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Qu’est-ce que la percolation ?

mercredi 16 juin 2010, par Faber Sperber, Robert Paris

Un exposé simple

Une conférence sur la percolation

Au cours des dernières décennies, la théorie de la percolation, l’étude mathématique de la percolation, a apporté de nouvelles connaissances et techniques à un large éventail de sujets en physique, en science des matériaux, en réseaux complexes, en épidémiologie et dans d’autres domaines. Par exemple, en géologie, la percolation fait référence à la filtration de l’eau à travers le sol et les roches perméables. L’eau s’écoule pour recharger les eaux souterraines de la nappe phréatique et des aquifères. Dans les endroits où des bassins d’infiltration ou des champs de drainage septiques sont prévus pour évacuer des quantités substantielles d’eau, un test de percolation est nécessaire au préalable pour déterminer si la structure prévue est susceptible de réussir ou d’échouer. Dans un réseau carré bidimensionnel, la percolation est définie comme suit. Un site est "occupé" avec une probabilité p ou "vide" (auquel cas ses arêtes sont supprimées) avec une probabilité 1 - p ; le problème correspondant est appelé percolation de site.

La percolation présente généralement l’universalité. Des concepts de physique statistique tels que la théorie de la mise à l’échelle, la renormalisation, la transition de phase, les phénomènes critiques et les fractales sont utilisés pour caractériser les propriétés de percolation. La combinatoire est couramment utilisée pour étudier les seuils de percolation.

En raison de la complexité qu’implique l’obtention de résultats exacts à partir de modèles analytiques de percolation, des simulations informatiques sont généralement utilisées. L’algorithme actuel de percolation le plus rapide a été publié en 2000 par Mark Newman et Robert Ziff.

Bernard Sapoval dans « Universalités et fractales » :

« La percolation est des phénomènes critiques les plus simples. Un phénomène est dit critique pour caractériser le fait que les propriétés d’un système peuvent changer brusquement en réponse à une variation même très faible des conditions extérieures. Dans les conditions critiques, le système hésite entre deux états différents, il est instable et présente de grandes fluctuations. (…) Percolation vient du latin « percolare » : couler à travers. Dans la pratique courante, on sait faire du café avec un percolateur qui injecte de l’eau dans une poudre de café comprimé. (…) Pour obtenir du café, il faut qu’il y ait suffisamment de passage entre les grains pour laisser l’eau filtrer. L’eau peut ne pas passer, soit parce que des pores sont bouchés, soit parce que les connexions entre les pores sont bloquées. Pour avoir du café, il faut que l’eau puisse « percoler ». Il n’est pas si facile de faire du bon café. Vous pourriez penser qu’il n’y a qu’à diluer les grains et avoir des pores grands ouverts. Mais si les pores sont trop grands et contiennent trop d’eau, on extraira bien les arômes, mais le café sera trop dilué. Au contraire, si la poudre est trop serrée, on bouchera aléatoirement trop de pores et… plus de café. (…) La réalité nous en offre des illustrations spectaculaires. Ainsi les incendies de forêt en l’absence de vent. (…) La percolation a de nombreuses applications dans l’étude et la maîtrise des propriétés des matériaux hétérogènes comme les matériaux composites. (…) Le plus souvent, le pétrole se trouve dans des milieux ou des roches poreuses d’où l’on ne sait extraire que 30 à 40% de cette source d’énergie présente. (…) On a affaire à la propagation d’un fluide moins visqueux dans un milieu poreux aléatoire. (…) La représentation la plus simple d’un milieu poreux est un assemblage de conduits de tailles variables, tailles réparties selon une certaine loi de probabilité. Les gros pores sont plus facilement envahis que les petits. (…) L’invasion qui se produit suivant ce mécanisme a été baptisée « percolation d’invasion »

La percolation est un processus physique critique qui décrit pour un système, une transition d’un état vers un autre.

C’est un phénomène de seuil associé à la transmission d’une « information » par le biais d’un réseau de sites et de liens qui peuvent, selon leur état, relayer ou non l’information aux sites voisins.
Ce phénomène a été étudié pour la première fois en 1957 par Hammersley qui cherchait à comprendre comment les masques à gaz des soldats devenaient inefficaces. Le terme de percolation vient du phénomène similaire qu’est le passage non plus d’un gaz, mais de l’eau à travers le percolateur de la machine à café qui est un filtre au même titre que le masque à gaz. (Dans ce cas l’information est le fluide, eau ou gaz, et les sites sont les pores du filtre qui relayent l’information s’il ne sont pas bouchés).

Le seuil de percolation correspond à l’apparition au sein du système d’un amas de taille infini. Cette apparition est décrite mathématiquement comme étant une « transition de phase du second ordre ».

La percolation

La percolation est cette capacité pour un fluide (une information, une rumeur, une nouveauté technologique, un revenu ou un liquide) de traverser un tas ou un système chaotique, par des déplacements de proche en proche. Le seuil de percolation est le début d’une transformation (de la rétention à l’écoulement) ou d’une émergence (un insight, une illumination, le cri d’eureka). On retrouve la différence entre information et connaissance. Sur un glacier, la percolation de l’eau (phase liquide) dans la neige contribue à la formation du névé, puis de la glace. Dans un terrain de type sagne ou tourbière, faute de pente, l’eau d’un ruisseau peut difficilement se frayer un chemin. Dans le cas de la Goutte de l’Oule, malgré la pente, on ne peut parler de ruisseau que dans la mesure où l’homme l’aide à se montrer comme un cours (cheminement, mouvement d’écoulement) d’eau et non comme un marais stagnant (qui ne coule pas). Dans l’altération des roches de surface, la vitesse de circulation des eaux au contact des minéraux est le facteur principal. D’où l’importance de la vitesse de percolation de l’eau, à travers l’horizon en cours d’altération. Cette vitesse est fonction du climat (pluviosité et température de l’eau). Lors de la formation des roches métamorphiques, dans la profondeur de la lithosphère, les fluides (eau, CO2, CH4, O2, N2) restent abondants, même à de grandes profondeurs. Cela implique que la percolation se prolonge assez loin dans l’intérieur de la Terre.

Formalisation.

Le concept mathématique de percolation a été formulé par le mathématicien anglais J. M. Hammersley, en 1957. Il cherchait à décrire le passage d’un fluide à travers un milieu poreux. Peu à peu, le concept de percolation s’est répandu dans de nombreux domaines. Généralement, il cherche à décrire un phénomène critique (crucial). Avant le seuil de percolation, il n’y a pas d’écoulement. Au-delà de ce seuil, l’écoulement est très large. C’est pourquoi on emploie ce terme en épidémiologie. Il pourrait aussi s’appliquer à la mode et à tout phénomène d’imitation ou de contagion : dans une forêt en feu, un arbre ne brûle que si plusieurs de ses voisins sont en flammes. On retrouve le jeu de la vie de Conway. La percolation peut être isotrope (identique dans toutes les directions) ou anisotrope (le feu va peu contre le vent et revient difficilement sur la terre brûlée). Les modèles mathématiques de la percolation permettent de comprendre le passage d’un chaos vers un réseau. On réalise une multiplication aléatoire de liens entre des couples de points d’un ensemble. Au-delà d’un certain seuil de connexion, un écoulement se réalise de part en part. L’émergence d’un véritable réseau solidarise le fonctionnement de l’ensemble. Un chaos structurant précède ce qui peut apparaître, rétrospectivement, comme une pensée organisatrice.

Pierre-Gilles de Gennes, prix Nobel français de Physique en 1991 (pour ses découvertes sur les cristaux liquides et les polymères), est l’auteur de travaux sur la percolation. En 1969, P. W. Kasteleyn et C. M. Fortuin ont montré la correspondance entre les grandeurs mesurant la percolation et celles utilisées pour simuler des transitions de phase. La percolation réunit des éléments, de proche en proche, pour former des amas (mouillés, malades, conducteurs, à la mode, etc, selon le domaine) de plus en plus gros. L’amas infini possède une propriété d’auto-similitude qui en fait une fractale. On peut donc mesurer sa dimension fractale (dimension non-entière, dimension de Hausdorff-Besicovitch). Combinant géométrie et statistiques, la physique des systèmes désordonnés regroupe les travaux sur la percolation, sur les objets fractals et sur le chaos.

(Dans tous les domaines, la percolation peut se traduire par des arrêts ou par des écoulements brutaux imprévisibles (choc économique par disparition brutale et contagieuse de la confiance). Un désordre local (Sarajevo, 1914 ; Wall Street, 1929 ; New-York, 11 septembre 2001) peut entraîner un désordre général.

La percolation est un modèle probabiliste simple qui inhibe une transition de phase (comme nous l’expliquons ci-dessous). La version la plus simple se déroule sur Z2, que nous considérons comme un graphe avec des arêtes entre les angles voisins. Toutes les arêtes de Z2 sont, indépendamment les unes des autres, choisies pour être ouvertes avec probabilité fermée avec probabilité 1 − p. Une question de base dans ce modèle est « Quelle est la probabilité qu’il existe un chemin ouvert, c’est-à-dire un chemin dont tous les bords sont ouverts, de l’origine à l’extérieur du carré Sn : = [−n, n] 2 ? » Cette question a été soulevée par Broadbent en 1954 lors d’un symposium sur les méthodes de Monte Carlo. Elle a ensuite été reprise par Broadbent et Hammersley, qui considéraient la percolation comme un modèle pour un milieu aléatoire. Ils ont interprété les bords de Z2 comme des canaux à travers lesquels le fluide ou le gaz pouvait s’écouler si le canal était suffisamment large (un bord ouvert) et non si le canal était trop étroit (un bord fermé). On a supposé que le fluide se déplacerait partout où il pourrait aller, de sorte qu’il n’y ait pas d’aléa dans le comportement du fluide, mais tout le hasard dans ce modèle est associé au milieu. Nous utiliserons 0 pour désigner l’origine. Une limite asn → de la question posée ci-dessus est "Quelle est la probabilité qu’il existe un chemin ouvert de 0 à l’infini ?" Cette probabilité est appelée probabilité de percolation et notée θ (p). Clairement θ (0) = 0 et θ (1) = 1, car il n’y a pas d’arêtes ouvertes du tout lorsque p = 0 et toutes les arêtes sont ouvertes lorsque p = 1. Il est également intuitivement clair que la fonction p → θ (p) n’est pas décroissante. Ainsi le graphe de la fonction θasa de p devrait avoir la forme indiquée dans la figure 1, et on peut définir la probabilité critique par pc = sup p : θ (p) = 0. Pourquoi ce modèle est-il intéressant ? Pour y répondre, nous définissons le cluster (ouvert) C (v) du vertex v∈Z2 comme l’ensemble de points connectés à v par un chemin ouvert. Les clusters C (v) sont les composantes connectées maxi-mal de la collection d’arêtes ouvertes de Z2, et θ (p) est la probabilité que C (0) soit infinie. Si p pc, alors θ (p)> 0 et il y a une probabilité strictement positive que C (0) soit infini. Une application de la loi zéro-un de Kolmogorov montre qu’il y a alors avec la probabilité 1 un éclat infini. En fait, il s’avère qu’il existe un cluster infini unique. Ainsi, le comportement global du système est assez différent pour p pc.Une telle transition brusque dans le comportement global d’un système à une certaine valeur de paramètre est appelée transition de phase ou phénomène critique par physiologie statistique, et la valeur du paramètre à laquelle la transition a lieu est appelée valeur critique. Il existe une abondante littérature de physique sur ces phénomènes. Broadbent et Hammersley ont prouvé que 0 <pc <1 pour la percolation sur Z2, de sorte qu’il y a effectivement une transition de phase non triviale. Une grande partie de l’intérêt pour la percolation vient de l’espoir que l’on sera mieux en mesure d’analyser le comportement de diverses fonctions près du point critique pour le modèle simple de percolation, avec toutes ses propriétés de dépendance intégrées, que pour d’autres modèles plus compliqués. pour les milieux désordonnés. En effet, la percolation est la plus simple de la famille des soi-disant amas aléatoires ou modèles Fortuin-Kasteleyn, qui comprend également le célèbre modèle d’Ising pour le magnétisme. Les études de percolation et les modèles de grappes aléatoires se sont influencés mutuellement. La percolation peut évidemment être généralisée à la percolation sur n’importe quel graphe G, même aux graphes (partiellement) dirigés. On peut également considérer le modèle dans lequel les sommets sont indépendamment ouverts ou fermés, mais toutes les arêtes sont supposées ouvertes. Cette version s’appelle ? QU’EST-CE QUE ... Harry Kesten est professeur émérite de mathématiques à l’Université de Cor-nell, contrairement à la version que nous avons envisagée jusqu’à présent, et qui s’appelle la percolation des liaisons. Cela n’a pas été très réussi ; on connait p seulement pour quelques réseaux planaires (par exemple, pc = 1/2 pour la percolation de liaison sur Z2 et pour la percolation de site sur le treillistriangulaire). La valeur de pc dépend fortement des propriétés géométriques de G. L’attention s’est donc déplacée vers des questions sur la distribution du nombre de sommets dans C (0) et les propriétés géométriques des clusters ouverts lorsque p est proche de pc. On pense qu’un certain nombre de ces propriétés sont universelles, c’est-à-dire qu’elles ne dépendent que de la dimension de G, et non des détails de sa structure.

Sur la percolation

Et encore sur la percolation

A lire aussi :

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Percolation’s papers

• • Newman, Mark ; Ziff, Robert (2000). "Efficient Monte Carlo Algorithm and High-Precision Results for Percolation". Physical Review Letters. 85 (19) : 4104–4107. arXiv:cond-mat/0005264. Bibcode:2000PhRvL..85.4104N. CiteSeerX 10.1.1.310.4632. doi:10.1103/PhysRevLett.85.4104. PMID 11056635. S2CID 747665.

• • Brunk, Nicholas E. ; Lee, Lye Siang ; Glazier, James A. ; Butske, William ; Zlotnick, Adam (2018). "Molecular jenga : The percolation phase transition (collapse) in virus capsids". Physical Biology. 15 (5) : 056005. Bibcode:2018PhBio..15e6005B. doi:10.1088/1478-3975/aac194. PMC 6004236. PMID 29714713.

• • Lee, Lye Siang ; Brunk, Nicholas ; Haywood, Daniel G. ; Keifer, David ; Pierson, Elizabeth ; Kondylis, Panagiotis ; Wang, Joseph Che-Yen ; Jacobson, Stephen C. ; Jarrold, Martin F. ; Zlotnick, Adam (2017). "A molecular breadboard : Removal and replacement of subunits in a hepatitis B virus capsid". Protein Science. 26 (11) : 2170–2180. doi:10.1002/pro.3265. PMC 5654856. PMID 28795465.

• • R. Cohen and S. Havlin (2010). "Complex Networks : Structure, Robustness and Function". Cambridge University Press.

• • Parshani, Roni ; Carmi, Shai ; Havlin, Shlomo (2010). "Epidemic Threshold for the Susceptible-Infectious-Susceptible Model on Random Networks". Physical Review Letters. 104 (25) : 258701. arXiv:0909.3811. Bibcode:2010PhRvL.104y8701P. doi:10.1103/PhysRevLett.104.258701. ISSN 0031-9007. PMID 20867419.

• • Grassberger, Peter (1983). "On the Critical Behavior of the General Epidemic Process and Dynamical Percolation". Mathematical Biosciences. 63 (2) : 157–172. doi:10.1016/0025-5564(82)90036-0.

• • Newman, M. E. J. (2002). "Spread of epidemic disease on networks". Physical Review E. 66 (1 Pt 2) : 016128. arXiv:cond-mat/0205009. Bibcode:2002PhRvE..66a6128N. doi:10.1103/PhysRevE.66.016128. PMID 12241447. S2CID 15291065.

• • D. Li, B. Fu, Y. Wang, G. Lu, Y. Berezin, H.E. Stanley, S. Havlin (2015). "Percolation transition in dynamical traffic network with evolving critical bottlenecks". PNAS. 112 (3) : 669–72. Bibcode:2015PNAS..112..669L. doi:10.1073/pnas.1419185112. PMC 4311803. PMID 25552558.

• • Guanwen Zeng, Daqing Li, Shengmin Guo, Liang Gao, Ziyou Gao, HEugene Stanley, Shlomo Havlin (2019). "Switch between critical percolation modes in city traffic dynamics". Proceedings of the National Academy of Sciences. 116 (1) : 23–28. Bibcode:2019PNAS..116...23Z. doi:10.1073/pnas.1801545116. PMC 6320510. PMID 30591562.

• X. Yuan, Y. Hu, H.E. Stanley, S. Havlin (2017). "Eradicating catastrophic collapse in interdependent networks via reinforced nodes". PNAS. 114 (13) : 3311–3315. arXiv:1605.04217. Bibcode:2017PNAS..114.3311Y. doi:10.1073/pnas.1621369114. PMC 5380073. PMID 28289204.

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