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Marxisme et mathématiques : que sont un théorème, une vérité mathématiques ?

mardi 5 mars 2024, par Alex

Cet article est un élément de réponse aux camarade de Robin Goddfellow qui posaient la question : la dialectique est-elle présente en mathématiques. De manière plus générale, beaucoup d’adversaires du marxisme qui n’osent s’attaquer directement à Marx prennent Engels et sa Dialectique de Nature pour cible.

Une révolution, réponse à une crise, eut lieu en 1879 dans le domaine de la « théorie de la connaissance » mathématique, avec la publication de la brochure intitulée Idéographie, écrite par le mathématicien allemand Gotlob Frege.

Le Rubicon était franchi, cette théorie fut développée par B. Russel, D. Hilbert, K. Gödel et tant d’autres. Elle aboutit à un résultat mathématique très concret, démontré par P. Cohen. Chacun de ces développements mériterait un article à lui seul, mais en gros, disons que les mathématiciens qui prétendent que la philosophie est inutile en mathématiques, ont été assommés par le résultat de Cohen.

Qu’est-ce que la dialectique ? C’est pour les marxistes (qui le sont restés) celle mise au point par Hegel dans sa vision idéaliste, remise sur ses pieds grâce au matérialisme de Marx et Engels.

Lénine donne dans ses cahiers philosophique une résumé qui correspond exactement à notre cas :

Le dédoublement de l’un et la connaissance de ses parties contradictoires (v. la citation de Philon sur Héraclite au début de la IIIe partie (« De la connaissance ») de l’Héraclite de Lassalle1) est le fond (une des « essences », une des particularités ou marques fondamentales, sinon la fondamentale) de la dialectique. C’est ainsi que Hegel également pose la question (dans sa « Métaphysique », Aristote se débat constamment à ce propos et se bat contre Héraclite et contre les idées héraclitéennes).

La justesse de cet aspect du contenu de la dialectique doit être vérifiée par l’histoire de la science.

C’est effectivement par un épisode de l’histoire des mathématiques (l’ouvrage de Frege, 1879) que nous pouvons illustrer ce dédoublement de l’un.

A l’école on nous apprend qu’un théorème mathématique est un résultat qui est vrai. Un théorème c’est ce qu’en général on a obtenu par un raisonnement mathématique rigoureux, à partir de résultats déjà connus comme vrais (des théorèmes ou des axiomes, c’est-à-dire des propriétés prises au départ comme vraies).

Donc un théorème mathématique est vrai, et une vérité mathématique est un théorème. Bien sûr on ne va pas appeler "7+6=13" un théorème mathématique car c’est un résultat évident. On réserve en génaral le nom de théorème à des résultats qui le méritent. Mais dans la théorie de la connaissance mathématique, que pour faire court on peut appeler la métamathématique", un theorème et une vérité sont la même chose : toute ce qui est vrai peut être démontré, et tout ce qui est démontré est vrai.

L’« un » mentionné par Lénine est donc ce couple Théorème-vérité. On voit déjà que le ver de la dialectique est dans le fruit, car ce qui est considéré comme unique a reçu une double appelation dans le langage, double appellation qui correspond à ces deux activités distinctes dans la pratique des mathématiques.

Par exemple, si l’on dessine un carré et trace ses deux diagonales, il est clairement vrai que ces deux diagnonales se croisent. C’est une vérité. Mais si l’on essaye de le prouver, on aura du mal. ce résultat mathématique a été connu comme une vérité bien avant d’avoir été un théorème démontré. Réciproquement parfois des mathématiciens démontrent des théorèmes bizarres qui semblent ne pas pouvoir être vrais, mais qui longtemps après sont bien compris et acquièrent le statut de vérité.

La révolution de Frege et de ses successeurs qui ont développé la logique moderne a donc été de dissocier complètement cette unité : un théorème est un résultat obtenu par un raisonnement rigoureux, une vérité est ... quelquechose qui est vrai.

On comprend la difficulté de cette révolution : les mathématiques qui depuisi Descartes et Gallilée sont vus comme LE langage rigoureux par excellence, avouent ne pas être capable de décrire précisément ce qu’est une vérité.

Qu’est-ce qu’un théorème mathématique dans le sens moderne ? Nous allons doner un exemple.

Les mathématiciens voudraient que les mathématiques soient un langage formel : alors que le langage de tous les jours est ambigu, ils veulent un langage totalement rigoureux.

Alors on part d’un alphabet, qui est un ensemble de signes. Par exemple les lettres a, b et c. Avec cet alphabet on fabrique des formules qui sont comme des mots formés avec ces signes. Par exemple on peut décider que toute suite (finie) des lettes a,b, et c est une formule : a, b, c, ab,aa, aba,abbbccaa sont des formules. Le lecteur peut en former des dizaines à sa convenance. Il aura commencé à former des formules mathématiques.

On se donne ensuite des axiomes. Ici le lecteur va peut-être se fâcher, on utilise un langage technique qui suppose plein de connaissances mathématiques. Pas du tout ! Le but de Frege a été de commencer les mathématiques, comme Descartes, en faisant table rase de tous les sous entendus. On sait qu’en général un axiome est une vérité de base (par exemple étant donné deux points on peut les relier par un segment de droite).
Si le mot axiome est trop compliqué, on peut appeler ces axiomes Théorèmes.

Dans notre exemple, chosissons pour unique axiome : abcacb

Nous avons, dans le langage formel que nous avons créé, un premier théorème, c’est cet axiome bcaacb. Le lecteur qui n’a jamais aimé les mathématiques, peut-être parce que ses professeurs lui ont caché cet aspect des mathématiques peut ainsi créer ses propres théorèmes en choisissant un axiome arbitraire, une formule composée des lettes a, b, et c. Rien n’empêche de choisir plusieurs axiomes en même temps. C’est trop facile ? Cela s’appelle une révolution. Il suffit de ne plus accepter le système précédent et ce qui paraissait inaccessible devient simple.

Nous avons donc l’axiome bcacb, mais nous n’avons pas résonné mathématiquement jusqu’ici. Pour le faire il faut adopter une régle de déduction. Nous n’en n’aurons qu’une :

Règle de déduction : si une formule commençant par a est un Théorème, alors ajouter ab à la fin, puis enlever les trois première lettres. La formule obtenue est un théorème

Avec cette règle nous pouvons fabriquer TOUS les théorèmes de notre langage. Nous avons un seul théorème, l’axiome que nous notons

Théorème 1 : abcacb

Notre Règle de déduction s’applique car notre Théorème 1 commence par a. On ajoute ab à la fin ce qui donne abcacbab puis on enlève les trois premières lettres pour obtenir

Théorème 2 : acbab

On peut à nouveau appliquer notre règle à ce Théorème ce qui donne

Theorème 3 : abab

On peut à nouveau appliquer notre règle à ce Théorème ce qui donne

Théorème 4 : bab

On ne peut plus rien faire.

On a donc obtenu tous les théorèmes possibles de notre langage formel : il y en a quatre.

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