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Qu’est-ce qu’une boucle de rétroaction ?

jeudi 19 février 2009, par Faber Sperber, Robert Paris

"C’est cette notion de boucle qui fait que le local et le global ne sont pas séparables. Le global va contraindre et même définir les agents locaux et, en même temps, les agents locaux sont les seuls responsables de l’émergence de la totalité."

Francisco Varela

dans "La complexité, vertiges et promesses", Réda Benkirane

La rétroaction (on utilise aussi couramment le terme anglais feedback), est, au sens large, l’action en retour d’un effet sur le dispositif qui lui a donné naissance, et donc, ainsi, sur elle-même. Une boucle de rétroaction est un dispositif qui lie l’effet à sa propre cause, avec ou sans délai.

La répétition de la réaction (réaction itérative) entraîne :

• son amplification continuelle (cercle vertueux ou vicieux, selon que cette amplification est jugée favorable ou non), dans le cas de rétroaction positive,

• son extinction progressive ou non (avec pompage ou non) en cas de rétroaction négative.

Les comportements des systèmes se répartissent en cinq grands types :
• en emballement effet boule de neige, (effet Larsen, explosion nucléaire...),

• en régulation stable (aéronautique, aérospatial, régulation des processus industriels par l’automatique),

• en amplification contrôlée : c’était le cas de la détectrice à réaction dans les anciens postes de TSF. Le risque d’emballement reste cependant présent,

• en fonctionnement cyclique, avec ou sans amortissement : clignoteur, sonnette électrique, thermostat ...

• en fonctionnement chaotique. Il arrive qu’un comportement chaotique débouche sur un des trois autres types de comportement, qui est dit alors émergent.

Qu’est-ce qu’une boucle de rétroaction ?

Boucle de rétroaction en génétique

Exemples de boucles de rétroaction en biochimie et physiologie

La rétroaction de la mort et de la vie

Rétroaction du lent et du vif

Dynamique des systèmes complexes et boucle de rétroaction

Actions rétroactives des cellules vivantes

Boucles de rétroaction en génétique

Boucles de rétroaction et stabilité des systèmes

Lire encore

Conférence pour l’Université de tous les savoirs de Robert Sadourny :

« Qu’est-ce que le climat ?

« Le tableau dynamique que nous venons de peindre du fonctionnement de l’environnement terrestre a pour élément central la circulation de l’atmosphère globale qui réalise un cycle thermodynamique moteur et produit ainsi l’énergie mécanique nécessaire pour s’entretenir elle-même et entraîner le reste du système : cycle hydrologique, circulation océanique… Le régime de cette machine complexe est, en fin de compte, déterminé par le contraste de température entre hautes et basses latitudes qui résulte de la compétition autorégulatrice entre le chauffage différentiel de la Terre par le rayonnement par le rayonnement solaire et l’effet compensatoire des transports de chaleur par l’océan et l’atmosphère…

Ces processus peuvent s’organiser en chaîne formant une boucle fermée, dite boucle de rétroaction, dont le résultat final est d’agir sur la cause même de la perturbation qui sollicite le système, pour s’y opposer ou au contraire pour l’amplifier. Dans le premier cas, on a affaire à une boucle de rétroaction négative (stabilisante) et dans le second cas à une boucle de rétroaction positive (déstabilisante).

Historiquement, le mécanisme le plus anciennement reconnu parmi ces enchaînements d’actions et de réactions est la boucle température-neige-albedo qui a été avancée comme une explication possible des transitions relativement brutales et difficilement réversibles entre le régime climatique glaciaire et un régime chaud comme le régime actuel…

Un autre processus, très important celui-là, est la boucle de rétroaction température-vapeur d’eau- effet de serre. Une élévation de température de l’atmosphère favorise l’augmentation du contenu en vapeur d’eau de l’air, comme on peut aisément s’en rendre compte en visitant les Tropiques. Or, la vapeur d’eau est une des espèces chimiques qui absorbent le rayonnement infrarouge émis par la surface et, compte tenu de la quantité présente dans une colonne d’air, le principal contributeur à l’effet de serre est l’atmosphère. L’augmentation de l’humidité atmosphérique entraîne donc un réchauffement supplémentaire de la surface : c’est un processus de rétroaction positive, c’est-à-dire déstabilisant…. Suivant les circonstances, la saison, la latitude…, les nuages peuvent aussi bien amplifier qu’atténuer l’effet direct d’un réchauffement imposé à l’atmosphère par une cause externe…

L’atmosphère et l’océan nous apparaissent ainsi comme les deux acteurs principaux du grand jeu climatique. Le dialogue entre ces deux acteurs joue un rôle central : les vents entraînent les eaux superficielles de l’océan ; en retour le mouvement des masses d’eau transporte de grandes quantités de chaleur qui réchauffent à leur tour l’atmosphère, modifiant ainsi le régime des vents qui vont à leur tour entraîner l’océan. Les interactions de ce type, ou rétroactions, sont monnaie courante dans le système climatique ; elles engendrent les instabilités et les oscillations naturelles qui dominent le comportement du système. Parmi les oscillations liées aux interactions océan-atmosphère, la plus connue est le phénomène portant les noms d’El Niño (pour sa partie océanique) et d’Oscillation australe (pour sa partie atmosphérique)… El Niño est une oscillation interannuelle, avec une pseudo-période de l’ordre deux à quatre ans. Il existe aussi dans les tropiques des oscillations intrasaisonnières, dont les périodes sont de l’ordre de quelques décades ; elles sont caractérisées par la propagation d’amas convectifs vers l’est, de l’ouest de l’océan Indien vers le Pacifique équatorial… Plus proche de nous, il faut citer l’Oscillation Nord-atlantique, qui se traduit par des modulations d’intensité du contraste entre les basses pressions d’Islande et les hautes pressions des Açores… Une autre oscillation interne, à des échelles de temps beaucoup plus longues, est la possibilité de modulation de la circulation thermohaline, donc du flux de chaleur océanique et de la formation d’eau profonde dans l’Atlantique nord… Le système climatique nous apparaît donc comme un oscillateur assez complexe. Cet oscillateur a ses modes d’oscillation propres….

A des échelles de temps moins longues, quelques dizaines de milliers d’années, la variabilité climatique a pour source principale les variations lentes de la distribution de l’insolation, due aux irrégularités du mouvement orbital de la Terre. Le mouvement de la Terre autour du Soleil est en effet perturbé par l’attraction des autres planètes du système solaire… Les variations correspondantes de l’insolation sont entièrement définies par la variation dans le temps de trois paramètres : l’excentricité de l’ellipse, qui module le contraste entre une saison chaude globale où la Terre est proche du Soleil, et une saison froide globale où elle est éloignée du Soleil ; l’obliquité de l’équateur terrestre sur l’écliptique, qui module le contraste entre l’hémisphère d’été et l’hémisphère d’hiver ; et enfin, la précession, qui définit le déphasage entre la saison chaude globale et l’hiver ou l’été de l’un ou l’autre des deux hémisphères… Il est aujourd’hui universellement admis que les grandes variations du climat qui ont dominé les deux derniers millions d’années sont dues à ces variations orbitales et aux variations d’insolation qui en découlent. Les phénomènes les plus marquants sont les alternances d’époques glaciaires et interglaciaires, rythmées par la lente accumulation, puis la disparition relativement rapide d’énormes calottes de glace sur l’Amérique du Nord et le nord de l’Europe… L’accumulation de glace sur les pôles est toujours lente, car il faut beaucoup de temps à l’atmosphère pour transporter de la vapeur d’eau en quantité suffisante aux hautes latitudes où l’air est froid et peu porteur d’humidité. Le retour à l’interglaciaire par fonte ou déstabilisation des calottes est beaucoup plus rapide. Nous nous situons aujourd’hui à la fin d’une période interglaciaire qui a débuté il y a environ 10 000 ans. Le dernier maximum glaciaire, c’est-à-dire l’époque où le climat a été le plus froid et où les calottes glaciaires ont atteint leur extension maximale, s’est produit il y a environ 20 000 ans. A cette époque, le Canada et le nord des Etats-Unis étaient recouverts par plus de 3,5 km de glace, et le nord de l’Europe et de la Russie, par plus de 2 km de glace ! La température moyenne du globe était de 5 à 6° plus basse qu’aujourd’hui, et les pôles étaient plus froids d’environ dix degrés. Juste après le retour à l’interglaciaire, il y a 6 à 10 000 mille ans, le climat était légèrement plus chaud qu’aujourd’hui : la précession était telle que la Terre était proche du soleil durant l’été boréal (c’est le contraire actuellement) : les étés de l’hémisphère nord étaient donc plus chauds, les moussons africaines et asiatiques étaient plus intenses et pénétraient plus au nord dans les deux continents : le sud de ce qui est aujourd’hui le désert saharien était relativement verdoyant et peuplé d’animaux et de pasteurs, comme le rappelaient les fresques du Tassili…

Ce que nous disent les archives de l’évolution du climat que sont les calottes glaciaires et les modélisations que l’on peut faire de l’évolution du climat sur ces périodes de temps, c’est que le système climatique se comporte comme un amplificateur des impulsions orbitales, grâce aux multiples rétroactions dues par exemple au cycle de l’eau : la formation de calottes glaciaires et l’accroissement du manteau neigeux, en renvoyant davantage d’énergie solaire vers l’espace, intensifient le refroidissement ; ou encore, dues au dioxyde de carbone et au méthane. La teneur de ces gaz dépend de l’activité biologique et diminue lors des baisses d’insolation, avec pour conséquence un affaiblissement de l’effet de serre et donc un refroidissement supplémentaire.

Une autre cause naturelle, externe, de variations climatiques est l’activité même du soleil. La « dynamo » solaire est modulée par des cycles de 22 ans ; la luminosité varie, elle, suivant des cycles de 11 ans, car elle ne dépend pas du signe du champ magnétique. Les périodes d’activité maximale du soleil se manifestent par la multiplication de taches solaires (surcompensées par des « facules » ou plages extrêmement brillantes). Nous disposons d’observations quantitatives de l’évolution de l’activité solaire depuis la fondation de l’Observatoire de Paris dans la deuxième moitié du XVIIe siècle (apparition, disparition, nombre de taches, variations du diamètre du soleil qui varie en raison inverse de son activité). Nous savons ainsi que la deuxième moitié du XVIIe siècle a été une période d’activité solaire particulièrement faible, allant jusqu’à une disparition totale des taches durant des périodes de plusieurs années… »

Messages

  • bonsoir fraternel c’est S de Bamako, j’ai lu la brève explication consacrée à la :Qu’est-ce qu’une boucle de rétroaction ?mais à vrai dire je suis perdu dans le sujet.j’aimérais alors une explication plus cliare et deux exemples.

    • La notion de boucle de rétroaction couvre un grand nombre de phénomènes physiques, chimiques, biologiques ou de société : tous ceux dans lesquels le résultat d’une action est à nouveau renvoyé dans le phénomène soit pour l’accentuer soit pour le freiner.

      Par exemple, le son. S’il est amplifié par un appareil, il y aura rétroaction s’il repasse dans l’amplificateur. c’est ce qu’on appelle un larsen.

      Dans un phénomène biologique, le produit d’une réaction biochimique peut venir freiner la production de ce produit, régulant ainsi sa production évitant ainsi qu’elle ne dépasse ce qui est nécessaire.C’est de l’auto-régulation.

      Robert Paris

    • Salut,

      Un exemple de boucle de rétroaction est donné par la machine climatique. Il est tiré du dernier livre de Laurent Cabrol "Climat : et si la terre s’en sortait toute seule" p. 55, météorologiste qui essaie de combattre les prédictions apocalyptiques à propos du réchauffement climatique.
      Quel est l’effet d’une augmentation de la température sur le globe ?
      IL peut aboutir à un réchauffement prolongé ou au contraire à un refroidissement, même si le mécanisme sous-jacent par lequel on décrit la météo est le même dans les deux cas. Pour la raison suivante :
      Si la température augmente, l’évaporation de l’eau augmente, il y aura plus de nuages. Or quel est l’effet des nuages sur la température ? Il y en a deux qui sont contradictoires, on les a tous observés : pendant la journée, une couverture nuageuse fait baisser la température, c’est l’effet parasol. Mais une nuit nuageuse est plus chaude qu’une nuit sans nuages, les nuages font donc dans ce cas augmenter (par effet de serre du gaz qu’est la vapeur d’eau) la température, c’est l’effet couverture.
      Pour résumer : une paramètre A ( la température) s’il augmente, crée un paramètre B (des nuages) quiaura à son tour a un effet sur le facteur A : A influcence B, qui en retour influence A, qui comme au départ influencera à nouveau B. Mais l’effet peut être positif ou négatif (amplificateur ou modérateur).
      Dans le cas des nuages, si l’effet couverture l’emporte, une augmentation de A (plus chaud) entraine une augmentation de B (plus de nuages) qui fera augmenter A (plus chaud), le feedback est "positif", la température peut augmenter rapidement par effet boule de neige. Mais si c’est l’effet "parasol" qui l’emporte, l’augmentation de A (plus chaud) implique l’augmentation de B (plus de nuages) qui implique la diminution de A (plus froid), la rétroaction est négative, une augmentation des températures entraine une augmentation de la couverture nuageuse qui après à un certain temps à un diminution des températures !
      Conclusion : les discours sur le réchauffement climatiques qui ne parlent pas des feedbacks qui peuvent être positifs ou négatifs sont peu rigoureux !

  • Revenons toutefois, à ce stade de l’analyse, sur la nécessité d’insérer la rétroaction des structures et des processus émergents dans l’explication biologique. Il est aisé de se représenter le corps comme une mécanique complexe dont le développement serait entièrement commandé par des gènes moléculaires, ordonnés à leur propre réplication et agissant comme des éléments de détermination stricte des constructions organiques émergentes. La vision qui se dégage alors de la description visée est celle d’une parcellisation extrême des structures vitales et d’une dérivation rigide des fonctions résultantes. Contre cette vision radicalement réductionniste, se développe la tendance à prendre en compte le point de vue de l’intégration. Suivant cette perspective, l’analyse doit se fonder sur la représentation des systèmes de développement de l’organisme intégré et sur leur dynamique variable : ce qui ressort alors, c’est le caractère changeant et ajustable des processus et des combinaisons de structures élémentaires qui déterminent la construction organique et par suite l’organisation vitale. La construction organique repose en effet sur les interactions multiples entre les gènes moléculaires et d’autres composantes non géniques, à la fois internes et externes aux organisations cellulaires. La notion même de gène moléculaire devient alors relative à la combinatoire de ces interactions. À la limite, le gène moléculaire n’apparaît même plus comme une structure circonscrite de triplets d’acide aminés, constitutive des divers allèles à un locus chromosomique donné et sous-tendant de façon causale les réactions chimiques du développement organique. Outre la pluralité des types de segment génique moléculaire en cause et outre la fréquente pluri-fonctionnalité de ces segments, les mécanismes de transmission, eux-mêmes divers, altèrent en effet fréquemment l’ordre de segmentation des molécules géniques. À l’autre bout de la chaîne, ce sont des contextes contingents et variables qui déterminent et affectent les processus morphogénétiques en agissant sur la base moléculaire et sur les mécanismes de transcription des éléments géniques.

    La critique ne peut que s’exercer à l’encontre d’une génétique moléculaire qui supposerait que l’ADN contient sous formes de segments géniques parfaitement discrets l’ébauche préformée de toute expression sous forme de séquences de polypeptides indépendamment du système organique dans lequel cette expression se manifeste, que ce soit une cellule ou l’organisme tout entier. Certes, personne ne nie que le contexte morphogénétique puisse avoir une influence sur le mécanisme d’expression, mais la tendance réductionniste voudrait que l’on considère cette influence comme méthodologiquement accessoire, donc non strictement requise pour expliquer l’organisation résultant de l’expression génique. C’est d’ailleurs sur ce point que la métaphore du programme ou du code régissant la transcription est le plus susceptible de troubler la compréhension des processus en les rabattant sur un système de préformation déterminante, plutôt que sur un système qui laisse place à l’épigenèse dans la mise en œuvre des prédispositions géniques et de leur infrastructure moléculaire type. Il ne s’agit certes pas de dénier aux gènes moléculairescommesegments types d’ADN un rôle causal essentiel dans l’explication des traits phénotypiques de l’organisme, mais de contester que l’on puisse décomposer analytiquement les propriétés structurales et fonctionnelles des cellules et des organismes globaux en des raisons déterminantes strictes au plan des combinaisons moléculaires, sans tenir compte des déterminations qui dépendent du contexte cellulaire et organismique. Pour citer Griffiths et Gray :

    Les gènes ne sont qu’une des ressources disponibles pour les processus de développement. Il y a symétrie fondamentale entre le rôle des gènes et celui du cytoplasme maternel ou celui de l’apprentissage du langage par l’enfant. La gamme complète des ressources de développement représente le système complexe qui est reproduit dans le développement. Il y a fort à dire sur le rôle spécifique des ressources particulières. Mais rien ne permet de les distinguer en deux espèces fondamentalement distinctes. Le rôle des gènes n’est pas plus unique que le rôle de maint autre facteur .

  • "Toute organisation fait intervenir des boucles de régulation par quoi chaque élément est tenu informé des effets de son propre fonctionnement et l’ajuste en conséquence dans l’intérêt du tout."

    François Jacob dans "La logique du vivant"

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