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Qu’est-ce que la criticalité auto-organisée ?

vendredi 6 novembre 2009, par Robert Paris

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L’auto-organisation

Fractales

Modèle du tas de sable

Physique des tas de sable, le film

Bernard Sapoval dans "Universalité et fractales" :

"Les phénomènes qu’il s’agit de caractériser comme criticalité auto-organisée sont tous des phénomènes qui se produisent dans des systèmes en déséquilibre dynamique, c’est-à-dire en présence d’échange avec l’extérieur. par exemple, la percolation d’invasion (...) Il suffit du déplacement d’une particule pour que la géométrie subisse une variation importante. L’apparition de ces instabilités a constitué une surprise pour nous. par exemple, un contact électrique, constitué d’une soudure diffuse, peut présenter des fluctuations liées au mouvement de quelques atomes seulement qui, en connectant ou déconnectant un grand amas, peuvent modifier les propriétés des contacts de façon sensible. Un tas de sable peut être en équilibre (précaire) si on n’ajoute pas de sable. Par contre, si on ajoute du sable, même très lentement, le tas devient instable. Il présente des fluctuations de toutes tailles, des "avalanches". le flux est dans ce cas un flux d’énergie apporté par le sable ajouté par en haut du tas. (...) L’auto-organisation est l’apparition spontanée d’une forme ou d’une structure qui ne résulte pas d’un programme codé comme un algorithme. (...) Jusqu’au début des années 80, on considérait que les phénomènes dits critiques étaient des phénomènes qui apparaissaient dans des circonstances exceptionnelles contrôlées par un paramètre extérieur. par exemple, les phénomènes critiques autour des transitions de phase ne sont observables que si la température est proche de la température critique : pour faire bouillir de l’eau, il faut la porter exactement à 100 degrés. Un autre exemple de phénomène critique est la percolation où il existe un paramètre, la concentration, dont la valeur nous indique si le système est près ou loin de la situation critique. Ce sont des situations dites "à l’équilibre", dans lesquelles même si des fluctuations existent le système garde au cours du temps des propriétés moyennes constantes. Qu’en est-il des systèmes très loin de l’équilibre, c’est-à-dire ceux qui sont placés dans des circonstances qui maintiennent l’existence d’un flux global d’échange avec l’extérieur ? Il n’y a guère plus d’une dizaine d’années qu’on été découverts des phénomènes qui possèdent spontanément certaines caractéristiques des phénomènes critiques sans qu’apparemment il y ait besoin d’ajuster les conditions extérieures. C’est pour cette raison qu’ils ont été appelés phénomènes critiques auto-organisés. Cette génralisation et ce vocable ont été proposés par Per Bak et ses collaborateurs en 1987, mais certains cas particuliers étaient connus depuis quelques années. Le premier de ces phénomènes est la percolation d’invasion, qui cherche à représenter la pénétration de fluides dans des milieux poreux. le second phénomène de ce type est la géométrie des soudures. Cette géométrie est aussi celle que vous obtiendriez en lançant une poignée de confettis et en étudiant la figure formée par les confettis tombés sur le sol. (...) L’exemple princeps de criticalité auto-organisée développée par Bak et ses collaborateurs est la physique du tas de sable."

Mots-clef :

dialectique
discontinuité
physique quantiquerelativité
chaos déterministerupture de symétrie
système dynamique
non-linéarité
émergence
inhibition
boucle de rétroactions
contradictions
crise
transition de phase
auto-organisation
Blanqui -
Lénine -
Trotsky
Prigogine -
Barta -
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QU’EST-CE QUE LA CRITICALITE AUTO-ORGANISEE ?

Théorie de l’auto-organisation critique

Da.Pr.

La théorie de l’auto-organisation critique est une théorie de la complexité qui permet d’étudier les changements brutaux du comportement d’un système. Cette théorie enseigne que certains systèmes, composés d’un nombre important d’éléments en interaction dynamique, évoluent vers un état critique, sans intervention extérieure et sans paramètre de contrôle. L’amplification d’une petite fluctuation interne peut mener à un état critique et provoquer une réaction en chaîne menant à une catastrophe (au sens de changement de comportement d’un système).

Cette théorie est basée sur deux concepts clefs : l’auto organisation et la criticalité. Le terme d’auto organisation désigne la capacité des éléments d’un système à produire et maintenir une structure à l’échelle du système sans que cette structure apparaisse au niveau des composantes (J.L. Deneubourg, 2002) et sans qu’elle résulte de l’intervention d’un agent extérieur. Le préfixe auto modifie le sens couramment accordé au terme d’organisation. L’auto organisation est un processus d’organisation émergent (R-A. Thietart, 2000). Mais elle se différencie de l’organisation en ce sens où l’organisation émergeante ne provient pas de forces extérieures (même si le système reste ouvert sur son environnement) mais de l’interaction de ses éléments. Si on applique ce concept à l’étude des sociétés, cela signifie qu’en plus du principe régulateur, il n’y a ni leader, ni centre organisateur, ni programmation au niveau individuel d’un projet global. Ces phénomènes d’auto organisation s’observent par exemple aussi bien dans les sociétés animales (organisation de fourmilière, de vols d’oiseaux) que dans les sociétés humaines (applaudissement, panique collective, intention de vote) ou les systèmes géographiques (les réseaux urbains). Dans les groupes humains par exemple, et plus particulièrement dans le cas de l’émergence de la propagation de rumeur ou de panique dans les foules (D. Provitolo, 2007), l’auto organisation n’est pas le fruit d’une intention prédéterminée. Des agents ou des entités en interaction, sans but commun préalablement défini, vont créer, sans le savoir et par imitation, une forme particulière d’organisation. Ce qui caractérise donc les systèmes auto organisés c’est l’émergence et le maintien d’un ordre global sans qu’il y ait un chef d’orchestre. Cette auto organisation signifie que l’on ne peut observer les mêmes propriétés aux niveaux micro et macroscopiques. Quant à la criticalité, elle caractérise les systèmes qui changent de phase, par exemple le passage de l’eau à la glace, de la panique individuelle à la panique collective. En fait, le système devient critique quand tous les éléments s’influencent mutuellement. Lorsque cet état critique est atteint, le système peut bifurquer, c’est-à-dire qu’il change brutalement de comportement pour passer d’un attracteur à un autre. Cet état critique est un attracteur du système dynamique atteint à partir de conditions initiales différentes. Cet état critique est dit auto organisé car l’état du système résulte des interactions dynamiques entres ses composantes et non d’une perturbation externe. L’auto-organisation est donc un processus qui passe par des états critiques.
La notion de criticalité auto-organisée a été proposée par Per Bak, Chao Tang et Kurt Wiesenfeld en 1987. Dans son livre intitulé How Nature Works - The science of self-organized criticality, Per Bak applique cette théorie à de nombreux phénomènes complexes, notamment à l’évolution phylogénique des espèces vivantes, aux mécanismes déclenchant des tremblements de terre, des avalanches, des embouteillages et, pour prendre un dernier exemple, aux krachs boursiers.

Pour illustrer cette théorie, P. Bak et al. utilisent un modèle simple : le tas de sable. L’expérience consiste à ajouter régulièrement des grains à un tas de sable. Petit à petit le sable forme un tas dont la pente, en augmentant lentement, amène le tas de sable vers un état critique. L’ajout d’un grain peut alors provoquer une avalanche de toute taille, ce qui signifie qu’une petite perturbation interne n’implique pas forcément de petits effets. Dans un système non linéaire, une petite cause peut en effet avoir une grande portée. Les avalanches connaissent donc différentes amplitudes qui sont toutes générées par une même perturbation initiale (un grain de sable supplémentaire). S’il n’est pas possible de prédire la taille et le moment de l’avalanche, en revanche cette théorie nous renseigne sur l’ensemble des réponses du système lorsqu’il atteint l’état critique. L’état critique auto organisé d’un système est donc un état ou le système est globalement métastable tout en étant localement instable. Cette instabilité locale (de petites avalanches dans le modèle du tas de sable) peut générer une instabilité globale (de grosses avalanches entraînant l’effondrement du tas) qui ramène ensuite le système vers un nouvel état métastable : le tas de sable connaît une nouvelle base.

Selon P. Bak, l’une des particularités des systèmes auto organisés critiques est de posséder une double signature fractale, temporelle et spatiale. Ainsi, les variables qui décrivent le comportement du système suivent des lois puissance et les systèmes auto organisés critiques construisent des formes fractales.

Si cette théorie a fait l’objet de nombreuses applications en physique, son utilisation en sciences sociales est plus rare. En géographie, A. Dauphiné (2003) a appliqué la théorie des systèmes auto-organisés critiques aux réseaux urbains en établissant un rapprochement entre la fractalité fonctionnelle (Zipf) et spatiale (Christaller) de ces derniers et cette théorie. Les villes d’un réseau urbain s’ordonnent en effet selon une première loi fractale, la loi rang taille ou la loi de Zipf (loi puissance). De plus, l’emboîtement des villes en hexagone, démontré par la théorie des lieux centraux, est un exemple d’organisation territoriale fractale. Le système urbain métastable (un système local par exemple) atteindrait ainsi un point critique avant de se diriger vers un nouvel état métastable (un système régional).

Bibliographie :

Bak P. 1996, How Nature Works -The science of self-organized criticality, Springer Verlag

Dauphiné A., 2003, Les théories de la complexité chez les géographes, Economica, Paris.

Dauphiné A., Provitolo D., 2003, « Les catastrophes et la théorie des systèmes auto organisés critiques », p. 22-36, in : Les risques / sous la direction de V. Moriniaux. Nantes : Éditions du Temps.

Dauphiné A., 2003, « Les réseaux urbains : un exemple d’application de la théorie des systèmes auto-organisés critiques », Annales de Géographie, n° 631, p. 227-242.

Deneubourg J-L., 2002, « Emergence et insectes sociaux », p. 99-117, in : La complexité, vertiges et promesses sous la direction de Réda Benkirane, Le Pommier.

Provitolo D., 2007, « A proposition for a classification of the catastrophe systems based on complexity criteria », 4th European Conference on Complex Systems (ECCS’07), - EPNACS’2007 - Emergent Properties in Natural and Artificial Complex Systems, Dresden, Germany, October 1-5, 2007. Actes du colloque. http://www-lih.univ-lehavre.fr/ bertelle/epnacs2007-proceedings/provitolo4epnacs07.pdf

Sornette D., 2006, Critical Phenomena in Natural Sciences : chaos, fractals, selforganization and disorders, Berlin, Springer Verlag, 2ème édition, 528 p.

Thiétart R.-A., 2000, « Management et complexité : concepts et théories », Cahier n° 282, Centre de Recherche DMSP.
Da.Pr.

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