Hegel dans "La Grande Logique" :
"La nature ne fait pas de sauts" dit-on ; et l’opinion ordinaire, quand il s’agit de comprendre l’avènement ou la disparition, s’imagine, comme nous l’avons vu, les comprendre en se les représentant comme un avènement ou une disparition graduels. Mais il s’est déjà manifesté que les changements de l’être ne sont pas le passage d’une quantité à une autre quantité, mais le passage du qualitatif au quantitatif et inversement, la transition en un autre qui est une interruption du graduel et un changement qualitatif par rapport à l’être déterminé antérieur. L’eau refroidie ne devient pas peu à peu dure, de façon à se gélifier et à durcir peu à peu jusqu’à la consistance de la glace, mais devient dure d’un seul coup ; ayant déjà atteint la température de la glace, elle peut encore conserver son état liquide si elle demeure immobile, mais à la moindre secousse elle passe alors à l’état solide. (...) De la même façon, des Etats, à cause de leur différence de grandeur, tout autre facteur étant égal, acquièrent un caractère qualitatif différent. les lois et la constitution deviennent autres quand l’étendue de l’Etat et le nombre de citoyens s’agrandissent. Il y a une mesure quantitative de l’Etat au delà de laquelle il s’écroule intérieurement sous la même constitution qui, avant son extension, faisait son bonheur et sa force."
Hegel dans « Phénoménologie de l’esprit » :
« Il n’est, d’ailleurs, pas difficile de voir que notre temps est un temps de la naissance et du passage à une nouvelle période. (…) De même que, chez l’enfant, après une longue nutrition silencieuse, la première respiration interrompt un tel devenir graduel de la progression de simple accroissement, - c’est là un saut qualitatif -, (…) de même se désintègre fragment après fragment l’édifice du monde précédent, tandis que le vacillement de celui-ci n’est indiqué que par des symptômes isolés (…) l’insouciance, l’ennui qui viennent opérer des fissures dans ce qui subsiste, le pressentiment indéterminé de quelque chose d’inconnu, sont des signes avant-coureur que ce quelque chose d’autre est en préparation. Cet effritement, progressant peu à peu, qui n’altérait pas la physionomie du tout, est interrompu par l’explosion du jour qui, tel un éclair, installe d’un coup la configuration d’un monde nouveau. (…) La substance vivante est (…) la négativité simple en sa pureté, par la même scission en deux de ce qui est simple (…) le devenir lui-même (…) le sérieux, la douleur, la patience et le travail du négatif (…) et, d’une façon générale, l’auto-mouvement de la forme. »
Hegel dans "La Grande Logique" :
"D’une part, la disparition apparaît comme inattendue quand on peut changer la quantité sans toucher à la qualité et à la mesure, - d’autre part, on croit la rendre intelligible par l’idée de gradualité. On se rabat avec tant de facilité sur cette catégorie pour représenter ou pour expliquer la disparition d’une qualité ou de quelque chose, parce que de cette façon la disparition semble s’accomplir devant vos yeux ; en effet, la quantité étant déterminée comme limite extérieure, la transformation purement quantitative se comprend d’elle-même. Mais en fait on n’explique rien ; la transformation est essentiellement le passage d’une qualité en une autre. (...) Ce qui est faux, c’est le comportement ... de notre conscience ordinaire qui considère une quantité comme une limite indifférente seulement... La ruse du concept consiste à saisir un être déterminé par le côté où sa qualité ne semble pas entrer en jeu."
Hegel dans "Petite Logique" :
"Le nombre est une pensée, mais il est la pensée en tant qu’être qui est extérieur à lui-même. (...) La mesure est la quantité qualitative. (...) La quantité spécifique est, d’une part, une pure quantité, et elle ne peut être diminuée ou augmentée, sans que la mesure, en tant que règle, soit pour cela détruite, et d’autre part, le changement de la quantité entraîne le changement de la qualité."