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Qu’est-ce qu’une transition de phase ?

lundi 17 août 2015, par Faber Sperber, Robert Paris

" Tout le monde sait qu’un aimant attire un clou en fer. Si l’on essaie d’attirer un clou en fer avec un aimant chauffé, l’attraction subsiste, sauf si l’aimant est porté au-dessus d’une certaine température dite « température de Curie », du nom de Pierre Curie, qui a découvert ce phénomène à la fin du siècle dernier. Ce changement brutal des propriétés de l’aimant aux alentours de la température de Curie porte le nom savant de « transition de phase de second ordre ». Un exemple encore plus banal de « transition de phase est la fusion de la glace, transformation solide-liquide, qui se produit à la température de O degrés centigrade, ou bien encore l’ébullition de l’eau, transformation liquide-gaz, qui se produit à 100 degrés. Une phase est un état de la matière défini par un certain nombre de propriétés qui varient de façon continue quand on change la température. Par exemple, il existe une phase gazeuse de l’eau, c’est la vapeur. La propriété qui varie de façon continue quand on fait varier la température de ce gaz, c’est par exemple la pression." 

Bernard Sapoval dans « Universalité et fractales »

L’importance des transitions de phase provient du fait qu’un corps peut être sans cesse en équilibre entre deux ou plusieurs phases. Au sein du nuage ou à la surface d’un lac, dans la neige et la glace, l’eau passe sans cesse d’un état à autre, d’une structure à une autre, d’une loi à une autre. Voilà un exemple de transition de phase.

Dans une transition de phase, les différentes phases (par exemple liquide, solide, gazeux) sont interpénétrées à toutes les échelles. La transition est un état dynamique capable de basculer dans un sens ou dans un autre à grande vitesse.

Transitions de phase, l’exemple de l’azote

Observation d’une transition entre 7x7 et un quasi-liquide 1x1 en Si(111) à 1050 °K

Transition de phase dans une croissance/diffusion auto-organisée

Cette image STM montre la discontinuité de la transition de phase entre phase métallique et non-métallique

L’expression « transition » est un peu trompeuse car elle laisse entendre un changement graduel. C’est l’inverse. Il s’agit d’une discontinuité et d’une transformation irréversible. Les transitions de phase sont-elles des cas rares ou des exceptions assez courantes. Ni l’un ni l’autre. Elles sont générales dans tous les domaines des sciences. C’est une observation relativement récente. Les transitions de phase ont été observées d’abord en thermodynamique (changement d’état solide/liquide/gaz). Elles ont donné lieu à l’expression de l’entropie qui mesure ces changements qualitatifs. La notion d’énergie suggérait au contraire des changements seulement quantitatifs. Que signifie la notion de « qualité » en termes d’énergie ? Il s’agit d’un changement de niveau hiérarchique du phénomène. La matière agit à plusieurs niveaux. Le changement d’échelle n’est ni linéaire, ni continu, ni réversible. Il y a un seuil pour un tel changement. Passé ce seuil, le phénomène change de nature ou bien un autre phénomène, qui n’existait pas précédemment, a lieu.
Donnons quelques exemples : à un certain seuil de température l’eau bout ou le métal cesse d’être aimanté, la configuration d’un flocon ou d’un cristal de glace change. A une certaine concentration d’un produit chimique, une réaction chimique s’enclenche ou s’arrête, une cristallisation commence. A une certaine pression, la glace se met à fondre. Le seuil peut être une pression, une température, un temps, une puissance, une énergie, une masse, etc… Les exemples sont différents mais le mécanisme de transition est semblable. Passé un seuil, une étoile naît, une réaction nucléaire s’active, un tremblement de terre s’enclenche, une roche se fracture, un électron est émis par une surface du fait de la réception de lumière (effet photoélectrique), etc… Le saut d’un électron d’une couche de l’atome est une transition. L’émission ou absorption de lumière entre deux particules est une transition. Le choc de particules est une transition. L’échange d’électrons entre molécules ou atomes est une transition. La formation d’une émulsion d’huile est une telle transition. La fixation d’une protéine activatrice sur un gène est une transition. Le passage d’un état stable de la molécule à un autre est une transition. Le changement de disposition géométrique d’une molécule dans l’espace à trois dimensions dans une femto seconde environ est une transition. Le passage d’une dynamique de percolation à un blocage est une transition. Le passage d’un écoulement laminaire à un écoulement turbulent est une transition. Ce paradigme de la transition dépasse largement le domaine de la physique, de la chimie et de la biologie. Le changement social est une transition.
On dira qu’il y a transition de phase si l’état est qualitativement changé par rapport à l’ancien état et que le changement est historiquement marqué de façon irréversible. Il y a un seuil quantitatif, un changement de phénomène et il y a un saut quantitatif également. La discontinuité est fondamentale. Il y a eu interaction d’échelle. Les lois qui apparaissent après la transition sont dites émergentes car elles n’existaient pas, même en germe, dans l’état précédent.

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Le physicien Per Bak, dans « Quand la nature s’organise », déclare " Les systèmes hors d’équilibre se distinguent complètement de ceux à l’équilibre (...) démontrant l’inutilité du langage de l’équilibre pour ce type de problème. Il fallait un nouveau mode de pensée. (...) La théorie de Wilson des transitions de phase (...) a montré que les propriétés fondamentales d’un système près d’une transition de phase n’ont aucun lien avec les détails microscopiques du problème."

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La transition de phase est un saut qualitatif brutal (ce qui ne signifie pas instantané) et dans lequel la structure change de manière discontinue, passant d’un état à un autre.

Si autrefois la principale transition de phase que l’on connaissait était celle de états de l’eau, solide, liquide, gazeux, aujourd’hui il en va tout autrement. On a également dépassé le cas, simple, de l’aimantation ferro-magnétique. Ce phénomène de discontinuité, rupture de symétrie à un seuil à partir duquel un phénomène collectif entraîne un changement qualitatif des propriétés est bien plus général à la matière. A toutes les échelles, nous connaissons des transitions de phase de la matière.

L’étude des transitions de phase de la matière indique que la relation entre phases (gaz, liquide, solide) est dynamique et non statique. Aucune portion n’est en permanence en état de fluide ou de solide. Les phases s’échangent, se mêlent, échangent de la matière et de l’énergie, constituent entre elles des frontières dynamiques, passent brutalement d’un état à l’autre. Il n’y a entre elles aucune frontière fixe. Un état ne se maintient que par échange avec un autre. La conservation n’est compréhensible que comme produit de la transformation. La compréhension de la dynamique du mouvement et du changement doit intégrer les contradictions. Ce sont elles qui permettent que la dynamique mène à des structure entièrement nouvelles : émergentes.

« Les physiciens ont été guidés par l’effet collectif par excellence en physico-chimie, la transition de phase. Qu’il s’agisse du simple phénomène de cristallisation de l’eau, de l’aimantation d’un ferro-aimant ou de la formation de paires d’électrons de Cooper responsables de la supraconductivité, le phénomène macroscopique intrinsèquement collectif que constitue ne transition de phase, a les propriétés recherchées. Dans tous les cas, elle se solde par la modification d’une symétrie. (...) La symétrie initiale n’est cependant pas détruite, seulement dissimulée (...) Dans tous ces cas, apparaît une nouvelle propriété macroscopique mesurable directement issue du caractère collectif de la réorganisation des degrés internes de liberté du système. Et enfin, dans tous les cas, la transition a lieu à un seuil critique de température qui est directement lié à une propriété thermodynamique : la tendance d’un système à adopter la configuration correspondant à la minimisation de l’énergie interne." écrit Edgar Gunzig dans "Le vide".

En fait, tout au long de ce site nous montrons que cette notion de transition de phase touche aussi bien l’économie, le social, le politique. Ces phénomènes ont en commun avec la transition de phase de la physique de constituer un saut qualitatif au travers duquel la structure elle-même change ainsi que les lois qui y sont attachées. Pour passer de la féodalité à la société bourgeoise, on ne peut se contenter de changements continus ni de changements quantitatifs. le saut qualitatif est du type de celui envisagé par la philosophie dialectique : c’est un changement fondamental, une transformation révolutionnaire. C’est pour cela qu’inversement j’emploie le terme de révolution en sciences.

La phase de transformation s’appelle en physico-chimie l’état critique et en socio-politique il s’agit du double pouvoir ou dualité de pouvoirs. dans cette situation, aucun des deux régimes ne fonctionne, ni l’ancien ni le futur.

Un exemple : la formation de la neige et de la glace

Extraits de « Sciences et dialectiques de la nature » (ouvrage collectif – La Dispute)

« Qu’entre qualité et quantité il y ait passage conceptuel susceptible de reproduire des passages réels est chose si peu hypothétique qu’existe une discipline scientifique dont c’est tout l’objet, la physique des transitions de phase (…) Peut-on expliquer les discontinuités qui s’observent à l’échelle macroscopique par exemple dans la vaporisation d’un liquide à partir de sa structure microscopique ? Se produirait-il une « modification brutale » à la température de transition « dans les interactions entre atomes », dont le changement de phase serait le « reflet » ? La question, indique Roger Balian dans « Le temps macroscopique » dans « Le temps et sa flèche », a été définitivement tranchée : « Rien à l’échelle atomique ne distingue l’eau de sa vapeur ou de la glace ; leurs transformations mutuelles ne traduisent qu’un changement d’organisation de l’édifice global, contrôlé seulement par deux paramètres macroscopiques, la température et la pression. » (…) Le qualitativement nouveau vient à jour à partir de lui-même. »

Lucien Sève dans « Nature, science, dialectique : un chantier à rouvrir »

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