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Les paradoxes de Zénon d’Élée

mercredi 29 juillet 2015, par Robert Paris, Tiekoura Levi Hamed

ZENON
D’Elée

Vers - 490 av J.C. à vers - 425 av J.C.

Zénon d’Elée fut le premier grand mathématicien dialecticien. Ses paradoxes intriguèrent les mathématiciens de tous les siècles. Zénon naquit dans l’Ile d’Elée vers les 495 avant J.-C. Il fut l’élève du philosophe Parménide, qu’il accompagna à Athènes en -449. Là, il rencontra Socrate. De retour en Elée, il commença à faire de la politique pour changer l’ordre des choses et fut arrêté pour avoir pris part à un complot ourdi contre le tyran Nearchus. Il fut torturé à mort en tant que conspirateur.

Zénon était avant tout philosophe. Aristote lui attribue l’invention de la dialectique. Zénon n’a écrit qu’un seul livre, L’epicheiremate, dans lequel il attaque les adversaires de Parménide. Sa renommée lui vient de ses paradoxes. Seulement 200 mots nous sont parvenus de son livre. Bien qu’il y ait eu une quarantaine de paradoxes, seulement huit ont pu traverser les siècles. Leur but était de défendre les idées dialectiques de Parménide.

Le paradoxe d’Achille et de la tortue

Zénon, Parménide, Socrate et ... Platon

« De toutes les apories qu’un Zénon relevait dans le concept du mouvement, il n’y a pas lieu de conclure que le mouvement n’existe pas mais bien qu’il est contradiction en acte. »

Lucien Sève dans « Nature, science, dialectique : un chantier à rouvrir »

Extraits de « Sciences et dialectiques de la nature » (ouvrage collectif – La Dispute)

"Il est nécessaire que chaque existant ait une certaine grandeur, une certaine épaisseur, et qu’il y ait une certaine distance de l’un par rapport à l’autre"

Zénon d’Elée

Dans la Grèce antique, le combat philosophique et politique faisait rage à l’époque de Zénon et ce dernier était engagé aux côtés de dialecticiens et révolutionnaires comme Parménide et Socrate. Zénon fait partie d’une lignée de philosophes engagés (philosophiquement mais aussi politiquement) comme Parménide inventeur de la dialectique et Socrate, un révolutionnaire. Il est connu pour ses "paradoxes" qui mettent en contradiction les idées sur espace-temps-mouvement mais sa préoccupation, au delà même des sciences ou des mathématiques, est philosophique et probablement politique. L’idée philosophique principale de Zénon d’Elée était de démontrer que, si on admettait que le mouvement, le temps et l’espace étaient divisibles à l’infini sur des trajectoires continues, le mouvement serait impossible. En cela, Zénon peut être considéré comme le découvreur des contradictions quantiques de la matière-mouvement-espace-temps et donc comme un fondateur de conceptions très modernes en sciences.

a. Cas de la dichotomie (espace infiniment divisible, temps non divisible à l’infini) : un mobile doit parvenir à mi-chemin avant son terme s’il doit jamais parvenir au but ; de même, dans la moitié restante il doit d’abord atteindre la moitié, et ainsi de suite à l’infini (puisque l’espace peut se diviser infiniment en entités rationnelles). En vertu de la structure discontinue de l’espace et du temps on doit associer à chaque étape un temps minimum, correspondant à l’unité de temps, finie, la plus petite (qui existe par hypothèse). Le mobile mettra donc un temps infini (somme d’une infinité d’éléments de taille minimale finie) à parvenir au but, ce qui est contradictoire avec l’observation courante : si le mouvement existe, alors le temps et l’espace ne peuvent donc pas avoir la structure discontinue postulée initialement.

b. Paradoxe d’Achille et la tortue (espace infiniment divisible et temps infiniment divisible) : Achille et la tortue doivent parcourir le même chemin, et la tortue part la première, au moment où Achille prend son départ il doit parcourir au moins le trajet déjà effectué par la tortue pour la rattraper ; mais arrivé à ce point la tortue aura eu le temps d’avancer d’une certaine longueur, et le problème se pose à nouveau dans les mêmes termes et ainsi de suite à l’infini. Or si l’on admet la discontinuité fondamentale du temps et de l’espace, on doit supposer que la somme infinie de temps élémentaires, même infiniment petits, n’est pas finie, et par conséquent qu’Achille n’atteint pas la tortue , ce qui à nouveau est contraire à l’observation et implique donc que le postulat de discontinuité est à rejeter, avec les hypothèses correspondantes sur la structure fine de l’espace et du temps.

c. Argument de la flèche (espace non divisible à l’infini, temps divisible à l’infini) : si l’espace est formé d’unités distinctes et mesurables il est nécessaire que la flèche puisse sauter de l’un des intervalles au suivant (9) ; en effet la flèche occupe un espace égal à elle-même, puisqu’elle ne peut être en deux endroits en même temps (car l’espace est supposé être constitué d’entités discrètes) elle est donc au repos ; au cours de son mouvement la flèche se trouve donc immobile à chaque instant, or comme le temps est divisible à l’infini cela veut dire qu’à deux instants voisins mais distincts la flèche se trouvera au même endroit, ce qui est contraire à l’hypothèse du mouvement ; par conséquent on doit rejeter les conjectures faites sur la structure du temps et de l’espace.

d. Argument des corps en mouvement (espace non divisible à l’infini, temps non divisible à l’infini) : Zénon imagine ici une famille de masses égales se mouvant en sens contraire, à partir des deux extrémités du stade, le long de repères régulièrement espacés, correspondants aux unités spatiales distinctes. On se rend compte qu’il apparaît immédiatement un paradoxe, du fait que la vitesse apparente des corps en mouvement les uns par rapport aux autres est égale (du fait que les unités de temps sont elles aussi finies) à la vitesse de ces mêmes corps par rapport aux repères fixes, ce qui est évidemment contraire à l’observation courante. Ainsi cette structure particulière du temps et de l’espace ne semble pas

Aujourd’hui, au moins deux branches des sciences physiques utilisent ce paradoxe : la physique quantique et la cristallographie. En physique quantique, une loi doit être "renormalisable", c’est-à-dire fondée sur un univers où les infiniment petits sont éliminés comme les infiniment grands. Sans le paradoxe de Zénon de la physique quantique, l’électron, par exemple, aurait une énergie infinie d’interaction avec son propre champ dans le vide. Quantifier la matière, les interactions et l’espace-temps, c’est justement admettre que l’on ne peut pas descendre en dessous d’une certaine quantité : qu’il n’y a pas d’infiniment petit en physique.

La physique quantique récuse autant l’infiniment petit (le vide n’est pas zéro) que l’infiniment grand de la matière et des interactions.
Elle relie les grandes quantités et les petites par des relations qui excluent l’annulation ou l’infinitude : le produit de deux quantités comme le temps et l’énergie doit être supérieur à un quanta.

Quant à la démonstration de Zénon par la dichotomie et le raisonnement "par l’absurde", loin d’être contredite par la connaissance de la notion mathématique d’infiniment petit, elle rappelle les limites de cette notion malgré son efficacité mathématique dans les domaines de fonctions régulières ne connaissant pas de changement trop brutaux et qui sont proches de la linéarité et de la continuité. Hors de ce domaine étroit, en particulier pour toutes les transitions de phase, pour tous les systèmes dynamiques loin de l’équilibre, le calcul dit infinitésimal, qui avait tellement bien réussi à la gravitation de Newton et Leibniz, est pris en défaut.


L’ARTICLE DE MATIERE ET REVOLUTION SUR LES PARADOXES DE ZENON SUIT CES QUELQUES RÉFÉRENCES :

Zénon affirme :

« Si une unité ponctuelle sans dimension était ajoutée à une autre, elle ne l’augmenterait d’aucune unité, car en ajoutant ce qui n’a pas de dimension, on ne peut accroître une dimension d’une unité. (…) Un point ajouté à un point ne produit pas de distance. (…) Si le multiple existe, d’autres s’intercalent entre les existants et dans l’intervalle entre eux il y en a encore d’autres, ainsi de suite entre d’autres intervalles il y en a en nombre indéterminé. (…) Si un point est dimensionné, il occupe un espace et définit une distance. Il y a donc d’autres points en son sein et ainsi de suite. »

" Car, si l’être était divisible, supposons-le sectionné en deux, et ensuite chacune des parties en deux, et que cela se reproduise sans cesse, il est évident que : ou bien il subsisterait certaines grandeurs ultimes qui seraient minimales et insécables, mais infinies en nombre ; ou bien il s’évanouirait et se résoudrait en ce qui n’est plus rien, et serait constitué de ce qui n’est plus rien ; deux conclusions qui précisément sont absurdes. Donc il ne sera pas divisé, mais demeurera un. De plus, en effet, puisqu’il est semblable en tout point, si on lui attribue la divisibilité il sera divisible semblablement en tout point, et non pas ici divisible et là non. Supposons-le donc divisé en tout point : alors il est évident que rien ne subsistera, qu’il s’évanouira, et que s’il est vrai qu’il soit constitué, il sera à nouveau de ce qui n’est rien. Car tant que quelque chose en subsistera, le procès de division en tout point ne sera pas encore achevé. En sorte que il est encore manifeste d’après ce qui précède que l’Etre est indivisible, et sans parties, et un. (…) Mais s’il est, il est nécessaire que chacun ait quelque grandeur, et quelque épaisseur, et que l’une de ses deux parties soit en dehors de l’autre. Même raisonnement pour celle des deux qui précède l’autre. Car celle-là aussi aura grandeur et quelque chose en elle précédera le reste. Assurément dire cela une fois revient au même que de le répéter indéfiniment. Car, de telles parties aucune ne sera l’ultime, ni telle qu’il n’y ait pas de relation d’une de ses parties à l’autre."


Le point de vue de Zénon rapporté par Simplicius
dans « Physique » :

« La division, en tant qu’être divisé, n’est pas ponctualité absolue. La notion de continuité n’est pas non plus l’indivisé sans parties. »

1. — Si l’un n’avait pas de grandeur, il n’existerait même pas.

Mais, s’il est, chaque un doit avoir une certaine grandeur et une certaine épaisseur et doit être à une certaine distance de l’autre, et la même chose peut être dite de ce qui est devant lui ; car celui-ci aussi aura une grandeur, et quelque chose sera devant lui. C’est la même chose de dire cela une fois et de le dire toujours ; car aucune partie de lui ne sera la dernière et il n’est chose qui ne puisse être comparée à une autre.

Donc, si les choses sont une pluralité, elles doivent être à la fois grandes et petites, petites au point de ne pas avoir de grandeur du tout ; et grandes au point d’être infinies.

2. — Car s’il était ajouté à n’importe quelle chose, il ne la rendrait en rien plus grande ; car rien ne peut gagner en grandeur par l’addition de ce qui n’a pas de grandeur, d’où il suit immédiatement que ce qui était ajouté n’était rien. Mais si, quand ceci est retranché d’une autre chose, cette dernière n’est pas plus petite ; et d’autre part si quand il est ajouté à une autre chose, celle-ci n’en est pas augmentée, il est clair que ce qui est ajouté n’était rien et que ce qui était retranché n’était rien.

3. — Si les choses sont une pluralité, elles doivent être exactement aussi multiples qu’elles sont, ni plus ni moins. Or, si elles sont aussi multiples qu’elles sont, elles seront finies en nombre.

Si les choses sont une pluralité, elles seront infinies en nombre, car il y aura toujours d’autres choses entre elles, et de nouveau d’autres choses entre celles-ci. Et ainsi les choses seront infinies en nombre.

4. — Le mobile ne se meut ni dans l’espace où il se trouve, ni dans celui où il ne se trouve pas.


« La division, en tant qu’être divisé, n’est pas ponctualité absolue. La notion de continuité n’est pas non plus l’indivisé sans parties. »

Friedrich Hegel

dans « Cours d’histoire de la philosophie »


" Le mouvement d’un corps isolé n’existe pas."

Engels dans "Dialectique de la nature"


Le physicien Louis de Broglie : « Dans le macroscopique, Zénon paraît avoir tort, poussant trop loin les exigences d’une critique trop aiguë, mais dans le microscopique, à l’échelle des atomes, sa perspicacité triomphe et la flèche, si elle est animée d’un mouvement bien défini, ne peut être en aucun point de sa trajectoire. Or, c’est le microscopique qui est la réalité profonde, car il sous-tend le macroscopique. »

Louis de Broglie, dans « La physique nouvelle et les quanta » :
« L’existence du quantum d’action, sur lequel nous aurons si souvent à revenir dans le cours de cet ouvrage, implique en effet une sorte d’incompatibilité entre le point de vue de la localisation dans l’espace et dans le temps et le point de vue de l’évolution dynamique ; chacun de ces points de vue est susceptible d’être utilisé pour la description du monde réel, mais il n’est pas possible de les adopter simultanément dans toute leur rigueur. La localisation exacte dans l’espace et dans le temps est une sorte d’idéalisation statique qui exclut toute évolution et tout dynamisme ; l’idée d’état de mouvement prise dans toute sa pureté est par contre une idéalisation dynamique qui est en principe contradictoire avec les concepts de position et d’instant. »

ZENON ET LA QUANTIQUE

« L’existence du quantum d’action (…) implique une sorte d’incompatibilité entre le point de vue de la localisation dans l’espace et dans le temps et le point de vue de l’évolution dynamique (…) La localisation exacte dans l’espace et le temps est une sorte d’idéalisation statique qui exclut toute évolution et toute dynamique. »

De Broglie dans « La physique nouvelle et les quanta »


Valerio Scarani
dans "Initiation à la physique quantique, la matière et ses phénomènes" :

« En 1977, Misra et Sudarshan ont étudié ce qui se passerait dans l’hypothèse où les intervalles de temps entre observations répétées portant sur un même système instable – atome excité ou noyau instable – deviennent plus courts, jusqu’à ce que ces observations puissent à la limite être assimilées à une observation continue. Ils ont établi un résultat surprenant : lorsque l’intervalle de temps tend vers zéro, le formalisme quantique mène à la conclusion que l’atome ne pourra quitter son niveau excité, ni le noyau instable se décomposer. C’est ce qu’ils ont appelé « le paradoxe de Zénon de la mécanique quantique ».

Une observation continue est assurément une idéalisation : toute observation prend un temps fini. Mais la mesure telle que la mécanique quantique l’a définit correspond elle aussi à une idéalisation. (…) Nous ne croyons pas que le paradoxe du chat de Schrödinger et celui de Zénon renvoient seulement à des problèmes d’interprétation. (...) Ainsi la dynamique classique mettait en scène des interactions instantanées alors que, selon la relativité, ces interactions se propagent à une vitesse finie. (…) Nous aboutissons à des prévisions nouvelles qui concernent le « paradoxe de Zénon » et les niveaux caractérisés par un temps de vie fini. (…) C’est l’événement quantique caractérisé par un temps de vie, et non l’ "acte d’observation" , qui brise la superposition quantique. »


« Entre le temps et l’éternité » d’Ilya Prigogine et Isabelle Stengers :

« D’une certaine façon, Zénon d’Elée avec ses sophismes (Achille et la tortue, la flèche immobile) avait déjà montré que la divisibilité à l’infini du continu abolit le mouvement et qu’un point sans dimension n’a aucune existence. Le caractère discontinu, fini, des phénomènes est une condition de l’existence elle-même ("Il est nécessaire que chaque existant ait une certaine grandeur, une certaine épaisseur, et qu’il y ait une certaine distance de l’un par rapport à l’autre"). L’infini est le signe qu’on a quitté la physique. Une physique entièrement continue est donc bien contradictoire. »


Les physiciens Elkinani I. et Villain J. :

« Les imperfections des cristaux prennent naissance le plus souvent lors de la croissance, et sur la surface. Nous décrivons ici une instabilité qui peut se produire lors de la croissance par épitaxie par jets moléculaires. Elle est liée au fait que les atomes non encore incorporés (adatomes) se fixent plutôt sur une marche amont que sur une marche aval (effet Schwoebel). Nous suggérons que, dans un modèle continu, l’instabilité se produit, en principe, toujours, mais au bout d’un temps qui peut être long si l’effet Schwoebel est faible. La cause de l’instabilité est reliée au paradoxe de Zénon d’Elée. »


Jean Dhombres, dans « Nombre, mesure et continu » :

« Le premier (paradoxe) argumente que pour aller d’un point à un autre, il faut d’abord arriver au point milieu et ainsi de suite à l’infini. Donc en un temps fini parcourir une infinité de points distincts, donc l’impossible.

Le deuxième dit qu’Achille au pied léger jamais ne rattrapera la tortue car Achille doit passer par tous les points parcourus par la tortue donc parcourir le même nombre de points qu’elle. Il ne peut donc le rattraper si parcourir un point prend une unité de temps tant pour la tortue que pour Achille.

La troisième paradoxe concerne une flèche qui en chaque point de sa trajectoire est nécessairement au repos puisqu’elle est nécessairement au repos puisqu’elle est en ce point, donc en définitive la flèche ne se meut pas.

La quatrième concerne trois segments de longueurs égales, donc contenant le même nombre de points. Deux de ces segments se meuvent à la même vitesse mais en sens inverse parallèlement au troisième fixe. Dans la plus petite unité de temps en laquelle on puisse diviser le temps, le décalage entre les deux segments mobiles est double du décalage entre un segment mobile et le segment fixe. Le paradoxe est patent puisque pour avoir un décalage moitié entre les deux segments mobiles, ce qui doit physiquement survenir, il faudrait diviser la plus petite unité de temps.

Ces paradoxes se présentent dans leur ensemble sous la forme d’un dilemme, c’est-à-dire que si l’on accepte une chose ou bien son contraire, on aboutit à une contradiction dans les deux cas : deux hypothèses qui s’opposent sous l’aspect finiste et l’aspect continuiste, tant pour le segment de droite que pour un intervalle de temps. »


"Les arguments de Zénon ont rendu insoutenable la notion de temps comme une rangée d’"indivisibles" successifs."

Philip J.Davis et Rueben Hersch dans "L’univers mathématique"


Ces paradoxes, et les conceptions de Zénon, sont à opposer aux deux textes suivants :

« Le point est ce qui n’a pas de parties. » d’Euclide

« Ce qui est divisible en parties elles-mêmes toujours divisibles est un continu. » d’Aristote

Les paradoxes de Zénon mettent en cause non l’existence du mouvement mais la conception du mouvement en relation à celle du temps et de l’espace. On croit bien connaitre ces notions intuitivement. Même Einstein pensait que la droite et le point étaient des notions immédiates. En fait, les plus connus des objets mathématiques, le nombre, le point, le segment, la droite, sont très différents de ce que l’on croit communément. La droite géométrique, comme la droite des nombres, loin d’être le modèle de la continuité est une fractale d’univers emboîtés et une dialectique du point et de l’espace. On croit la voir en entier en l’examinant à une seule échelle, mais elle contient de multiples niveaux et ses deux éléments, le point et l’espace entre deux points, sont inséparablement contradictoires.
L’image mathématique doit correspondre à une réalité observée. Or, dans toute observation, il existe un pouvoir de résolution, un agraindissement, selon lequel il y a une limite de séparation des points. Deux points distincts ne sont séparables par observation que si leur distance est supérieure à cette limite. Cela est vrai dans toute observation physique par l’homme. Or, nous n’avons aucune raison de penser que l’homme soit un cas à part, ni que ses expériences aient des particularités indépendantes des lois naturelles. En conséquence, ce pouvoir de résolution soit absolument être intégré à nos outils mathématiques. En ce qui concerne le point, le segment ou la droite (qu’il s’agisse des notions géométriques avec la droite d’Euclide ou algébriques avec la droite des nombres dits réels) ne correspondent nullement à cette nécessité. Si l’univers n’était pas fractal, si la plupart des systèmes étaient intégrables au sens de Poincaré c’est-à-dire non susceptibles de subir des résonances, cet inconvénient serait négligeable. Mais ce n’est nullement le cas. Le vide est fractal, la particule l’est aussi. Les interactions sont non-linéaires et les structures matérielles sont dissipatives et auto-organisées. Notre univers est fondé sur des systèmes chaotiques. La linéarité n’existe approximativement et à la marge. En conséquence, le point ou la droite, même idéalisés, ne peut qu’être soumise à une correspondance à ce que pourrait être un point physique et une droite physique. Un point physique correspond au point de l’imprimerie qui est un nuage de points lorsqu’on l’agrandit suffisamment. C’est l’agraindissement. Une droite physique n’est pas seulement un ensemble de points. Elle contient également des espaces entre les points. Ces espaces ont des dimensions déterminées par le pouvoir de résolution qui est la limite en dessous de laquelle on ne peut plus distinguer deux points. Encore une fois, redisons que si la droite était constituée de points sans dimension, sans épaisseur, sans longueur et sans largeur, la droite elle-même ne permettrait pas de définir de dimension. L’espace entre deux points à distance égale ou inférieure au pouvoir de résolution ne peut être explorée qu’en descendant d’un cran dans les échelles du monde fractal.

La droite, si on veut l’imaginer comme capable de porter l’ensemble des points entre deux points, doit être considérée comme une fractale, avec des univers emboîtés…

Encore une fois, rappelons que cette limite d’observation n’est pas propre à l’observation humaine. Toute interaction nécessite un temps fini, non nul, le temps d’interaction ajouté au temps de relaxation. Ce temps, lorsqu’il n’est pas négligeable devant le temps caractéristique de transformation des structures mises en cause, signifie qu’il n’est plus possible de considérer des infiniments petits dans les calculs. C’est ce qui explique que les lois doivent être renormalisables. C’est ce qui explique aussi qu’il y ait des mouvements et des changements de structure. Sans quoi le mouvement serait impossible comme le montrait il y a bien longtemps les paradoxes de Zénon. L’équilibre, inversement, n’a lieu que lorsqu’il y a un rapport suffisamment petit entre les deux temps (temps d’interaction-relaxation et temps propre). C’est là que se trouve la source des stabilités structurelles. L’interaction du lent et du rapide est à la base de la formation de structures durables et toutes sortes d’équilibres. L’équilibre, lui-même, change donc de représentation et devient un cas limite du paradoxe de Zénon. La composition de structures cristallines en est un exemple.
On a longtemps considéré que ce qui caractérise la fractale est la dimension fractionnaire. La droite et le point montrent qu’il n’en est rien.

L’outil mathématique de base doit lui-même être fractal pour représenter un monde fondé sur des résonances et non-intégrable au sens de Poincaré, sauf dans quelques cas limites. Dans une géométrie fractale, il n’y a plus un seul nombre qui représente la distance entre deux points, car cette distance dépend de l’échelle d’observation. Cette dernière est donc un premier élément. Il convient d’y rajouter la distance de deux points permettant de les séparer par observation ou « pouvoir de résolution » et aussi l’ « agraindissement » qui indique quand un point est représenté par une seule position et quand il l’est par un nuage de possibles.

Des objets mathématiques continus ou discontinus ?

Pourquoi la notion de continu fait de la résistance ?

La continuité, une propriété mathématique ?

Continuité et discontinuité sont incompatibles



THE MATTER AND THE REVOLUTION (site in english)

« L’histoire des infinitésimaux (ou infiniment petits) est beaucoup moins simple que celle de leur cousin l’infini, et les considérations du style de celles de Zénon y ont joué un rôle important. Le paradoxe dit de la dichotomie s’attaque à la divisibilité infinie de l’espace. Pour qu’un objet puisse se déplacer d’une certaine distance, il doit d’abord parcourir la moitié de cette distance ; mais avant de parcourir cette moitié, il doit nécessairement en parcourir le quart, et ainsi de suite. Obligé de faire une infinité de chose dans l’ordre inverse, il est dans l’impossibilité de prendre le départ. Le scénario d’Achille et la Tortue est assez analogue. Il s’agit cette fois du bouillant Achille qui ne parvient pas à rattraper la tortue beaucoup plus lente que lui ; mais partie plus tôt ; Chaque fois qu’il atteint un emplacement où se trouvait la tortue, celle-ci a progressé pendant le déplacement d’Achille, et elle conserve ainsi une certaine avance.
(...)
Les paradoxes de Zénon sont plus subtils qu’il n’y parait, et si on les considère sous l’angle de la nature physique de l’espace-temps plutôt que sous l’angle purement mathématique, ils posent encore aujourd’hui des questions délicates. Les grecs jugèrent ces paradoxes redoutables, ce qui contribuera à les dégoutter encore plus des nombres et à se réfugier dans la géométrie. »

Ian STEWART : « Les mathématiques ».

Les paradoxes de Zénon

Effet Zénon quantique

Cela consiste à effectuer des mesures répétées dans des temps très courts. On pourrait penser que l’on va ainsi retrouver une évolution graduelle des états. C’est inexact : on trouve d’abord des états inchangés, puis, brusquement un saut. L’effet Zénon quantique a été observé sur des particules matérielles piégées. Par exemple, l’oscillation de Rabi cohérente entre deux niveaux d’un ion piégé, induite par un laser résonnant, est inhibée par des mesures répétées de l’état atomique par fluorescence. Les sauts quantiques du phtoton sont également mesurés. une mesure sans démolition quantique (QND) du nombre de photons dans la cavité, restreinte aux états à 0 ou 1 photons. Des mesures fréquemment répétées à l’échelle du temps d’amortissement de la cavité nous permettent d’observer, pour la première fois, les sauts quantiques de la lumière. Des photons individuels peuvent être mesurés des centaines de fois, sur un intervalle de temps de l’ordre de la seconde.


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Pourquoi ce site ?

A lire notamment sur ce site :

L’ABC de la dialectique

Dialectique naturelle et sociale

Introduction à la dialectique de la nature

Dialectique et métaphysique

Contradictions dynamiques

Discussion actuelle sur la validité des paradoxes de Zénon

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Les paradoxes de Zénon (huit paradoxes dont nous ne citons que les trois plus connus) sont très anciens (environ 450 avant JC) et l’on pourrait penser qu’ils sont dépassés par les sciences modernes. Nous allons voir qu’il n’en est rien !! Ces paradoxes sont des démonstrations dites par l’absurde au sens où elles poussent dans leurs retranchements absurdes les croyances de son époque en philosophie, en physique et en mathématiques. Or, il se trouve que nous n’avons pas tout à fait dépassé ces conceptions anciennes.

Zénon combat d’abord et avant tout la possibilité de « diviser à l’infini » un segment d’espace ou de temps en un nombre indéfini de parties ou de points. Ils va même au delà en déniant la validité de l’image discontinue du point et de l’image continue du segment, non seulement en termes d’espace et de temps mais aussi de matière, de mouvement et d’énergie.C’est ce qui fait la modernité des paradoxes de Zénon pour la physique contemporaine.

Cette possibilité de division à l’infini semble pourtant attestée par les notions géométriques et algébriques de milieu et de demi somme de deux nombres. C’est ce que l’on appelle « la dichotomie ». Elle permet d’affirmer qu’il y a toujours un point entre deux points et un nombre entre deux nombres. Et donc, on montre ainsi qu’lil y aurait une infinité de points entre deux points ou une infinité de nombres entre deux nombres, en répétant cette dichotomie. Zénon va utiliser cette dichotomie appliquée à l’espace et au temps pour souligner les contradictions que cela entraînerait pour le mouvement.

On pourrait croire que la division à l’infini du segment des nombres, la plus grande précision possible des nombres, correspondrait à une connaissance plus grande de la réalité. L’expérience montre le contraire. Quand on veut gagner trop en précision d’une mesure, on en perd de l’autre côté, comme le montre la physique quantique. Le plus souvent, on change en fait de niveau d’observation de la réalité. On n’observe pas mieux mais autre chose. Cela signifie que le monde réel existe en même temps à plusieurs niveaux, ce qui correspond à plusieurs échelles d’observations et aussi à plusieurs agraindissement. Le grain est le niveau de distinction entre deux éléments. L’agraindissement est illustré par la photo, l’impression ou l’écran télévision.

Il en découle qu’il n’y a pas une seule échelle du temps ni une seule échelle des distances, échelle sur laquelle on pourrait descendre arbitrairement bas en valeur, mais des niveaux différents emboités et interactifs. L’espace et le temps sont des quantités fractales et dynamiques, qui sont produites par l’interaction, donc des quantités émergentes.

Toujours pour la physique moderne, le découpage à l’infini ne fonctionne ni pour la matière, ni pour le mouvement, ni pour l’énergie. Zénon mérite donc encore toute notre attention...

Ceux qui veulent en finir rapidement avec les thèses de Zénon ont deux types d’argument :

1) Zénon ne connaissait pas les suites et les sommes infinies convergentes

2) Zénon voulait démontrer l’inexistence du mouvement or, on sait que le mouvement existe !

En ce qui concerne le premier argument, il est certain que les connaissances mathématiques de Zénon ne pouvaient comporter les calculs des suites, séries, différentielles ou intégrales comportant des infiniment petits. Tout porte à croire qu’il ne se serait pas contenté de la possibilité mathématique de les inventer puisqu’il contestait la possibilité de diviser réellement (physiquement) à l’infini.

Mais Zénon s’oppose seulement à une conception du mouvement qui est liée à une autre conception : celle de la position. Il nie l’existence d’une position définie par un point sans dimension. Comme le rappelle la citation donnée ici au début, Zénon rappelle qu’une série de points sans dimensions ne permettraient pas de construire la dimension d’un segment. Pour qu’il y ait une distance entre deux points, il ne suffit pas d’additionner une série de points sans dimension. Zénon nie donc une conception erronée du mouvement se rapportant à une notion inexacte du temps instantané et de la position purement ponctuelle. Si ces deux dernières existaient réellement, il affirme que le mouvement ne permettrait pas d’en sortir et on serait condamné à l’immobilité. En affirmant que la position ne peut être ponctuelle et que le temps ne peut pas l’être non plus, c’est-à-dire ne peut pas être infiniment précis, il rejoint de manière étonnante la physique quantique.

Quant à la prétendue négation du mouvement réel par Zénon, c’est la thèse d’Aristote (citée plus loin) qui l’affirme, mais il s’agit là d’un contre-sens volontaire de sa part. En effet, il comprenait parfaitement que Zénon maniait ce que l’on appelle le raisonnement "par l’absurde". Si vous acceptez telle thèse alors vous êtes contraints d’admettre que le mouvement n’existe pas. Donc votre thèse est fausse. D’autre part, c’est la conception du mouvement qu’il conteste comme Hegel l’expose dans son « Cours d’histoire de la philosophie » :
« Il faut comprendre les arguments de Zénon non comme objections contre la réalité du mouvement, mais comme contestation du mode de détermination du mouvement (…) Telle est la dialectique de Zénon. Il a saisi les déterminations contenues dans notre idée du temps et de l’espace. Il en a montré les contradictions. »

Un contre-sens courant de la thèse de Zénon consiste effectivement à lui attribuer l’idée qu’il n’y a pas de mouvement dans la réalité. Mais Simplicius, dans sa « Physique » 134-2, explique que " Aristote dit que certains ont concédé quelque chose à l’une et à l’autre des deux raisons, l’une avancée par Parménide et l’autre par Zénon, lequel voulait porter secours à la thèse de Parménide, contre ceux qui entreprenaient de la tourner en dérision en arguant que si l’être est un, la thèse conduit à affirmer nombre de conséquences ridicules et qui la contredisent : contre quoi Zénon montrait que leur hypothèse, celle qui affirme qu’il est pluralité, devrait supporter des conséquences encore bien plus ridicules que celle de l’unité de l’être, si l’on poussait suffisamment loin son examen. ".

Aristote répond à Zénon :
" Derechef il n’y a pas non plus pluralité, car il n’y a rien qui sépare ; il n’y a aucune différence de prétendre que la totalité n’est pas continue mais que ce qui résulte de la division est en contact, ou d’affirmer la pluralité, l’absence d’unité, le vide. Car si le tout est divisible partout, il n’y a rien qui soit un, et par conséquent pas de pluralité non plus, et l’ensemble est vide. "
Aristote, dans "De la Génération et de la corruption".

En somme, la thèse de Zénon est que, si le monde était formé d’entités différentes indépendantes (divisibilité), qu’il s’agisse de matière, d’espace, de temps ou de mouvement, le mouvement serait impossible.

Zénon d’Elée a déjà touché du doigt l’incompatibilité entre continu et discontinu lorsqu’il étudie le mouvement. Il a montré que, si on conserve la continuité, le mouvement est impossible. En effet, le temps est conçu comme une série d’instants (discontinu) formant un intervalle de temps (continu), de la même manière que le mouvement est formé d’états sur une courbe. Pour concevoir un tel mouvement, il faudrait décomposer le mouvement en instants à l’infini. Zénon montrait que jamais le corps en mouvement ne devait atteindre son point d’arrivée. Pythagore avait, pour résoudre ces contradictions du mouvement, admis qu’on peut décomposer le continuum du temps en instants de durée arbitrairement courte, mais il avait produit ainsi de nouvelles contradictions entre immobilité et mouvement, entre continu et discontinu, qui restent insolubles dans la conception de Pythagore du segment composé de suites d’un nombre entier de points, les monades.

Aristote ne pourra répondre à ces problèmes qu’en renonçant à la divisibilité du temps en instants. Au sein du continu, on ne peut admettre aucun trou ni aucune séparation. Cependant, Aristote restera partisan du continu et cela ne l’empêchera pas de défendre un point de vue idéaliste et religieux. Cela devrait d’ailleurs faire réfléchir tous les auteurs qui se retranchent derrière la lutte contre la religion pour combattre les discontinuités dans la nature et la notion de la singularité. On peut lire ainsi dans « La Métaphysique » d’Aristote  : « L’un est le continu. (...) Telles sont les différentes significations de l’Un : le continu naturel, le tout, l’individu et l’universel. (...) Est contigu tout ce qui, étant consécutif, est en contact (...) On dit qu’il y a continuité quand les limites par lesquelles deux choses se touchent, et se continuent, deviennent une seule et même limite. (...) Si les points sont susceptibles d’être en contact, les unités ne le sont pas : il n’y a, pour elles, que la succession ; enfin il existe un intermédiaire entre deux points, mais non entre deux unités. (...) Il est impossible que le mouvement ait commencé ou qu’il finisse, car il est, disons-nous, éternel. Et il en est de même pour le temps, car il ne pourrait y avoir ni l’avant ni l’après si le temps n’existait pas. Le mouvement est, par suite, continu, lui aussi de la même façon que le temps, puisque le temps est lui-même, ou identique au mouvement, ou une détermination du mouvement. (...) Aussi appelons-nous DIEU un vivant éternel rayon parfait ; la vie et la durée continue et éternelle appartiennent donc à DIEU, car c’est même cela qui est DIEU. (...) On pourrait se poser encore la difficulté suivante. Etant donné qu’il n’y a pas de contact dans le nombres, mais simple consécution, est-ce les unités entre lesquelles il n’existe pas d’intermédiaire (...) Les mêmes difficultés se présentent pour (...) la ligne, la surface et le solide (...) La même question pourrait se poser au sujet du point. (...) Ces points ne viennent certes pas d’un certain intervalle. »

Ce débat est très différent de la thèse de Parménide et de la thèse qui lui est faussement attribuée. Nous allons examiner la question : les sciences modernes pourraient-elles donner raison à Zénon ?

Sur la discontinuité, lire aussi sur le site :

La discontinuité, une question philosophique

Qu’est-ce que la continuité ?

La discontinuité, une vieille question

L’illusion du continu

Continuité du vivant ?

Le quanta, ou la mort programmée du continu en physique

Pourquoi la notion de continu fait de la résistance ?

La continuité, une propriété mathématique ?

Continuité et discontinuité sont incompatibles

Discontinuité de l’univers et structures hiérarchiques

La discontinuité de la vie : de la création d’espèces à la création de l’homme et à la création humaine

Les paradoxes de Zénon, preuve de la discontinuité dialectique

Psychisme et discontinuité

MOTS CLEFS :

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chaos déterministeatome
système dynamiquestructures dissipativespercolationirréversibilité
non-linéaritéquanta
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auto-organisationvide - révolution permanente - Zénon d’Elée - Antiquité -
Blanqui -
Lénine -
TrotskyRosa Luxemburg
Prigogine -
Barta -
Gould - marxisme - Marx - la révolution - l’anarchisme - le stalinisme - Socrate - socialisme

En dehors du site, on trouve des études de paradoxes modernes du type Zénon. Par exemple, celui-ci :
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Ceux qui estiment résoudre les paradoxes de Zénon


Le débat actuel sur les paradoxes de Zénon :

Quelles sont les idées révolutionnaires introduites par Zénon pour qu’elles aient été discutées par les plus grands mathématiciens et physiciens de chaque époque sans avoir jamais été vraiment dépassées par les avancées des sciences ?

Première idée : l’espace, le temps, le mouvement, l’énergie, la matière ne peuvent pas être ni des points ni des segments. Notre géométrie ne répond pas au problème posé par le mouvement. En effet, le mouvement ne peut être représenté par une somme de positions successives car il serait une succession d’immobilités.


Deuxième idée
 : il n’est pas possible qu’il n’y ait rien entre les objets matériels. Le vide doit être un univers existant et interagissant avec la matière. La matière doit être une espèce de vide et le vide une espèce de matière. Comme le dira Hegel à propos des paradoxes de Zénon, "dans le mouvement, l’espace se pose temporellement et le temps spatialement."

Troisième idée : la matière ne peut pas être constituée par des objets fixes qui se contentent de se déplacer, sans changer, dans un espace qui ne change pas du fait de leur passage.

Quatrième idée : il ne peut pas y avoir mouvement sans de multiples discontinuités profondes de la matière, de l’espace, du vide et du temps. Ces discontinuités ne peuvent être ni assimilables, d’une manière ou d’une autre, à du continu ni représentables par des points. Une discontinuité ne peut être de dimension zéro.


Cinquième idée
 : le tout n’est pas la somme de ses parties. Les propriétés d’une collection d’objets ne sont pas une addition des propriétés des éléments.


Sixième idée
 : tout objet, tout mouvement, tout espace, tout temps suppose une contradiction entre réalité et potentialité, entre structure et changement, entre état et changement, ....

Septième idée
 : le monde est un et non pluriel. Les contradictions ne proviennent pas de l’action entre des mondes différents mais sont intérieures au même monde.

Huitième idée : la précision exacte et fixe d’une valeur (du temps, de l’espace, de l’énergie) n’existe pas. Un instant de durée nulle n’est pas plus possible qu’un espace entièrement ponctuel. On ne peut pas sans cesse rendre plus précise une mesure.

Neuvième idée, qui soutend les autres : l’apparence n’est pas forcément la réalité. Ce qui est réel peut être virtuel et ce qui est virtuel peut être réel. ce qui apparait mobile peut être immobile et inversement. Ce qui semble fixe peut être changeant et inversement.

Dixième idée : unité et multiplicité ne s’opposent pas logiquement mais sont combinés en me^me temps qu’opposés. ils constituent une contradiction dialectique.

Onzième idée : la matière ne peut être en mouvement si elle ne contient pas elle-même du mouvement. Dans le cas d’une particule dite élémentaire, le mouvement suppose le changement. Cela suppose qu’au niveau limite de dimension, il y a un autre univers sous-jacent, en rupture avec le précédent. La dimension n’est donc pas divisible continûment mais la division de dimension signifie un saut qualitatif.


Dernière idée
 : La continuité fondée sur une succession d’infiniment petits n’a pas de réalité. Il n’est pas possible de diviser à l’infini et pourtant il y a un univers sous-jacent...

En somme, ce que posent les paradoxes de Zénon, en plus de nombre d’idées de la physique quantique la plus moderne, c’est une idée qu’il a hérité de Parménide et que nous connaissons sous le nom de dialectique de la nature.
Le vide est dans le plein et le plein est dans le vide. Le mouvement est dans l’immobilité et l’immobilité dans le mouvement. L’espace est dans le temps et le temps est dans l’espace, etc... Aucun calcul (sommation infinie, calcul différentiel, ...) ne peut résoudre le fait que le mouvement pose le problème de la contradiction dialectique de la nature. Le corps est à la fois en un lieu et en un autre lieu, en un état et en un autre état.

La dynamique n’obéit pas à la même logique que la statique. La modernité de cette idée en sciences est développée dans les articles du Livre "Philosophie" du site "Matière et révolution", en particuliers tous ceux des "bonds dans la nature" et de la discontinuité ainsi que ceux sur la dialectique du même livre.

A propos de Zénon : « Dire qu’un corps est en mouvement – à la fois est et n’est pas en un même instant dans un même lieu -, c’est énoncer une contradiction formelle. L’éliminer en soutenant que le corps en mouvement n’est en un même instant qu’en un même lieu, c’est rendre le mouvement impensable et par là tomber dans une contradiction réelle. » dit Lucien Sève dans « Science et dialectique de la nature ».

Lire également :

1-5-1 La discontinuité, une question philosophique
1-5-2 Qu’est-ce que la continuité ?
1-5-3 Une vieille question
1-5-4 L’illusion du continu
1-5-5 Continuité du vivant ?
1-5-6 Des objets mathématiques continus ou discontinus ?
1-5-7 Le quanta, ou la mort programmée du continu en physique
1-5-8 Pourquoi la notion de continu fait de la résistance ?
1-5-9 La continuité, une propriété mathématique ?
1-5-10 Continuité et discontinuité sont incompatibles
1-5-11 Discontinuité de l’univers et structures hiérarchiques
1-5-12 La discontinuité de la vie : de la création d’espèces à la création de l’homme et à la création humaine

Ce n’est pas le mode de raisonnement qui est dialectique mais la conception de la nature. Le raisonnement par l’absurde n’est rien d’autre que de la logique formelle. Elle vise, dans le cas des paradoxes de Zénon, à montrer que si on suppose que la nature agit en continu, le mouvement serait impossible. C’est un contre-sens de répondre que Zénon a tort puisque le mouvement à tort. C’est ne pas comprendre ou refuser de répondre aux arguments de ce brillant philosophe. Il ne nie pas l’univers tel qu’il nous apparaît mais il nie que ce soit le sens profond de la nature.

L’impossibilité de comprendre un phénomène en se contentant de le décomposer en ses éléments a une tonalité très anti-réductionniste et, partant, très moderne. Sa conception discontinue est de type quantique et ce d’autant plus qu’elle englobe le caractère contradictoire du type onde/particule. Zénon considère en effet que l’élément n’est ni ponctuel ni étendu.


Tiré de Wikipedia :

Achille et la tortue

Dans le paradoxe d’Achille et de la tortue, il est dit qu’un jour, le héros grec Achille a disputé une course à pied avec le lent reptile. Comme Achille était réputé être un coureur très rapide, il avait accordé gracieusement à la tortue une avance de cent mètres. Zénon* affirme alors que le rapide Achille n’a jamais pu rattraper la tortue. « En effet, supposons pour simplifier le raisonnement que chaque concurrent court à vitesse constante, l’un très rapidement, et l’autre très lentement ; au bout d’un certain temps, Achille aura comblé ses cent mètres de retard et atteint le point de départ de la tortue ; mais pendant ce temps, la tortue aura parcouru une certaine distance, certes beaucoup plus courte, mais non nulle, disons un mètre. Cela demandera alors à Achille un temps supplémentaire pour parcourir cette distance, pendant lequel la tortue avancera encore plus loin ; et puis une autre durée avant d’atteindre ce troisième point, alors que la tortue aura encore progressé. Ainsi, toutes les fois où Achille atteint l’endroit où la tortue se trouvait, elle se retrouve encore plus loin. Par conséquent, le rapide Achille n’a jamais pu et ne pourra jamais rattraper la tortue ». Le raisonnement de Zénon* parait impeccable et implacable ; pourtant, nous savons tous que c’est Achille qui a gagné la fameuse course !

La pierre lancée vers un arbre

Le paradoxe suivant, celui de la pierre lancée vers un arbre, est une variante du précédent. Zénon* se tient à huit mètres d’un arbre, tenant une pierre. Il lance sa pierre dans la direction de l’arbre. Avant que le caillou puisse atteindre l’arbre, il doit traverser la première moitié des huit mètres. Il faut un certain temps, non nul, à cette pierre pour se déplacer sur cette distance. Ensuite, il lui reste encore quatre mètres à parcourir, dont elle accomplit d’abord la moitié, deux mètres, ce qui lui prend un certain temps. Puis la pierre avance d’un mètre de plus, progresse après d’un demi-mètre et encore d’un quart, et ainsi de suite ad infinitum et à chaque fois avec un temps non nul. Zénon* en conclut que la pierre ne pourra frapper l’arbre qu’au bout d’un temps infini, c’est-à-dire jamais.


La flèche en vol

Dans le paradoxe de la flèche, nous imaginons une flèche en vol. À chaque instant, la flèche se trouve à une position précise. Si l’instant est trop court, alors la flèche n’a pas le temps de se déplacer et reste au repos pendant cet instant. Maintenant, pendant les instants suivants, elle va rester immobile pour la même raison. La flèche est toujours immobile et ne peut pas se déplacer : le mouvement est impossible.

Discussion

On peut noter que plusieurs philosophes dont Kant, Hume, et Hegel ont proposé d’autres solutions à ces paradoxes. Une solution encore plus simple, d’abord proposée par Leucippe et Démocrite, contemporains de Zénon*, est de nier que l’espace soit divisible à l’infini. La théorie atomique nous permet en effet de nous déplacer d’un point à l’autre sans recourir aux séries mathématiques infinies qui ne font en effet que décrire le paradoxe sans le trancher puisque la somme d’une série infinie de termes ne fait qu’approcher sa limite sans jamais l’atteindre. Notre espace étant atomique ou granulaire (non-continu), il en va de même du temps qui n’est pas divisible à l’infini, comme en a convenu Planck en proposant les plus petites unités de temps et d’espace au delà desquelles il est physiquement impossible d’obtenir des mesures utiles qui aient du sens. Si l’on accepte l’impossibilité de diviser le temps et l’espace à l’infini, il n’y a plus de paradoxe.

Nous imaginons une flèche en vol. À chaque instant, la flèche se trouve à une position précise. Si l’instant est trop court, alors la flèche n’a pas le temps de se déplacer et reste au repos pendant cet instant. Maintenant, pendant les instants suivants, elle va rester immobile pour la même raison. La flèche est toujours immobile et ne peut pas se déplacer : le mouvement est impossible.

Ce paradoxe est résolu mathématiquement comme suit : étant donné que la vitesse de la flèche n’est pas nulle, la limite du taux de variation en un instant n’est pas nulle et donc le taux de variation entre deux instants très courts ne sera pas nul. Autrement dit, même si l’instant est très court, la flèche parcourra une certaine distance.

Il existe aussi une solution physique à ce paradoxe : après tout, suivant le même raisonnement, un objet initialement au repos ne pourrait jamais démarrer, puisqu’immobile ! En réalité, la capacité d’un objet à se déplacer à un instant t n’est pas liée au fait qu’il soit mobile ou non à cet instant t, mais à son énergie cinétique à cet instant. Un objet « immobile », mais doté d’une certaine énergie cinétique, se déplacera à l’instant suivant. Maintenant, comme, en translation, l’énergie cinétique est proportionnelle au carré de la vitesse, les solutions physique et mathématique ne sont pas si éloignées l’une de l’autre qu’il pourrait le paraître au premier regard...

Par ailleurs, dans la formulation du paradoxe ci-dessus, il y a confusion entre instant et moment. Certes à un instant donné, la flèche est immobile, mais un moment n’est jamais trop court pour qu’une flèche ait le temps de se déplacer ! Si la flèche peut être considérée comme « immobile » à un instant donné, par contre, entre deux instants successifs, séparés par un moment même infinitésimal, elle se déplace.

Enfin, si on va au fond des choses, même à un instant donné, la flèche n’est pas vraiment « immobile » : n’importe quel photographe sait qu’un objet en mouvement apparait sur une photo avec un certain flou dans la direction du mouvement, ce qui le distingue des objets véritablement immobiles. De même, la mécanique quantique nous dit qu’un objet en mouvement présente une certaine incertitude sur sa position (certes, cette incertitude est infinitésimale pour un objet d’une taille aussi grande et une vitesse aussi faible que celles d’une flèche, mais elle n’en existe pas moins), ce qui le distingue radicalement d’un objet au repos, et permet la poursuite du mouvement.

Zénon d’Élée

(en grec Ζήνων Zếnon), né vers -495, décédé vers -430, philosophe grec.

Surnommé par Platon le Palamède d’Elée, il fréquenta l’école de Parménide, située dans le sud de l’Italie.
Inventeur de la Dialectique (art du discours bref), il est principalement connu pour ses paradoxes qui n’eurent pas, à son époque, le retentissement mérité (il n’y a guère qu’Aristote qui tente de réfuter ces paradoxes). Cependant ces derniers, bien que peu reconnus, montrent clairement une grande clarté d’esprit chez cet homme qui fut l’un des premiers à remettre en cause la mythologie et les croyances de son époque. L’histoire actuelle de la science et de la logique en reconnaît l’importance majeure.
Le récit de la mort de Zénon, constituant un exemple de courage et de résistance face à la tyrannie, prouve qu’il ne fut pas qu’un froid logicien mais aussi un homme engagé :
« Ayant entrepris de renverser le tyran Néarque (...), il fut arrêté (...). Interrogé sur ces complices et sur les armes qu’il avait fait livrer à Lipara, il cite les noms de tous les amis du tyran, dans l’intention de l’isoler des siens. Ensuite, sous prétexte de révélations confidentielles sur certaines personnes, il mordit cruellement le tyran à l’oreille et ne lâcha prise que blessé mortellement (...). À la fin, il trancha sa propre langue avec ses dents et la lui cracha au visage ». (Diogène Laërce, Vies des philosophes illustres, IX, 26-27)
Zénon d’Élée, à qui Denys demandait en quoi consiste la supériorité de la philosophie, répondit : Dans le mépris de la mort ! et c’est avec impassibilité que, sous les coups du tyran, il confirma son propos jusqu’à la mort. (Tertullien, Apologétique, 50)

Zénon d’Elée (env. 490-430)

Zénon, disciple de Parménide, en accord avec la méthode de démonstration indirecte de son maître, a préféré défendre la doctrine de celui-ci et attaquer celle de ses rivaux, en particulier le pythagorisme. Plutôt que d’argumenter sur le fait que l’Etre est Un et immobile, il préfère exposer les contradictions qui surgiraient à affirmer que l’Etre est pluriel et mobile ; en prouvant le deuxième point il prouve le premier. La pluralité et le mouvement appartiennent au monde des apparences, à l’expérience sensible et non à la pensée logique, à la raison. Ses arguments sont appelés apories, car ils aboutissent à des contradictions en relation avec l’illimité.
L’aporie du grain – une multitude de grains font du bruit en tombant, un grain tout seul ne fait pas de bruit. Le grain est-il sonore ou non ? – utilise l’opposition entre unité et pluralité pour mettre en doute la connaissance sensible, à laquelle nous ne pouvons pas nous fier, parce qu’elle est contradictoire.
L’aporie de l’espace – l’espace n’existe pas car s’il existait il devrait être situé dans un espace, et celui-là encore dans un autre espace, et ainsi de suite – réfute le principe pythagoricien du vide, en démontrant que si un espace existait cela supposerait qu’il y ait des espaces illimités, ce qui est absurde.
Les apories contre la pluralité attaquent la doctrine pythagoricienne selon laquelle toutes les choses qui existent seraient constituées d’unités identiques et indivisibles (horos). Zénon démontre habilement que, à considérer les horos à la fois comme des unités physiques indivisibles – ayant une dimension – , arithmétiques – en tant que quantités numériques – , et géométriques – en tant que points – on parvient à des contradictions insolubles. Il est très probable que la logique de Zénon ait obligé les pythagoriciens à substituer à leur horisme mathématique un horisme physique, duquel naîtra l’atomisme.
Les apories contre le mouvement tentent de démontrer que celui-ci n’est pas pensable logiquement : on aboutit en effet à des contradictions, aussi bien si on pense que l’espace est une chose continue – les deux premières – que discontinue – les deux dernières. L’aporie de l’état affirme qu’il est impossible de parcourir une quelconque distance donnée, car tout d’abord il faudrait en parcourir la moitié, puis la moitié de cette moitié, puis la moitié de la moitié restante et ainsi de suite. Comme on le voit, Zénon utilise la dichotomie pour convertir une unité – une quelconque distance – en une multiplicité illimitée de parties. En effet, ceux qui considéraient l’espace comme continu le pensait divisible à l’infini. Zénon remarque que de ce processus sans fin dérivent immédiatement des contradictions. Zénon refuse d’admettre qu’une distance limitée puisse être conçue comme la somme d’une quantité illimitée de parties. L’aporie d’Achille et de la tortue réitère le même argument que l’aporie du stade, mais en faisant référence à deux corps en mouvement, autrement dit au mouvement relatif.
Les apories de la flèche et du défilé sont dirigées contre ceux qui considéraient que l’espace était formé d’une multiplicité d’unités invisibles juxtaposées, c’est à dire discontinu. Zénon affirme que la flèche, pendant son vol – en mouvement apparent – est en fait au repos. Pour le démontrer il décompose la distance parcourue en la multiplicité de ses positions intermédiaires de la position initiale à la position finale. Cet ensemble de positions est limité, si l’on pose que le nombre d’unités qui composent n’importe quelle distance est limité. Zénon montre donc que dans chaque position la flèche se trouve au repos. Traduit en termes modernes, plus de vingt siècles avant Daguerre et les frères Lumière, Zénon décompose, dans la chambre noire de son esprit, l’illusion du mouvement continu en la multiplicité de ses photogrammes.
L’aporie du défilé est dirigée contre ceux qui soutenaient non pas que le mouvement consistait à parcourir successivement une série de positions, aussi nombreuses que les unités indivisibles que comporte le parcours, mais qu’il consistait à passer de chaque position ou unité indivisible à la suivante. L’aporie de la flèche "déconstruit" un mouvement absolu, et celui du défilé "déconstruit" un mouvement relatif, celui de deux corps mobiles entre eux par rapport à un troisième corps fixe. Nous éviterons d’en développer l’explication car elle nous prendrait ici beaucoup de temps.


La réponse d’Aristote à Zénon dans sa "Physique" :

Le doute de Zénon, qui nie l’espace, attendu qu’il ne sait où le mettre. (...) Ainsi, il n’est pas besoin, comme le croit Zénon, de remonter à l’infini et de se perdre dans l’espace de l’espace, et l’espace de ce second espace, etc. (...) L’espace n’est ni la matière, ni la forme des choses, et qu’il en est très différent. (...)

Zénon fait un faux raisonnement : « Si toute chose, dit-il, doit toujours être soit en mouvement soit en repos, quand elle est dans un espace égal à elle-même, et si tout corps qui se déplace est toujours pendant chaque instant dans un espace égal, il s’ensuit que la flèche qui vole est immobile. » Mais c’est là une erreur, attendu que le temps n’est pas un composé d’instants, c’est-à-dire d’indivisibles, pas plus que nulle autre grandeur.

Zénon a sur le mouvement quatre raisonnements, qui ne laissent pas que d’embarrasser ceux qui tentent de les réfuter.
D’abord, il prétend prouver que le mouvement n’existe pas, attendu que le mobile passe par la moitié avant d’arriver à la fin. Nous avons réfuté ce sophisme dans nos discussions antérieures.

Le second sophisme de Zénon est celui qu’on appelle l’Achille. Il consiste à dire que jamais le plus lent, quand il est en marche, ne pourra être atteint par le plus rapide, attendu que le poursuivant doit, de toute nécessité, passer d’abord par le point d’où est parti celui qui fuit sa poursuite, et qu’ainsi le plus lent conservera constamment une certaine avance.

Ce raisonnement revient à celui de la division par deux ; et, la seule différence, c’est qu’ici l’on ne divise pas continuellement en deux la grandeur surajoutée. On tire bien de cet argument cette conclusion régulière qu’il n’est pas possible que le plus lent soit jamais atteint ; mais c’est toujours absolument la même chose que dans la division par deux, puisque de part et d’autre on conclut qu’on ne peut arriver au bout, de quelque manière qu’on partage la grandeur. Seulement, dans l’Achille, on ajoute que même le plus rapide ne pourra jamais rejoindre le plus lent ; et c’est plus pompeux et plus tragique.

La solution est donc des deux côtés nécessairement identique. Mais supposer que ce qui est en avance n’est pas rejoint., c’est là qu’est l’erreur. Sans doute tant qu’il est en avance, il n’est pas rejoint ; mais, en définitive, cependant il est rejoint, puisque Zénon doit accorder que la ligne finie est parcourue.

Voilà donc déjà deux des arguments de Zénon.

Le troisième, dont nous venons de parler à l’instant, c’est que la flèche qui vole dans les airs reste en place ; et de ce principe on tire cette conclusion que le temps est, selon Zénon, composé d’instants. Mais, en repoussant ce principe, que l’on ne concède point, il n’y a plus d’argument.

Quant au quatrième, il s’applique à des masses égales qu’on suppose se mouvoir également, par exemple, dans le stade, mais, en sens contraire, les unes partant de l’extrémité du stade et les autres du milieu ; et l’on prétend démontrer que le temps, qui n’est que la moitié, est l’égal du temps qui est le double.

Le sophisme consiste en ceci, qu’on suppose que la grandeur égale, animée de la même vitesse, se meut dans le même temps, soit relativement à la masse qui est en mouvement, soit relativement à la masse qui est en repos ; et c’est là qu’est l’erreur.

Soient, par exemple, les masses égales en repos représentées par AAAA. Soient, d’autre part, BBBB, les masses égales en nombre et en grandeur aux A, mais qui partent du milieu de la longueur des A ; soient enfin CCCC les masses égales aux autres en nombre, en grandeur, et égales aux B en vitesse, mais qui partent de l’extrémité. Le premier B est bien, en effet, au bout en même temps que le premier C, puisque le mouvement des uns et des autres est parallèle. Les C ont bien aussi dépassé tous les A ; mais les B ne sont qu’à la moitié. Donc, suivant Zénon, le temps n’est aussi que la moitié, puisque de part et d’autre c’est parfaitement égal. Mais il arrive que les B ont, en même temps, dépassé tous les C ; car le premier C et le premier B sont en même temps aux extrémités contraires, le temps pour chacun des B étant tout à fait égal à ce qu’il est pour passer _ chacun des A, si l’on en croit ce que dit Zénon, parce que tous deux arrivent dans un même temps à dépasser les A.

Telle est la théorie de Zénon ; mais elle pèche ainsi que nous l’avons dit.
Quant à la nôtre, elle ne conduit à aucune impossibilité par rapport au changement qui a lieu dans la contradiction. Par exemple, si l’on objecte que le corps qui n’est pas blanc, changeant en blanc, n’est, à un instant donné, ni l’un ni l’autre, de telle sorte qu’on ne puisse pas dire qu’il soit blanc, et qu’on ne puisse pas dire davantage qu’il ne soit pas blanc ; je réponds qu’on n’a pas besoin, pour affirmer que le corps est blanc ou qu’il n’est pas blanc, qu’il soit tout entier l’un ou l’autre ; car on dit d’une chose qu’elle est blanche ou qu’elle ne l’est pas sans qu’elle le soit tout entière, et il suffit que la plupart de ses parties, ou les plus importantes le soient. Mais ce n’est pas la même chose de ne pas être dans tel état ou de ne pas y être tout entier. Il en sera de même tout à fait pour l’être et le non-être, et pour toutes les autres oppositions par contradiction ; car il faut nécessairement que la chose soit dans l’un des opposés ; mais elle n’est pas toujours tout entière dans aucun des deux.

D’autre part, pour le cercle, pour la sphère, et en général pour tout ce qui se meut sur soi-même, on prétend bien que les corps seront en repos, attendu que ces corps et leurs parties étant durant quelque temps dans le même lien, il en résulte, par conséquent, qu’ils seront à la fois et en mouvement, et en repos.

Mais d’abord, je réponds que les parties ne sont jamais un seul moment dans le même lieu.

Puis ensuite, on peut même dire que c’est le cercle entier qui change toujours en un autre ; car la circonférence n’est pas la même, selon qu’on la prend du point A, ou du point B, ou du point C, ou de tels autres points, si ce n’est de la même manière que l’homme musicien est aussi homme, parce que sa qualité de musicien n’est qu’accidentelle. Par conséquent, une circonférence change toujours en une autre, et elle n’est jamais en repos. Il en est tout à fait de même aussi pour la sphère, et pour tous les corps qui se meuvent sur eux-mêmes.

(...)
L’indivisible ne peut avoir de mouvement, dans le sens absolu de ce mot, bien que l’indivisible puisse indirectement se mouvoir avec la chose dans laquelle il est. Démonstration de ce principe. Le temps ne se compose pas d’instants, non plus que la ligne ne se compose pas de points. L’indivisible ne se meut pas, parce qu’il n’y a pas de mouvement proprement dit dans la durée d’un instant.

Ceci démontré, nous prétendons que ce qui est sans parties ne peut avoir de mouvement, si ce n’est indirectement ; et, par exemple, l’indivisible ne se meut que par le mouvement du corps ou de la grandeur quelconque dans laquelle il est, comme une chose qui est dans un bateau et qui n’est mise en mouvement que par le mouvement du bateau même ; ou bien encore, comme la partie est mue par le mouvement du tout.

Quand je dis « Sans parties, » j’entends ce qui est indivisible sous le rapport de la quantité.

Car les mouvements des parties sont différents, selon que ces parties elles-mêmes se meuvent, ou que c’est le tout lui-même qui est en mouvement. Où l’on peut bien observer cette différence, c’est dans la sphère ; car la rapidité des parties qui sont au centre, ou des parties qui sont à la surface, ou de la sphère elle-même n’est pas identique ; et c’est bien la preuve qu’il n’y a pas un seul mouvement.

Ainsi donc, nous le répétons, ce qui est sans parties peut se mouvoir comme se meut la personne assise dans un bateau, par cela seul que le bateau est en marche. Mais en soi, ce qui est sans parties ne peut pas se mouvoir. Supposons, en effet, que le corps change de AB en BC, soit d’ailleurs qu’il change en passant d’une grandeur à une autre grandeur, soit en passant d’une forme à une autre forme, soit que ce soit par simple contradiction. Soit D le temps primitif durant lequel le corps change. Il y a nécessité que l’objet dans le temps où il change soit tout entier ou en AB ou en BC, ou qu’une de ses parties soit dans l’un, et qu’une de ses parties soit dans l’autre, puisque tout ce qui change est soumis à cette condition, ainsi que nous l’avons vu. Mais d’abord une partie de l’objet ne pourra être dans l’un et dans l’autre ; car alors l’objet serait divisible. De plus, il ne peut pas davantage être dans BC ; car alors il aura changé, et nous supposons qu’il change. Reste donc que l’objet soit dans AB, durant le temps où il change. Donc il y sera en repos ; car être en repos signifie, ainsi que nous l’avons dit, se trouver dans le même état durant quelque temps. Donc par conséquent, ce qui est sans parties ne peut ni se mouvoir, ni éprouver un changement quelconque.

Il n’y aurait qu’un seul sens où l’on pourrait dire que le corps se meut : c’est le cas où le temps se composerait d’instants ; car le corps aurait été mu, et il aurait changé toujours dans un instant, de telle sorte qu’on pourrait dire que l’objet n’est jamais actuellement en mouvement et qu’il y a toujours été. Mais nous avons antérieurement démontré que c’est là une chose impossible ; car le temps ne se compose pas plus d’instants que la ligne ne se compose de points, ni que le mouvement ne se compose de motions successives ; et, si l’on soutenait cette théorie, cela reviendrait absolument à dire que le mouvement se compose d’éléments sans parties ; par exemple, comme le temps qui se composerait d’instants, et que la grandeur se compose de points.
Une autre conséquence évidente de ceci, c’est que le point, ni aucun indivisible, ne peut avoir de mouvement. En effet, aucun corps en mouvement ne peut, dans son mouvement, parcourir un espace plus grand que lui, sans avoir préalablement parcouru un espace égal à lui-même, ou un espace plus petit. Cela posé, il est évident que le point parcourra un espace, ou plus petit que lui, ou égal à lui, avant de parcourir tout autre espace. Mais le point étant indivisible, il est bien impossible qu’il parcoure préalablement un espace plus petit que lui-même. Il parcourra donc un espace égal ; et par conséquent, la ligne sera composée de points ; car ayant un mouvement égal à lui-même, le point finira par mesurer toute la ligne. Mais si cela ne se peut pas, il ne se peut pas non plus davantage que l’indivisible soit jamais en mouvement.

Ajoutez que si tout ce qui se meut doit se mouvoir dans le temps, et que dans un instant il n’y ait aucun mouvement possible ; et si le temps est toujours divisible, il s’ensuit qu’il y aura, pour tout mobile quelconque, un temps moindre que le temps dans lequel il parcourt, en se mouvant, un espace égal à lui-même. Or, ce sera précisément le temps durant lequel il se meut, parce que le mouvement ne peut jamais avoir lieu que dans le temps. Mais il a été démontré plus haut que le temps est toujours divisible. Si donc le point se meut, il y aura un temps plus petit dans lequel son mouvement aura eu lien. Mais cela est de toute impossibilité, puisque dans un temps moindre il faut nécessairement que le mouvement soit moindre aussi ; et par conséquent, l’indivisible serait divisé en parties moindres, comme le temps lui-même serait divisé en temps.

Ainsi donc, ce qui est sans parties et est indivisible ne pourrait se mouvoir qu’a une seule condition, c’est qu’il fût possible qu’il y eût mouvement dans un instant indivisible ; car cela revient tout à fait au même, et qu’il puisse y avoir mouvement dans l’instant, et que l’indivisible puisse se mouvoir.

Mais il n’y a pas de changement qui puisse jamais être infini. Nous avons vu, en effet, que tout changement est le passage d’un état à un autre, que ce soit d’ailleurs un changement dans la contradiction, ou le changement dans les contraires.

Pour les changements par contradiction, c’est l’affirmation ou bien la négation qui est la limite ; et, par exemple, c’est l’être pour la génération des choses ; c’est le non-être pour leur destruction.
Quant aux changements par contraires, ce sont les contraires mêmes qui servent de limites, puisqu’ils sont les points extrêmes du changement.

Ainsi, les contraires sont les limites de toute espèce d’altération ; car l’altération procède toujours de certains contraires.
De même encore pour l’accroissement et la décroissance ; car, la limite de l’accroissement est l’acquisition même de la grandeur que la chose doit atteindre d’après sa nature propre ; et la limite de la décroissance est la disparition de cette même grandeur.

Mais le déplacement dans l’espace n’est pas fini et limité de cette manière ; car il ne se fait pas toujours dans les contraires. Mais comme on dit d’une chose qu’elle ne peut pas avoir été coupée de telle manière, parce qu’elle ne peut pas, en effet, l’avoir été du tout, le mot d’impossible ayant bien des acceptions diverses, ce qui est ainsi impossible ne peut pas être actuellement coupé ; et d’une manière absolue, ce qui ne peut pas être arrivé n’arrive jamais, et ce qui ne peut pas du tout changer ne change jamais en la chose dans laquelle il ne peut changer. Si donc le corps qui se déplace change en quelque chose, c’est qu’il peut avoir changé. Donc le mouvement n’est pas infini, et il ne parcourra pas une ligne infinie, puisqu’en effet il est impossible de la parcourir.

Il est donc évident qu’il n’y a pas de changement infini, en ce sens qu’il soit sans limites qui le déterminent.

Mais il faut voir s’il n’est pas possible qu’il y ait, sous le rapport du temps, un mouvement infini, un et toujours le même. Rien n’empêche, en effet, qu’il en soit ainsi, quand ce mouvement n’est pas unique, et quand, par exemple, après le déplacement, il y a altération, après l’altération accroissement, et après l’accroissement génération. De cette façon, le mouvement peut bien être perpétuel dans le temps ; mais il n’est plus unique, parce que tous ces mouvements n’ont pas un mouvement unique pour résultat. Par suite, en supposant que le mouvement soit un, il ne peut y avoir d’infini dans le temps qu’un seul mouvement ; et ce mouvement spécial est la translation circulaire.

La dichotomie et la méthode de Zénon

La dichotomie est un procédé dit par itération puisqu’il répète un grand nombre de fois la même opération. Il s’agit de prendre un segment et de considérer son milieu. Puis on prend le segment entre le premier point et le milieu et on recommence la même opération. La première remarque de Zénon à ce propos est que ce processus semble infini. En effet, on peut toujours trouver le milieu d’un segment puis le milieu du segment deux fois plus petit et ainsi de suite … Si on considère les points, on remarque qu’entre deux points, il y en a toujours un autre. Il n’y a donc pas de points qui se suivent. Donc, il est difficile de parcourir une longueur en passant par tous les points successifs. Si on considère la longueur du segment AB, on peut d’abord aller de A au milieu du segment, puis de ce milieu au milieu du segment restant et ainsi de suite. Il peut sembler qu’en allant à l’infini on aura parcouru l’ensemble du segment. D’abord la moitié de la longueur du segment puis la moitié de la moitié puis la moitié de cette nouvelle distance et ainsi de suite … Si on totalise les distances parcourues, il semble que l’on finisse par parcourir la distance entre A et B. Et pourtant, ce n’est pas le cas. On peut se dire que l’on atteindra B en répétant l’opération à l’infini. Le calcul semble confirmer cette affirmation. On additionne en effet les puissances entières de ½ depuis (½)².
La somme obtenue S = ½ + (½)² + (½)3 + (½)4 + (½)5 + …
Si on double S on obtient 1+ ½ + (½)² + (½)3 + (½)4 + …
C’est-à-dire que 2xS = 1 + S
D’où S = 1
Donc le parcours vaut finalement une fois la longueur entre A et B et on semble atteindre B on faisant cette opération à l’infini.
Zénon disait pourtant que l’on n’atteignait jamais B car il restait toujours un petit segment restant à parcourir. Son point de vue est que l’on ne pouvait pas diviser à l’infini.
Les mathématiciens ont cru s’en sortir en disant que le nombre de sauts, le nombre d’itérations était effectivement infini mais pas le temps de parcours. Cela ne suffit pas à résoudre le problème posé par Zénon. Si on veut réaliser ce parcours de A à B par cette itération, on doit répondre qu’il n’arrivera jamais à B car il restera toujours quelque chose à parcourir …
Zénon relève que l’infini est un nombre que l’on n’atteint pas. Le saut de A à B ne peut pas être considéré comme la somme infinie des sauts d’un point au milieu du segment suivant. Cette division que l’on considérait comme sans problème s’avère poser un problème philosophique plus encore que mathématique.
Mais c’est aussi un problème physique comme les scientifiques spécialistes de la Mécanique quantique l’ont montré. Comme Zénon, eux aussi ont remarqué que le tout n’est pas la somme des parties et que l’on ne peut pas diviser l’espace, le temps, le mouvement et la matière à l’infini.
La subdivision (ou l’itération) à l’infini entraîne de multiples paradoxes qui ne sont pas solubles. Ils sont logiquement absurdes.
Géométriquement, si on considère que le segment est divisible à l’infini, il est constitué de points, c’est-à-dire d’éléments qui ne sont plus divisibles parce qu’ils n’occupent aucun espace. Mais cette affirmation pose de multiples problèmes philosophiques. Si le point n’occupe aucun espace (pas un espace infiniment petit), alors un ensemble de points n’occupe aucun espace et même une infinité de points n’occupe aucun espace. D’où vient alors l’espace (la distance) occupé par un segment, et, plus encore, par une droite ?
Si on considère un segment entre A et B et son milieu M, on peut compter les points entre A et B et on va trouver par une méthode d’itération qu’il y aura autant de points entre A et B qu’entre A et M. Curieux résultat : un segment long a autant de points qu’un segment court et un segment en a autant qu’une droite. La partie a autant d’éléments qu’un ensemble qui la contient.
Les contradictions logiques sont multiples dans ces itérations à l’infini. On trouve ainsi qu’il y a autant de nombres entiers pairs que de nombres entiers en tout. Pourtant, si on compte, il y en a seulement la moitié puisqu’il y a autant de nombres pairs qu’impairs. La contradiction logique est d’autant plus forte que tout au long du calcul vers l’infini, on trouve tout le temps qu’il y a deux fois plus d’entiers que d’entiers pairs. Mais, par miracle, d’un seul coup, en arrivant à l’infini, il y aurait autant de pairs que d’entiers. Pourtant, la différence entre le nombre d’entiers et le nombre de pairs grandit sans cesse et, à la fin de l’itération, encore par miracle, cette différence qui n’a cessé de grandir serait nulle !
D’ailleurs, la relation entre les deux nombres, n des pairs et 2xn des entiers est telle qu’il s’agit de deux nombres qui, plus ils augmentent, plus leur différence augmente. Et pourtant, à l’infini, ils seraient … égaux ! L’addition à l’infini pose donc bel et bien des problèmes !

Il est remarquable que certains mathématiciens ou physiciens trouvent toujours que cela ne pose pas de problème de dire qu’il y a une infinité de segments à parcourir pour aller de A à B. Par exemple, on trouve sur le net un scientifique qui calcule les rebonds d’une boule et trouve qu’elle va s’arrêter dans un temps fini mais au bout d’un nombre infini de rebonds et qui ne trouve pas cela curieux : un nombre de rebonds sans fin ! Il conclue : la boule va s’arrêter dans temps fini et Zénon a eu tort ... Mais un nombre de rebonds sans fin cela signifie que la boule ne doit pas s’arrêter de rebondir et ne doit pas voir arriver la fin de son temps de rebonds ... s’il est exact que le temps se divise à l’infini. Le paradoxe de Zénon est donc toujours aussi fort.

Le site Matière et révolution rejoint Lampedusa qui écrit sur internet :

"il est coutume de dire que les paradoxes de Zénon d’Élée, qui sont une discussion logique du mouvement, sont résolus par les séries géométriques et/ou l’analyse infinitésimale, ce qui est faux (ainsi cet article est trompeur, la version anglaise est plus honnête). Considérons le paradoxe d’Achille. L’une de ces résolutions proposée est de dire que des séries géométriques particulières résolvent le problème techniquement, car une série infinie de termes strictement positifs peut converger vers une somme finie. Par ex. la série de terme général 1/(2)n est convergente. Cela signifie qu’à Zénon qui dit qu’il faut parcourir la moitié du chemin restant, et ensuite la moitié de ce qui reste, et ensuite la moitié encore, et donc jamais, on devrait répondre que cette série de moitiés successives (1/2 ; 1/4 ; 1/8 ; ...) ne diverge pas mais converge vers un résultat fini (dans l’exemple ce sera l’unité), et Achille rattrape la tortue. Or cela ne répond pas à Zénon, pour plusieurs raisons.

La première est que cela ne nous dit pas comment actuellement on réalise une infinité de somme (on note par ailleurs que la démonstrations de la convergence de la série ne procède évidemment pas en sommant les termes) : il y a un problème car on ne construit pas le chemin, on ne fait que poser sa relative cohérence mathématique, sans dire comment on accomplit cette infinité de gestes. (à noter encore que y compris en mathématiques pures, les problématiques de la constructibilité de la solution d’un problème constituent déjà un domaine de travail et de recherche, certaines démonstrations ou résultats ne sont pas acceptés si on ne montre pas le chemin complet de la construction ; cela est par ex. une exigence de la logique dite intuitionniste).

Deuxièmement, et cela rejoint le premier point, le sens physique de la réalisation actuelle d’une infinité de gestes demeure indéterminé (car l’infini n’est pas un nombre, puisqu’un nombre est fini. On précise également qu’on ne discute pas ici des classifications encore plus générales de nombres dégagés par Cantor..). Je dis donc que le problème d’une infinité de moitiés successives renvoie au problème de la signification physique d’une infinité de moitiés. La cohérence de la divisibilité infinie en mathématique ne dit pas quel est le sens physique de la divisibilité infinie. Plus généralement, la solution géométrique "saute" le problème et présuppose le mouvement possible. Pour le signifier intuitivement, on dit que l’analyse logique parcourt silencieusement la série par un mouvement implicite déjà postulé, autrement dit elle permet une étude cinématique mais pas encore une étude dynamique fondamentale.

Toujours concernant "l’infiniment petit", Zénon prête son nom à un phénomène quantique, dit paradoxe de Zénon quantique. Une certaine littérature traite du problème. Celui-ci est approché par la notion de densité de mesure : un système quantique soumis à une succession de mesure très rapprochées n’évolue pas dans le temps (—>flèche de zénon quantique). A la limite de la densité, la mesure continuée force la survie de l’état initial du système. Cela donnera l’image de la bouilloire quantique : si je regarde avec attention ma casserole quantique, alors l’eau ne va jamais bouillir.

En résumé partiel, les paradoxes de Zénon montrent que actuellement, la logique échoue devant le mouvement. C’est la problématique du mouvement qui est discutée."


Les quatre paradoxes de Zénon

2.1 Nature de l’espace et du temps

Avant d’exposer ses quatre paradoxes, un problème ontologique se pose :

Le temps et l’espace, sont-ils continus ou composés d’atomes ?

Hypothèse continuiste

Si l’espace est continu, on peut diviser chaque grandeur en deux, indéfiniment. C’est la notion d’illimité selon la puissance d’Aristote, par opposition à l’illimité selon la quantité ou le nombre (qui suppose l’absence de limite extérieure). Zénon énonce, dans un premier temps, deux paradoxes où l’espace et le temps sont continus : la dichotomie et l’Achille.

Cependant, pour les Éléates, une chose n’existe que si elle est un existant selon les trois dimensions. Voici un extrait de la Métaphysique d’Aristote :

[...] Zénon déclare que ce qui, par son addition ou par sa soustraction, ne rend pas une chose plus grande ou plus petite, n’est pas quelque chose d’existant, étant donné qu’évidemment l’existant qui existe est une grandeur. En outre, s’il est une grandeur, il est corporel, car le corporel est un existant selon les trois dimensions. Au contraire, les autres produiront par addition un objet plus grand, s’ils sont ajoutés d’une certaine façon. Mais, ajoutés d’une autre façon, ils ne produiront aucun accroissement : tel est le cas du plan et de la ligne. Et pour ce qui est du point et de l’unité, en aucune façon, leur addition ne produit un accroissement [6].

Le point n’a donc aucune existence, puisqu’il ne rend ni plus grand, ni plus petit par addition ou soustraction, toute grandeur donnée.

De plus, la dichotomie et l’Achille montrent, outre l’impossibilité de penser le mouvement qu’il est nécessaire qu’il existe une grandeur non partagable, puisqu’il est impossible de toucher dans un temps limité un nombre illimité de parties, en les touchant chacune l’une après l’autre, et qu’il faut nécessairement que le mobile commence par effectuer un demi-parcours. Ce qui est non partageable admet donc une première moitié [7].

Hypothèse atomiste

Puisque la thèse continuiste pose le problème de l’existence des points et du mouvement, nous sommes dans l’ espace composé de grandeurs indivisibles (que, plus tard, Démocrite, élève de Zénon, nommera atomes) et dans le temps composé d’instants.

Cependant, les deux arguments, la flèche et le stade, y seront tout aussi paradoxaux.

Il y a aussi une autre façon de regrouper les quatre arguments. Dans deux arguments, la dichotomie et la flèche, il ne peut y avoir de mouvement, il y a immobilité. Dans les deux autres, le mouvement existe.

Ainsi, nous pouvons schématiser cela dans le tableau suivant :
Continuisme Atomisme
Immobilité Dichotomie Flèche
Mouvement Achille Stade

2.2 Exposition des quatre paradoxes

Aristote nous rapporte les quatre arguments de Zénon dans la Physique.

Les arguments de Zénon contre le mouvement sont au nombre de quatre ; ils causent beaucoup de soucis à ceux qui veulent les résoudre [8].

Aristote, lorsqu’il cite ces arguments, a l’intention de les réfuter, aussi ne sont-ils peut-être pas donnés dans l’intention même que Zénon leur prêtait. L’interprétation de ces arguments est donc hypothétique.

2.2.1 La dichotomie

Le premier argument porte sur l’inexistence du se mouvoir, compte tenu du fait que le mobile doit d’abord parvenir à la moitié avant d’atteindre le terme de son trajet, argument que nous avons déjà discuté auparavant. [9].

La plupart des commentateurs, qu’ils soient anciens ou modernes, ont interprété ce texte comme par exemple Morris Kline :

Le premier paradoxe de Zénon établit qu’un coureur ne pourrait jamais parvenir au terme d’une course parce qu’il doit d’abord parcourir la moitié de la distance, puis la moitié de la distance qui reste, puis la moitié de la distance qui reste encore, etc. C’est pourquoi le coureur doit courir : \frac12+\frac14+\frac18+\frac116+\ldots Zénon argumentait alors de la façon suivante : le temps requis pour couvrir un nombre infini de distances doit être infini.

Je ne pense pas qu’il faille comprendre ce premier argument de cette manière. Aristote dit que le mobile doit d’abord parvenir à la moitié avant d’atteindre le terme de son trajet. Si l’on réitère le procédé, on obtient : le mobile doit d’abord parvenir à la moitié de la moitié avant d’atteindre le milieu du trajet et ainsi de suite. Ce qui donne le schéma suivant :

Nous ne sommes plus en présence de la somme \frac12+\frac14+\frac18+\ldots, mais de la somme \ldots+\frac18+\frac14+\frac12, ce qui change tout. Le mouvement ne peut commencer, ou comme le dit Aristote, le « se mouvoir » n’existe pas, car il n’y a pas de point de départ, puisque nous sommes dans le cadre d’un espace et d’un temps continus. Or, il faut nécessairement que le mobile commence par effectuer un demi-parcours, si l’on veut qu’il y ait mouvement. Dire, en plus que Zénon ne saisit pas le sens d’une somme infinie de termes est pour le moins présomptueux et me semble cacher l’ambarras dans lequel on se trouve devant cet argument. Le mouvement ne peut donc commencer. Cependant, Zénon, qui n’a jamais nié le mouvement comme phénomène, va ensuite examiner ce qui se passe lorsque l’on essaye de penser ce phénomène.

2.2.2 L’Achille

Le second argument est celui que l’on appelle l’Achille. Il consiste à dire que le plus lent à la course ne peut pas être rattrapé par le plus rapide, étant donné que le poursuivant doit nécessairement atteindre le point d’où le poursuivi est parti, de telle sorte que le plus lent doit sans cesse avoir une certaine avance. [10]

Souvent confondu avec la dichotomie, cet argument suppose donc l’existence du se mouvoir.

Achille, nous dit Zénon, ne pourra pas rattraper la tortue, car elle aura toujours une longueur d’avance

l_n=T_n-T_n-1=A_n+1-A_n

aussi petite soit-elle, ce qui est contraire à l’opinion commune, d’où paradoxe.

Ici encore, il ne sert à rien d’affirmer que la somme l_0+l_1+l_2+l_3+\ldots, cette fois-ci dans le bon sens, possède une limite finie. Le problème ne se situe pas là : à chaque étape, la tortue aura toujours une longueur d’avance et ne sera pas rattrapée !

Puisque la thèse continuiste ne permet pas de penser le mouvement, considérons l’espace comme composé d’atomes et le temps d’instants consécutifs indivisibles. Nous allons voir que les deux arguments employés dans la flèche et le stade sont tout aussi paradoxaux.

2.2.3 La flèche

Le point de vue atomiste consiste à voir l’axe du temps comme constitué d’instants indivisibles, à l’image d’un collier de perles excessivement fines et insécables.

Le troisième argument est celui dont nous venons de parler, à savoir que la flèche qui se déplace est immobile. C’est ce qui résulte du fait que l’on admet que le temps est composé d’instants. Que l’on refuse cette prémisse et le raisonnement s’écroulera.

Zénon propose un paradoxe trompeur : si un objet quelconque est en repos, lorsqu’il ne s’est pas déplacé du lieu qui est égal à ses propres dimensions, et si d’autres part cet objet qui se meut est sans cesse dans ce lieu qu’il occupe présentement, la flèche qui se déplace est immobile [11].

À chaque instant, indivisible de temps, et en particulier l’instant du départ, la flèche se trouve en un lieu égal à elle-même, immobile. Si elle était mobile, à l’instant suivant, elle se trouverait aussi dans un autre lieu, immobile. Mais comme le temps est composé d’instants, il n’y a pas de temps entre deux instants consécutifs.

Elle ne peut passer du lieu A de l’instant au lieu B de l’instant suivant . Elle ne peut donc que rester immobile en A.

2.2.4 Le stade

Voici le quatrième argument tel que l’énonce Aristote :

Le quatrième argument est celui qui fait appel à deux trains [12] formés d’une succession de masses égales et qui se croisent sur un stade, en passant, l’un comme l’autre, devant un train immobile. La queue du premier train (\Gamma) est située à l’une des extrémités du stade ; la tête de l’autre train (B) est située au milieu ; les deux trains vont à vitesse égale. Pour Zénon, la conséquence est que la moitié est égale au double. [13]

Cet argument, le plus instructif, selon Bergson [14], est, de loin, celui que tout le monde dédaigne. Est-ce parce qu’on le trouve trop simpliste ou parce qu’on ne le comprend pas, ce qui revient peut-être au même ?

Ici, il y a mouvement, mais le penser va conduire, là encore, à une contradiction.

Le stade est une métaphore. Imaginons que les masses représentent trois par trois des indivisibles consécutifs de l’espace : \Gamma_1, \Gamma_2 et \Gamma_3 sont trois indivisibles consécutifs ainsi que les trois piquets carrés et B_1, B_2 et B_3.

On compte les instants par rapport aux piquets carrés.

La Figure 1a. représente un instant, 1b. l’instant suivant.

Or, si l’on ne tient pas compte des piquets carrés, une question se pose : en quel instant, les points \Gamma_2 et B_1 se sont-ils croisées (Figure 2b.) ?

Cela doit avoir été dans l’intervalle des deux instants que nous imaginons consécutifs [15], il y a donc un autre instant entre deux instants consécutifs, ce qui est contradictoire.

Ce que Zénon traduit par « La moitié est égale au double ».

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Fig 1a. Instant 1

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Fig 1b. Instant 2

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Fig 2a. Instant 1

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Fig 2b. Instant ?

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Fig 2c. Instant 2

Bergson trouve instructif ce dernier paradoxe, car on y voit clairement que le temps est assimilé à de l’espace, ce qu’il considère comme la source de tous les problèmes que l’on peut rencontrer lorsque l’on travaille avec le temps.

2.3 Quelques remarques

Zénon nous montre qu’espace et temps, qu’ils soient divisibles à l’infini (continus) ou composés d’indivisibles, d’atomes, ne peuvent pas nous permettre de penser logiquement le mouvement, phénomène que tout un chacun peut constater. Ce n’est donc, pour lui, qu’une illusion.

Parménide et son disciple Zénon, sont les premiers à séparer sensible et intelligible. Zénon nous apprend à nous méfier des apparences et nous fait réfléchir sur la notion de théorie. Une théorie peut-elle tout expliquer ? Est-elle pertinente pour rendre compte des faits que nous observons ? N’y a-t-il qu’une seule théorie possible ? L’influence de Zénon sur l’évolution ultérieure de la pensée scientifique, nous dit Taton, a été immense, non seulement dans le domaine des mathématiques, mais dans celui de la physique [16].

A-t-on résolu les problèmes soulevés par ces paradoxes ? Je ne le pense pas. Mais est-ce si grave que cela ? Toute théorie est un modèle parmi d’autres de la réalité, un filet plaqué sur elle ; comme le filet, elle comporte des trous, des zones non expliquées. Depuis Gödel, nous savons que nous ne pourrons jamais tout démontrer, tout expliquer, que le filet ne peut être une bâche.

En ce qui concerne l’hypothèse continuiste, j’avoue n’avoir toujours pas compris en quoi le fait, supposé ignoré des anciens, qu’une somme infinie de termes puisse être finie, permette de résoudre ces paradoxes. Qui n’a jamais eu à répondre à la question suivante : lorsque l’on enlève le point A au segment [AB], pourquoi n’y a-t-il plus de point qui ferme le segment ? C’est en fait la même chose que la dichotomie, quel est le premier point que va toucher le mobile après son départ ? Il est donné par la limite de la somme 1-\left(\frac12+\left(\frac12\right)^2+\ldots\right), c’est le point de départ, le mobile restera donc immobile ! Zénon ne dit pas autre chose, sous une autre forme évidemment.

Quant à Achille, il ne rattrapera jamais la tortue. Elle aura toujours une longueur d’avance. Pour les sceptiques, montrons-le par récurrence :

- Au départ, l’avance de la tortue est A_0A_1

 Supposons qu’à la n^\textème étape, lorsqu’Achille est en A_n, la tortue ait une avance de A_nA_n+1 ; lorsqu’Achille sera en A_n+1, la tortue sera en A_n+2, son avance sera donc .A_n+1A_n+2\not= 0.

La tortue aura toujours une avance sur Achille !

L’hypothèse atomiste est tout aussi problématique. Que se passe-t-il entre deux instants consécutifs ? Qu’y a-t-il entre deux indivisibles consécutifs ? Comment un mobile fait-il pour sauter d’un atome à l’autre ? Quelle est la nature de ces indivisibles ?

Pour les Éléates, comme nous l’avons vu plus haut, une chose, pour exister, doit être une grandeur. Les atomes et instants, si l’on veut les penser, doivent être des grandeurs.

Voici quelques lignes que certains [17] considèrent comme parmi les seules citations textuelles de Zénon ; elles nous sont rapportées par Simplicius :

En effet, il a commencé par démontrer que : Si l’existant n’avait pas de grandeur, il n’existerait pas. Il poursuit : S’il existe, il est nécessaire que chaque existant ait une certaine grandeur, une certaine épaisseur, et qu’il ait une certaine distance de l’un par rapport à l’autre. Et le même argument vaut pour celui qui est devant lui. Car celui-ci aussi aura une grandeur, et un certain existant se trouvera devant lui. Or le dire une fois revient à le dire sans cesse. Car aucun existant n’occupera le dernier rang, et il n’est aucun existant qui n’existe pas en relation avec un autre...

Or, il ne peut y avoir qu’un nombre fini d’indivisibles dans un segment fini, car, nous dit Aristote : ... chaque fois que nous prélevons la même grandeur, nous viendrons à bout de la grandeur limitée, étant donné que toute grandeur limitée peut se trouver épuisée par la soustraction d’une quelconque grandeur finie. C’est ce que nous appelons actuellement l’axiome d’Archimède.

Zénon ne peut nous dire ce qu’il a entre deux existants, puisque c’est du non-existant. Il faut d’ailleurs plutôt voir cela comme une relation entre deux existants qu’une chose en soi.

Ces arguments peuvent nous paraître simplistes tant nous sommes habitués, en mathématiques, à considérer l’espace continu. Cependant, depuis Max Planck, les physiciens pensent que la plus petite mesure de temps à laquelle nous puissions avoir accès est de 10^-43 seconde, au-delà de cette limite les lois physiques cessent d’être valides. La Longueur de Planck, 10^-33 centimètre, serait la plus petite mesure d’espace, une frontière entre notre monde et le domaine quantique. À des échelles aussi petites, l’espace devient une sorte de bouillonnement quantique dans lequel des particules virtuelles peuvent surgir du vide pour se désintégrer aussitôt [18].
3 Annexe : quelques articles sur Zénon

Les paradoxes sont au nombre de quatre. Le paradoxe de la course à pied : Achille couvre à la vitesse uniforme d’un mètre par seconde la distance d’un kilomètre séparant le point A du point B. Considérons maintenant qu’Achille doit parcourir d’abord la moitié de la piste, parvenir au point central C, puis couvrir la moitié de la distance restante, entre C et B, et parvenir au point D.

Ce processus de division se poursuit à l’infini, puisque sans tenir compte de la longueur de plus en plus petite restant à parcourir, celle-ci peut toujours être divisée en deux parties égales. Etant donné que chaque segment fini de la piste demande un temps fini pour être parcouru et puisque nous avons affaire à un nombre infini d’intervalles finis, nous devons en conclure qu’Achille n’atteindra jamais son but. Signalons qu’il aura fallu deux mille ans aux mathématiciens pour trouver une solution à ce paradoxe. La faute de raisonnement consiste à penser que la somme d’un nombre infini d’intervalles finis d’espace et de temps doit, elle aussi, être infinie.

B. GODART WENDING, « Paradoxe », Encycl. Philo. Univers, P.U.F. Cité dans le numéro spécial SCIENCES et AVENIR : de mars 1996, « comprendre l’infini ».
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Le premier des paradoxes de Zénon d’Elée met en scène le Grec Achille, universellement célèbre à l’époque (500 av. J.-C.) pour sa rapidité à la course. Or, imaginons qu’Achille ait à parcourir 100 m à la vitesse uniforme de 10 m/s (soit 36 km/h). Il lui faut d’abord, disait Zénon, franchir la moitié de cette distance, puis la moitié de la distance restante, puis la moitié suivante, et ainsi de suite.

Ce processus peut être poursuivi indéfiniment, puisque la longueur restant à parcourir, bien que de plus en plus petite, peut toujours être divisée en deux parties égales. De plus, chaque segment ainsi défini demande un temps fini pour être parcouru. Donc, concluait Zénon, puisque Achille doit franchir un nombre infini d’intervalles finis, il n’atteindra jamais son but.

Théoriquement, le raisonnement semblait parfaitement juste. Pratiquement, il était immédiatement contredit par l’expérience. Or, il faudra 2000 ans pour comprendre que ce raisonnement était faux : le point erroné dans le paradoxe du philosophe antique se trouvait dans l’idée que la somme d’un nombre infini d’intervalles finis d’espace ou de temps devait obligatoirement être infinie.

Renaud de la TAILLE, dans Science & Vie, 943 d’avril 1996, p136.


Valerio Scarani

dans "Initiation à la physique quantique" :

Zénon d’Elée avec ses sophismes (Achille et la tortue, la flèche immobile) avait déjà montré que la divisibilité à l’infini du continu abolit le mouvement et qu’un point sans dimension n’a aucune existence. Le caractère discontinu, fini, des phénomènes est une condition de l’existence elle-même ("Il est nécessaire que chaque existant ait une certaine grandeur, une certaine épaisseur, et qu’il y ait une certaine distance de l’un par rapport à l’autre"). L’infini est le signe qu’on a quitté la physique. Une physique entièrement continue est donc bien contradictoire.


Communication Afscet au Moulin d’Andé, 8-9 juin 2002

Modélisation mathématique de l’évolution :
du continu classique au discret quantique.

Résumé.
Dans cette contribution, nous proposons d’évoquer divers points de la modélisation mathématique des processus d’évolution, en gardant en mémoire les aspects historiques et la lente évolution des idées. Nous évoquons un paradoxe entre les approches continues et discrètes, sa résolution par le calcul infinitésimal et les équations différentielles, approchées par la technologie moderne avec des schémas numériques discrets. La notion moderne de chaos est issue de cette approche déterministe et est associée aux grandes variations de solutions d’équations par perturbation de certains paramètres. Cette incertitude de fait s’oppose à l’incertitude inhérente au modèle quantique, efficace pour la description des petites échelles de la Nature, où les relations d’incertitude induisent des fluctuations permanentes qui rendent une évolution toujours potentielle.

1) Paradoxe entre le continu et le discret.
Rappelons que la description du mouvement comme un processus d’évolu-tion temporelle a d’abord donné lieu à une situation paradoxale décrite par Zénon d’Elée au cinquième siècle avant Jésus Christ ; bien qu’Achille aille plus vite que la tortue, il ne la rattrape pas ! En effet, pour parcourir la moitié de la distance qui le sépare de la tortue, Achille met un certain temps. Mais durant ce temps-là, la tortue a avancé ! Il en est de même pour la distance suivante : le temps qu’Achille en parcoure la moitié, la tortue s’est encore déplacée... Donc, pour Zénon, Achille ne peut pas rattraper la tortue.

2) Equations différentielles ordinaires.
Cette contradiction est levée par la remarque suivante. La somme des intervalles de temps qui est considérée par Zénon peut s’écrire sous la forme : un demi, plus un quart, plus un huitième, plus et caetera. Cette somme comporte une infinité de termes mais il s’agit bien d’une somme finie ! On manipule en fait une série convergente'', unelimite mathématique’’ qui est un objet caractéristique du calcul infinitésimal, inventé par Newton et Leibniz au dix-septième siècle.
Cette constitution de l’analyse mathématique, du calcul sur des grandeurs infiniment petites, ouvre la voie des équations différentielles, dites ordinaires'' depuis l'ouvrage d'Arnold dans les années 1960. Ce méta-modèle permet une réelle universalité trans-disciplinaire ; il permet par exemple de décrire un système mécanique simple comme une masse et un ressort, un circuit électrique, ou bien l'ensemble d'un satellite. Nous pouvons l'illustrer ici par le système des proies et des prédateurs proposé par Volterra et Lotka à la fin du dix-neuvième siècle. La présence de termes non linéaires qui prennent en compte de réelles inter-actions entre les acteurs du système conduit à uncycle limite’’, une oscillation auto-entretenue d’origine parfaitement non banale. Inutile de rappeler l’universalité de l’approche mathématique : une fois le phénomène modélisé avec un jeu d’équations, il peut se transcrire d’une discipline à l’autre...

3) Schémas numériques.
On retrouve les mathématiques discrètes si on essaie de calculer numérique-ment la solution approchée d’un système dynamique, i.e. de l’ensemble de deux équations formé d’une part d’une équation différentielle qui décrit l’évolution au cours du temps, et d’autre part d’une condition initiale. Au dix-huitième siècle, Euler propose d’introduire un quantum'' de temps, un (petit) intervalle Dt , et de chercher une valeur approchée du système pour des multiples entiers de ce Dt. Au début du vingtième siècle, Runge et Kutta ont généralisé cette démarche pour construire des algorithmes utilisés tous les jours par les ingénieurs du vingt et unième.       Ces problèmes de discrétisation sont au coeur des approches modernes qui utilisent les ordinateurs pour effectuer des calculs numériques. Une calculatrice électronique implémente un algorithme, qui est la trace discrète de l'équation différentielle du modèle continu, après l'étape cruciale de discrétisation, c'est à dire le passage d'un univers mathématique continu à un cadre discret paramétré par les nombres entiers, lequel définit un nouveau modèle, purement numérique. Cette étape contient de réelles difficultés mathématiques cachées entre la modéli-sation mathématique et la mise en oeuvre sur ordinateur, à savoir la stabilité, phénomène mathématique étudié au milieu du vingtième siècle par Von Neumann et Lax. Seuls les schémas numériques stables sont utilisables dans un ordinateur. 4)   Chaos.       Le chaos peut surgir des équations différentielles. C'est une grande décou-verte des années 1960, due au météorologue E. Lorenz et au mathématicien David Ruelle. Pour des systèmesbien choisis’’ d’équations différentielles, une petite perturbation des conditions initiales comme le mouvement d'une mouette'', selon Lorenz, entraîne après un temps fini un écart sur la solution du système qui est de l'ordre de grandeur de la taille de l'espace de configuration explorable. La prédiction du mouvement est impossible du point de vue pratique et algorithmique ; une discrétisation assez précise du système est trop complexe et coûterait trop cher pour assurer une prédiction correcte. On a une phénoménologie analogue avec des systèmes purement discrets et l'attracteur de Hénon (1976) en est un exemple.       Ce chaos surgi dessystèmes déterministes’’ les plus classiques n’est pas restreint aux modèles purement abstraits. En cherchant des méthodes de prévision du mouvement des planètes du système solaire sur de très longues périodes de temps, Jacques Laskar a découvert en 1995 que ce problème n’a pas de solution ! Si le mouvement des grosses planètes (Jupiter, Saturne) est stable et possible à déterminer dans un futur même très lointain, le mouvement des planètes intérieures (Mercure, Vénus, la Terre et Mars) est chaotique sur des périodes de l’ordre du million d’années, ce qui est très peu comparé à l’âge du système solaire, de l’ordre du milliard d’années.

5) Mécanique quantique.
A petite échelle, disons le milliardième de mètre, ce qui constitue une dimension caractéristique de l’atome, on ne peut plus parler de mouvement continu, concept qui conduirait à des paradoxes pour le rayonnement électromagné-tique au sein de l’atome, en contradiction avec les observations expérimentales. On peut mettre en évidence au contraire des raies d’émission de grains de lumière'', hypothèse du photon formulée par Einstein qui lui valut le prix Nobel au début du vingtième siècle. Suite à ce choc conceptuel de la physique quantique, les physiciens sont devenus très modestes dans leur approche de la description du monde. Pour Heisenberg,la physique est simplement l’étude de nos rapports avec la Nature’’. En effet, l’observation, la mesure, perturbent fondamentalement le monde microscopique que l’on cherche à observer, et on n’a pas accès à la réalité en dehors de mesures perturbantes.
Ainsi, la théorie quantique de Bohr et l’ensemble de l’école de Copenhague, propose simplement de déterminer une densité de probabilité de présence d’un objet élémentaire'' pour toute position possible. L'outil mathématique est lafonction d’onde’’ proposée initialement par De Broglie, qui suit une évolution à la fois continue et discrète ! Si on n’observe pas le système quantique, il suit l’évolution proposée par l’équation de Schrödinger (1930), version quantique de la conservation de l’énergie. Si on effectue une mesure physique, il y a réduction du paquet d'ondes'', qu'on peut interpréter comme une localisation du système observé dans un état particulier, ou une projection mathématique dans un espace de Hilbert sur unmode propre’’ de l’appareil de mesure.
Il est étonnant de constater que ce cadre conceptuel très peu satisfaisant fournit des prédictions numériques remarquables, comme par exemple les seize chiffres significatifs de la constante de structure fine'' (environ un divisé par cent trente sept) qui caractérise laforce’’ de l’interaction électromagnétique. De plus, cette réduction du paquet d’onde peut avoir des effets non locaux en espace. L’expérience d’Alain Aspect (1980) a montré qu’avec une vision classique de l’espace, la propagation d’une éventuelle information entre les constituants disjoints d’un même être quantique s’effectue à une célérité qui peut être supérieure à celle de la lumière !

6) Relations d’incertitude.
Cette réalité quantique, ou plutôt cet incertain sur ce qu’est la réalité du monde à petite échelle, doit nous faire remettre en cause des phrases aussi simples que ``Achille est à un point précis d’Athènes et rattrape la tortue à la vitesse exacte de trente kilomètres par heure’’. Les relations d’incertitude de Heisenberg montrent qu’on ne peut mesurer avec une précision arbitraire à la fois la position et l’impulsion d’un objet quantique. Une conséquence fondamentale est que l’équilibre statique, l’immobilisme est impossible aux petites échelles de la Nature. Le quantum d’action, la constante h proposée par Planck dès la fin du dix-neuvième siècle, est toujours présente pour mesurer l’incertitude fondamentale entre la position et la vitesse, même pour les états les plus stables. Il introduit des fluctuations permanentes, des mouvements infinitésimaux nécessaires, qui rendent une évolution toujours potentielle.

François Dubois, 20 juin 2002, édition août 2002.


Modernité des paradoxes de Zénon

auteur : xantox, 16 janvier 2007 in Philosophie

Il y a deux façons d’interpréter les paradoxes de Zénon d’Elée (ca. 470 av. J.C.).1

La première est qu’il ne nie pas le mouvement, mais plutôt conteste sa continuité, qui est ce qui amène aux paradoxes. En ce sens, on peut considérer que Zénon souffre d’une forme de difficulté technique, et que le problème peut aujourd’hui être résolu facilement grâce au calcul infinitesimal ou en considérant la somme convergente d’une série géometrique. Cette interprétation est toutefois réductrice, en cela qu’elle postule arbitrairement l’existence du mouvement et se concentre sur le seul argument technique de la cohérence de la continuité, qui est bien un problème mathématique et non pas physique ou philosophique. Il faut noter ici qu’on ne peut pas vraiment prouver que Zénon ait voulu contredire que la somme d’une série infinie puisse être finie, la mention “temps fini” qui apparaît dans la transcription des paradoxes2 pourrait être une interprétation d’Aristote.

La deuxième interprétation est que Zénon nie fondamentalement le mouvement, dans le sens ultramoderne de Parmenide, pour qui tout changement est illusoire et le monde est statique et éternel. Il ne nie pas l’apparence du mouvement, mais sa réalité. Les paradoxes se manifestent alors plus en profondeur, par la comparaison entre le phénomène du mouvement et sa disparition impliquée par l’analyse approfondie de son modèle : qu’il soit continu (dichotomie) ou qu’il soit discontinu (flèche). La question posée devient alors une question purement physique, dont la réponse doit s’inscrire dans une théorie physique : pourquoi l’expérience du mouvement si le mouvement apparaît logiquement impossible ?

Dans le modèle continu classique, la flèche doit assumer une infinité d’états pour parcourir la distance entre deux points. Si une telle séparation infinie entre chaque couple d’événements, modelisée par l’absence de successeur d’un nombre réel, équivaut ou non à leur isolement physique, est une question physique, sur un même plan de raisonnement que les idées sur la ‘catastrophe ultraviolette’ qui amenèrent à la mécanique quantique.3 Si la divisibilité infinie est mathématiquement cohérente, elle n’est pas nécessairement physiquement significative (cfr aussi le paradoxe de Banach-Tarski).4 Cette image change avec la mécanique quantique puisque, selon le principe de Heisenberg, une particule en mouvement déterminé n’a pas de position déterminée. On peut également noter avec intérêt que Zénon prête son nom à un effet quantique décrit par le théorème de Misra-Sudarshan :5 si l’on observe continuellement si une ‘flèche quantique’ a quitté la région d’espace qu’elle occupe, elle ne quittera effectivement jamais cette région par l’effet de l’observation elle-même.

Dans un modèle discret (paradoxe de la flèche), l’argument de Zénon est encore plus fort, et il est même reformulé en gravitation quantique à boucles, où le temps est considéré une variable de pure jauge, ce qui implique son inexistence fondamentale.6

1. • DICHOTOMIE : Le mouvement est impossible, car avant d’arriver à destination, ce qui se meut doit d’abord arriver au milieu, et ainsi de suite ad infinitum.
• ACHILLE : La tortue plue lente ne peut pas être rattrapée par le plus rapide Achille, car il doit d’abord aller au point où la tortue était, et entretemps elle aura déjà quitté ce point, et ainsi de suite ad infinitum.
• LA FLECHE : Une flèche lancée avec un arc occupe un espace égal à lui même au repos, et lorsqu’elle est en mouvement elle occupe toujours cet espace à chaque instant, la flèche en vol est donc immobile. [↩]
2. Aristote, “Physique”, VI:9 [↩]
3. A. Einstein, “Über einen die Erzeugung und Verwandlung des Lichtes betreffenden heuristischen Gesichtspunkt” (”On a Heuristic Viewpoint Concerning the Production and Transformation of Light“), Annalen Der Physik (1905) [↩]
4. S. Banach, A. Tarski, “Sur la décomposition des ensembles de points en parties respectivement congruentes”, Fundamenta Mathematicae, 6, 244-277 (1924) [↩]
5. B. Misra, E. C. G. Sudarshan, “The Zeno’s paradox in quantum theory“, Journal of Mathematical Physics, 18, 4, 756-763 (1977) [↩]
6. J. Barbour, “The end of time“, Oxford University Press (2001) [↩]

NOTE SUR LA PARADOXE DE BANACH-TARSKI :

Le paradoxe affirme que l’on peut multiplier les petits pois ou transformer une grenouille en quelque chose de plus gros que le bœuf dès l’instant qu’on passe par une étape où elle est coupée en morceaux non mesurables, où le volume perd son sens. Par la suite, on peut réassembler ces morceaux en un objet « plus gros » sans avoir à dire que la grenouille et le bœuf ont le même volume puisque le volume du résultat n’est pas la somme des volumes des morceaux.

Ce paradoxe a été assez longtemps source d’une rupture entre les mathématiques et la physique, certains y voyaient la preuve que les mathématiques étaient incapables de décrire la nature. En pratique, une telle transformation est impossible avec des objets de la vie courante : elle nécessite des coupures infiniment fines, ce qui est physiquement impossible, à cause de la taille finie des atomes.

UN AUTRE COMMENTAIRE DE MATHEMATICIENS :

Travaux :
Les quatre paradoxes les plus réputés sont la dichotomie, l’Achille, la flèche et le stade :
1. La dichotomie : le mouvement est impossible car avant que l’objet en mouvement ne puisse atteindre sa destination, il doit d’abord atteindre la moité de son parcous, mais avant d’en atteindre la moité, il doit d’abord en atteindre le quart, mails il lui faut d’abord en atteindre le huitième, etc. Ainsi le mouvement ne peut meme jamais commencer.
2. L’Achille : Achille en pleine course ne pourra jamais rattraper une tortue marchant devant lui car il devra avant tout atteindre le point de départ de cette dernière. Or quand il aura atteint ce point, la tortue aura avancé ; il lui faudra alors atteindre sa nouvelle position, et lorsqu’il aura atteinte la tortue aura de nouveau avancé, etc. La Tortue sera donc toujours en tète.
3. La flèche : Le temps se décompose en instants, qui sont indivisibles. Une flèche est soit en mouvement soit au repos. Une flèche ne peut etre en mouvement car pour qu’elle soit, il faudrait qu’elle soit à une position donnée au début d’un instant, puis à une autre à la fin du meme instant. Ce qui revient à dire que les instants sont divisibles, ce qui est contradictoire. La flèche n’est donc jamais en mouvement.
4. Le stade : La moitié d’une durée donnée est égale au double de la meme durée. Démonstration :

première position :
0 0 0 (a)
0 0 0 (b)
0 0 0 (c)

seconde position :
0 0 0 (a)
0 0 0 (b)
0 0 0 (c)

Considérons les trois rangées ci dessus : ils sont placés au départ dans la première position. La rangée a reste immobile tandis que les rangées b et c bougent à la meme vitesse dans des directions opposées. Lorsqu’elles arrivent àà la seconde position, chaque 0 de b a franchi deux fois plus de 0 c que de 0 a. La rangée b a donc mis deux fois plus de temps à franchir la rangée a qu’elle en a mis à franchir la rangée c. Cependant, le temps mis par les rangées b et c à atteindre la position de la rangée a est le meme. D’ou le paradoxe.

Bien que ces démonstrations semblent illogiques, elles n’en demeurent pas moins ardues à réfuter. Elles ont donc posé de sérieux problèmes mathématiques. Pour les mathématiciens grecs, qui n’avaient aucune notion de convergence ou d’infinité ces raisonnement étaient incompréhensibles. Aristote les qualifia de fallacieux, sans pour autant se justifier, et ils furent ignorés pendant 2500 ans. Cependant, ils furent étudiés durant notre siècle par les mathématiciens Bertrand Russell et Lewis Caroll. Aujourd’hui, grace à des outils tels les suites convergentes et les théories de Cantor sur les séries infinies, ces paradoxes peuvent etre expliquées de manière satisfaisante. cependant le débat sur la validité de ces paradoxes et de leur rationnalisation se poursuit encore de nos jours.

Sources :
Bell, E.T.Men of mathematics. New York : Simon and Shuster, Inc, 1937
Healh, Sir Thomas. A history of Greek mathematics. Oxford : Clarendon Press, 1921
Ross, Donald A. "Zeno of Elea" Encyclopedia of World Biography. New York : McGraw-Hill, Inc, 1973
Salmon, Wesley C. Zeno’s Paradoxes. New York : The Bobbs-Merrill Company, Inc, 1970
Sherwood, John C. "Zeno of Elea" Great Lives from History. Englewood Cliffs, NJ : Salem Press, 1985

LES PARADOXES EXPOSES PAR L’APMEP

Les paradoxes de Zénon
Michel Fréchet

- 23 août 2006 -

Lors de journées de la régionale de Haute Normandie, j’avais animé, avec un collègue philosophe, un atelier sur les paradoxes de Zenon. Nous avions débuté par la lecture des différents articles donnés en annexe (chapitre 3). Constatant qu’une certaine confusion règnait, nous avons ensuite exposé et tenté d’expliquer ces fameux paradoxes, qui ressortent, chaque fois qu’il est question d’infini.

1 Qui était Zénon ?
Nous ne savons rien directement de Zénon, nous le connaissons comme personnage du Parménide de Platon, et au travers de différents commentaires de Diogène Laërce, Plutarque, et Aristote.

Zénon (490, 425) vécut dans l’ancienne Hyélé, appelée plus tard Élée, petite colonie phocéenne.

Pour Platon, Zénon d’Élée, élève de Parmenide, [est un] philosophe expert en sciences naturelles et [un] authentique homme politique [1].

Aristote, quant à lui, considère Zénon comme l’inventeur de la dialectique tout comme Empédocle l’est de la rhétorique [2].

Plus près de nous, Russell tient Zénon pour « le fondateur de la philosophie de l’infini » et estime ses arguments subtils et profonds au-delà de toute mesure [3].

1.1 Zénon, homme politique

Zénon, ardent défenseur de la liberté, tenta de renverser le tyran Néarque. Arrêté, il supporta la douleur d’un interrogatoire musclé : Puissé-je être, aurait-il dit, aussi maître de mon corps que de ma langue.

Sommé de donner les noms de ses complices, il cita alors, pour se venger, les noms de tous les amis du tyran et lorsque ce dernier lui demanda s’il n’avait oublié personne, Zénon lui répondit : « Si, toi, le fléau de l’État ». Se tournant ensuite vers le peuple : « Vraiment, votre lâcheté m’étonne : comment pouvez-vous, voyant ce que j’endure, supporter l’esclavage de ce tyran ? » Mais ce n’est que lorsqu’il trancha sa propre langue pour la cracher au visage du tyran que les citoyens se révoltèrent et lapidèrent Nearque.

Cette version dûe à Diogène Laërce et de Diodore de Sicile n’est pas la seule concernant la fin héroïque et tragique de Zénon. Pour ceux que cela intéresse, il faut se reporter à (1).

1.2 Zénon, philosophe

À son sujet, Timon déclare :

La grande force inépuisable de Zénon

À la langue pendue pour le pour et le contre,

Capable de lutter contre toute doctrine,(...)

Diogène Laërce

Quant au Palamède d’Elée, ne savons-nous pas qu’il possédait une technique dialectique capable de donner à ses auditeurs l’impression que les mêmes choses étaient à la fois semblables et non semblables, unes et multiples, en repos et en mouvement ?

Platon

Zénon fut l’élève de Parménide. Ce dernier proclame que « l’Être est et le Non Être n’est pas » [4]. Pour Parménide, tout recours au mouvement et au changement doit être proscrit, car « jamais [l’Être] n’était ni ne sera, puisqu’il est maintenant tout entier à la fois un et contigu à lui-même. » Il est donc impossible de penser le devenir sans contradictions irréductibles.

D’après Élias, Zénon, pour soutenir la thèse de son propre maître qui pensait que l’Être est immobile, établit au moyen de cinq arguments que l’Être est immobile. C’est alors que, dans l’incapacité de répliquer, Antisthène le Cynique se leva et se mit à marcher, pensant que la démonstration au moyen de l’évidence sensible avait plus de force que n’importe quel argument contraire recourant à des arguments. [5] Antisthène croyait que son acte suffirait à détruire des arguments théoriques. Or, justement, c’est cette impossibilité à penser de façon cohérente une théorie du mouvement que Zénon voulait démontrer. Pour lui, le mouvement n’est qu’un phénomène. N’étant pas pensable, le mouvement ne peut pas appartenir à l’Être, car ce qui ne peut être pensé ne peut faire partie de l’Être.

Quatre arguments de Zénon nous sont parvenus : la dichotomie, l’Achille, la flèche et le stade.

2 Les quatre paradoxes de Zénon
2.1 Nature de l’espace et du temps

Avant d’exposer ses quatre paradoxes, un problème ontologique se pose :

Le temps et l’espace, sont-ils continus ou composés d’atomes ?

Hypothèse continuiste

Si l’espace est continu, on peut diviser chaque grandeur en deux, indéfiniment. C’est la notion d’illimité selon la puissance d’Aristote, par opposition à l’illimité selon la quantité ou le nombre (qui suppose l’absence de limite extérieure). Zénon énonce, dans un premier temps, deux paradoxes où l’espace et le temps sont continus : la dichotomie et l’Achille.

Cependant, pour les Éléates, une chose n’existe que si elle est un existant selon les trois dimensions. Voici un extrait de la Métaphysique d’Aristote :

[...] Zénon déclare que ce qui, par son addition ou par sa soustraction, ne rend pas une chose plus grande ou plus petite, n’est pas quelque chose d’existant, étant donné qu’évidemment l’existant qui existe est une grandeur. En outre, s’il est une grandeur, il est corporel, car le corporel est un existant selon les trois dimensions. Au contraire, les autres produiront par addition un objet plus grand, s’ils sont ajoutés d’une certaine façon. Mais, ajoutés d’une autre façon, ils ne produiront aucun accroissement : tel est le cas du plan et de la ligne. Et pour ce qui est du point et de l’unité, en aucune façon, leur addition ne produit un accroissement [6].

Le point n’a donc aucune existence, puisqu’il ne rend ni plus grand, ni plus petit par addition ou soustraction, toute grandeur donnée.

De plus, la dichotomie et l’Achille montrent, outre l’impossibilité de penser le mouvement qu’il est nécessaire qu’il existe une grandeur non partagable, puisqu’il est impossible de toucher dans un temps limité un nombre illimité de parties, en les touchant chacune l’une après l’autre, et qu’il faut nécessairement que le mobile commence par effectuer un demi-parcours. Ce qui est non partageable admet donc une première moitié [7].

Hypothèse atomiste

Puisque la thèse continuiste pose le problème de l’existence des points et du mouvement, nous sommes dans l’ espace composé de grandeurs indivisibles (que, plus tard, Démocrite, élève de Zénon, nommera atomes) et dans le temps composé d’instants.

Cependant, les deux arguments, la flèche et le stade, y seront tout aussi paradoxaux.

Il y a aussi une autre façon de regrouper les quatre arguments. Dans deux arguments, la dichotomie et la flèche, il ne peut y avoir de mouvement, il y a immobilité. Dans les deux autres, le mouvement existe.

Ainsi, nous pouvons schématiser cela dans le tableau suivant :

Continuisme Atomisme
Immobilité Dichotomie Flèche
Mouvement Achille Stade

2.2 Exposition des quatre paradoxes

Aristote nous rapporte les quatre arguments de Zénon dans la Physique.

Les arguments de Zénon contre le mouvement sont au nombre de quatre ; ils causent beaucoup de soucis à ceux qui veulent les résoudre [8].

Aristote, lorsqu’il cite ces arguments, a l’intention de les réfuter, aussi ne sont-ils peut-être pas donnés dans l’intention même que Zénon leur prêtait. L’interprétation de ces arguments est donc hypothétique.

2.2.1 La dichotomie

Le premier argument porte sur l’inexistence du se mouvoir, compte tenu du fait que le mobile doit d’abord parvenir à la moitié avant d’atteindre le terme de son trajet, argument que nous avons déjà discuté auparavant. [9].

La plupart des commentateurs, qu’ils soient anciens ou modernes, ont interprété ce texte comme par exemple Morris Kline :

Le premier paradoxe de Zénon établit qu’un coureur ne pourrait jamais parvenir au terme d’une course parce qu’il doit d’abord parcourir la moitié de la distance, puis la moitié de la distance qui reste, puis la moitié de la distance qui reste encore, etc. C’est pourquoi le coureur doit courir : Zénon argumentait alors de la façon suivante : le temps requis pour couvrir un nombre infini de distances doit être infini.

Je ne pense pas qu’il faille comprendre ce premier argument de cette manière. Aristote dit que le mobile doit d’abord parvenir à la moitié avant d’atteindre le terme de son trajet. Si l’on réitère le procédé, on obtient : le mobile doit d’abord parvenir à la moitié de la moitié avant d’atteindre le milieu du trajet et ainsi de suite. Ce qui donne le schéma suivant :

Nous ne sommes plus en présence de la somme , mais de la somme , ce qui change tout. Le mouvement ne peut commencer, ou comme le dit Aristote, le « se mouvoir » n’existe pas, car il n’y a pas de point de départ, puisque nous sommes dans le cadre d’un espace et d’un temps continus. Or, il faut nécessairement que le mobile commence par effectuer un demi-parcours, si l’on veut qu’il y ait mouvement. Dire, en plus que Zénon ne saisit pas le sens d’une somme infinie de termes est pour le moins présomptueux et me semble cacher l’ambarras dans lequel on se trouve devant cet argument. Le mouvement ne peut donc commencer. Cependant, Zénon, qui n’a jamais nié le mouvement comme phénomène, va ensuite examiner ce qui se passe lorsque l’on essaye de penser ce phénomène.

2.2.2 L’Achille

Le second argument est celui que l’on appelle l’Achille. Il consiste à dire que le plus lent à la course ne peut pas être rattrapé par le plus rapide, étant donné que le poursuivant doit nécessairement atteindre le point d’où le poursuivi est parti, de telle sorte que le plus lent doit sans cesse avoir une certaine avance. [10]

Souvent confondu avec la dichotomie, cet argument suppose donc l’existence du se mouvoir.

Achille, nous dit Zénon, ne pourra pas rattraper la tortue, car elle aura toujours une longueur d’avance

aussi petite soit-elle, ce qui est contraire à l’opinion commune, d’où paradoxe.

Ici encore, il ne sert à rien d’affirmer que la somme , cette fois-ci dans le bon sens, possède une limite finie. Le problème ne se situe pas là : à chaque étape, la tortue aura toujours une longueur d’avance et ne sera pas rattrapée !

Puisque la thèse continuiste ne permet pas de penser le mouvement, considérons l’espace comme composé d’atomes et le temps d’instants consécutifs indivisibles. Nous allons voir que les deux arguments employés dans la flèche et le stade sont tout aussi paradoxaux.

2.2.3 La flèche

Le point de vue atomiste consiste à voir l’axe du temps comme constitué d’instants indivisibles, à l’image d’un collier de perles excessivement fines et insécables.

Le troisième argument est celui dont nous venons de parler, à savoir que la flèche qui se déplace est immobile. C’est ce qui résulte du fait que l’on admet que le temps est composé d’instants. Que l’on refuse cette prémisse et le raisonnement s’écroulera.

Zénon propose un paradoxe trompeur : si un objet quelconque est en repos, lorsqu’il ne s’est pas déplacé du lieu qui est égal à ses propres dimensions, et si d’autres part cet objet qui se meut est sans cesse dans ce lieu qu’il occupe présentement, la flèche qui se déplace est immobile [11].

À chaque instant, indivisible de temps, et en particulier l’instant du départ, la flèche se trouve en un lieu égal à elle-même, immobile. Si elle était mobile, à l’instant suivant, elle se trouverait aussi dans un autre lieu, immobile. Mais comme le temps est composé d’instants, il n’y a pas de temps entre deux instants consécutifs.

Elle ne peut passer du lieu A de l’instant au lieu B de l’instant suivant . Elle ne peut donc que rester immobile en A.

2.2.4 Le stade

Voici le quatrième argument tel que l’énonce Aristote :

Le quatrième argument est celui qui fait appel à deux trains [12] formés d’une succession de masses égales et qui se croisent sur un stade, en passant, l’un comme l’autre, devant un train immobile. La queue du premier train est située à l’une des extrémités du stade ; la tête de l’autre train est située au milieu ; les deux trains vont à vitesse égale. Pour Zénon, la conséquence est que la moitié est égale au double. [13]

Cet argument, le plus instructif, selon Bergson [14], est, de loin, celui que tout le monde dédaigne. Est-ce parce qu’on le trouve trop simpliste ou parce qu’on ne le comprend pas, ce qui revient peut-être au même ?

Ici, il y a mouvement, mais le penser va conduire, là encore, à une contradiction.

Le stade est une métaphore. Imaginons que les masses représentent trois par trois des indivisibles consécutifs de l’espace : , et sont trois indivisibles consécutifs ainsi que les trois piquets carrés et , et .

On compte les instants par rapport aux piquets carrés.

La Figure 1a. représente un instant, 1b. l’instant suivant.

Or, si l’on ne tient pas compte des piquets carrés, une question se pose : en quel instant, les points et se sont-ils croisées (Figure 2b.) ?

Cela doit avoir été dans l’intervalle des deux instants que nous imaginons consécutifs [15], il y a donc un autre instant entre deux instants consécutifs, ce qui est contradictoire.

Ce que Zénon traduit par « La moitié est égale au double ».

Fig 1a. Instant 1
Fig 1b. Instant 2

Fig 2a. Instant 1
Fig 2b. Instant ?
Fig 2c. Instant 2

Bergson trouve instructif ce dernier paradoxe, car on y voit clairement que le temps est assimilé à de l’espace, ce qu’il considère comme la source de tous les problèmes que l’on peut rencontrer lorsque l’on travaille avec le temps.

2.3 Quelques remarques

Zénon nous montre qu’espace et temps, qu’ils soient divisibles à l’infini (continus) ou composés d’indivisibles, d’atomes, ne peuvent pas nous permettre de penser logiquement le mouvement, phénomène que tout un chacun peut constater. Ce n’est donc, pour lui, qu’une illusion.

Parménide et son disciple Zénon, sont les premiers à séparer sensible et intelligible. Zénon nous apprend à nous méfier des apparences et nous fait réfléchir sur la notion de théorie. Une théorie peut-elle tout expliquer ? Est-elle pertinente pour rendre compte des faits que nous observons ? N’y a-t-il qu’une seule théorie possible ? L’influence de Zénon sur l’évolution ultérieure de la pensée scientifique, nous dit Taton, a été immense, non seulement dans le domaine des mathématiques, mais dans celui de la physique [16].

A-t-on résolu les problèmes soulevés par ces paradoxes ? Je ne le pense pas. Mais est-ce si grave que cela ? Toute théorie est un modèle parmi d’autres de la réalité, un filet plaqué sur elle ; comme le filet, elle comporte des trous, des zones non expliquées. Depuis Gödel, nous savons que nous ne pourrons jamais tout démontrer, tout expliquer, que le filet ne peut être une bâche.

En ce qui concerne l’hypothèse continuiste, j’avoue n’avoir toujours pas compris en quoi le fait, supposé ignoré des anciens, qu’une somme infinie de termes puisse être finie, permette de résoudre ces paradoxes. Qui n’a jamais eu à répondre à la question suivante : lorsque l’on enlève le point A au segment [AB], pourquoi n’y a-t-il plus de point qui ferme le segment ? C’est en fait la même chose que la dichotomie, quel est le premier point que va toucher le mobile après son départ ? Il est donné par la limite de la somme , c’est le point de départ, le mobile restera donc immobile ! Zénon ne dit pas autre chose, sous une autre forme évidemment.

Quant à Achille, il ne rattrapera jamais la tortue. Elle aura toujours une longueur d’avance. Pour les sceptiques, montrons-le par récurrence :

- Au départ, l’avance de la tortue est

Supposons qu’à la étape, lorsqu’Achille est en , la tortue ait une avance de ; lorsqu’Achille sera en , la tortue sera en , son avance sera donc ..

La tortue aura toujours une avance sur Achille !

L’hypothèse atomiste est tout aussi problématique. Que se passe-t-il entre deux instants consécutifs ? Qu’y a-t-il entre deux indivisibles consécutifs ? Comment un mobile fait-il pour sauter d’un atome à l’autre ? Quelle est la nature de ces indivisibles ?

Pour les Éléates, comme nous l’avons vu plus haut, une chose, pour exister, doit être une grandeur. Les atomes et instants, si l’on veut les penser, doivent être des grandeurs.

Voici quelques lignes que certains [17] considèrent comme parmi les seules citations textuelles de Zénon ; elles nous sont rapportées par Simplicius :

En effet, il a commencé par démontrer que : Si l’existant n’avait pas de grandeur, il n’existerait pas. Il poursuit : S’il existe, il est nécessaire que chaque existant ait une certaine grandeur, une certaine épaisseur, et qu’il ait une certaine distance de l’un par rapport à l’autre. Et le même argument vaut pour celui qui est devant lui. Car celui-ci aussi aura une grandeur, et un certain existant se trouvera devant lui. Or le dire une fois revient à le dire sans cesse. Car aucun existant n’occupera le dernier rang, et il n’est aucun existant qui n’existe pas en relation avec un autre...

Or, il ne peut y avoir qu’un nombre fini d’indivisibles dans un segment fini, car, nous dit Aristote : ... chaque fois que nous prélevons la même grandeur, nous viendrons à bout de la grandeur limitée, étant donné que toute grandeur limitée peut se trouver épuisée par la soustraction d’une quelconque grandeur finie. C’est ce que nous appelons actuellement l’axiome d’Archimède.

Zénon ne peut nous dire ce qu’il a entre deux existants, puisque c’est du non-existant. Il faut d’ailleurs plutôt voir cela comme une relation entre deux existants qu’une chose en soi.

Ces arguments peuvent nous paraître simplistes tant nous sommes habitués, en mathématiques, à considérer l’espace continu. Cependant, depuis Max Planck, les physiciens pensent que la plus petite mesure de temps à laquelle nous puissions avoir accès est de seconde, au-delà de cette limite les lois physiques cessent d’être valides. La Longueur de Planck, centimètre, serait la plus petite mesure d’espace, une frontière entre notre monde et le domaine quantique. À des échelles aussi petites, l’espace devient une sorte de bouillonnement quantique dans lequel des particules virtuelles peuvent surgir du vide pour se désintégrer aussitôt [18].

3 Annexe : quelques articles sur Zénon
Les paradoxes sont au nombre de quatre. Le paradoxe de la course à pied : Achille couvre à la vitesse uniforme d’un mètre par seconde la distance d’un kilomètre séparant le point A du point B. Considérons maintenant qu’Achille doit parcourir d’abord la moitié de la piste, parvenir au point central C, puis couvrir la moitié de la distance restante, entre C et B, et parvenir au point D.

Ce processus de division se poursuit à l’infini, puisque sans tenir compte de la longueur de plus en plus petite restant à parcourir, celle-ci peut toujours être divisée en deux parties égales. Etant donné que chaque segment fini de la piste demande un temps fini pour être parcouru et puisque nous avons affaire à un nombre infini d’intervalles finis, nous devons en conclure qu’Achille n’atteindra jamais son but. Signalons qu’il aura fallu deux mille ans aux mathématiciens pour trouver une solution à ce paradoxe. La faute de raisonnement consiste à penser que la somme d’un nombre infini d’intervalles finis d’espace et de temps doit, elle aussi, être infinie.

B. GODART WENDING, « Paradoxe », Encycl. Philo. Univers, P.U.F. Cité dans le numéro spécial SCIENCES et AVENIR : de mars 1996, « comprendre l’infini ».

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Le premier des paradoxes de Zénon d’Elée met en scène le Grec Achille, universellement célèbre à l’époque (500 av. J.-C.) pour sa rapidité à la course. Or, imaginons qu’Achille ait à parcourir 100 m à la vitesse uniforme de 10 m/s (soit 36 km/h). Il lui faut d’abord, disait Zénon, franchir la moitié de cette distance, puis la moitié de la distance restante, puis la moitié suivante, et ainsi de suite.

Ce processus peut être poursuivi indéfiniment, puisque la longueur restant à parcourir, bien que de plus en plus petite, peut toujours être divisée en deux parties égales. De plus, chaque segment ainsi défini demande un temps fini pour être parcouru. Donc, concluait Zénon, puisque Achille doit franchir un nombre infini d’intervalles finis, il n’atteindra jamais son but.

Théoriquement, le raisonnement semblait parfaitement juste. Pratiquement, il était immédiatement contredit par l’expérience. Or, il faudra 2000 ans pour comprendre que ce raisonnement était faux : le point erroné dans le paradoxe du philosophe antique se trouvait dans l’idée que la somme d’un nombre infini d’intervalles finis d’espace ou de temps devait obligatoirement être infinie.

Renaud de la TAILLE, dans Science & Vie, 943 d’avril 1996, p136.

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Zénon ou un autre Grec a présenté une version du paradoxe où non seulement le coureur ne parvient pas à son but, mais ne peut même pas démarrer. En effet, considérons le fait qu’Achille doive d’abord atteindre le point central C. Mais avant cela il doit atteindre le point D, situé à égale distance de A et de C, et ainsi de suite à l’infini, puisqu’il existe toujours une infinité de points entre deux points quelconques d’une même ligne continue. Donc, le coureur ne peut pas partir, car il n’y a pas de point suivant. Nous avons là encore affaire à la même série infinie, dont la limite est toujours 1.

(...)

Russell écrit à ce sujet dans son article, « Historique du problème de l’infini » : « Cet argument est essentiellement le même que le précédent [celui de la dichotomie]. Il prouve que, si jamais Achille dépasse la tortue, ce sera après un nombre infini d’instants écoulés depuis son départ. En fait, cela est vrai ; ce qui est faux, c’est l’idée qu’un nombre infini d’instants donne un temps infiniment long : et donc la conclusion qu’Achille ne dépassera jamais la tortue ne s’ensuit pas. »

Nicholas FALLETTA ; « le livre des paradoxes »

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Dans ses deux derniers paradoxes, Zénon semble tout aussi opposé à l’hypothèse adverse, savoir : que la droite n’est pas divisible jusqu’à l’infini, mais est composée d’un nombre discret de points que l’on peut dénombrer : 1, 2, 3, Nous n’indiquerons pas ces deux paradoxes dont l’intelligence est plus complexe que celle des précédents. En tout cas, ces paradoxes constituent un mur d’airain au-delà duquel il apparaît impossible de progresser. Ces difficultés, qui, il y a une soixantaine d’années, semblaient une fois pour toutes résolues, ne le sont plus aujourd’hui pour tous les mathématiciens.

Source : André DELACHET, L’analyse mathématique Collection « que sais-je ».

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L’argument le plus explicite encore dans la dichotomie : avant de pouvoir parcourir une ligne tout entière, un mobile doit d’abord couvrir la moitié de cette ligne, puis la moitié de cette moitié, et ainsi de suite à l’infini. Zénon constitue mentalement la série , dont la somme vaut 1, mais n’arrive pas à en saisir intuitivement le contenu. Les notions modernes de limite et de convergence d’une série permettent d’affirmer qu’à partir d’un certain rang l’écart entre Achille et la tortue devient inférieur à un nombre e donné que l’on aura choisi aussi petit que l’on voudra.

A. DAHAN DAMAMDICO / J. PEIFFER, Une histoire des mathématiques.

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Le premier paradoxe de Zénon établit qu’un coureur ne pourrait jamais parvenir au terme d’une course parce qu’il doit d’abord parcourir la moitié de la distance, puis la moitié de la distance qui reste, puis la moitié de la distance qui reste encore, etc. C’est pourquoi le coureur doit courir : Zénon argumentait alors de la façon suivante : le temps requis pour couvrir un nombre infini de distances doit être infini.

Une solution physique au paradoxe de Zénon qui soit en même temps la plus évidente est qu’un coureur couvrira la distance en un nombre fini de pas. Toutefois, si l’on accepte l’analyse mathématique de Zénon, le temps requis pourrait être minute minute et ainsi de suite, et la somme de tous ces nombres infinis d’intervalles de temps est juste une minute. Cette analyse diverge du processus physique mais le résultat n’en demeure pas moins.

Morris KLINE, « Mathématiques : la fin de la certitude ».

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Les deux premiers arguments (la dichotomie et l’Achille) sont plus subtils et relèvent, pour la démonstration de leur inanité (lorsqu’on les considèrent comme voulant réellement démontrer qu’Achille ne rattrapera jamais la tortue, ou que le mobile parti de A n’atteindra jamais C), du calcul infinitésimal (que ne pouvait évidemment connaître Zénon). Dans l’un et l’autre cas, les distances à parcourir pour atteindre le but sont de plus en plus petites, et, en conséquence, les temps mis pour les parcourir sont de plus en plus courts ; si l’espace est divisible à l’infini, le temps l’est également, de sorte que la distance finie pourra être parcourue en un temps fini. (...)

Dans les deux premiers arguments, il veut montrer que, si l’on admet l’infinie divisibilité de l’espace, le mouvement (par rapport à un point fixe ou par rapport à un autre mobile) est impossible : si le segment de droite est composé d’une infinité de points, il ne pourra être parcouru par un mobile en un temps fini (car le mobile n’aura jamais épuisé cette infinité de points par lesquels il doit passer avant de parvenir à l’extrémité du segment). En fait, comme on l’a dit ci-dessus, Zénon ne tient pas compte ici du fait que le temps peut-être, lui aussi, infiniment divisé, et qu’ainsi au segment de droite limité composé d’une infinité de points peut correspondre un laps de temps composé d’une infinité d’instants.

André PICHOT, « La naissance de la science, tome 2 Grèce présocratique. »

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L’histoire des infinitésimaux (ou infiniment petits) est beaucoup moins simple que celle de leur cousin l’infini, et les considérations du style de celles de Zénon y ont joué un rôle important. Le paradoxe dit de la dichotomie s’attaque à la divisibilité infinie de l’espace. Pour qu’un objet puisse se déplacer d’une certaine distance, il doit d’abord parcourir la moitié de cette distance ; mais avant de parcourir cette moitié, il doit nécessairement en parcourir le quart, et ainsi de suite. Obligé de faire une infinité de chose dans l’ordre inverse, il est dans l’impossibilité de prendre le départ. Le scénario d’Achille et la Tortue est assez analogue. Il s’agit cette fois du bouillant Achille qui ne parvient pas à rattraper la tortue beaucoup plus lente que lui ; mais partie plus tôt ; Chaque fois qu’il atteint un emplacement où se trouvait la tortue, celle-ci a progressé pendant le déplacement d’Achille, et elle conserve ainsi une certaine avance.

(...)

Les paradoxes de Zénon sont plus subtils qu’il n’y parait, et si on les considère sous l’angle de la nature physique de l’espace-temps plutôt que sous l’angle purement mathématique, ils posent encore aujourd’hui des questions délicates. Les grecs jugèrent ces paradoxes redoutables, ce qui contribuera à les dégoutter encore plus des nombres et à se réfugier dans la géométrie.

Ian STEWART : « Les mathématiques ».

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Au ve siècle avant notre ère, dans la ville grecque d’Élée, le philosophe Zénon bute sur un grave paradoxe, la Dichotomie, quand il analyse le mouvement : pour atteindre un point donné, un mobile doit d’abord parcourir la moitié de la distance qui l’en sépare, puis la moitié de la moitié et ainsi de suite à l’infini. Comment parcourir cette infinité de moitiés en un temps fini ?

Une variante de ce paradoxe est celui d’Achille et la tortue : jamais le véloce Achille ne rattrapera une tortue car il est nécessaire que le poursuivant gagne d’abord le point d’où a pris son départ le poursuivi, en sorte qu’il est nécessaire que le plus lent, à chaque fois, ait quelque avance, explique Aristote dans la Physique.

Zénon d’Élée est aussi célèbre pour avoir posé le paradoxe de la flèche, qui affirme qu’une flèche ne peut atteindre son but. À chaque instant, la flèche se trouve à un endroit précis. Si l’instant est très court, la flèche n’a pas le temps de se déplacer et reste au repos pendant cet instant. Comme on peut raisonner de même pour chaque instant du parcours de la flèche, celle-ci est donc toujours immobile. E pur si muove...

Michel BLAY : Les mathématiques de l’infini, in Les génies de la science, 22, fév - mai 2005.

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References

[1] J. P. Dumont. Les écoles présocratiques. Éd. Gallimard, Coll folio essais, 1991.

[2] Galilée. Dialogues et lettres choisies. Éd. Hermann, 1966.

[3] R. Taton. La science antique et médiévale. Éd. Quadrige/P.U.F., 1994.

[4] J. P. Cléro. La notion d’infini en mathématiques dans la philosophie d’Aristote. in Cahiers pédagogiques de philosophie et d’histoire des mathématiques, Éd. IREM Rouen/CRDP Rouen.

[5] J. P. Dumont. L’infini paradoxal de Zénon d’Élée : la dialectique de l’espace et du nombre. in Histoire d’infini, Éd. IREM Brest, 1992.

[6] J. M. Nicolle. Pour son aide et son amitié.


[1] Platon, l’Alcibiade

[2] Diogène Laërce in (1)

[3] Russel, Mysticism and logic

[4] Parménide, De la nature

[5] Elias, Commentaires sur les catégories d’Aristote, 109, 6 in (1)

[6] Aristote, Métaphysique, B, IV, 1001,b 7

[7] Pseudo-Aristote, Des lignes insécables.

[8] Aristote, Physique, VI, IX, 239, b 9.

[9] Aristote, Physique, VI, IX, 239, b 9.

[10] Aristote, Physique, VI, IX, 239, b 14.

[11] Aristote, Physique, VI, IX, b 30.

[12] C’est comme cela qu’est traduit ce terme dans l’édition établie par J. -P. Dumont, du livre : Les écoles présocratiques . Là encore, l’image du collier de perles serait beaucoup plus appropriée.

[13] Aristote, Physique, VI, ix, 239, b 33.

[14] Bergson, Matière et Mémoire

[15] Russell, La méthode scientifique en philosophie

[16] Taton, La science antique et médiévale des origines à 1450

[17] Dumont, in (5)

[18] Donald Nadon,

Antoine Danchin
Jusqu’ici (1) j’ai rappelé, d’une façon certainement non dépourvue de parti pris, et avec des interprétations personnelles et modernes, trois approches différentes conduisant à la production, au souvenir ou à la découverte de la Connaissance : les milésiens inventent des modèles explicatifs cohérents, proches des phénomènes astronomiques et météorologiques, les pythagoriciens donnent plus d’importance à la sagesse immanente du Nombre (2), créateur de la Loi qui gouverne le monde, et les auteurs inspirés disent de façon prophétique un savoir qu’ils héritent soit de la Vérité elle même, soit de ses apparences, soit encore de la mémoire de leur histoire passée. Dans tous les cas se pose le problème des relations entre le monde réel et ce qu’on en perçoit. C’est peut être Empédocle qui discute le plus en profondeur la façon dont nous pouvons approcher la Vérité, par le seul canal de nos organes sensoriels. Il n’en tire cependant pas de conclusions générales sur la nature intrinsèque des choses et c’est à l’Ecole de Parménide, lui-même héritier de Pythagore et en partie de Xénophane que revient le mérite d’avoir approfondi cette dualité : que pouvons-nous dire du monde réel et de ses apparences si nous affirmons que les Lois de l’Univers doivent rester inchangées quel que soit le point d’observation choisi ?
La Grèce de l’Ouest était le berceau de la réflexion sur les propriétés arithmétiques du monde, grâce au développement de l’école ésotérique de Pythagore et de ses successeurs. Cette recherche, qui prenait ses racines dans l’antique savoir de Babylone et d’Egypte, vit son succès se répandre avec l’intérêt que suscitaient ses applications : mise en forme de l’harmonie musicale, création raisonnée des alliages métalliques et d’une métallurgie, règle des proportions en peinture, en sculpture et en architecture, mise en évidence des cycles biologiques, associés aux cycles météorologiques et astronomiques... Toute cette réflexion, répandue dans cette partie du monde grec jusqu’à l’enseignement d’Empédocle était assise sur la théorie qui voulait, tout à l’opposé de ce qu’avaient mis en place les physiciens d’Ionie, producteurs d’hypothèses et de modèles, que des prophètes privilégiés parlent à une petite élite de la vérité qu’ils ont reçue. L’originalité de Parménide et de ses successeurs fut donc de divulguer la substance de leur initiation aux mystères de la Vérité, en mettant en évidence les paradoxes soulevés par les voies proposées par leurs prédécesseurs et contemporains, pythagoriciens en particulier. Parménide naquit vers 515 dans la ville d’Elée (fondée vers 540 par des Ioniens fuyant la conquête Perse). Il composa en texte en vers, De la Nature, dans lequel il expose à usage public, sa pensée (3). Ce texte est à la fois cosmologie et épistémologie (4), l’une n’allant pas sans l’autre, et décrit les voies de la connaissance ainsi que son objet. Ces voies sont au nombre de deux, la Voie de la Vérité et la Voie des Opinions (5). La Vérité correspond à l’état intrinsèque de la nature, état totalement indépendant (objectif) de son observateur ; et l’opinion à notre perception, ou rationalisation de celle-ci.
Ce que Parménide cherche à mettre en évidence c’est, d’abord, par un raisonnement logique, les contradictions où nous conduisent nécessairement nos sens. La vérité n’est pas contradictoire (par définition) et s’il apparaît en quelque point un paradoxe c’est non pas que la vérité soit différente mais que nos sens nous font illusion. Tout être (et comme nous le verrons il existe un Etre unique et immobile pour Parménide) résulte de la fusion d’un principe moteur qui lui donne vie, esprit et pensée avec une structure matérielle.
La vérité se réduit à la suite raisonnée, dont les conséquences sont innombrables :
(i) L’Etre est, le Non-être n’est pas
(ii) L’Etre est éternel : incréé et impérissable
(iii) L’Etre est complet (global, sans membres séparés), immobile et sans fin
(iv) L’Etre est éternellement présent : il n’a ni ni passé ni avenir
(v) L’Etre est Un et continu
Ces propriétés de l’Etre sont issues de l’enchaînement logique simple suivant :
1. Ce qui est ne peut pas ne pas être
2. Commencer ou finir présuppose la non existence avant ou après, en vertu de 1. c’est impossible
3. De même le mouvement est impossible, car il suppose que l’Etre apparaisse là où il n’était pas auparavant et disparaisse là où il se trouvait.
4. Ce raisonnement appliqué à l’espace s’applique aussi au temps ; l’Etre n’a donc ni passé ni a- venir.
5. L’Etre est non divisible et homogène sinon il lui manquerait quelque chose en un point et quelqu’autre chose ailleurs ; or, s’il lui manquait quelque chose il lui man- querait tout, toujours en vertu de 1. (en effet il y aurait du Non-Etre localement, ce qui est impossible).
6. En conséquence l’Etre est continu et Un, et le vide n’existe pas.
Parménide ne va pas au delà de ces simples conséquences et, en particulier, il imagine que l’Etre n’est pas sans limites (car il possède tous les attributs, donc la limite) et l’Etre est alors identifié à la Sphère, mais pas seulement à la Sphère d’Anaximandre, dont on conçoit bien qu’elle est plongée dans quelque chose, mais une Sphère, forme pure, voisine de la Sphère immuable de l’Espace-Temps (sous réserve de l’anachronisme conceptuel correspondant).
Même demeurant dans le même, en soi-même il repose
Et ainsi reste immobile dans le même lieu, car la toute puissante nécessité
La maintient dans les liens de la limite qui enclôt son contour.

Au surplus, puisqu’il existe une ultime limite l’Etre est achevé :

De toutes parts semblable à la masse d’une sphère bien arrondie
A partir du centre identique dans toutes les directions.

Cela l’oppose explicitement à l’élément premier d’Anaximandre, infini, générateur de changement intrinsèque, alors que l’Etre de Parménide fixe la permanence éternelle. Voilà donc la voie de la Vérité ; et pourtant l’on sait bien, par l’observation courante, voir autrement :

Aussi n’est-ce que pur Nom
Tout ce que les mortels ont édicté,
persuadés qu’en cela gisait la vérité. (6)
Naître et disparaître, être ou ne pas être
Aussi bien que changer de lieu ou modifier
son éclat grâce à la couleur.

Voilà donc la voie de l’opinion, qui ne peut qu’égarer et à laquelle pourtant il est impossible d’échapper :

Alors que l’Etre est, elle enseigne le Non-être,
À l’éternité elle oppose la perpétuité, naissance et mort,
À la permanence le changement,
À l’immobilité le mouvement, au global le local,
Au présent le passé et l’avenir,
À l’unité la variété,
À l’homogène l’hétérogène et au continu le discontinu.

Et à partir de cette démesure que nous enseignent nos sens abusés nous pouvons imaginer une cosmogonie, foncièrement discontinue dans laquelle le monde est constitué d’objets distincts, d’éléments aux qualités particulières : cela donne une description du monde, empreinte d’une part de vérité et d’autre part d’opinion, assez proche de celle des milésiens (d’Anaximandre en particulier), une description de la biologie imprégnée de pythagorisme ("à droite les garçons, à gauche les filles") et la mise en évidence d’un principe attractif qui n’est pas sans rappeler Empédocle.
Ainsi la découverte majeure du chef de file de l’Ecole Eléate est la suivante : la discontinuité est une caractéristique intrinsèque de nos possibilités de perception, d’observer et de mesurer, elle sous-tend donc toutes nos représentations du monde et il nous est donc impossible de nous en affranchir ; or, dès que l’on est amené à la mettre en question par le raisonnement (du type, affirmer l’existence du Non-être est une proposition contradictoire) on est conduit à une impasse ; n’est il donc pas possible d’imaginer que la réalité, qui ne peut être contradictoire, soit continue au lieu d’être discontinue et que les apparents paradoxes issus de cette continuité essentielle ne sont que le signe de notre position biaisée d’observateurs, nécessairement astreints à ne percevoir le monde que par des éclairs, fragments séparés et disjoints, nous donnant l’illusion du discontinu. Et c’est alors l’acte humain qui consiste à nommer les choses qui est producteur de notre connaissance scientifique, avec l’inévitable erreur associée à l’opinion qui s’y attache nécessairement.
Parménide se trouve donc opposé de façon radicale à la discontinuité intrinsèque de la théorie du Nombre, chère à l’école pythagoricienne, mais aussi à la Loi héraclitéenne de l’éternel changement. Sa position majeure est de soutenir qu’il existe quelque chose de permanent, quelque chose qui se conserve et nous permet, par référence, de raisonner sur le monde. Son successeur Zénon va détailler plus clairement ce qui est criticable, et loin de la vérité, dans l’opinion qui veut que le discontinu constitue une caractéristique essentielle du monde.
Comme Parménide natif d’Elée, Zénon fut le disciple zêlé du maître. On ignore presque tout de sa vie (sauf qu’il mourut sans doute de mort violente, pour des raisons politiques) et beaucoup de son oeuvre. Il semble qu’il consacra sa réflexion à une critique détaillée des concepts de discontinu à l’oeuvre chez les disciples de l’Ecole de Crotone. Pythagoricien hétérodoxe, comme le furent tous les tenants de l’Ecole Eléate, il fut en butte à la critique de ceux-ci qui l’accusèrent de rompre le secret qui devait être la règle. Et Zénon pour se défendre prétendit qu’on lui avait volé son manuscrit, et publié, avant qu’il ait pu décider si le contenu pouvait en être divulgué. Zénon n’écrivit pas de cosmologie, et sa contribution est essentiellement due à l’invention d’une méthode : la démonstration par l’absurde. On n’en a presque rien conservé et il ne reste que trois fragments intacts où la technique de son raisonnement est remarquablement illustrée, et six thèmes, développés par Aristote et malheureusement considérablement altérés par celui-ci, qui cherchait à ridiculiser l’Eléate plutôt qu’à comprendre son point de vue.
Nous avons tous plus ou moins appris qu’il existe un argument de Zénon sur la nature du mouvement, mais rares sont ceux qui ont appris comment se posait le problème. Les pythagoriciens de l’Ecole de Crotone affirmaient que toutes choses sont composées d’entités distinctes et mesurables, et ainsi que le monde est réductible au Fini. Parmi ceux-ci, ceux qui avaient la pensée la plus élaborée, imaginaient que ces entités peuvent constituer des rapports de nombres entiers (7), mais que leur arrangement correspond à une structure réellement discontinue et de l’espace et du temps. Ce n’est qu’après les démonstrations de Zénon et la mise en évidence du principe de divisibilité à l’infini par Anaxagore, qu’Archytas utilisa le déplacement de lignes pour engendrer des formes géométriques, implicitement continues. L’argument de Zénon se développe donc en deux temps, d’abord l’énoncé d’une hypothèse conforme aux principes pythagoriciens, puis un enchaînement logique qui démontre par l’absurde que l’hypothèse ne tient pas. Comme il existait deux courants différents dans la pensée des pythagoriciens, les uns imaginant l’existence de grandeurs en unités de type arithmétique, les autres invoquant des unités infiniment petites mais non sommables à l’infini, Zénon proposa des arguments distincts pour réfuter séparément chacune de ces façons de voir. Ainsi trouve-t-on dans les arguments de Zénon deux sortes d’espace (non infiniment divisible et infiniment divisible) et deux sortes de temps (non infiniment divisible et infiniment divisible). Cela l’oblige, en les combinant deux à deux, à imaginer quatre façons de voir le monde, toutes incompatibles avec la notion de mouvement, pourtant d’observation courante. Trois nous ont été grossièrement restituées par Aristote :
a. Cas de la dichotomie (espace infiniment divisible, temps non divisible à l’infini) : un mobile doit parvenir à mi-chemin avant son terme s’il doit jamais parvenir au but ; de même, dans la moitié restante il doit d’abord atteindre la moitié, et ainsi de suite à l’infini (puisque l’espace peut se diviser infiniment en entités rationnelles). En vertu de la structure discontinue de l’espace et du temps on doit associer à chaque étape un temps minimum, correspondant à l’unité de temps, finie, la plus petite (qui existe par hypothèse). Le mobile mettra donc un temps infini (somme d’une infinité d’éléments de taille minimale finie) à parvenir au but, ce qui est contradictoire avec l’observation courante : si le mouvement existe, alors le temps et l’espace ne peuvent donc pas avoir la structure discontinue postulée initialement.
b. Achille et la tortue (espace infiniment divisible et temps infiniment divisible) : Achille et la tortue doivent parcourir le même chemin, et la tortue part la première, au moment où Achille prend son départ il doit parcourir au moins le trajet déjà effectué par la tortue pour la rattraper ; mais arrivé à ce point la tortue aura eu le temps d’avancer d’une certaine longueur, et le problème se pose à nouveau dans les mêmes termes et ainsi de suite à l’infini. Or si l’on admet la discontinuité fondamentale du temps et de l’espace, on doit supposer que la somme infinie de temps élémentaires, même infiniment petits, n’est pas finie, et par conséquent qu’Achille n’atteint pas la tortue (8), ce qui à nouveau est contraire à l’observation et implique donc que le postulat de discontinuité est à rejeter, avec les hypothèses correspondantes sur la structure fine de l’espace et du temps.
c. Argument de la flèche (espace non divisible à l’infini, temps divisible à l’infini) : si l’espace est formé d’unités distinctes et mesurables il est nécessaire que la flèche puisse sauter de l’un des intervalles au suivant (9) ; en effet la flèche occupe un espace égal à elle-même, puisqu’elle ne peut être en deux endroits en même temps (car l’espace est supposé être constitué d’entités discrètes) elle est donc au repos ; au cours de son mouvement la flèche se trouve donc immobile à chaque instant, or comme le temps est divisible à l’infini cela veut dire qu’à deux instants voisins mais distincts la flèche se trouvera au même endroit, ce qui est contraire à l’hypothèse du mouvement ; par conséquent on doit rejeter les conjectures faites sur la structure du temps et de l’espace.
d. Argument des corps en mouvement (espace non divisible à l’infini, temps non divisible à l’infini) : Zénon imagine ici une famille de masses égales se mouvant en sens contraire, à partir des deux extrémités du stade, le long de repères régulièrement espacés, correspondants aux unités spatiales distinctes. On se rend compte qu’il apparaît immédiatement un paradoxe, du fait que la vitesse apparente des corps en mouvement les uns par rapport aux autres est égale (du fait que les unités de temps sont elles aussi finies) à la vitesse de ces mêmes corps par rapport aux repères fixes, ce qui est évidemment contraire à l’observation courante. Ainsi cette structure particulière du temps et de l’espace ne semble pas plus raisonnable que les autres.
Deux derniers arguments nous ont été conservés. L’un joue sur l’enchaînement du raisonnement :
Si tout être doit se situer en un lieu, alors puisque ce lieu est lui-même un être il doit se trouver en un lieu et ainsi de suite. Cela prouve que tout être est identique à son lieu. On a certainement là l’une des premières manifestations du caractère géométrique de la logique, sur lequel je reviendrai.
Le dernier argument, considéré par certains comme puéril, paraît être l’illustration de la nécessité de définir avec précision les concepts utilisés avant de construire un raisonnement : si une certaine quantité de grain tombe en émettant un son, alors c’est qu’il existe une relation entre la masse et le son, en conséquence de quoi un seul grain, ou une fraction infime de grain, devrait tomber en émettant un son ; si l’on admet au contraire qu’il n’y a pas de relation entre le son et la masse, il existe alors une quantité minimale qui tombe sans bruit, et il suffirait alors d’ajouter une quantité infime pour que le bruit apparaisse, ce qui, par raison de symétrie (10), paraît absurde.
La conclusion des quatre paradoxes de Zénon est claire : quelles que soient les hypothèses impliquant une discontinuité du temps et de l’espace il est impossible de rendre compte du mouvement ; ces hypothèses sont donc inadéquates et il s’en suit qu’il convient d’imaginer que temps et espace sont continus. Les fragments intacts qui nous restent appliquent ce genre de méthode de démonstration par l’absurde à la structure de l’espace, et aux "unités" qui le composent, et là encore Zénon conclut à l’inadéquation inhérente au discontinu.
Pourtant le monde de Parménide ainsi justifié par l’absurdité du discontinu n’est pas exempt de paradoxes, et c’est à un troisième Eléate, Mélissos de Samos, que revient le mérite d’avoir précisé la nature de ces paradoxes.
Des rivages de l’Asie Mineure la pensée grecque s’était répandue et développée vers l’ouest en Sicile et au sud de l’Italie. Par un juste retour des choses c’est à Samos, près des côtes de l’Asie Mineure, déjà célèbre par la naissance de Pythagore, que vint finir l’école Eléate. En effet son dernier maître, et sans doute son plus profond penseur fut un amiral samien qui infligea une sévère défaite en 441-440 à la flotte de Périclès. Une telle injure à la puissance d’Athènes alors à son apogée ne pouvait rester impunie et, l’année suivante, Samos fut réduite et Mélissos disparut (peut-être fut-il tué). Plus grave, sa mémoire fut systématiquement éliminée et bientôt il ne resta presque plus rien de ses écrits - De la Nature ou De l’Etre - alors que les doxographes passèrent leur temps à le ridiculiser, plus encore que Parménide. Dans ce concert de critiques Aristote prend une place à part à cause de son animosité violente contre ce penseur original si profondément éloigné du dualisme aristotélicien : l’Etre éléate - animé, bien entendu - est Un, et surtout du reste pythagoricien qui hante le discours du Lycée et attribue au Fini les caractères de la perfection.
En effet Mélissos reprend à son compte les arguments de Parménide sur la nécessité rationnelle de penser que quelque chose (l’Etre) existe qui se conserve. Mais il y ajoute un raisonnement approprié pour se débarrasser d’une faiblesse surprenante de la théorie de Parménide : la finitude spatiale de l’Etre. L’argument de Mélissos est semblable à celui qu’avancera Archytas (cf.Pythagoriciens) et conduit à dire que l’Etre est non-limité. Mais Mélissos va beaucoup plus loin. En effet, il affirme par le raisonnement que les deux infinis, l’infini du temps et l’infini de l’espace sont nécessairement liés dans la définition de ce-qui-ne-change-pas. Il introduit donc une homogénéité dans les propriétés de ces notions premières que sont l’espace et le temps. Cette façon de voir sera écartée pendant plus de deux millénaires après les déclarations définitives d’Aristote qui affirme que la finitude est un des attributs essentiels de l’harmonie de l’espace. Et pourtant Platon, dont la célébrité et l’influence ne sont pas moindres que celles d’Aristote, adopta le mode de raisonnement de Mélissos sur l’Etre, en en reconnaissant d’ailleurs la paternité aux Eléates. Mais le dualisme de sa pensée, incompatible avec le monisme rigoureux de l’école d’Elée voua cette dernière à l’oubli. La sphéricité de l’Etre, sa perfection, son homogénéité, son immobilité sont pour Mélissos attribués à l’espace-temps. Il reprend en effet les arguments de Parménide et pousse cette fois leur logique à son terme : Rien ne naît de rien : cela implique que le temps n’est pas fini, mais tout ce qui naît a un début et une fin. Et l’on peut donc conjecturer que ce qui n’est pas né n’a pas de limites (11). Ce qui est infini dans le temps est donc aussi infini dans l’espace : L’Etre devient donc un invariant absolu, obtenu par un raisonnement et nécessaire au raisonnement, comme seule référence permettant de distinguer la cause et l’effet, l’action et la réaction. L’observation des choses, on le sait, ne révèle pas l’immuabilité de l’Etre, et aucune chose, aucun phénomène, pris isolément ne pourra jamais atteindre l’éternité et tout aura une fin : Il est en effet impossible que soit éternel ce qui n’est pas totalité. Le principe invariant est donc le Tout qui reste inchangé en quantité et en qualité :
Il n’est pas possible que son apparence se
modifie car l’univers existant
antérieurement ne peut se détruire ni celui
qui n’existe pas, naître. Puisque rien ne se
crée, rien ne se perd, ni ne change,
comment après une modification, compterait-il
encore parmi les êtres ?

Si ce qui existe se transforme en effet, il
sera nécessairement non homogène, car ce qui
était auparavant disparaîtra et ce qui
n’existait pas naîtra.
Ainsi le principe global d’invariance s’applique à l’ensemble des choses, ce qui permet de le considérer comme continu et homogène. Nos sens ne peuvent, par notre position d’observateurs - et là encore Mélissos est un génial précurseur - que nous transmettre une image de l’ensemble, qui n’est donc pas le monde réel. Mais notre raison tend à appliquer à chaque chose le raisonnement qui a conduit à l’Etre et donc lui attribuer une identité, somme organisée de ses qualités. Cela devrait assurer la permanence aux objets, et pourtant les objets, nous le voyons, ne cessent de changer ; comment pouvons-nous alors être certains que ce sont les mêmes objets aujourd’hui qu’hier nous considérions ?

S’il y avait en effet pluralité,
ces nombreux objets devraient être
exactement définis comme je dis être l’Un.
Dans cette discordance entre la raison et l’observation Mélissos choisit la voie de la raison qui affirme l’erreur des sens. Il existe donc un principe de conservation, au-delà de l’observation courante et, au-delà des objets qui changent : il faudra toujours chercher à suivre le chemin de la vérité et découvrir le principe d’invariance sous-jacent.
Mélissos, par ailleurs, reprit les arguments de Parménide et de Zénon pour tenter de démontrer que l’être est immobile, sans se rendre compte que la question du mouvement n’avait plus de sens pour être développé dans l’espace et dans le temps... A ce stade il pouvait paraître que l’école Eléate allait ouvrir de nouveaux chemins de la connaissance. Mais l’histoire en a décidé autrement : Samos fut réduite par Athènes et le nom de Mélissos autrefois vainqueur de la cité de Pallas fut vaincu. Platon pourtant fit la louange de la grandeur de la pensée éléate, mais Anaxagore avait déjà indiqué le chemin du dualisme que Platon reprit et l’Académie à sa suite. Plus graves, quelques années après furent les attaques d’Aristote obnubilé par le développement de sa propre pensée et incapable de comprendre la solution du paradoxe de la permanence et du changement ; et l’espace temps imaginé par une amiral samien sombré dans l’oubli.

1 : Outre les sources déjà citées mon commentaire s’appuie ici sur la remarquable étude de J. Zafiropoulo L’Ecole Eléate ed. Les Belles Lettres 1950.
2 : En fait du petit nombre. Comme dans toutes les symboliques numériques on dépasse rarement le nombre des jours du cycle lunaire ou solaire... et les propriétés géométriques des polyèdres n’existent que pour quelques petits nombres.
3 : Il y a une certaine contradiction entre le désir d’enseignement public de Parménide et l’usage des vers. En effet les contraintes de la poésie, rythmiques en particulier, sont difficilement compatibles avec la précision requise par les sujets de ses démonstrations. Il s’agit très probablement d’un reste de tradition pythagoricienne dont on sait que l’ésotérisme empêchait la divulgation, et donc l’écriture ; les disciples de Pythagore devaient donc tout savoir par coeur et, dans ce cas, la versification est un soutien certain, en particulier pour les textes de grande ampleur. Le prologue du poème de Parménide est d’ailleurs clairement le rappel de l’initiation reçue par l’auteur des mains de la Déesse (Vérité).
4 : L’épistémologie sera développée plus loin.
5 : A ces deux voies correspondent deux modes d’accès à la connaissance, un mode subjectif qui correspond à la perception directe de la vérité, grâce à l’élément animé qui se trouve en chacun de nous et qui communie directement avec l’âme du monde, un mode objectif qui perçoit essentiellement l’architecture des choses en en oubliant le moteur, et qui donne une opinion sur le monde.
6 : Le nominalisme reste une préoccupation constante, de nos jours encore, et l’on se souvient du poème de Jose Luis Borges, El Golem :
"Si (como el griego afirma en el Cratilo)
El nombre es arquetipo de la cosa,
En las letras de rosa esta la rosa
Y todo el Nilo en la palabra Nilo. (...)
N’est-ce pas Borges (Jorge de Burgos ?) et son poème, qui sont au coeur énigmatique du fameux livre d’Umberto Eco : "Pristina rosa stat nomine nomina nuda tenemus" ?
7 : Des nombres rationnels, par conséquent.
8 : Les définitions mathématiques du continu n’existaient pas encore et on ne pouvait concevoir que 1/2n soit un nombre fini. D’ailleurs l’association d’une unité minimale à chaque intervalle de temps conduit bien à une somme infinie.
9 : Il existe aujourd’hui un analogue formel de ce paradoxe, et qui ne prête pas à sourire : on parle sans question de la "promotion" d’un électron qui saute d’une "orbitale" à une orbitale supérieure après absorption d’un photon par exemple...
10 : Dans cet argument il y a en germe toute une réflexion sur le continu, qui, redécouverte deux millénaires plus tard, conduira à une certaine définition du continu en mathématiques. On y trouve en plus un raisonnement algébrique sur les extrema qui opère encore aujourd’hui très efficacement. Enfin, les problèmes liés à la symétrie sont toujours d’actualité. On les retrouve dans toutes les lois qui gouvernent l’Univers ; on considère le plus souvent que lors des transformations d’espace ou de temps il y a conservation de la symétrie, ou que toute action implique une réaction ; il arrive parfois qu’on soit obligé, pour conserver d’autres caractéristiques du modèle, de postuler une violation spontanée de la symétrie ; il conviendrait dans ce cas (mais c’est rarement fait !) de se souvenir de l’argumentation de l’Eléate, et de se demander si toute la théorie n’est pas à reconsidérer plutôt que d’introduire un postulat de ce type. Cependant le raisonnement éléate implique une forme d’équilibre des forces en présence imposant la symétrie. Il va de soi que dans d’autres circonstances la symétrie, au contraire, est très difficile à maintenir, et se brise spontanément : si l’on doit tomber d’un sommet, on ne peut le faire que d’un côté ou de l’autre, pas des deux à la fois.
11 : Ce raisonnement n’est pas un syllogisme et il est donc en butte aux sarcasmes d’Aristote. Il convient pourtant de se souvenir que les règles du syllogisme - établies par Aristote - n’avaient pas encore été proposées au temps de Mélissos, comme le remarque J. Zafiropoulo.


Trouvé sur le net :

Les Maths et la Physique sont incompatibles...

Voici les amis la problématique illustrée :

C’est l’histoire du verre plein d’eau qu’on boit chaque minute la moitié de ce qu’il contient...

Maths :
Un verre contient 1 litre d’eau, chaque minute nous buvons la motié de ce qu’il contient. Après combien de temps le verre sera vide ?
1/2 = 0.5 litres après 1 minute
0.5/2 = 0.25 litres après 2 minutes
0.25/2 = 0.125 litres après 3 minutes
etc...
Mathématiquement on ne pourra jamais vider le verre d’eau, on peut continuer à l’infini.

Physique :

Un verre contient 1 litre d’eau, chaque minute nous buvons la moitié de ce qu’il contient. Après combien de temps le verre sera vide ?
1/2 = 0.5 litres après 1 minute
0.5/2 = 0.25 litres après 2 minutes
0.25/2 = 0.125 litres après 3 minutes
etc... on arrive au stade critique
il ne reste plus que 2 molécules d’eau dans le verre après x minutes
il ne reste plus qu’une particule d’eau dans le verre après x+1 minutes
La dernière molécule d’eau ne peut etre partagé, sinon on n’a plus d’eau dans le verre...
En physique le même problème à une fin, on pourra définir après combien de temps l’expérience a pris fin.

Je me dis par cet exemple que dans les maths il y a un truc qui cloche, qu’en pensez vous ?



Discussion sur Zénon dans wikipedia :

Le temps est, par exemple pour Newton, un flux continu. Qu’est-ce que ce terme de « continu » signifie au juste vis-à-vis du temps ? Comme bien souvent, l’analogie avec le mouvement – largement exploitée par les philosophes de toutes époques, à divers degrés d’abstractions – permet de donner un premier éclairage au concept du temps.

La continuité d’un mouvement n’est pas une chose facile à imaginer. Zénon, dans ses célèbres paradoxes, avait mis au jour la dualité entre le mouvement fini et le temps infini du parcours. En effet, la première intuition du mouvement est celle d’une transition spatiale, continuelle, entre deux points de l’espace séparés par d’infinies positions intermédiaires. De manière analogue à la suite infinie des divisions entières[8], l’espace semble être un continuum infini. Pourtant, les mouvements perçus par nos sens s’effectuent bel et bien en un temps fini ! De sorte qu’on a du mal à imaginer comment une infinité de positions peut être parcourue en une durée limitée. Imaginer des bonds dans un espace de points séparés par du vide pour définir le mouvement, comme l’ont fait les pythagoriciens, n’est pas satisfaisant, car cela conduirait par exemple à admettre une vitesse uniforme pour tous les mouvements. Un mouvement plus lent serait un mouvement plus long, et un mouvement moins rapide, un mouvement plus court. On peut, pour dresser un premier état des lieux, conclure avec Russell que « la continuité du mouvement ne peut consister dans l’occupation par un corps de positions consécutives à des dates consécutives. »[9]

Tout le problème du temps, et de l’espace, repose ici sur la difficulté à imaginer des grandeurs infinitésimales. Il ne s’agit pas d’une lacune : c’est que précisément, il n’y a pas de distances infinitésimales, mais une infinité de distances finies. Pour résoudre le paradoxe du mouvement dans l’espace, il faut imaginer que le temps est également conceptualisable de façon analogue : il existe une infinité de durées finies dans le parcours d’un mouvement, mais aucune « durée infinie ». Si on imagine couper une distance finie en deux, puis l’une de ses moitiés en deux, et cela indéfiniment, il en ressort que plus la distance est petite (et finie), plus la durée nécessaire à son parcours sera courte (et toujours finie). La progression des séries de termes infinis, les séries mathématiques compactes, illustre ce mécanisme de pensée. Il n’est pas important ici de savoir si cette modélisation correspond exactement à la réalité physique du monde : il suffit pour avancer qu’elle l’illustre fidèlement, qu’elle la traduise correctement. Une infinité de grandeur finies, donc, pour finir : cela ressemble à un cercle vicieux.

Le raisonnement de la série compacte est le plus simple qu’on puisse imaginer et qui corresponde de près à l’expérience. Il conduit directement à penser qu’il faut considérer en dernier ressort, au moins théoriquement, des instants sans durée, supports des moments et des durées, et par-là du temps tout entier. Cette philosophie, rattachée à la pensée scientifique moderne mais qui ne lui est pas exclusive, n’a pas fait l’unanimité. Ainsi Bergson défendait-il l’idée d’un mouvement et d’un temps indivisibles, irréductibles à une série d’états. En effet, la perception est impensable si on n’admet pas que je perçois le passé dans le présent, ce qui vient d’arriver dans ce qui persiste. L’instant pur est donc une abstraction, une vue de l’esprit. Poussée à bout, cette doctrine s’oppose pourtant à l’expérience quotidienne, dans la droite ligne de la vision pythagoricienne du monde. Nous pouvons considérer une ligne, une aire ou un volume comme un groupe infini de points, l’essentiel est que nous ne pouvons pas en atteindre tous les points, les énumérer, les compter, en un temps fini – par exemple, la division successive en moitiés égales d’une distance peut bien être répétée à l’infini : il est dès lors impossible d’arriver à une quelconque fin dans cette énumération de divisions.

La connaissance du temps gagne en précision par ces remarques tirées de la théorie mathématique de l’espace, car pour l’homme, il est facile de mélanger temps, infini, éternité… en une seule et même idée floue. Kant, pour qui le temps était une forme a priori de l’intuition (interne), et non pas un concept, distinguait illimation du temps et infinité : « Il faut que la représentation originaire de temps soit donnée comme illimitée. »[10] Le temps n’est pas en soi infini, mais c’est qu’il n’existe pas en soi. Il n’a pas non plus de commencement. Nous percevons toujours un instant antérieur, mais c’est nous qui introduisons dans l’expérience cette régression. Le temps n’est donc ni infini ni fini, parce qu’il n’est pas un être mais une forme de notre propre intuition. Les choses en soi ne sont ni dans le temps ni dans l’espace. Si on jauge l’idée du temps par nos impressions, il nous semble qu’il est parfois fugace, mais tout aussi bien interminable ; il est évident et en même temps insaisissable, comme le notait Saint Augustin : chacun a fait l’expérience de ces contradictions d’apparence. Elles sont amplifiées par le langage, qui par le mot « temps » désigne tout et son contraire. Mais connaître le caractère d’infini du temps, c’est bien déjà connaître le temps tel qu’il nous vient – et chercher une vérité transcendantale au-delà de cette notion d’infini est peut-être bien tout à fait vain. Il ne suffirait pas de conclure que l’infini caractérise le temps de façon essentielle, car on n’a pas meilleure connaissance de l’infini… et le concept d’infini n’est pas celui de temps ! En revenant au problème de l’infini dans l’espace, on peut constater que « de Zénon à Bergson, [une longue lignée de philosophes] ont basé une grande part de leur métaphysique sur la prétendue impossibilité de collections infinies. »[9] Pourtant, on sait depuis Euclide et sa géométrie que des nombres expriment des grandeurs dites « incommensurables » (les nombres irrationnels, formalisant une idée qui fut fatale à la philosophie des pythagoriciens pour laquelle tout, dans le monde, était nombre – entier). Certains éléments résistent, en effet, à la simple mesure, et se placent sur un autre plan. Qu’en est-il du temps et de l’idée de l’incommensurable ? La mesure du temps peut-elle nous donner les clés de la compréhension du temps, comme nous l’espérons depuis les temps les plus anciens ?

Un retour à Zénon peut donner quelque indice de réflexion. Ses paradoxes, qui touchent aussi au temps, reposent sur plusieurs axiomes – principalement la croyance en un nombre fini d’états finis pour caractériser les phénomènes, que ce soit en termes d’espace ou de temps : nombre finis de points dans l’espace, etc. Ces paradoxes mènent à plusieurs « solutions » métaphysiques : on peut rejeter la réalité de l’espace et/ou du temps (Zénon semble l’avoir fait, au moins pour le temps et en théorie, de sorte qu’il était en quelque sorte pris à son propre piège) ; on peut aussi décider de s’en tenir aux prémisses de Zénon et considérer que le temps est absolu et indivisible, comme chez Bergson, avec les difficultés de retour à l’expérience qu’on sait et qui ont entraîné la chute de la mécanique classique. On peut enfin considérer que les bases mêmes des paradoxes sont fausses, et étudier la possibilité de collections infinies, comme on l’a également vu avec les séries compactes. Russell expose l’erreur de raisonnement qui caractérise selon lui la doctrine kantienne, mais qui ne lui est pas exclusive. Kant ne voulait pas admettre la possibilité d’un infini en acte, il assimilait l’infinité à une régression illimitée. L’infini n’était qu’en puissance, et supposait un sujet. Ainsi, les nombres naturels sont infinis, mais seulement en ce sens que le sujet ne parvient jamais au plus grand des entiers. Selon une des branches de l’antinomie kantienne, qui ne saurait être confondue avec la solution kantienne elle-même, le passé doit avoir un commencement dans le temps, car, selon l’autre branche de la même antinomie, en supposant le temps infini, comment serions-nous arrivés jusqu’à aujourd’hui ? Un temps infini n’aurait pu en effet s’écouler tout entier. Certes, de façon analogue, le futur est borné par l’instant présent, et s’étend sur le cours du temps, mais cela ne pose aucun problème à Kant, car la question de l’avenir n’est pas symétrique de celle du passé. L’avenir n’est pas encore. Son infinité est « en puissance », et non pas en acte. L’avenir est illimité, mais pas infini en acte. Le tour de force de Kant sera d’appliquer ce raisonnement au passé lui-même. C’est le sujet qui régresse toujours vers un passé antérieur, afin d’expliquer le présent. La série n’existe pas en soi, elle exprime la nature de notre perception. C’est nous qui portons avec nous la forme du temps, elle n’est pas une dimension de l’Être en soi, par ailleurs inconnaissable.

On peut du moins répondre à un aspect du problème de l’infinité du temps, en laissant de côté la question de l’écoulement du temps, et en l’assimilant à l’espace. Est-il impossible qu’une collection d’états en nombre infini soit complète, comme le suggère la tradition philosophique à la suite de Zénon ? On peut répondre par la négative par un argument simple qui découle des suites mathématiques compactes, mais qui se retrouve tout aussi bien en philosophie. Le point décisif est qu’une suite infinie peut être bornée, comme l’examen attentif du passé, du présent et du futur nous en donne l’indice. Elle connaît un début, et aucune fin, mais il existe des valeurs supérieures à elle. Ainsi, l’unité est supérieure à une infinité de fractions entières qui lui sont toutes inférieures[11]. Cette somme a un nombre infini de termes, et pourtant la voilà bien ancrée dans un cadre discret.

C’est que compter les durées ne permettra jamais de saisir le temps comme un ensemble, tout comme compter les éléments un à un d’une série de termes en nombre infini ne permettra jamais d’en saisir l’idée essentielle. Ainsi, le temps est dépendant d’autres aspects dont nous avons également conscience, et c’est sa relation avec l’espace et la matière qui constitue l’enveloppe « ontologique » de notre Univers. Cette doctrine métaphysique s’accorde bien avec la théorie de la relativité, qui a bouleversé l’idée métaphysique du temps, car elle suggère que le temps est une propriété de l’univers, et non son cadre. L’espace-temps n’est pas une notion seulement scientifique, loin de là. Cette vision du monde n’est en fait pas fondamentalement opposée à celles qui prévalaient chez Kant ou chez Newton : il s’agit au juste de replacer le temps à son niveau, de lui redonner une consistance propre. Si le temps est mieux décrit et compris au terme de ces progressions, il n’est toutefois toujours pas connu essentiellement.

Rencontre entre Zénon, Parménide et Socrate

La suite sur la validité des paradoxes de Zénon dans la réalité

Messages

  • Donc, si les choses sont une pluralité, elles doivent être à la fois grandes et petites, petites au point de ne pas avoir de grandeur du tout ; et grandes au point d’être infinies.

  • "Dans la conscience de Zénon, la simple pensée immobile disparaît et devient mouvement pensant ; en luttant contre le mouvement sensible il le donne à sa pensée. Que la dialectique ait en premier lieu attaqué le mouvement s’explique précisément par le fait que la dialectique elle-même est ce mouvement, en d’autres termes que le mouvement est lui-même la dialectique de tout l’existant. En tant qu’elle se meut, la chose est à elle-même sa dialectique ; dans le mouvement elle devient son autre, se dépasse. Aristote a écrit que Zénon a nié le mouvement parce qu’il contient une contradiction interne. Il ne faut pas interpréter cela comme la négation de l’existance du mouvement (...) Que le mouvement existe, que ce phénomène soit - cela ne peut être mis en question ; pour la certitude sensible le mouvement existe (...) Zénon n’a jamais eu l’idée de nier le mouvement dans ce sens-là. Ce qu’il s’agit de saisir, c’est sa vérité ; or, pour Zénon,le mouvement est non-vrai, parce qu’il est contradictoire...

    Il faut de m^^eme comprendre les autres arguments de Zénon, non comme objections contre la réalité du mouvement, comme ils apparaissent à première vue, mais comme mode nécessaire de détermination du mouvement. ...

    Telle est donc la dialectique de Zénon. Il a saisi les déterminations contenues dans notre idée du temps et de l’espace ; il les a eues dans sa conscience et il y a montré la contradiction...

    La dialectique de Zénon a un sens plus objectif que la dialectique moderne. "

    Friedrich Hegel dans son "Cours d’histoire de la philosophie"

  • c’est zongo ,ily’a un probleme qui me ronge.ici en afrique les enfants posent des problemes philosophiques mais ils ne sont pas écoutés,on les rejettent.exple mon pétit frere à7ans il à démandé à savoir pourquoi grand père est partit au ciel ?
    pourquoi Dieu l’a tué ?
    POURQUOI NOTRE TANTE n’a pas tué dieu ?
    ILS ONT Rejétté ses quetions,en disant kil est enfant

    • Parfois les enfants ne veulent pas accepter les interdits et les conventions de la société ce qui peut les amener à dire des choses qui cohcent ceux qui sont adultes et admettent blocages et inhibitions. C’est sûr que c’est difficile de répondre à un enfant. la meilleure réponse est d’admettre les questions. Et considérer que les questions, on va devoir les vivre et non s’en débarrasser. Car ce sont les questions qui sont riches et non une réponse définitive réglant la question. Quant à savoir s’il aurait fallu tuer dieu si tu avais tué son grand père, il a certainement raison. Quel salaud ce dieu s’il existait ! Mais en même temps si les gens y croient c’est qu’ils en tirent quelque chose. C’est une drogue qui leur permet de moins souffrir et de moins se poser de questions. Alors que l’enfant n’a pas appris à avoir honte de ses questions !

    • zénon d’elée est d’isciple de parmenide.
      qui est parménide ?
      POURQUOI ARISTOTE DIT KIL EST l’inventeur de la dialectique ?
      Zénon disait ;((qu’un mobile ne peut jamais atteindre le terme d’un trajet puisqu’il devrait pour cela parcourir la moitié du trajet,puis la moitié de la moitie et ainsi de suite à l’infini...De même Achille ne peut atteindre la tortue qu’il poursuit puiskil devait pour cela atteindre le point kil vient de quitter ; pendant ce tps la tortue a avancée...
      zénon veut dire koi dans cette phrase ?
      ZENON était un philosophe k j’ignorait totalement, pourriez vous m’aider à connaitre kelke une de ces idées

    • Parménide est l’un des inventeurs connus de la dialectique. Elle a très bien pu être inventée avant l’écriture et on ne connaitra sans doute jamais ses réels inventeurs. En effet, la pensée ne date pas de l’écriture.

      Parménide était d’une famille riche et puissante de grèce nommée Pyrrhès. Il se lia d’abord avec une organisation communiste utopique nommée "les pythagoriciens". Il s’oppose à la logique formelle à laquelle il ne veut pas limiter le raisonnement. Telle est le point de départ de la dialectique. la logique formelle exige qu’un énoncé soit vrai ou faux. il répond : les deux ou ni l’un ni l’autre. Il étudie les sciences. par exemple, il est aprmi les premiers à énoncer que la terre est ronde. Il déclare que l’univers doit être constitué de deux éléments contradictoires comme la matière et l’énergie symbolisés par l’eau et le feu.

      Il a effectivement formé Zénon qui était philosophe et révolutionnaire. ila dirigé une tentive de renverser un dictateur de Grèce.

      Zénon a pris en défaut la logique formelle dans les notions du mouvement.

      En effet, il raisonne sur une tortue qui est rattrapée par Achille et cherche à infimer l’idée que l’espace de temps peut être subdivisé à l’infini. Il démontre que si cela était le cas, Achille ne rattraperait jamais la tortue ce qui est contraire à la réalité connue. Si on va plus vite, on finit par rattraper.

      Pour cela, il suppose qu’Achille a parcouru la moitié du chemin qui le sépare de la tortue, et il fait remarquer que pendant ce temps qui est la moitié du temps de parcours pour rattraper la tortue, celle-ci a avancé un petit peu mais suffisamment pour que jamais Achille ne la rattrape. A chaque moitié il manquera un petit peu et, si les temps étaient divisibles à l’infini, il ne la rattraperait jamais.

      Conclusion : on ne peut pas diviser à l’infini. la continuité est logique mais n’est pas réelle....

    • (ci on ne peut pas diviser a l’infini ) ci j ai bien compris le raisonnement lorsqu on divise un chiffres sur un autre on obtiens un résultat le problème est la tous les zéros après la virgule ne comptes pas alors le résulta final est toujours faux .j ai compris pour quoi les scientifiques et les organisations politique ne discute pas sur ces sujets la, par ce que sa remet en cause touts les sciences est la stabilité sociale et les régule et les loi .

  • paradoxes de Zénon d’ÉléeLes paradoxes de Friedrich Hegel

    dans « Cours d’histoire de la philosophie »

    - - - - - - - - - -

    " Le mouvement d’un corps isolé n’existe pas."

    Engels dans "Dialectique de la nature"

  • Il faut faire attention au sens très particulier que prend la notion d’état pour la théorie des systèmes dynamiques. Un paradoxe de Zénon permet de présenter la difficulté. Zénon demandait : « Soit une flèche en vol. À un instant, est-ce qu’elle est au repos ou en mouvement ? » Si on répondait qu’elle est en mouvement, il disait « Mais être en mouvement, c’est changer de position. À un instant, la flèche a une position, elle n’en change pas. Elle n’est donc pas en mouvement. » Si on répondait qu’elle est au repos, il disait « Mais si elle est au repos à cet instant, elle est aussi au repos à tous les autres instants, elle est donc toujours au repos. Elle n’est jamais en mouvement. Mais comment alors peut-elle passer d’une position à une autre ? » Il en concluait qu’il n’est pas possible de dire des vérités sur ce qui est en mouvement. Tout ce qui est en mouvement serait par nature mensonger et il n’y aurait pas de vérités à propos de la matière mais seulement à propos des grandes idées, pourvu qu’elles soient immuables. Le sens commun est exactement inverse. On croit plus couramment à la vérité de ce qu’on voit qu’aux vérités métaphysiques. La théorie des systèmes dynamiques rejoint le sens commun sur ce point.
    La notion d’état dynamique fournit une solution au paradoxe de Zénon : à un instant, la flèche est en mouvement, elle a une position mais elle est en train de changer de position, elle a une vitesse instantanée. Les nombres qui mesurent sa position et sa vitesse sont les valeurs de ses variables d’état. Les variables d’état sont toutes les grandeurs physiques qui déterminent l’état instantané du système et qui ne sont pas constantes a priori. On les appelle aussi les variables dynamiques. Si on prend une photo au flash, on ne voit pas que la flèche est en mouvement, mais on peut le détecter par d’autres moyens, par l’effet Doppler par exemple, sans avoir à mesurer un changement de position. L’état dynamique d’un système est un état instantané, mais c’est un état de mouvement. Il est déterminé par les valeurs de toutes les variables d’état à cet instant.

  • De Broglie réactualise le paradoxe de Zénon : « Dans le macroscopique, Zénon paraît avoir tort, poussant trop loin les exigences d’une critique trop aiguë, mais dans le microscopique, à l’échelle des atomes, sa perspicacité triomphe et la flèche, si elle est animée d’un mouvement bien défini, ne peut être en aucun point de sa trajectoire. Or, c’est le microscopique qui est la réalité profonde, car il sous-tend le macroscopique. »

  • Je viens de lire le livre "Zénon et la tortue, apprendre à penser comme un philosophe" auquel il est fait référence dans le premier lien de cet article avant même que le début du texte. Ce livre est très intéressant pour avoir une vue rapide des concepts de plusieurs philosophes importants, cependant à chaque fois l’auteur (Nicholas Fearn), qui a une vue très pragmatique de la philosophie, cherche un peu trop à divertir ses lecteurs plus qu’à synthétiser les idées des auteurs qu’il cite, et pour cela va parfois jusqu’à la caricature : la courte partie consacrée à Zénon et ses paradoxes, au début du livre, est particulièrement caractéristique ; En la lisant on a juste l’impression que Zénon cherche à démontrer que le mouvement n’existe pas ! L’auteur donne l’argument de la suite mathématique infinie pour démontrer que le paradoxe n’est qu’une idiotie et puis il passe à autre chose... Il apporte presque une méta-illustration du résonnement ad-absurdum puisque c’est tellement absurde qu’on se demande bien pourquoi Socrate perdait son temps avec cet idiot et que des aristocrates Grecques payais pour entendre de telles sottises : Finalement on en viens à chercher ailleurs pour savoir se qui se cache derrière les apparences : Comme quoi c’est peut-être une bonne chose d’avoir introduit l’article avec ce livre car il donne envie de faire de la philosophie ne serais-ce que pour comprendre les idées trop simplifiées qui le parsème.

  • Zénon avait raison !!! Si on prend une mesure, puis une autre mesure, et sans cesse plus de mesures, rien ne bouge !

    voir ici

  • « En introduisant les grandeurs variables et en étendant leur variabilité jusqu’à l’infiniment petit et à l’infiniment grand, les mathématiques aux mœurs habituellement si austères ont commis le péché ; elles ont mangé le fruit de l’arbre de la connaissance, qui leur a ouvert la voie des résultats les plus gigantesques, mais aussi celle des erreurs. Adieu l’état virginal de validité absolue, d’inattaquable démonstration où se trouvait tout ce qui était mathématique ; le règne des controverses s’ouvrit, et nous en sommes au point que la plupart des gens utilisent le calcul différentiel ou intégral, non parce qu’ils comprennent ce qu’ils font, mais par foi pure, parce que jusqu’ici les résultats ont toujours été justes. Il en est pis encore de l’astronomie et de la mécanique, et en physique et en chimie on se trouve au milieu des hypothèses comme au milieu d’un essaim d’abeilles. Il n’en saurait d’ailleurs être autrement. »

    Friedrich Engels, « AntiDühring », chapitre La morale et le droit. Vérités éternelles

  • Le paradoxe de la dichotomie est un paradoxe formulé par Zénon d’Élée pendant l’Antiquité :

    « Quand des masses égales se déplacent à même vitesse, les unes dans un sens, les autres dans le sens contraire, le long de masses égales et qui sont immobiles, le temps que mettent les premières à traverser les masses immobiles est égal au double du même temps. »

    Version différente : le paradoxe de la pierre lancée vers un arbre, est une variante du précédent.

    « Zénon se tient à huit mètres d’un arbre, tenant une pierre. Il lance sa pierre dans la direction de l’arbre. Avant que le caillou puisse atteindre l’arbre, il doit traverser la première moitié des huit mètres. Il faut un certain temps, non nul, à cette pierre pour se déplacer sur cette distance. Ensuite, il lui reste encore quatre mètres à parcourir, dont elle accomplit d’abord la moitié, deux mètres, ce qui lui prend un certain temps. Puis la pierre avance d’un mètre de plus, progresse après d’un demi-mètre et encore d’un quart, et ainsi de suite ad infinitum et à chaque fois avec un temps non nul. Zénon en conclut que la pierre ne pourra pas frapper l’arbre, puisqu’il faudrait pour cela que soit franchie effectivement une série infinie d’étapes, ce qui est impossible. »

    Le paradoxe a paru se résoudre en soutenant que le mouvement est continu ; le fait qu’il soit divisible à l’infini ne le rendait pas impossible pour autant, à condition... qu’on puisse réellement diviser la réalité à l’infini. De plus, en analyse moderne, le paradoxe semblait résolu en utilisant fondamentalement le fait qu’une série infinie de nombres strictement positifs peut converger vers un résultat fini.

    Mais, avec la physique quantique, il s’avère qu’on ne peut pas diviser quoi que ce soit de réel à l’infini…
    Avec la physique de l’émergence, de l’auto-organisation, il s’avère que, quand on descend d’un degré dans l’échelle hiérarchique du réel, on n’a pas le même monde en plus petit mais on change d’univers…

    La physique du chaos déterministe démontre que des très petits changements dans une dynamique non-linéaire peuvent entraîner une bifurcation complète de la dynamique…

    Du coup, les paradoxes de Zénon reprennent toute leur vitalité.

  • Le physicien Louis De Broglie réactualise le paradoxe de Zénon :

    « Dans le macroscopique, Zénon paraît avoir tort, poussant trop loin les exigences d’une critique trop aiguë, mais dans le microscopique, à l’échelle des atomes, sa perspicacité triomphe et la flèche, si elle est animée d’un mouvement bien défini, ne peut être en aucun point de sa trajectoire. Or, c’est le microscopique qui est la réalité profonde, car il sous-tend le macroscopique. »

  • On croit souvent que ces paradoxes ne visent qu’à prouver que le mouvement n’existe pas. Il faut en fait les replacer dans une perspective beaucoup plus large, celle de la pensée éléate de l’« infini » ou de l’« illimité ».

    Les paradoxes de Zénon sont présentés et commentés dans la Physique d’Aristote (VI,IX).

    Paradoxe de la dichotomie

    Un mobile pour aller de A en C doit d’abord arriver en B, qui se trouve entre A et C. Mais avant d’arriver en B, il doit d’abord arriver en B’ situé entre A et B, et ainsi de suite... In fine, le mobile ne pourra donc pas arriver en C au bout d’un temps fini.

    Paradoxe d’Achille et de la tortue

    Si Achille situé en O poursuit une tortue qui se trouve en A. Le temps qu’il arrive en A, la tortue sera en B. Achille devra donc ensuite aller en B. Mais alors la tortue sera en C, et ainsi de suite. Achille pourra se rapprocher sans cesse de la tortue, mais il ne pourra jamais la rattraper.

    Paradoxe de la flèche

    Une flèche qui vole est en fait immobile. En effet, à chaque instant, elle est dans un espace égal à elle-même. Elle est donc à chaque instant au repos. Si on décompose le mouvement en une suite d’instants, elle ne peut donc pas se mouvoir, puisqu’elle est constamment au repos.

    Paradoxe du Stade (ou des rangées en mouvement)

    Un train (succession de masses égales) croise sur un stade un train qui va en sens inverse et un train immobile. Dans le même temps où il parcourt deux wagons du train immobile, il croise quatre wagons du train allant en sens contraire. Donc le train a parcouru dans le même temps deux distances différentes. On peut aussi dire que la moitié d’une durée est égale à cette durée puisqu’il faut le même temps pour parcourir deux wagons que pour en parcourir quatre.

    Paradoxe des grains de mil (rapporté par Simplicius)

    Si un boisseau de mil fait du bruit en tombant sur le sol, de même un seul grain devrait faire du bruit, et même un dix-millième de grain, mais ce n’est pas le cas.

  • G.W.F. Hegel dans « Philosophie de la nature » (Encyclopédie des sciences philosophiques) :

    « Dans le mouvement, l’espace se pose temporellement et le temps spatialement, le mouvement tombe dans l’antinomie de Zénon, qui est insoluble si les lieux sont « isolés » comme des points spatiaux et les moments des temps comme des points temporels, et la solution de l’antinomie, c’est-à-dire le mouvement, n’est à saisir que comme telle… que le corps qui se meut, en même temps est et n’est pas dans le même lieu, c’est-à-dire est en même temps dans un autre lieu, et que, tout aussi bien, le même point temporel, en même temps, est et n’est pas, c’est-à-dire est en même temps un autre point. »

  • Rappelons la perplexité de Galilée face au concept de "vitesse instantanée" ?

    Zénon d’Elée, bien avant lui, avait déjà noté le paradoxe : pour qu’il y ait vitesse, il faut qu’il y ait déplacement ; or, en un instant, il n’y a aucun déplacement. Donc... pas de vitesse.

    Comment une flèche lancée par un arc peut-elle alors fendre l’air ?

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