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Qu’est-ce qu’un système dynamique ?

dimanche 22 août 2010, par Faber Sperber, Robert Paris

Quand on étudie un nuage, une ville, un être vivant, une côte, une étoile, une galaxie et même une particule matérielle, on s’aperçoit que l’on peut pas l’analyser comme une somme d’éléments en évolution mais comme un ensemble, un système dont l’évolution est indispensable à l’existence même de la structure. Les caractéristiques de celle-ci sont alors des propriétés émergentes de la dynamique globale.

La stabilité d’un système, sa description par une ou des structures, par un ou des paramètres, son ou ses équilibres et les transitions entre eux peuvent être dynamiques. Cela signifie que, derrière l’apparente stabilité, il y a des instabilités, derrière l’ordre il y a des désordres, derrière l’équilibre il y a des déséqulibres. L’ordre, l’équilibre, la structure ne sont alors que globaux ou moyens, issus d’un grand nombre d’interactions. Un système dynamique dépend des conditions antérieures, de l’évolution dans le temps : il est déterministe mais cela ne signifie pas qu’il soit nécessairement prédictible ni que l’avenir du système découle simplement des conditions du passé. Il peut sauter d’un état à un autre de manière discontinue en étant sensible aux conditions initiales, c’est-à-dire en dépendant de tout petits changements des états passés.

En cela, la dynamique s’oppose à la statique. mais la dynamique s’oppose aussi à la cinématique selon laquelle tout est décrit par de simples déplacements. En dynamique, les structures elles-mêmes, les paramètres eux-mêmes peuvent changer qualitativement.

Il suffit d’une non-linéarité des lois, il suffit d’un déséquilibre permanent au plan énergétique pour que des structures nouvelles apparaissent. Or, toutes les lois des sytèmes ne sont linéaires aue par approximation et tous les sytèmes ne sont pas complètement isolés.

Par exemple, l’équilibre d’un système dynamique n’est pas identique à celle d’un système statique. L’équilibre d’un système dynamique n’est pas un point fixe atteint par le système. C’est une série d’états que parcourt le système pour conserver des caractéristiques globales tout en changeant sans cesse. Cela signifie que les parties du système changent sans cesse pour que des caractéristiques moyennes ou globales se conservent. Cela signifie aussi que c’est l’agitation qui produit l’équilibre global, la variation qui produit la conservation, le désordre qui produit l’ordre.

D’autre part, les systèmes dynamiques connaissent des changements spontanés qui sont des changements qualitatifs brutaux, ce qui n’est pas le cas des systèmes cinématiques et des systèmes fixes.

Il en résulte que certains systèmes dynamiques connaissent des bifurcations et des changements qualitatifs brutaux et sont donc imprévisibles. Comme l’expose Bernard Sapoval dans « Universalités et fractales », « Lorsqu’on parle d’équilibre, il convient de distinguer s’il s’agit d’équilibre statique ou d’équilibre dynamique. (…) Certains systèmes dynamiques les plus simples, par exemple ne dépendant que d’une seule variable, peuvent avoir un comportement hautement imprévisible. (…) Le point fondamental de ce chaos déterministe est la reconnaissance que des systèmes simples, déterministes, peuvent avoir un comportement apparemment aléatoire. Le déterminisme exprime l’idée que, si les conditions d’existence d’un phénomène sont posées et déterminées, ce phénomène ne peut pas ne pas se produire. (…) Dans le cadre du déterminisme, l’existence d’un chaos ne peut résulter que de la méconnaissance des causes telle que nous l’avons décrite pour le cas du lancer de dé. (…) Mais ce dont il s’agit, c’est du « chaos déterministe », terme employé pour décrire une autre forme d’évolution apparemment et pratiquement chaotique bien que complètement déterminée par des équations simples que l’on applique dans des conditions connues. (…) La sensibilité aux conditions initiales caractérise le régime chaotique. (…) Dans le régime chaotique, si l’on part de deux points voisins, même très voisins, on se trouvera au bout d’un certain temps dans des positions très éloignées. (…) C’est dans le cadre très général des systèmes dynamiques non linéaires que se situe le phénomène si familier mais si difficile à élucider de la turbulence. (…) La turbulence peut se décrire schématiquement comme un processus dissipatif dans lequel l’énergie cinétique du fluide est progressivement transférée depuis des tourbillons de grande taille vers les processus microscopiques de dissipation liés à la viscosité. Ce transfert se produit au moyen d’une cascade de tourbillons de tailles de plus en plus petites. »

« Tout système dynamique peut être caractérisé par une énergie cinétique, qui dépend de la seule vitesse des corps qui le composent, et par une énergie potentielle, qui dépend de l’interaction entre ces corps, c’est-à-dire de leurs distances relatives. »

Ilya Prigogine dans « La fin des certitudes »

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Ce caractère dynamique signifie que la réalité est produite au fur et à mesure du processus et que le résultat final ne peut être connu d’avance. Au lieu de structures préétablies, on découvre un ordre dynamique, sans cesse détruit et reconstruit, et dont le processus de destruction participe de la reconstruction. Cela signifie que la structure n’est pas préexistante mais produite par la dynamique et qu’elle contient en son sein sa propre contradiction. Le caractère dynamique des phénomènes provient du fait que les contradictions ne sont jamais épuisées, mais toujours renouvelées, au moins dans leur forme. La contradiction n’entraîne pas la suppression des causes, mais la nouveauté de l’élément produit et du niveau de l’interaction. La dynamique du changement est fondée sur deux types d’interactions. Il y a des interactions dites positives, encore appelées boucles explosives parce que ces boucles amplifient le message de façon exponentielle. Deux effets sont possibles : soit une expansion soit un blocage (par exemple, par épuisement). L’autre type de boucle de rétroaction, dite négative, s’appuie sur une réentrée qui produit un freinage, une inhibition, une régulation ou un blocage de l’interaction. Le couplage des rétroactions positives et négatives donne un mécanisme dynamique capable de s’autoréguler, produisant une structure globalement stable. On a là deux mécanismes contradictoires et rétroactifs qui, en explorant le champ des possibles, en passant par plusieurs paliers transitoires, vont finir par trouver un niveau d’équilibre, mais on ne peut pas prévoir à quel moment cet équilibre sera brutalement rompu. Par exemple, la dynamique peut rester très longtemps dans une zone appelée selle de cheval (ou col) en étant sans cesse en transformation mais en conservant des paramètres ne quittant pas cette zone. Elle peut durer longtemps et sembler stable. Puis, tout à coup, du fait d’un petit changement, les boucles de rétroactions sont susceptibles de se désordonner et même de sauter rapidement à un autre niveau d’équilibre. Le col est durable mais il n’est pas stable. Un mécanisme de régulation de ce type peut être construit spontanément par des rétroactions opposées qui explorent tous les modes durables. Les sauts de la dynamique sont beaucoup plus rapides que les phases stationnaires. C’est même une propriété essentielle puisqu’un saut d’une durée trop longue serait impossible. Il ne s’agit donc pas simplement d’interactions entre des produits physiques, chimiques, biochimiques mais aussi entre propriétés des interactions, essentiellement de leurs durées, de leurs rythmes. La dynamique, celle des océans, de la tectonique du globe, des climats, des espèces comme celle des muscles, des neurones, des sensations et des rêves, est une rétroaction du lent et du rapide. L’une des conséquences de ce type d’ordre, émergent et issu du désordre, est l’imbrication, au sein de cette dynamique, entre hasard et nécessité. Mais ces deux termes ont changé de contenu. Il s’agit d’un apparent hasard (au sens d’une agitation et non de l’absence de loi) et d’une nécessité non linéaire, capable de sauter d’une solution à une autre, et donc non prédictible. En découle notamment la propriété de la nature d’évoluer vers des états où émergent des nouveautés structurelles comme les diverses manifestations de la matière, de la lumière, de la vie et, entre autres, la conscience. La notion de programme doit être abandonnée. Cette comparaison à l’informatique et aux robots n’est pas valide. La principale différence provient du fait que, dans la dynamique émergente, le programme, souple et dynamique, est produit à chaque fois par la dynamique elle-même. Le produit de cette dynamique du non linéaire, du discontinu, du non-équilibre, du contradictoire est l’imprédictibilité, malgré l’obéissance du monde à des lois.

Définition et fonction d’un système

Ensemble structuré d’éléments en interaction, de nature ou fonction identique / similaire, susceptible d’avoir des propriétés nouvelles que n’a pas la somme de ses parties, dites propriétés émergentes.

Ces nouvelles propriétés sont celles de la fonction du système. Cette fonction résulte des interactions internes qui se trouvent transformées sous l’influence des échanges du système avec l’extérieur (cf. changement d’état / phase, bifurcation, point critique).

La description du système fait alors appel à :

ses paramètres statiques décrivant sa structure.

ses paramètres fonctionnels ou variables d’états décrivant sa dynamique dans l’espace des points repères dénommé espace des phases.

Dans cet espace, le système décrit une, de multiples voire d’innombrables trajectoires.

Les zones où elles se concentrent constituent les attracteurs du système.

Il n’existe que trois formes d’attracteur :

le point : le système s’effondre vers lui chaque fois qu’on l’en écarte.

un cycle : le système le parcourt selon une certaine période ( notion d’horloge biologique).

l’attracteur chaotique ou attracteur étrange. Il a une structure fractale, occupe une zone de l’espace des phases et peut être considéré comme une combinaison d’orbites périodiques instables.

Un système peut parcourir plusieurs attracteurs. Le passage de l’un à l’autre ou le changement d’orbite à l’intérieur d’un attracteur étrange correspond à un changement d’état du système, appelé aussi bifurcation.

Cette bifurcation a lieu à la suite du franchissement d’un point dit critique.

Images d’attracteurs


Extrait de « Entre le temps et l’éternité » d’Ilya Prigogine et Isabelle Stengers :

« Nous avons surtout souligné les dimensions négatives du chaos dynamique, la nécessité qu’il implique d’abandonner les notions de trajectoire et de déterminisme. Mais l’étude des systèmes chaotiques est également une ouverture ; elle crée la nécessité de construire de nouveaux concepts, de nouveaux langages théoriques. Le langage classique de la dynamique implique les notions de points et de trajectoires, et, jusqu’à présent, nous-mêmes y avons eu recours alors même que nous montrions l’idéalisation – dans ce cas illégitime – dont elles procèdent. Le problème est maintenant de transformer ce langage, de sorte qu’il intègre de manière rigoureuse et cohérente les contraintes que nous venons de reconnaître.
Il ne suffit pas, en effet, d’exprimer le caractère fini de la définition d’un système dynamique en décrivant l’état initial de ce système par une région de l’espace des phases, et non par un point. Car une telle région, soumise à l’évolution que définit la dynamique classique, aura beau se fragmenter au cours du temps, elle conservera son volume dans l’espace des phases. C’est ce qu’exprime un théorème général de la dynamique, le théorème de Liouville. Toutes les tentatives de construire une fonction entropie, décrivant l’évolution d’un ensemble de trajectoires dans l’espace des phases, se sont heurtées au théorème de Liouville, au fait que l’évolution d’un tel ensemble ne peut être décrite par une fonction qui croîtrait au cours du temps.
Or, un argument simple permet de montrer l’incompatibilité, dans le cas d’un système chaotique, entre le théorème de Liouville et la contrainte selon laquelle toute description définit le « pouvoir de résolution » de nos descriptions ; il existera toujours une distance r telle que nous ne pourrons faire de différence entre des points plus proches l’un de l’autre (…) La nouvelle description des systèmes dynamiques chaotiques substitue au point un ensemble correspondant à un fragment de fibre contractante. Il s’agit d’une description non locale, qui tient compte de la contrainte d’indiscernabilité que nous avons définie. Mais cette description n’est pas relative à notre ignorance. Elle donne un sens intrinsèque au caractère fini de nos descriptions : dans le cas où le système n’est pas chaotique, où l’exposant de Lyapounov est de valeur nulle, nous retrouvons la représentation classique, ponctuelle, et les limites mises à la précision de nos mesures n’affectent plus la représentation du système dynamique.
Cette nouvelle représentation brise également la symétrie temporelle. (…) Là où une seule équation d’évolution permettait de calculer l’évolution vers le passé ou vers le futur de points eux-mêmes indifférents à cette distinction, nous avons maintenant deux équations d’évolution différentes. L’une décrirait l’évolution d’un système vers un équilibre situé dans le futur, l’autre décrirait l’évolution d’un système vers un équilibre situé dans le passé.
L’un des grands problèmes de l’interprétation probabiliste de l’évolution vers l’équilibre était que la représentation probabiliste ne donne pas sens à la distinction entre passé et futur. (…) La nouvelle description dynamique que nous avons construite incorpore, en revanche, la flèche du temps (…) Les comportements dynamiques chaotiques permettent de construire ce pont, que Boltzmann n’avait pu créer, entre la dynamique et le monde des processus irréversibles. La nouvelle représentation de l’objet dynamique, non locale et à symétrie temporelle brisée, n’est pas une description approximative, plus pauvre que la représentation classique. Elle définit au contraire cette représentation classique comme relative à un cas particulier. (…) Nous savons aujourd’hui que ces derniers (les systèmes non-chaotiques), qui dominèrent si longtemps l’imagination des physiciens, forment en fait une classe très particulière. (…) C’est en 1892, avec la découverte d’un théorème fondamental par Poincaré ( la loi des trois corps), que se brisa l’image homogène du comportement dynamique : la plupart des systèmes dynamiques, à commencer par le simple système « à trois corps » ne sont pas intégrables.
Comment comprendre cet énoncé ? Depuis les travaux de Hamilton, on sait qu’un même système dynamique peut être représenté de différentes manières équivalentes par une transformation dite canonique (ou unitaire) (…) L’hamiltonien du système est la grandeur qui détermine son évolution temporelle.
Parmi toutes les transformations unitaires, il en existe une qui permet d’aboutir à une représentation privilégiée du système. C’est celle qui fait de l’énergie, c’est-à-dire de l’hamiltonien, une fonction des seuls moments, et non plus des positions. Dans une telle représentation, les mouvements des différentes particules du système sont décrits comme s’ils ne dépendaient plus des positions relatives des particules, c’est-à-dire comme si elles n’étaient plus en interaction. (…) Les mouvements possibles de tels systèmes ont donc la simplicité des mouvements libres. (…)
Or, en 1892, Poincaré montra qu’en général il est impossible de définir la transformation unitaire qui ferait des « actions » des invariants du système. La plupart des systèmes dynamiques n’admettent pas d’invariants en dehors de l’énergie et de la quantité de mouvement, et dès lors ne sont pas intégrables.
La raison de l’impossibilité de définir les invariants du mouvement qui correspondent à la représentation d’un système dynamique intégrable tient à un mécanisme de résonance. (…) Le mécanisme de résonance peut être caractérisé comme un transfert d’énergie entre deux mouvements périodiques couplés dont les fréquences sont entre elles dans un rapport simple.
Ce sont ces phénomènes de résonance – mais, cette fois, entre les différents degrés de liberté qui caractérisent un même système dynamique – qui empêchent que ce système soit mis sous une forme intégrable. La résonance la plus simple entre les fréquences se produit quand ces fréquences sont égales, mais elle se produit aussi à chaque fois que les fréquences sont commensurables, c’est-à-dire chaque fois qu’elles ont entre elles un rapport rationnel. Le problème se complique du fait que de manière générale les fréquences ne sont pas constantes. (…) Ce qui fait que, dans l’espace des phases d’un système dynamique, il y aura des points caractérisés par une résonance, alors que d’autres ne le seront pas. L’existence des points de résonance interdit en général la représentation en termes de variables cycliques, c’est-à-dire une décomposition du mouvement en mouvements périodiques indépendants.
Les points de résonance, c’est-à-dire les points auxquels les fréquences ont entre elles un rapport rationnel, sont rares, comme sont rares les nombres rationnels par rapport aux nombres irrationnels. Dès lors, presque partout dans l’espace des phases, nous aurons des comportements périodiques de type habituel. Néanmoins, les points de résonance existent dans tout le volume fini de l’espace des phases. D’où le caractère effroyablement compliqué de l’image des systèmes dynamiques telle qu’elle nous a été révélée par la dynamique moderne initiée par Poincaré et poursuivie par les travaux de Kolmogoroff, Arnold et Moser.
Si les systèmes dynamiques étaient intégrables, la dynamique ne pourrait nous livrer qu’une image statique du monde, image dont le mouvement du pendule ou de la planète sur sa trajectoire képlérienne constituerait le prototype. Cependant l’existence des résonances dans les systèmes dynamiques à plus de deux corps ne suffit pas pour transformer cette image et la rendre cohérente avec les processus évolutifs étudiés précédemment. Lorsque le volume reste petit, ce sont toujours les comportements périodiques qui dominent. (…)
Cependant, pour les grands systèmes, la situation s’inverse. Les résonances s’accumulent dans l’espace des phases, elles se produisent désormais non plus en tout point rationnel, mais en tout point réel. (…) Dès lors, les comportements non périodiques dominent, comme c’est le cas dans les systèmes chaotiques. (…)
Dans le cas d’un système de sphères dures en collision, Sinaï a pu démontrer l’identité entre comportement cinétique et chaotique, et définir la relation entre une grandeur cinétique comme le temps de relaxation (temps moyen entre deux collisions) et le temps de Lyapounov qui caractérise l’horizon temporel des systèmes chaotiques. (…)
Or, l’atome en interaction avec son champ constitue un « grand système quantique » auquel, nous l’avons démontré, le théorème de Poincaré peut être étendu. (…) La « catastrophe » de Poincaré se répète dans ce cas : contrairement à ce que présupposait la représentation quantique usuelle, les systèmes caractérisés par l’existence de telles résonances ne peuvent être décrits en termes de superposition de fonctions propres de l’opérateur hamiltonien, c’est-à-dire d’invariants du mouvement. Les systèmes quantiques caractérisés par des temps de vie moyens, ou par des comportements correspondants à des « collisions », constituent donc la forme quantique des systèmes dynamiques au comportement chaotique (…)
L’abandon du modèle des systèmes intégrables a des conséquences aussi radicales en mécanique quantique qu’en mécanique classique. Dans ce dernier cas, il impliquait l’abandon de la notion de point et de loi d’évolution réversible qui lui correspond. Dans le second, il implique l’abandon de la fonction d’onde et de son évolution réversible dans l’espace de Hilbert. Dans les deux cas, cet abandon a la même signification : il nous permet de déchiffrer le message de l’entropie. (…)
La collision, transfert de quantité de mouvement et d’énergie cinétique entre deux particules, constitue, du point de vue dynamique, un exemple de résonance. Or, c’est l’existence des points de résonance qui, on le sait depuis Poincaré, empêche de définir la plupart des systèmes dynamiques comme intégrables. La théorie cinétique, qui correspond au cas d’un grand système dynamique ayant des points de résonance « presque partout » dans l’espace des phases , marque donc la transformation de la notion de résonance : celle-ci cesse d’être un obstacle à la description en termes de trajectoires déterministes et prédictibles, pour devenir un nouveau principe de description, intrinsèquement irréversible et probabiliste.
C’est cette notion de résonance que nous avons retrouvée au cœur de la mécanique quantique, puisque c’est elle qu’utilisa Dirac pour expliquer les événements qui ouvrent un accès expérimental à l’atome, l’émission et l’absorption de photons d’énergie spécifique, dont le spectre constitue la véritable signature de chaque type d’atome. (…) Le temps de vie, qui caractérise de manière intrinsèque un niveau excité, dépend, dans le formalisme actuel de la mécanique quantique, d’une approximation et perd son sens si le calcul est poussé plus loin. Dès lors, la mécanique quantique a dû reconnaître l’événement sans pouvoir lui donner de sens objectif. C’est pourquoi elle a pu paraître mettre en question la réalité même du monde observable qu’elle devait rendre intelligible. (…)
Pour expliquer les transitions électroniques spontanées qui confèrent à tout état excité un temps de vie fini, Dirac avait dû faire l’hypothèse d’un champ induit par l’atome et entrant en résonance avec lui. Le système fini que représente l’atome isolé n’est donc qu’une abstraction. L’atome en interaction avec son champ est, lui, un « grand système quantique », et c’est à son niveau que se produit la « catastrophe de Poincaré ».
L’atome en interaction avec le champ qu’il induit ne constitue pas, en effet, un système intégrable et ne peut donc pas plus être représenté par l’évolution de fonction d’onde qu’un système classique caractérisé par des points de résonance ne peut être caractérisé par une trajectoire. C’est là la faille que recélait l’édifice impressionnant de la mécanique quantique. (…) Il est significatif que, partout, nous ayons rencontré la notion de « brisement de symétrie ». Cette notion implique une référence apparemment indépassable à la symétrie affirmée par les lois fondamentales qui constituent l’héritage de la physique. Et, en effet, dans un premier temps, ce sont ces lois qui ont guidé notre recherche. (…) La description à symétrie temporelle brisée permet de comprendre la symétrie elle-même comme relative à la particularité des objets autrefois privilégiés par la physique, c’est-à-dire de situer leur particularité au sein d’une théorie plus générale. »

Extraits de « Entre le temps et l’éternité » d’Ilya Prigogine et Isabelle Stengers

Plus d’information sur :

Les systèmes dynamiques

La nature a longtemps été prise pour un ensemble d’objets fixes pouvant être mis en mouvement, modifiés ou cassés par une force externe. Cette image statique, stable, sans dynamique interne est morte. dans tous les domaines, elle fait place à une image dynamique. Au lieu de "choses" fixes, on fait appel à des structures issue de l’agitation sous-jacente. La structure n’est qu’un mode selon lequel l’ensemble est globalement stable bien qu’en continuel changement. Les molécules du nuage changent, bougent, échangent de l’énergie, et cela même quand l’apparence extérieure du nuage reste inchangée. La stabilité de température n’est pas fondée sur l’absence d’agitation mais sur une agitation moyenne. Les éléments composants changent eux-même sans cesse, comme c’est le cas des cellules d’un être vivants, ou encore de ses molécules formant ses composants biochimiques. Il n’y a pas si longtemps, on voyait encore la matière comme une construction basée sur des objets fixes. Avec des atomes, on fabriquait des molécules. Avec des électrons et des noyaux, on fabriquait des atomes. Avec des neutrons et des protons, on fabriquait des noyaux atomiques. Les particules élémentaires semblaient des objets fixes, capables seulement de se déplacer, de s’attirer, de se repousser, de se rapprocher ou de se choquer. L’électron était un individu auquel arrivait des rencontres comme à n’importe quel individu, rencontres au travers desquelles il restait lui-même. On se demandait seulement si l’électron était élémentaire ou composite. Les caractéristiques de l’électron (masse, charge, vitesse, énergie, etc... ) semblaient être la preuve de la conservation d’un même objet au cours du temps.

Aujourd’hui, il en va tout autrement. L’électron n’est plus du tout vu comme un objet individuel, existant de manière stable à une seule échelle, mais comme un phénomène, une propriété qui se déplace, qui saut d’une particule à une autre au sein d’un nuage de points. C’est l’agitation du vide qui permet l’existence de l’électron comme des autres particules, agitation qui se manifeste par des apparitions et des disparitions de couples particule/antiparticule. Le noyau de l’atome lui-même n’existe que du fait d’une incroyable agitation formée non seulement par le vide mais par des myriades de particules éphémères et par des multiples échanges entre protons et neutrons et non par une fixité des neutrons et des protons.

Il apparaît donc aujourd’hui que la nature, à toutes les échelles, est formée de structures et non d’objets, des structures dissipatives donc fondées sur une agitation et tirant leur énergie du désordre sous-jacent, ces structures, espèces de membranes entourant des domaines, étant les seuils entre des désordres à plusieurs niveaux. Les désordres sont eux-mêmes le produit du combat permanent des forces contradictoires, des tendances opposées qui l’emportent ou s’inhibent mutuellement alternativement. Les constantes ne sont rien d’autre que les euils entre deux désordres.

Le nuage, la ville, l’homme, le noyau atomique, l’électron, la plante, la bactérie sont de telles structures dissipatives qui ne peuvent nullement être décrits comme des objets indépendants, individuels et fixes mais, au contraire, comme des produits d’une agitation extérieure permanente. Sans l’agitation du vide, pas de matière. Sans agitation des molécules, pas de structures des cristaux. Sans agitation des échanges commerciaux et de la production, pas de villes.

Voici se qu’écrit James Trefil de l’Université George Mason de Virginie : "Bien qu’on se représente habituellement le noyau comme un ensemble statique de protons et de neutrons, il est en réalité un lieu essentiellement dynamique. Des particules de toutes sortes s’y déplacent en tous sens et à toute allure, se percutant les une les autres, subissant créations et destructions selon que leur énergies sont converties en masse ou leurs masses en énergie. (...) Depuis les années cinquante, plus de deux cents de ces particules ont été découvertes à l’intérieur du noyau."

Dans cette dynamique, la notion d’individu isolé ou d’équilibre statique n’a pas de sens. Il n’y a pas plus de noyau fixe ou de proton fixe que d’électron fixe, envisageable en tant qu’individu égal à lui-même. L’individu particule n’existe pas plus que l’étoile isolée, sans galaxie et amas de galaxie. Pas plus que l’homme isolé de son univers humain, social, culturel et matériel.

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