....... DE l’UNIVERS AU SYSTEME NERVEUX ......
Mots-clefs :
dialectique –
discontinuité –
physique quantique – relativité –
chaos déterministe –
non-linéarité –
émergence –
inhibition –
boucle de rétroaction –
contradictions –
crise –
transition de phase –
auto-organisation – vide -
Blanqui -
Lénine - Rosa Luxemburg –
Trotsky –
Prigogine -
Barta - la révolution - l’anarchisme
SITE : Matière et révolution
Pourquoi ce site mêle révolution, sciences, philosophie et politique ?
A lire :
Des sauts qualitatifs dans la nature ?
Pour nous écrire, cliquez sur Répondre à cet article
« Ce qui se meut, c’est la contradiction. (...) C’est uniquement parce que le concret se suicide qu’il est ce qui se meut. »
G.W.F Hegel
dans sa préface à la « Phénoménologie de l’esprit »
« Grâce à l’impulsion puissante donnée à la pensée par la révolution française, Hegel a anticipé en philosophie le mouvement général de la science. Mais précisément parce qu’il s’agissait d’une géniale anticipation, elle a pris chez Hegel un caractère idéaliste. Hegel opérait sur des ombres idéologiques, comme si elles étaient la réalité suprême. Marx a montré que le mouvement des ombres idéologiques ne fait que refléter le mouvement des corps matériels. «
Léon Trotsky
dans « Défense du marxisme »
Engels écrivait dans l’« Anti-Dühring » : « La nature est le banc d’essai de la dialectique et nous devons dire à l’honneur de la science moderne de la nature qu’elle a fourni pour ce banc d’essai une riche moisson de faits qui s’accroît tous les jours. » C’est ce mouvement sans cesse renouvelé, ce dialogue contradictoire permanent entre nature et philosophie, qui permet que la pensée sur le monde, à la fois matérialiste et dialectique, reste dynamique et proche de la réalité sans s’enliser dans une espèce de métaphysique. Lorsqu’à nouveau, la science fournit cette « riche moisson », il est nécessaire de recommencer à y plonger notre philosophie, c’est-à-dire d’enrichir la conception dialectique et matérialiste d’exemples tirés des sciences contemporaines pour en tirer de nouvelles analyses. Qu’y a-t-il de fondamentalement nouveau en sciences, peut se demander le lecteur assidu des revues scientifiques qui constate bien des progrès mais peu d’idées vraiment nouvelles par leur contenu fondamental, peu de nouvelles conceptions philosophiques. Nous allons tenter de montrer que les représentations novatrices sont bel et bien là, même si les revues donnent plus volontiers la place au caractère technique des découvertes qu’au changement conceptuel qu’elles représentent.
La littérature spécialisée en philo/sciences a surtout choisi de retenir au plan philosophique que la physique quantique et la relativité semblaient indiquer une limite à l’Homme dans sa capacité de connaître le monde. On a même parlé d’indéterminisme à ce propos. Avec le quanta, la connaissance sur la matière/lumière avait soi-disant atteint une frontière. On ne pouvait descendre en dessous de cette limite dans notre connaissance. Mais ce n’est pas ainsi que la physique quantique parle : elle affirme que la nature ne descend pas en dessous du quanta en termes d’objet, de mouvement, d’interaction, de précision. Et aussi que les quantités ne peuvent être que des multiples d’un quanta, donc des nombres entiers. Ce n’est pas la même chose du tout. Mais ceci ne concerne que la matière/lumière. Reste la question : le vide contient-il des éléments qui descendent en dessous du quanta ? En effet, on a découvert la structure du vide et cela change fondamentalement nos idées en la … matière. Le vide n’est plus l’opposé de la matière et de la lumière mais une matière fugitive, dite virtuelle, qui fait le lien entre matière et lumière, qui explique l’existence même de la matière, de sa durabilité. C’est le vide qui produit la lumière et la matière, sous leurs diverses formes. Du coup, le monde de la matière n’est plus limité par les inégalités d’Heisenberg, ces fameuses limitations dues aux quanta. Dans le vide, il existe une « matière » qui descend d’un niveau d’organisation en dessous, et même plusieurs sortes de matière qui descendent de plusieurs niveaux d’organisation, puisque qu’existe le virtuel de virtuel, etc… Le vide se matérialise donc. Et nous verrons, inversement, que la matière se bâtit à partir du vide. Enfin, le passé pénètre le présent. On savait qu’on allait vers le passé en portant notre regard dans les étoiles et galaxies lointaines. On sait maintenant qu’en entrant dans les échelles inférieures, on va également vers le passé. Dans le vide, en l’absence de matière, il n’y a même plus de directivité du temps. Passé et présent, matière et vide sont donc interpénétrés à l’infini. La flèche du temps est bien un phénomène émergent issu d’un grand nombre d’interactions de la matière et du vide. La matière est issue du vide mais, en même temps, elle en est la négation. De même que le vide est la négation du virtuel de virtuel.
Cette interpénétration des contraires et cette émergence des structures issues de leurs interactions, on les retrouve ici comme on les a trouvés dans l’étude de la vie et de la mort, dans le combat permanent des gènes et des protéines de la vie et de celles de la mort. Nos images de la matière et de la vie, et même de l’homme, sont profondément changées. Notre philosophie aurait également besoin de l’être, mais ce n’est pas dans ce domaine que les idées avancent le plus vite, la société restant, à juste titre, craintive des effets qu’une philosophie du changement pourrait produire. En ce sens, il ne faut pas attendre des seuls progrès des sciences un changement des mentalités. A ce niveau aussi, ce sont les contradictions qui progressent et non le progrès qui augmente harmonieusement dans tous les domaines (science, technique, société, idéologie). L’ordre social dominant a besoin d’une philosophie de l’ordre. Ce n’est pas pour satisfaire à un point de vue sur les sciences et la nature mais pour défendre sa position dirigeante menacée par d’autres contradictions. Le maintien de l’oppression sur des milliards d’individus sur la planète nécessite une idéologie de la fatalité, de la passivité, le mythe d’un pouvoir supérieur s’imposant aux hommes et justifiant les souffrances de ceux-ci. Si l’étude des sciences est une arme pour ceux qui veulent construire une pensée révolutionnaire, elle ne peut suppléer aux idées révolutionnaires ni à la révolution sociale elle-même. Il ne s’agir pas de demander aux scientifiques, aux économistes, aux historiens, ni aux philosophes de devenir des révolutionnaires. La plupart ne le veulent pas et ce n’est pas étonnant. Par contre, nous réaffirmons la nécessité, pour ceux qui veulent comprendre le monde afin de le changer, d’appréhender la philosophie du changement, la dialectique. Les résultats récents des sciences peuvent, pour cela, être d’une aide fondamentale. Un rapide tour d’horizon de ces changements conceptuels réalisé dans ce chapitre sera suivi d’un examen domaine par domaine.
On a bien remarqué un progrès régulier des sciences et plus encore des techniques mais de là à parler de nouvelles découvertes fondamentales. Quelles sont ces innovations conceptuelles de la deuxième moitié du 20e siècle qui auraient marqué le développement des sciences, au point de mériter le terme de révolution scientifique et de nous amener à devoir modifier notre pensée sur le monde ?
L’univers est entré dans l’Histoire [1]. Particules, rayonnement, matière inerte et vivante ou société humaine sont des produits pleinement historiques. C’est une révolution conceptuelle semblable, pour la matière, à celle de la théorie de Darwin de l’évolution, pour les espèces. Il y a désormais une théorie de l’évolution de la matière qui emploie des notions « historiques » : celle d’événement, de tournant de l’histoire, de transformation historique dans laquelle rien ne sera plus jamais comme avant. La matière est devenue phénomène historique grâce à divers développements : étude de l’instabilité de la matière (radioactivité, particules fugitives, ...), étude de l’histoire de l’univers, formation des particules et des divers éléments chimiques au différents stades (de l’étoile, des supernovae, des étoiles à neutron, évolution historique des galaxies, étapes de la formation de l’univers) [2]. Les particules sont le produit d’une histoire passée par plusieurs étapes qui ont été des transitions de phase, c’est-à-dire des changements qualitatifs et rupture de symétrie aux divers changements de phases des étapes historiques de la matière. Les éléments chimiques sont le produit de l’évolution historique des étoiles. Multiples liens de la microphysique à l’astrophysique (étude des rayonnements gamma, des neutrinos, etc...). Pendant que l’astrophysique résout la question de l’origine des diverses sortes d’atomes, la physique nucléaire réalise la transmutation entre ces divers éléments, la radioactivité dévoile l’instabilité profonde de la matière. Big Bang ou pas, nous savons maintenant que matière et rayonnement n’ont pas toujours existé tels que nous les connaissons. Il en va de même pour la terre, pour les océans, pour les roches ou pour la vie. Aucune galaxie, aucune étoile, aucune particule, aucune espèce vivante n’est immortelle. La vie a connu de grands sauts comme le passage de la vie sans oxygène à la vie fondée sur l’oxygène, de la vie unicellulaire à la vie pluricellulaire, et les grandes explosions de diversité comme celles d’Ediacara et Burgess.
L’étude de la matière dans ses états instables a commencé à livrer ses secrets : découverte des systèmes dissipatifs qui peuvent mener à un ordre fondé sur le désordre [3], développement de la physique non-linéaire dans laquelle il y a création spontanée de nouveauté. Le chaos déterministe donne des exemples de dynamiques obéissant à des lois malgré une apparence de développement semblable au hasard. Les passages de l’ordre au désordre et inversement sont concevables dans une même physique. On étudie des états de relation molle de la matière (savons, flocons, état granulaire, relations lâches des macromolécules de la vie, ...) et des états concentrés ou très cohérents (plasmas, supraconductivité, superfluidité). L’image des structures possibles de la matière en est changée. Le possible devient tout autre que les anciens « trois états » (gaz, liquide, solide) qui n’étaient étudiés qu’à l’équilibre.
Nouvelle physique des transitions de phase [4] ou états critiques [5] . Une théorie des sauts dans la nature est maintenant développée : la renormalisation, qui apparaissait d’abord comme une astuce de calcul, révèle la structure du réel. Elle est fondée sur une symétrie brisée, dans laquelle la contradiction est tantôt apparente et tantôt cachée.
Renoncement complet à l’ancienne métaphysique de la force [6] et de l’objet fixe, immuable [7], immobile, insécable et son remplacement par les notions d’interaction et de symétrie (changement de phase correspondant à une symétrie brisée). Multiplication du nombre des états de la matière (flocon, grain, matière molle, plasma, supra, etc) avec à chaque fois des transitions de phase c’est-à-dire des sauts qualitatifs. Remplacement de la notion de position et de trajectoire par celle de probabilité en microphysique.
Nouvelle description de la matière et du rayonnement. Elle rompt avec le renoncement à toute description qui caractérisait l’ancienne physique quantique. L’élémentarité est celle de l’action et pas de la masse de la particule. Le réel étudié est l’interaction [8] et pas l’objet. Explosion de la notion d’élémentarité des particules [9] sous plusieurs coups qui sont de grandes découvertes : structure du noyau de l’atome et du proton, habillage de l’électron par le « nuage de polarisation », découverte de l’énergie du vide qui pénètre la matière et est pénétré par elle, caractère fractal (série d’interaction à divers niveaux emboîtés) des interactions entre particules de matière et de rayonnement. Renoncement à la notion de séparabilité entre la particule et le milieu et entre deux particules qui interagissent.
Découverte de la base de la matière et du rayonnement dans ... le vide quantique [10]. Le vide n’est pas dépourvu d’énergie, il est instable et ses fluctuations [11] sont fondées sur des couples de particules et d’antiparticules éphémères. La particule interagit avec le vide qui modifie son mouvement et sa structure (écrantage de l’électron et anti-écrantage du gluon). Développement de la notion d’antimatière qui baigne tout, le vide, les interactions et les particules « élémentaires » elles-mêmes. Réactions matière/antimatière [12], création et annihilation de particules et d’antiparticules, mettent en évidence non seulement l’unité profonde de la matière et du rayonnement mais montrent aussi que le rayonnement est une synthèse des contraires : matière et antimatière. Le vide pourrait donner une description en termes réels de la matière et du rayonnement, permettant à la physique quantique de résoudre ses paradoxes. [13] Auquel cas, on arriverait à la situation paradoxale suivante : les « objets » réels seraient les particules et photons dits virtuels [14] du vide et notre univers (matière et lumière) ne serait qu’une structuration de ce vide, c’est-à-dire une interaction entre structure et désordre au sein d’une soupe originelle instable (le vide quantique). Ce serait encore un système qui se structure parce qu’il est situé loin de l’équilibre. Cela expliquerait que l’univers matériel se soit structuré, ait gagné sans cesse en ordre. Cela mènerait à un dépassement complet des paradoxes de la physique quantique et en particulier au renoncement à imager le réel, c’est-à-dire à produire un texte qui décrive l’histoire, ce qui s’est passé dans le phénomène. [15]
Une nouvelle thermodynamique [16] étudie les états hors équilibre et qui dissipent de l’énergie. Elle démontre qu’ils n’obéissent plus à la deuxième loi de la thermodynamique (augmentation de l’entropie, c’est-à-dire du désordre). L’évolution qu’on croyait inévitable vers la perte de qualité de l’ordre n’est plus réalisée que globalement. Cette découverte ouvre une porte dans le mur qui séparait matière inerte et matière vivante et qui sépare matière et ... vide. D’où un nouveau domaine d’étude : celui des structures auto-organisées (domaine qui touche à tous les secteurs des sciences).
Les structures fractales, développées notamment par Mandelbrot, sont découvertes dans de multiples domaines qu’on retrouve dans les transitions de phase (entre deux états de la matière), dans les états feuilletés, dans les trajectoires des systèmes chaotiques (attracteur étrange [17]), dans de nombreuses formes naturelles (arborescences, côtes maritimes, poumons, neurones, etc) et qui donnent une nouvelle image du réel qui n’est plus linéaire, lisse, continu et sans aspérité. L’image de la matière n’est plus celle de la particule-boule ou de la surface d’eau plane.
Vérification expérimentale de l’unité matière/énergie (unité qui n’empêche pas le maintien de la contradiction puisque la matière structure, sépare, mobilise et donc paralyse l’énergie). Développement des nouvelles technologies permettant de pénétrer de plus en plus profond la matière (microscope laser, à effet tunnel, accélérateurs de particules, etc...). La matière la plus infime et la plus fugitive devient objet d’expériences. Multiplication des techniques utilisant les ordinateurs pour simuler des évolutions dynamiques ou construire des images virtuelles. Elles convertissent sans cesse l’un dans l’autre matière et énergie dans les collisions de particules à hautes énergies comme dans les centrales nucléaires. Le processus d’échange entre matière et énergie dans les étoiles devient à la portée de l’expérience humaine.
Révolution de la génétique. L’ADN n’est plus le seul élément central du vivant. L’action pathogène des prions le montre notamment. Les protéines se révèlent également porteuses d’hérédité. Elles sont chargées de réguler le fonctionnement et notamment servent à trier les molécules produites et donc la nouveauté (protéines HSP). Elles sont l’élément dynamique du mécanisme puisque leur action provoque, catalyse ou inhibe l’action des gênes, incapables de démarrer et de s’arrêter seuls. L’action d’un gène est fondée sur l’inhibition de l’inhibiteur. Les interactions gènes/protéines via l’ARN régulent la dynamique fondée sur des rétroactions auto-organisées. Du coup, on sait déjà que le décryptage du génome ne suffira pas du tout à expliciter le mécanisme génétique qui est dynamique.
Développement de l’étude de l’apoptose ou suicide cellulaire qui permet à la matière vivante de s’auto-organiser, de sélectionner, de communiquer et de construire des grandes structures comme la physiologie du corps, choisir le sexe, etc... Au sein de la cellule « vivante », la vie est en permanence en lutte avec la mort selon un ballet impressionnant de divers gènes et protéines.
La biologie moléculaire donne la base physico-chimique du fonctionnement du vivant avec la découverte des messages inter-cellulaires (hormones, neurotransmetteurs, influx électrique).
Découverte du mécanisme d’action des gênes : par inhibition de l’inhibition et utilisation de ce mécanisme pour de nombreuses thérapies, cancers, réparation de la moelle épinière.. Il n’y a pas de pilote du mécanisme génétique, pas plus de la réplication que de la multiplication ou de la régulation. Il n’y a pas de plan préétabli. Ce sont les hasards des messages et des échanges moléculaires qui établissent le fonctionnement. La génétique n’est pas fondée sur la fixité car le changement existe à tous les niveaux (gênes sauteurs, modifications de la réplication, virus, etc ...) Stress climatique ou chimique entraînant une levée des protections génétiques sur des protéines non voulues. Une nouvelle image naît concernant l’évolution : notre structure génétique permet de produire d’autres molécules que celles de notre espèce et elles sont détruites en temps normal, sauf situation exceptionnelle...
L’embryologie est devenue une science et, en particulier, avec la découverte du fonctionnement des gênes homéotiques, elle donne le mécanisme de construction de l’être vivant par segments entiers et dévoile la profonde unité du vivant car les gênes homéotiques d’une espèce sont reconnus par une autre espèce et actifs sur elle. Un gène maître de l’oeil de fourmi inoculé dans une souris fonctionne et donne un nouvel oeil de souris. [18]
Découverte de la biologie du cerveau. L’image d’un cerveau dont la structure est préprogrammée est remplacée par celle d’un centre nerveux qui s’auto-structure via des destructions massives de neurones. Démonstration du lien entre chimie du corps et du cerveau, entre chimie des neurotransmetteurs et transmission nerveuse, entre transmission nerveuse et émotions, entre émotions et pensée. Un ensemble de recherches qui rompt la séparation que l’on établissait entre corps et esprit. La base de la pensée n’est ni un neurone, ni une zone ni un message mais une auto-structuration des boucles de rétroaction entre neurones. Découverte du caractère non-linéaire des évolutions mentales et de la biologie du cerveau, non-linéarité qui permet la construction de structures des interactions. Le cerveau est le régime le plus instable du corps humain : un peu de stabilité et c’est la crise d’épilepsie !
Etude des horloges biologiques qui rythment le vivant par leurs interactions. Ces horloges ne sont pas périodiques mais chaotiques et constituent des structures interactives. Notamment étude du cœur et du cerveau.
Découverte des équilibres « ponctués » [19] en théorie de l’évolution (notamment par Stephen Jay Gould). De longue phases d’équilibres sont ponctuées (épisode relativement court) de phases de changement radical. L’évolution est spontanée, non guidée, non-linéaire, imprédictible et sans objectif. Le continu se mêle au discontinu, les évolutions progressives aux changements qualitatifs. Des adaptations se mêlent aux évolutions contingentes. La nature bricole en prenant un peu d’une époque et un peu d’une autre. Des millions d’années d’immobilité ou de changements faibles sont suivis de changements radicaux sur quelques centaines ou dizaines de millions d’années. Notamment étude des catastrophes, des disparitions massives qui ouvrent de nouvelles perspectives à des espèces survivantes et à leur évolution.
Nouvelle vision de l’évolution de l’homme fondée sur la notion de retardement de l’horloge d’un chimpanzé (néoténie). Les horloges biologiques sont de mieux en mieux connues. Leur modification a une action directe sur le développement donc sur l’action des gènes homéotiques qui produisent la physiologie. Il n’y a pas eu un mais plusieurs sauts dans les révolutions de l’hominisation. Il n’y a pas un critère mais plusieurs des changements brutaux menant à l’homme actuel. Il n’y a pas de séparation spéciale entre l’homme et l’animal spécifiquement différente des séparations entre un animal et ses cousins dans l’évolution.
La technologie transforme des théories en sciences. De nombreux domaines sont passés de la théorie, ou de la simple hypothèse, à la réalisation. C’est le cas en ce qui concerne le fonctionnement du vivant, de la génétique et de l’évolution. Développement exceptionnel des biotechnologies qui font de l’évolution une science puisque sont possibles des expériences de laboratoire. Des modifications génétiques deviennent possibles selon plusieurs schémas, permettant une nouvelle sélection artificielle du vivant et une lutte contre les maladies génétiques. En laboratoire, on peut observer des particules de matière mais aussi des grains éphémères, et même de l’anti-matière (anti-électron, anti-proton et même assemblage pour constituer un anti-monde). La simulation informatique et l’imagerie assistée par ordinateur permettent de donner une ampleur considérable et des moyens mathématiques aux « expériences de pensée ». On visualise par effet tunnel et informatique les particules, les molécules, les structures atomiques.
La terre, son relief comme son climat comme sa vie ou son magnétisme sont des phénomènes historiques. Même le rayon terrestre semble être l’objet de phases d’expansion, l’écorce bouge, les roches naissent et meurent de même que les mers. La dynamique des climats (étude des interactions atmosphère/océans, étude des anticyclones polaires, dynamique chaotique du climat) donne aussi une image nouvelle, à la fois historique, instable, non-périodique, fondant des structures globalement stables pendant des périodes de longue durée. Le climat obéit à des lois qui convergent vers des systèmes climatiques mais c’est un système instable et sensible aux conditions initiales. La dynamique de la terre évolue également avec notamment la tectonique des plaques, la sismologie, la radioactivité du noyau terrestre, l’étude des autres planètes. Là aussi, on est de plus en plus loin de l’ancienne image d’une terre stable, immuable. Nouvelles études et conceptions également sur la stabilité du système solaire, un thème qui est premier dans les études scientifiques et qui continue d’offrir des nouveautés étonnantes. On découvre notamment de multiples systèmes solaires dans l’univers, de nombreuses planètes autour d’autres étoiles que le soleil qui répondent ainsi à de nombreux débats philosophiques du passé.
Et ne sont citées ici que certaines découvertes importantes de quelques domaines !
A ces découvertes se rattachent les travaux de scientifiques (liste non exclusive là aussi) :
Feynman pour l’électrodynamique quantique
Gell-Mann pour les quarks
Schatzmann en astrophysique
Prigogine pour les systèmes dissipatifs capables de s’auto-structurer
Lévy-Leblond en physique quantique
Diner sur la physique quantique, la non-linéarité et sur le vide
Ameisen pour l’apoptose des cellules et la défense de l’immunité du vivant
Gehring pour les gênes homéotiques
Changeux et Edelman pour la biologie du cerveau
Atlan en biologie
Gould pour la théorie de l’évolution et l’hominisation
Chaline pour l’évolution de l’homme
Schatzmann pour l’astrophysique
Lorentz pour la dynamique du climat
Laskar pour la stabilité du système solaire
Wilson pour la renormalisation des lois physiques
etc, etc...
De ces recherches récentes, il ressort l’image d’une nature ayant un caractère historique, qui change lors d’événements, dans laquelle il n’y a pas de structure préétablie mais se constituant au fur et à mesure du développement historique de façon à la fois hasardeuse et obéissant à des lois.
A nouveau la science renverse des conceptions réputées pour acquises :
Renoncement complet au point de vue fixiste, d’Aristote [20] à Newton [21], à la notion de matière élémentaire éternelle, immuable [22] et insécable. La physique n’est pas la mise en mouvement d’objets fixes et figés. La dynamique n’est pas une mise en mouvement d’objets fixes. Le temps n’est pas une succession linéaire d’instants ponctuels dont le déroulement serait prédéfini comme le serait l’espace. Le réel ne se déroule pas comme un film, comme une suite d’images fixes. Le paradoxe de Zénon [23] avait un sens : le mouvement ne peut être une succession infinie de fractions d’instants sans mouvement et sans modification de l’objet. De même, la vie n’est pas une succession d’instants morts. Le monde n’est pas fondé sur des propriétés ou des états diamétralement opposés car les opposés coexistent, se structurent. Les contraires s’assemblent, rendant momentanément transparente leur opposition. Désordre n’est plus antinomique de structure, ni instabilité antinomique de durabilité de structure, ni création antinomique de lois, ni déterministe antinomique de discontinuité [24].
Plus de barrière infranchissable et absolue entre des domaines autrefois cloisonnés : entre l’astrophysique et la microphysique, entre thermodynamique du vivant et de l’inerte, entre interactions forte, faible et électromagnétique, entre masse et énergie, entre masse, espace et temps, entre corpuscule et onde, entre matière et vide, entre particule et rayonnement, entre physico-chimie et biologie, entre génétique et développement, entre développement de l’être vivant et évolution, entre biologie et fonctionnement du cerveau entre psychologie et physiologie, entre sentiments et intelligence, entre l’homme et l’animal [25], entre états de la matière [26], entre vivant et inerte [27], entre la vie et la mort [28].
Pour les systèmes dissipatifs [29] (et donc non isolés), la deuxième loi de la thermodynamique imposant la voie vers l’accroissement du désordre. n’est plus une barrière infranchissable. Ils n’évoluent plus fatalement vers la perte de structure et peuvent même au contraire gagner en ordre. Il en résulte une dynamique non-linéaire dans laquelle la « sensibilité aux conditions initiales » entraîne un nouveau type de déterminisme et dans laquelle les lois n’entraînent pas nécessairement la prédictibilité Et également une nouvelle conception de la causalité. La ligne causale linéaire est remplacée par une arborescence vers le haut comme vers le bas. Les possibles peuvent être nombreux même s’il y a des lois. Le choc de deux particules peut donner plusieurs décompositions différentes. Il n’y a plus une seule évolution ni une trajectoire. La théorie du chaos déterministe (à la fois des lois et une apparence de désordre et de contingence) concerne de multiples domaines des sciences. L’apport essentiel est de concevoir une dynamique dans laquelle est intégrée une phase apparemment stable suivie d’une phase d’apparent désordre (multiples états possibles) et suivie enfin d’une nouvel état apparemment stable. Cette théorie est fondée d’une part sur des études du réel comme celui de circuits électriques chaotiques et d’autre part sur des études mathématiques comme celles de Feigenbaum qui permettent de visualiser comment un système peut connaître de courtes phases de désordre introduisant un nouvel ordre. Ces phases permettent à un système déterministe d’explorer de multiples états possibles.
Suppression de la barrière formelle entre matière, rayonnement et énergie. [30] On croyait, jusqu’à récemment, à l’adage de Lavoisier selon lequel la matière ne disparaît ni n’apparaît jamais : « rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme. » On a commencé par le modifier en disant, avec Einstein, que c’est le couple matière-énergie qui se conserve. Il a pourtant fallu reconnaître que, dans des temps très courts, il y a dans le vide matérialisation et dématérialisation de l’énergie. Matière et énergie semblent deux phénomènes symétriques (donc qui s’opposent et se composent), nés en même temps en se séparant au sein du vide quantique (idée qui remplace la notion un peu enfantine d’explosion primitive, d’un grand « bang »).
Renoncement à l’idée que la nature est fondée sur l’équilibre. La notion de système isolé à l’équilibre est purement théorique. La matière est l’objet de mouvements et de changements incessants [31]. Dans la matière inerte, les particules elles-mêmes sont l’objet de mouvements continuels : mouvement brownien des molécules, échange de grains de liaison entre particules (photons, gluons par exemple), changement d’états permanent de toutes les particules. L’électron, lui-même, qui est sujet en permanence à des absorptions ou à des émissions spontanées de photons, ne peut être conçu comme un objet indépendant en équilibre stable. Loin de chercher l’immuable et l’insécable, la physique est amenée à reconnaître que l’existence même d’un seul élément naturel qui serait stable et immuable n’est plus concevable. En effet, ses échanges avec le reste de l’univers seraient impossibles ou le feraient exploser. Même le vide est en instabilité permanente avec des fluctuations d’énergie et émergence puis disparition de couples particule/antiparticule. Dans le domaine du vivant, la vie c’est le déséquilibre. L’équilibre c’est la maladie ou la mort (déséquilibre permanent des messages de vie et de mort au sein de la cellule, message électrique trop stable provoquant dans le cœur une fibrillation ventriculaire et dans le cerveau une épilepsie).
La conception historique de la matière vivante comme inerte signifie qu’il n’y a rien d’immuable, que toute structure est née avec en son sein des contradictions et qu’elle mourra, qu’il y a des lois mais aussi du bricolage (faire du neuf avec du vieux). Il y a des événements : seuil à partir duquel de nouvelles lois apparaissent. Non pas des évolutions linéaires mais arborescentes [32] (forme buissonnante en avant comme en arrière).
Renoncement à l’immuabilité des particules à leur caractère de masse compacte et à leur élémentarité, en contradiction avec les idées de Newton. Même pour le proton, il n’y a pas d’élémentarité car il est constitué de quarks agglomérés par la « colle » des gluons (que l’on est parvenu à mettre en évidence expérimentalement malgré leur incapacité à exister isolément). De plus, on a prouvé que la stabilité globale du proton est une dynamique entre divers états possibles assimilables aux diverses vibrations d’une note de musique. Ces états (ressemblants à des harmoniques) correspondent au nombre de couples particule/antiparticule qui entrent dans le proton. L’électron lui-même n’est sans doute pas élémentaire. Il n’est plus une particule isolée, séparée de son milieu puisqu’il est sans cesse entouré par un nuage de couples électron/positon. L’élémentarité n’est plus une thèse défendable car toutes les particules se décomposent en d’autres particules qui ne sont pas des parties des premières. Dans les interactions entre particules qu’on disait élémentaires, le nombre de particules n’est même pas conservé.
Plus de réductionnisme de l’ADN. La vie n’est pas l’action d’une macromolécule immuable et agissant uniquement par ses propres propriétés internes. Renoncement à l’idée que l’ADN caractérise l’espèce, le matériel génétique étant entièrement propre à chaque espèce : la macromolécule comme les protéines ont des parties communes avec les autres êtres vivants. L’ADN est porteur de nombre de gènes désactivés qui permettraient, activés, de produire une autre espèce. Donc l’étude génétique met en valeur l’importance de la dynamique qui active les gènes : les protéines et gènes activateurs et inhibiteurs ainsi que catalyseurs. D’autre part, sont compatibles avec notre bagage génétique bien des molécules fonctionnant sur d’autres êtres vivants. Ainsi peuvent intervenir sur le développement d’un être humain non seulement des gênes homéotiques de souris mais aussi de fourmi et même de ... levure de boulanger ! Si cela ce n’est pas une révolution conceptuelle !
Le vitalisme est définitivement anéanti [33] : plus question de chercher une qualité intrinsèque du vivant qui le distingue de l’inerte : ce sont des lois de la physico-chimie qui gouvernent tous les mécanismes de la vie, que ce soit ceux de la génétique ou du développement.
Renoncement à la notion de programme préétabli dans le vivant remplacée par celle de structure émergente [34]. Des systèmes aussi sophistiqués que le maillage du cerveau ou le système immunologique ont été explicités dans leur ensemble. Loin d’être fondés sur un plan dessiné à l’avance, ils sont fondés sur un mécanisme de construction au hasard du maximum possible suivant les cas de liaisons, d’anti-corps ou de cellules et ensuite par la suppression lors de la mise en fonction de ceux qui ne conviennent pas, ne sont pas connectés, ne se lient pas assez ou trop à nos molécules ou à nos bactéries. La vie ne produit pas le matériel moléculaire ou cellulaire nécessaire. Elle en produit des millions de fois plus, en sortes et en quantités, et elle élimine. Cela donne un rôle central aux procédures d’élimination qui dirigent la mise en place des structures. C’est une image totalement différente de celle que l’on avait du mécanisme du vivant.
Renoncement à l’idée de progression linéaire du vivant et à la simplification du processus par la notion d’adaptation et de progrès dans la théorie de l’évolution [35], même si elle est encore diffusée par certains scientifiques. Il n’y a pas d’orientation de l’évolution vers le progrès et pas non plus d’évolution de l’homme guidée vers le gros cerveau. Plus question non plus de finalisme dans le vivant : pas de préméditation ni d’intention, pas de principe directeur, pas de sens de l’évolution, pas de progrès, etc... Toutes les expressions animistes décrivant les processus sont de simples facilités de langage du vulgarisateur.
Renoncement à la séparation du corps et de l’esprit du fait de l’étude du développement du cerveau et du fonctionnement du réseau neuronal.
Non seulement nous explorons les confins de notre univers mais nous commençons à concevoir d’autres univers-iles que le nôtre. Et nous commençons aussi à concevoir que d’autres univers de la matière existent (en dessous des dimensions en espace-temps et au dessus en énergie qui nous paraissaient des limites). C’est ainsi que les nouvelles sciences ont repoussé considérablement les frontières de l’univers. Nous apprenons ainsi qu’il nous reste 99% de l’énergie de notre univers à découvrir ... Des révolutions ont lieu ici aussi équivalente à la découverte de l’espace à l’aide de la lunette de Galilée et à la découverte des êtres vivants microscopiques.
Les oppositions diamétrales ont laissé place à une dynamique fondée sur des contradictions sans disjonction : à la fois continu et discontinu, à la fois stable et instable, à la fois au hasard et déterministe, à la fois structuré et désordonné, façonné à la fois par la vie et la mort... Le monde fondé sur une brique immuable était un idéal de la science passée qui est révolu. Aujourd’hui on sait que si une seule particule microscopique était immuable, son interaction avec le reste du monde le ferait exploser. Tout bouge, tout change, tout évolue, tout interagit, rien n’est isolé, stable ou immuable.
En somme des changements qui auraient eu toutes les raisons d’interpeller les philosophes comme tous ceux pour qui la compréhension du monde ne se découpe pas en tranches.
Pourtant les milieux intellectuels ne se sont pas saisis de cette nouveauté des sciences autant que l’on pouvait s’y attendre. Comme le remarque le physicien Etienne Klein dans « Conversation avec le sphinx », « On peut déplorer que la philosophie ne s’intéresse pas suffisamment à ses avancées (de la science) et perde du même coup le contact avec un pan entier de la connaissance contemporaine. L’indifférence mutuelle a créé un clivage. Beaucoup de scientifiques, et en particulier des physiciens, ne s’intéressent pas assez au discours métascientifique (...) comme si la science ne méritait pas d’être pensée finement et dans sa totalité. Les philosophes, eux, n’ont sans doute pas tous porté assez d’attention aux bouleversements de la science qui se sont produits sous leurs yeux, comme si un changement de point de vue sur la nature du réel pouvait rester sans écho dans leur discipline. »
Seuls certains scientifiques et philosophes, plutôt isolés, font exception comme le géologue et paléontologue Stephen Jay Gould, ou encore la philosophe Isabelle Stengers et le physicien Ilya Prigogine, qui ont reconnu dans les découvertes récentes les prémices d’une véritable révolution conceptuelle en sciences et en philosophie. Ces scientifiques considèrent en effet que c’est sur le plan conceptuel, sinon philosophique, que la science doit maintenant réaliser la révolution qui lui est nécessaire.
John Maddox affirme ainsi dans « Ce qu’il reste à découvrir », un ouvrage de sciences tourné vers l’avenir : « Tous les êtres vivants sont des aberrations au sens où ils ne se confortent pas à la seconde loi de la thermodynamique telle qu’elle s’applique aux systèmes isolés. (...) Pour des raisons pratiques autant que philosophiques, il nous faut mieux comprendre le rapport entre la production d’énergie solaire et la complexité de la biosphère terrestre. (...) Depuis des années Ilya Prigogine cherche un cadre philosophique susceptible de recevoir ces questions. »
Jean-Marc Lévy-Leblond confirme dans « Aux contraires » : « (...) chaos déterministe, inflation cosmique, champs de jauge, supercordes, etc (...) cette physique actuelle, celle qui se fait en direct et qui passe désormais, chaude encore, des laboratoires vers la grande presse, nous ne savons pas encore vraiment la penser. »
La science est donc en train de réaliser un nouveau bond en avant. Pourtant, la plupart des scientifiques constatent que leur science n’a fait évoluer que la technique mais pas la pensée. Etienne Klein l’exprime ainsi dans « Conversation avec le sphinx » : « La vision du monde perçu par les scientifiques a formidablement changé en quelques décennies, à un rythme inédit dans l’Histoire. Ces bouleversements ont-ils débordé du cadre strictement scientifique qui les a vu naître ? Pas vraiment. La science domine, certes, mais les idées sociales, politiques et économiques qui prévalent aujourd’hui ont presque toutes été façonnées, consciemment ou non, par une vision du monde fondée sur les résultats de la science du 19e siècle. »
Marc Richier dans « Le vide » [36] constate le fait mais pense que c’est un héritage du passé qui n’a pas d’explication dans la société actuelle : « Si les philosophes sont, en général, ignorants en matière de physique, les physiciens sont, en général, ignorant en matière de philosophie. Situation en partie désastreuse certes, que nous héritons du 19ème siècle, pour laquelle il n’y a pas d’ ’’explication’’. »
Dans « Entre le temps et l’éternité », Prigogine rappelle en effet que « l’histoire de la physique ne se réduit pas à celle du développement de formalismes et d’expérimentations, mais est inséparable de ce que l’on appelle actuellement des jugements « idéologiques ». »
Cornélius Castoriadis (cité dans « Sciences et dialectique de la nature ») déclarait pour sa part dans un colloque scientifique et philosophique que « Pour penser l’auto-organisation de la matière, il n’est d’autre recours que de faire de la philosophie. Il faut oser le dire et cesser de céder aux misérables chantages scientistes et positivistes. »
N’est-ce pas une préoccupation qui rejoint celle de Hegel qui affirmait dans son « Encyclopédie des sciences philosophiques » : « Non seulement la philosophie ne peut être qu’en accord avec l’expérience naturelle, mais la naissance et la formation de la science philosophique ont la physique empirique pour présupposition et condition. »
Est-il artificiel de mêler science et philosophie ? Est-ce nécessairement faire oeuvre de croyance de type religieux ? Certainement pas. D’ailleurs les questions philosophiques posées par la connaissance de la nature ne se ramènent pas du tout à la recherche d’un maître du monde ni à celle d’un domaine qui soit mystérieux et magique !
Les questions que posent les sciences sont également des questions philosophiques :
Quelle histoire a produit la matière et le rayonnement ?
L’ADN est-il vivant ou inerte ?
Les constantes : la vitesse de la lumière c et le quantum d’action h viennent-elles d’une réalité plus fondamentale ?
Le message électrique cérébral est-il structuré ou non ?
Le temps est-il continu ou discontinu ?
Le système solaire est-il stable ?
Sommes-nous le seul univers ou le « Big Bang » est-il un univers parmi d’autres ?
Qu’est-ce qui fait la particularité de l’homme ?
Quelle est la part du hasard dans la matière, dans la vie et dans l’homme ?
La matière est-elle divisible ou non divisible en parties ?
Le monde obéit-il à des lois ? Sont-elles mathématiques ?
Le monde est-il rationnel ? Et le rationnel est-il réel ?
L’esprit et le corps appartiennent–ils à deux domaines différents ?
La matière, l’espace et le temps sont-ils naturels ou produits de, nos sensations ?
Comment concilier les lois de la matière et le « libre arbitre » ou la conscience humaine ?
Quelles relations entre matière et mouvement, entre matière et vide ?
etc, etc ....
Ces questions posent des problèmes qui ne ressortent pas seulement de l’observation ou de l’expérience et ces derniers eux-mêmes nécessitent des conceptions nouvelles, c’est-à-dire un travail de la pensée philosophique : les concepts adoptés sont-ils les bons, quelle méthode pour appréhender mieux le réel, etc ...