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Psychisme et discontinuité

mardi 29 janvier 2008, par Robert Paris

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1-5-13 Les paradoxes de Zénon, preuve de la discontinuité dialectique

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2-1-10 Totem et tabou : psychanalyse et anthropologie


« Le fonctionnement cérébral comme celui d’autres organes est discontinu dans le temps. » Le biochimiste Ladislas Robert dans « Les temps de la vie ».

« La vie psychique dans son ensemble est frappée de discontinuité. » écrivent les Pragier dans « Repenser la psychanalyse avec les sciences » qui notent que Didier Anzieu parle de « quantités pulsionnelles discontinues ». Ils relèvent que « Freud affirmait dans le commentaire d’un très court fragment du rêve « Irma » que la conscience des représentations oniriques est avant tout discontinue. » C’est au point que la comparaison avec la physique quantique a été réalisée par Simon-Daniel Kipman dans « La rigueur de l’intuition ».

Sylvie et Georges Pragier écrivent dans l’ouvrage déjà cité : « La possibilité d’apparition de changements, liés aux processus auto-organisateurs, représente donc une coupure radicale avec la conception d’une évolution déterministe continue. Le développement de l’organisme s’effectue au contraire sur un mode discontinu, avec des paliers. (…) L’organisation apparaît finalement comme un processus discontinu de désorganisation-réorganisation. » Les discontinuités des états psychiques sont des transitions de phase.

Les neurosciences avaient déjà montré que la vision fonctionne par coupage et recollage, en partageant les éléments d’une scène en éléments traités diversement et séparément avant de les recomposer. Récemment, les travaux du neuroscientifique Stanislas Dehaene ont montré que la lecture des écrits est tout aussi discontinue. Elle découpe en morceaux le mot et les analyse séparément avant d’en recomposer l’interprétation. Dans « Les neurones et la lecture », ce chercheur montre que le mot est décomposé en milliers de fragments envoyés à des neurones différents. Une fois encore, c’est l’IRM a qui a permis ce pas en avant dans la compréhension du fonctionnement du cerveau. Et cela ne signifie pas que la lecture décompose le compliqué en simple et attribue le simple à zone spécifique. Bien au contraire, les zones attribuées effectuent bien d’autres fonctions. Les circuits de la reconnaissance des lettres sont capables aussi de reconnaître des objets ou des visages. La fonction lecture de texte a réutilisé des circuits déjà existants chez l’homme qui ne savait pas lire et les a réarrangés. C’est encore une fois le bricolage créatif que nous appelons aussi auto-organisation ou pilotage du chaos.

La discontinuité est un produit du mode d’organisation de la vie (et même de la matière) qui est de nature quantique : par sauts quantiques. Les « éléments » sont organisés un par un et non par quantités décimales ou « réelles » (des nombres réels). Les éléments réels, par exemple des images psychiques, sont produites par l’émergence, phénomène brutal qui arrive à un seuil. Les éléments ne sont pas fixes ni figés mais produits du désordre virtuel. Ils sont quantiques parce qu’ils sont déterminés par un seuil. Leur apparente fixité provient de la constance de ce seuil. Mais ils ne sont pas décrits par cette constance. Ils ne peuvent être compris que comme éphémèr
es produits de la dynamique et non objets fixes marqués par la constance.

Le caractère du psychisme est fondamentalement discontinu parce que les pensées, les images mentales, ont pour propriété de s’autodétruire rapidement sans donner naissance généralement à des images plus durables. C’est seulement l’inhibition de ce processus d’autodestruction qui entraîne l’existence d’une mémoire qui singe la continuité mais n’est elle-même qu’un processus pouvant être inhibé. La discontinuité n’est pas nécessairement la mort puisque l’inhibition est capable de déstructurer la pensée. Mais cette discontinuité a un caractère dialectique puisqu’il peut lui-même être contredit.

Dans « Le sentiment même de soi », le neuroscientifique Antonio R. Damasio montre que son étude de la conscience est celle d’une transition : « J’écris sur le sentiment de soi et sur la transition qui va de l’innocence et de l’ignorance à l’état de connaissance : mon but spécifique est d’examiner les circonstances biologiques qui permettent cette transition cruciale. (…) Il y a trente-deux ans de cela, un homme se trouvait là assis en face de moi (…) Brusquement, l’homme s’est arrêté au beau milieu d’une phrase, son visage a cessé de s’animer, sa bouche s’est figée, encore ouverte, et son visage s’est mis à fixer, dans le vide, un poit du mur derrière moi. Pendant quelques secondes, il est resté sans bouger. J’ai prononcé son nom, mais aucune réponse n’est venue. (…) Pendant un court instant, qui m’a paru des siècles, cet homme a souffert d’une détérioration de la conscience. Neurologiquement parlant, il a été pris d’un accès d’absence suivi d’un automatisme d’absence, deux des manifestations de l’épilepsie, affection causée par un dysfonctionnement cérébral. (…) Le souvenir de cet épisode ne m’a pas quitté, et ce fut un jour faste que celui où j’ai senti que je pouvais en interpréter le sens. J’ignorais alors, chose que je sais à présent, que j’avais été témoin de la transition, tranchante comme le rasoir, entre un esprit pleinement conscient et un esprit privé du sentiment de soi. (…) L’éveil et la conscience ont tendance à aller de pair, même si cette association peut s’interrompre en deux circonstances exceptionnelles. L’une de ces exceptions est celle où nous sommes dans l’état de sommeil onirique. A l’évidence, nous ne sommes pas éveillés durant le sommeil onirique, et pourtant nous avons quelque conscience des événements qui se déroulent dans l’esprit. (…) Un autre renversement spectaculaire de l’association habituelle peut aussi se produire : nous pouvons être éveillés tout en étant privés de conscience. (…) L’absence d’attention manifeste vers un objet extérieur n’est pas nécessairement une dénégation de la présence de la conscience et peut plutôt indiquer que l’attention est dirigée vers un objet interne. (…) Il s’agit d’un état extrêmement transitoire. (…) Les crises d’absence sont l’une des principales variétés d’épilepsie, dans laquelle la conscience est momentanément suspendue ainsi que l’émotion, l’attention et le comportement adéquat. Le trouble s’accompagne d’une anomalie électrique qui apparaît de manière caractéristique dans l’électroencéphalogramme. Les crises d’absence sont très instructives pour qui étudie la conscience, et la crise d’absence type est en fait l’un des plus purs exemples de perte de conscience (…) Brusquement, (…) le patient s’interrompt au beau milieu d’une phrase, se fige dans tel ou tel mouvement qu’il était en train d’accomplir et se met à regarder fixement dans le vide. (…) En sortant de son état figé, le patient regarde autour de lui (…) La conscience s’en est revenue aussi brusquement qu’elle s’en était allée (…) Dans l’intervalle, le patient n’a aucune espèce de souvenir. (…) La suspension de l’émotion est un signe important dans les crises d’absence et dans les automatismes d’absence. (…) La découverte de détériorations parallèles dans la conscience et dans l’émotion paraîtra d’autant plus remarquable que (…) les émotions peuvent être déclenchées de façon non conscientes, à partir de pensées auxquelles on ne prête pas attention, aussi bien qu’à partir d’aspects de nos états corporels qui sont impossibles à percevoir. »

Le sentiment religieux semble avoir une base dans le fonctionnement cérébral. Plus exactement, certains sentiments ou certaines images produites par le cerveau peuvent donner lieu par la personne qui les reçoit à des interprétations religieuses. L’isolement, la privation de nourriture ou de sommeil, l’excitation, la drogue, l’abstinence, ou le cumul de plusieurs d’entre eux provoquent des hallucinations, des visions qui sont autant de phénomènes venus de l’inconscient. L’individu qui en est le siège prend conscience que des idées et des sentiments qu’il n’avait pas formé consciemment se sont imposées à lui, de l’extérieur croit-il. Cela ne signifie certainement pas qu’il faille assimiler l’inconscient avec le spirituel. L’existence de phénomènes inconscients n’a plus aujourd’hui aucun caractère sulfureux, ni étrange ni métaphysique, qu’il avait autrefois. C’est la base des mécanismes de formation de la conscience, comme l’ont montré des neurologues comme Lionel Naccache. La construction d’idées religieuses à partir de ces émotions issues de l’inconscient est du même type que la création artistique ou que l’intuition scientifique : c’est la sublimation des images et des idées inconscientes. D’autre part, l’impression d’un autre qui vous parle est accrue par le dialogue cérébral entre les deux hémisphères cérébraux. On a parfois l’impression réelle d’un tel dialogue dans le sens : j’y vais, j’y vais pas, je le fais, je ne le fais pas. Enfin, certains circuits cérébraux et certaines images mentales semblent, d’après certains neurologues, accentuer ce sentiment religieux (sentiment d’une présence ou d’une parole qui leur communique directement des idées, des images ou des sentiments) chez certains patients particulièrement réceptifs. Ceux-ci peuvent croire réellement recevoir une parole venue d’ailleurs. Le reste a un caractère social et historique. C’est la manière dont une société reçoit un tel message, le besoin qu’elle en a et l’usage qu’elle en fait. Dans ce domaine, avant même le type de la prétendue révélation, c’est le type de société et ses besoins idéologiques mais aussi politiques et sociaux qui sont en cause et qui dictent des réponses sur le type de religion. Telle serait « l’origine d’une illusion », pour reprendre l’expression de Freud.

Messages

  • DISCONTINUITE et CONTINUUM PSYCHIQUE

    La discontinuité est partout. Dans l’univers d’abord, cette incroyable pétaudière de photons, d’électrons, de neutrinos et autres ondes ou particules. Le plus étonnat c’est que de tels bouleversements puissent générer de ci del à quelque système présentant une apparence de stabililité ou de congruence. Comme le remarquait Montaigne, "tout branle" dans ce monde, et même les Pyramides d’Egypte, et tout arrêt apparent, tout repos n’est qu’un mouvement vagissant et ralenti. Il faut penser le clinamen de Lucrèce comme une réalité éternelle, sans début et sans fin. Il ne faut pas penser la déclinaison des atomes comme des exceptions, ou comme des causes originaires qui auraient déclenché des cataractes en série, des dérivations soudaines, ou un big bang originel : non, le mouvement des atomes, conformément à la thèse de Démocrite est un tourbillon, et la clinamen affecte de tout temps la pluie atomique, la modifie, l’incurve, l’incline, la fait dériver, la déroute et et la "délire", la délivre et l’enroule dans des cercles ouverts, ou la précipite comme des cascades, des cataclysmes et des cataractes. Dans cette folie inconcevable de la destruction et de la création permanente, nul repère stable, nul repos, si ce n’est l’apparence paisible, mais trompeuse d’un brin d’herbe, d’une forêt sans vent, d’une mer tranquille, bientôt grondeuse, tourmentée, tourbillonnante et comme prise de vertige. Et partout la lutte implacable des espèces, des individus travaillés par la pulsion de survie, la crainte, la violence primitive et la férocité du vouloir-vivre. A voir les choses de près et de loin, on est comme saisi d’une effroyable terreur, d’une angoisse intestine, et d’une stupeur sans mesure : sublime de l’horreur et de l’émerveillement infini. Et parfois, dans ce délire de la guerre éternelle, des rencontres sans animosité, les liens de Vénus, les attractions passagères, les fugitives accointances de particules, d’atomes, de corps enlacés pour un périssable mariage. Aphrodite et Arès, la guerre et la paix, la nuit et le jour, le sombre et le lumineux : c’est l’univers tragique de la discontinuité universelle.

    Ce modèle il faut le transposer dans la vie psychique. Après tout le cerveau nous présente instantanément, comme l’univers, un invraisemblable entrelac de réseaux neuronaux, interconnectés on ne sait comment, avec des trajectoires à vitesse inconcevable - déjà Epicure comptait la vitesse de la pensée comme l’unité de mesure fondamentale - selon des trajectoires, des circuits, des révolutions, des interruptions et des noeuds dont la logique, s’il y en a une, nous est totalement inconnue. Dix puissance quinze de connexions cérébrales ! Voilà de quoi méditer sur la structure de ce qu’on appelle tantôt la matière, tantôt l’énergie, tantôt l’information. Après cela comment s’étonner de la discontinuité de la vie psychique ! Pensée nous vient, pensée nous habite ou nous quitte, pourquoi, comment, nous n’en savons rien. Je voudrais ne plus penser à telle idée, telle image, et je ne pense qu’à cela. Je voudrais oublier tel air de musique, il me possède comme une araignée de vengeance. Je voudrais sentir le plaisir sur ma peau, sur mon ventre, je ne sens rien. Je voudrais dompter mes désirs, mes pulsions, mes obsessions, c’est moi qui suis possédé. Qui pense quand je pense ? Est-ce une ou plusieurs personnes ? Suis-je un ou plusieurs ? Et qui commande dans cette bande de vauriens et de démons inconscients qui composent mon "identité " ? Et pourquoi ceci plutôt que cela ? Aurais-je pu être autre que je suis ? Puis-je vouloir ce que je ne désire pas ? - Et la liste est virtuellemnt infinie de nos incapacités, inconnaissances, oublis et réminiscences, pour peu que nous acceptions de nous asseoir sur un coussin, de ne rien faire quelques minutes pour laisser se dérouler le vertige insensé de nos sensations, perceptions, émotions, fantasmes, images ou idées qui traversent notre esprit comme un ciel d’orage ! Qui dira après cela : "je pense donc je suis" quand on peut dire tout au plus : quelque chose pense, ou plutôt batifole, court, s’enlance, ralentit, se précipite, sans ordre ni raison, dans une tourbillon proprement insensé. Ah quelle rude expérience que celle des premiers exercices de méditation assise !

    Le plus étrange c’st que nous ayons si peu conscience de cet état de fait. Il en va ici comme de la perception courante : nous voyons des stabilités, des "objets" comme nous disons, une fleur, un arbre, un camion à l’arrêt. Quoi de plus rassurant que la vison du monde familier où nous évoluons d’ordinaire ? Et quoi de plus familiier que nos pensées de chaque jour :aller travailler, prendre la voiture, saluer le concierge, lire le courrier, répondre au téléphone etc. L’urgence pratique nous détourne de la vison du réel : c’est une question de survie. Que deviendrait une souris métaphysicienne qui s’interrogerait sur la structure de la matière ? Quel luxe que de pouvoir simplement faire retour sur sa pensée pour en découvrir l’extraordinaire richesse, diversité, complexité, discontinuité, impermance, tourbillon et tumulte ? Cette découverte, que l’on fait assez facilement dans une simple observation de soi, a de quoi vous troubler jusqu’à l’orteil. (Le penseur de Rodin) . C’est là aussi une origine possible de la philosophie : l’émerveillement anxieux devant la complexité du psychisme, la vitesse de la pensée, l’in-quiétude de nos associations mentales.

    On comprend mieux, dès lors, l’esprit de la philosophie antique. Comment ne pas être totalement envahi par les pulsions, embrigadé par des désirs si pressants et si passagers à la fois, des images sans contrôle, des terreurs et des espoirs sans fondement ? Comment rétablir un continuum psychique une fois découverte l’incroyable diversité, passagèreté et futilité de nos pensées ? Comment résister au flux des sensations, ne pas se noyer dans un flux mental immaîtrisable et capricieux ? C’est la question des Epicuriens, des Platoniciens, des Stoïciens, des Kuniques, des Pyrrhoniens. Et c’est encore notre question à nous, à nous qui entre temps avons été mis à l’épreuve de l’inconscient psychique et de l’inconscient neuronal. Que reste-t-il de la fameuse maîtrise du sage, de son ataraxie tant vantée, et si suspecte ?

    Les Anciens avaient conscience de la difficulté. Les Stoïciens se demandent s’il a jamais existé un seul sage de par le monde. Epicure ne cesse de nous exhorter à l’effort de réflexion, de compréhension et de méditation : ’Exerce toi sans relâche". Comprenons : la discontinuité psychique est un fait de nature, c’est le fonctionnement spontané de l’esprit. Les bouddhistes, qui ne sont jamais en reste dans ce registre, enseignent que notre esprit spontané est comme un singe qui se ballote de branche en branche. Tout attire l’enfant, une mouche, un gâteau, le sourire de sa mère, un oiseau qui passe, et son regard est happé de mille et une manière, comme un petit chat, ou un petit singe. Conséquence : il faut créer un continuum dans l’esprit, une capacité de réguler les stimuli, de repousser l’attrait immédiat, de discipliner la pensée, de contrôler l’imagination. C’est ce que fait la leçon même de la vie, le principe de réalité. "Apprendre à rester assis" comme dit Kant. Et puis apprendre ses leçons. Apprendre à travailler. Mais le résultat ordinaire de cette nécessaire discipline c’est l’effet inverse. A force de se détourner vers l’utile, le pragmatique, le vital et l’obligatoire nous perdons bientôt le sens de la vie intérieure, l’accès à nos désirs et à notre intime vérité. De la sorte, la culture, pour nous permettre de survivre dans la réalité, nous emprisonne dans l’apparence de continuité, dans le solide et finalement l’inerte. Aussi faut-il, quand l’heure de la réflexion est venue, rouvrir une brêche dans cet édifice monolithique, retrouver progressivement l’accès à nos sensations, nos pulsions et nos désirs, ce qui produit à son tour une révolution inquiétante. On redécouvre la discontinuité, et l’on peut en perdre le bon sens. Le programme de la sagesse se précise : dans un premier temps, par nécessité vitale il faut s’adapter, donc faire taire progressivement le naturel et construire une continuité conventionnelle et pragmatique. Second temps, redécouverte, de la discontinuité originelle, étonnement salutaire mais dangereux. Troisième temps : créer les conditions psychiques d’un triple registre : registre de l’adaptation, de la relative permanence sociale et culturelle. Registre de l’observation des discontinuités. Puis, et c’est le plus difficile, registre d’une continuité psychique, autre que la conventionnelle, mais de nature à assurer une permanence relative qui intègre le mieux posssible la discontinuité et la relativise. Principe de constance supérieure. Même dans l’adversité le sage conservera une certaine équanimité. C’est la proposition des Epicuriens et des Stoïciens. Apprendre chaque jour un peu mieux à se hisser au dessus des contingences et accointances de l’événement, autant interne qu’externe, pour habiter "les hauts lieux fortifiés des sages" (templa sapientum serena), ce qui désigne moins un lieu physique (le Jardin) qu’une domaine psychique. (...)

    Posté par GUY KARL

    • Bonjour,

      La pratique de la méditation a-t-elle, d’après vous, la fonction de nous faire faire l’expérience d’une continuité de la conscience au delà du processus de cognition ou bien a t-elle pour fonction de nous aider à prendre conscience de l’absolu inconsistance de la conscience, celle ci étant à comprendre comme indissociable du processus de cognition ?
      Je ne suis pas du tout de culture scientifique, je suis juste un type qui pratique la méditation et qui se pose des questions.
      Merci.

    • A l’inverse de vous, j’ai seulement une connaissance scientifique et je ne sais rien de la méditation. Désolé.

  • Le doute est-il un échec de la raison ?

    • Il est bien sûr très difficile de répondre tant la raison est, dans le cerveau humain, l’objets de ... doutes et de ... déraisons !

      Cependant, cela n’empêche pas d’avancer quelques pistes ... raisonnables et cependant sujettes au doute.

      Il semble que la ^processus de la raison humaine soit dialectiquement contradictoire. La partie du cerveau appelée cingula proposerait sans cesse des interprétations hurluberlus de tout ce que nous voyons et de tout ce qui nous arrive, les proposerait au cerveau qui les comparerait à tout ce qu’il sait et à tout ce dont il se souvient d’avoir vécu ou croit avoir compris. L’hypothèse serait rejetée si elle ne correspond pas à plusieurs pré-établis.

      le doute ne serait donc qu’un des outils de la raison puisque chaque idée serait une hypothèse gratuite confrontée ensuite.

  • La représentation, pour le sujet humain, renvoie d’abord à l’antinomie et à la difficulté radicales que suppose la représentation de son corps. Cette représentation est impossible au sens où elle n’est pas possible dans l’espace tel que nous le percevons. Il y a au principe de notre rapport à notre corps et à l’espace une antinomie irréductible, fondamentale, qui tient au fait que ce corps est toujours traversé par l’impossibilité de faire se rejoindre son état réel et son anticipation virtuelle. C’est en quoi ce corps, support réel de toute représentation pour nous, ne peut être homogène à l’espace que nous percevons.
    On s’est demandé depuis longtemps, on continue d’ailleurs de se demander, si l’espace est continu ou discontinu. Cette interrogation est l’une des conséquences de la constitution élémentaire de l’image spéculaire. On se demande si l’espace est continu ou discontinu : en fait, du moins dans l’ordre des faits que j’évoque ici, il est fondamentalement discontinu pour nous, bien que nous ne le percevions pas comme tel.

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