ? socrate ne representait il pas une ménace à athene ? bjr zongo pourquoi socrate ne serai pas condamné à mourir ? socrate ne represente pas une ménace depuis son époque a athene jusqu’a nos jours pour les classe dirigeantes ? je te proposes de relire sont texte et a mon avie tu veras de quoi je parle.
4. Socrate, dialecticien et communiste, 28 janvier 2010, 11:38, par zongo de bko
bjr c’est zongo j’aimerais bien comprendre les idées de socrate ,car c’est le philosophe qui m’a bcp marqué.
5. Socrate, dialecticien et communiste, 28 janvier 2010, 12:39, par Robert Paris
La phrase de Hegel "Socrate fut un héros..." ne signifie pas que Socrate aurait dû être reconnu par les classes dirigeantes. Au contraire ! Il n’a pu exister si longtemps que parce qu’Athènes commençait à peine à disposer d’un Etat. il n’y avait même pas de police pour l’arrêter. Il a voulu former un groupe qui renverserait l’ordre établi. C’était un révolutionnaire. L’Etat athénien naissant lui a fait le plus grand honneur en le condamnant à mort, ce qui montre qu’il comprenait très bien que les idées sont une foce révolutionnaire....
Robert Paris
6. Socrate, dialecticien et communiste, 28 janvier 2010, 12:53, par Robert Paris
Connaitre Socrate est une opération très difficile. On ne peut pas être sûrs en la matière puisqu’il n’a écrit aucun texte. Du coup, on est amené à analyser les interprétations.
Mais, même si quelqu’un a écrit, comme Marx ou trotsky, tu constateras qu’on en est quand même réduits aux interprétations.
Ce qui compte c’est comment tu vas reconstruire Socrate pour toi, ce qu’il symbolise à tes yeux.
7. Socrate, dialecticien et communiste, 18 février 2010, 11:37, par ZONGO DE BKO
j’aimerais souléver kelk problemes
Y’a-t’il une compatiblité entre continuité et discontinuité ?
Qu’est-ce k le mouvement ?
Qu’est ce k la dickotomie ?
Quel est la différance entre la culture et la civiliisation ?
8. Socrate, dialecticien et communiste, 18 février 2010, 16:22, par Robert Paris
Tu soulèves de belles questions et je ne prétend pas du tout te retirer tes questions.... en y répondant.
Je ne voudrais surtout pas faire comme si tu étais seulement ignorant et que nous aurions des réponses défintives à ces questions. Nous avons seulement fait comme toi et nous sommes posé ces questions.
Tes questions sont des problèmes de fond. Il est fort probable que des générations plus tard, si l’humanité existe toujours, d’autres viendront et les poseront.
L’important est de se poser de telles questions, et d’aller à fond dans ce questionnement, courageusement et sans a priori. Tu verras que, si on fait cela, on est riche. Non pas riche d’une somme de connaissances. mais riche de réflexions, de pensées personnelles, de goût pour l’observation du monde, pour la réflexion philosophique qu’il suscite, pour la beauté de la nature et de la pensée sur cette nature.
Ce n’est pas de ma part une manière d’esquiver tes questions car je ne cacherais pas que j’ai tenté d’y répondre.
Tu trouveras sur le site que nous y affirmons l’incompatibilité de la continuité et de la discontinuité, l’inexistence du continu ou encore la très grande différence historique entre culture et civilisation. La base de la civilsiation n’est pas la culture, selon nous, mais le mode de production, la manière dont les hommes sont organisés en classe pour faire fonctionner l’économie sociale.
Quant à la dichotomie, elle consiste à diviser en deux le domaine d’étude et à étudier les deux parties puis à recommencer à diviser en deux chacune des parties. Zénon a été un des premiers à raisonner par dichotomie.
9. Socrate, dialecticien et communiste, 8 mars 2010, 09:43, par S DE BKO
en faite j’ai lu avec beaucoup d’entention le texte"ils ne sont grands par ce que nous sommes à génoux"mais je n’ai pas bien compris le contenu .
10. Socrate, dialecticien et communiste, 8 mars 2010, 09:46, par MOSHE
Nous croyons façonner la cité heureuse, non pas en prenant à part un petit nombre de ses habitants pour les rendre heureux, mais en la considérant tout entière."
Socrate dans "La République de Platon
11. Socrate, dialecticien et communiste, 8 mars 2010, 13:53, par Robert Paris
Nous entendons souvent dire que le pouvoir est fort, que le gouvernement nous a trompé parce qu’ils sont forts, qu’ils manipulent l’opinion, etc...
En fait, il y a bien plus de compréhension et de capacité qu’on ne le croit dans les masses populaires.
Mais parfois celles-ci ne veulent pas s’occuper de l’affaire, parfois elles veulent.
Quand nous sommes à genoux, nos ennemis paraissent forts.
Quand nous sommes debout, ils ne sont pas grand chose....
11. Socrate, dialecticien et communiste, 8 mars 2010, 19:45, par Robert Paris
"Socrate, comme le remarque Idoménée, était fort habile dans la rhétorique ; mais les trente tyrans, dit Xénophon, lui défendirent de l’enseigner. [20] Aristophane le blâme d’avoir abusé de son habileté, en ce que d’une mauvaise cause il en faisait une bonne. Phavorin, dans son Histoire diverse, assure que ce fut lui, avec Eschine, son disciple, qui les premiers enseignèrent la rhétorique. Idoménée confirme cela dans ce qu’il a écrit des disciples de Socrate. Il est encore le premier qui a traité la morale, et le premier des philosophes qui est mort condamné. Aristoxène, fils de Spinthare, raconte qu’il faisait valoir son argent et rassemblait le gain qu’il retirait de ses prêts, et cela étant dépensé, le prêtait de nouveau à profit.
Démétrius de Byzance dit que Criton le tira de sa boutique et qu’il s’appliqua à l’instruire, étant charmé des dispositions de son esprit. [21] Mais Socrate, voyant que la physique n’intéresse pas beaucoup les hommes, commença à raisonner sur la morale et en parlait dans les boutiques et sur les marchés, exhortant chacun à penser
à ce qu’il y avait de bon ou de mauvais chez lui.
Souvent il s’animait en parlant jusqu’à se frapper lui-même et à se tirer les cheveux : cela faisait qu’on se moquait de lui ; mais il souffrait le mépris et la raillerie jusque là que, comme le rapporte Démétrius, quelqu’un lui ayant donné un coup de pied, il dit à ceux qui admiraient sa patience : Si un âne m’avait donné une ruade, irais-je lui faire un procès ?
[22] Il n’eut pas besoin, pour éclairer son esprit, de voyager, à l’exemple de beaucoup d’autres ; et excepté lorsque la guerre l’a appelé hors de chez lui, il se tenait dans le même lieu, ayant des conversations avec ses amis, moins dans le dessein de combattre leur opinion que dans la vue de démêler la vérité. On dit qu’Euripide lui ayant donné à lire tin ouvrage d’Héraclite, lui demanda ce qu’il en pensait ; Ce que j’en ai compris, lui répondit-il, est fort beau, et je ne doute pas que le reste, que je n’ai pu concevoir, ne soit de la même force ; mais, pour l’entendre, il faudrait être un nageur de Délos (01).
Socrate était d’une bonne constitution, et avait beaucoup de soin de s’exercer le corps ; il fut à l’expédition d’Amphipolis, et, dans une bataille qui se donna près de Délium, il sauva la vie à Xénophon qui était tombé de son cheval ; [23] et quoique le mauvais succès du combat eût obligé les Athéniens de prendre la fuite, ? il se retira au petit pas, regardant souvent derrière lui, pour faire face à ceux qui auraient pu vouloir le surprendre. II servit aussi sur la flotte qu’on avait équipée pour réduire la ville de Potidée, la guerre ne permettant pas aux troupes d’y aller par terre. On dit que ce fut alors qu’il resta toute une nuit dans la même posture. Il fit voir son courage dans cette expédition, et céda volontairement le prix des belles actions qu’il avait faites à Alcibiade, qu’il aimait beaucoup, comme le rapporte Aristippe dans son quatrième livre des Délices anciennes. Ion de Chio dit que dans sa jeunesse il fit un voyage à Samos avec Archélaüs. Il alla aussi à Pytho (02), au rapport d’Aristote, et fut voir l’isthme, à ce que dit Phavorin, dans le premier livre de ses Commentaires.
[24] Socrate avait des sentiments fermes et républicains ; il en donna des preuves lorsque Critias (03) et ses collègues, ayant ordonné qu’on leur amenât Léonthe de Salamine, homme fort riche, pour le faire mourir, il ne voulut pas le permettre, et fut le seul des dix capitaines de l’armée qui osa l’absoudre. Lui-même, lorsqu’il était en prison et qu’il pouvait s’évader, n’eut point d’égard aux prières et aux larmes de ses amis, et les reprit en termes sévères et pleins de grands sentiments.
La frugalité et la pureté des mœurs caractérisaient encore ce philosophe ; Pamphila, dans ses Commentaires, livre septième, nous apprend qu’Alcibiade lui donna une grande place pour y bâtir une maison, et que Socrate le remercia, eu lui disant : Si j’avais besoin de souliers et que vous me donnassiez du cuir pour que je les fisse moi-même, ne serait-il pas ridicule à moi de le prendre ? Quelquefois il jetait les yeux sur la multitude des choses qui se vendaient à l’enchère, en pensant en lui-même : Que de choses dont je n’ai pas besoin ! Il récitait souvent ces vers :
« L’argent et la pourpre sont plutôt des ornements pour le théâtre que des choses nécessaires à la vie. »
Il méprisa généreusement Archélaüs de Macédoine, Scopas de Cranon, et Euryloque de Larisse, refusa leur argent, et ne daigna pas même profiter des invitations qu’ils lui firent de les aller voir. D’ailleurs il vivait avec tant de sobriété, que, quoiqu’Athènes eût souvent été attaquée de la peste, il n’en fut jamais atteint."
Extrait de "Les Vies des plus illustres philosophes de l’antiquité : avec leurs dogmes, leurs systèmes, leur morale et leurs sentences les plus remarquables"
Diogène Laërce
12. Socrate, dialecticien et communiste, 9 mars 2010, 19:49, par Socrate
Socrate a dit : "Vous voulez me suivre, ne vous préoccupez pas où est Socrate, cherchez seulement la vérité..."
"Comment découvrir découvrir des vérités ? Dans vos observations, remarquez des contradictions. Frottez les comme deux morceaux de bois pour obtenir de la lumière. La connaissance jaillit des contradictions."
"L’être et le non-être sont partout présents, à tous les niveaux. le devenir et le mouvement sont toujours à la fois être et non-être."
"Science et philosophie sont inséparables. Une science qui n’est pas fondée sur la philosophie est sans valeur."
1. Socrate, dialecticien et communiste, 18 mars 2010, 09:48, par MOSHE
Hegel écrit :
"Socrate fut un héros en ce qu’il comprit consciemment le principe suprême et le proclama.
13. Socrate, dialecticien et communiste, 19 mars 2010, 08:47, par Robert Paris
Socrate :
Et la rhétorique destinée au peuple d’Athènes comme à d’autres peuples qui vivent dans d’autres cités, des peuples d’hommes libres, de cette rhétorique, que devons-nous penser ? Les orateurs te donnent-ils l’impression de s’exprimer en vue du plus grand bien ? (...) Ou bien, les orateurs ne sont-ils pas plutôt lancés à la poursuite de tout ce qui peut faire plaisir aux citoyens ? N’agissent-ils pas en faveur de leur intérêt privé, sans faire aucun cas de l’intérêt public ? Ne traitent-ils pas les peuples comme on traite des enfants ?
14. Socrate, dialecticien et communiste, 14 septembre 2010, 18:51, par dac dac
Je ne suis ni Athénien, ni Grec, mais un citoyen du monde. » aurait dit Socrate.
15. Socrate, dialecticien et communiste, 26 avril 2014, 16:39
Lire aussi sur Socrate : Ici
16. Socrate, dialecticien et communiste, 7 août 2015, 07:27, par R.P.
Socrate à Glaucon dans « La République » de Platon :
« Seule la dialectique a cette puissance d’atteindre l’ultime réalité »
17. Socrate, dialecticien et communiste, 29 novembre 2016, 08:50, par alain
Où voit-on que Socrate serait contre les exploiteurs et du côté des travailleurs ?
18. Socrate, dialecticien et communiste, 29 novembre 2016, 08:50, par Robert Paris
Socrate dans « Apologie de Socrate » :
« Comment toi, excellent homme, qui es Athénien et citoyen de la plus grande cité du monde et de la plus renommée pour sa sagesse et sa puissance, comment ne rougis-tu pas de mettre tes soins à amasser le plus d’argent possible et à rechercher la réputation et les honneurs, tandis que ta raison, de la vérité de ton âme qu’il faudrait perfectionner sans cesse, tu ne daignes en prendre aucun soin ni souci ? »
Et Alcibiade, un aristocrate, s’indigne contre Socrate :
« Il nous parle d’ânes bâtés, de forgerons, de cordonniers, de corroyeurs. »
En somme, les classes dirigeantes s’indignent que Socrate fonde sa philosophie sur les travailleurs manuels qui sont si décriés à Athènes !!!