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« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. »

vendredi 11 octobre 2013, par Robert Paris

« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. »

Il est courant de considérer cet adage comme le nec plus ultra des sciences physiques, chimiques, biologiques et pourtant….

Pourtant il convient d’examiner ce que l’on entend par là….

Cela semble signifier que l’énergie est toujours inchangée et ne fait que changer de forme, que la matière est elle-même fondamentalement inchangée, préexiste à tout changement, se retrouve à la fin de toute transformation.

Il convient de dire qu’il était possible de croire cela à l’époque de Lavoisier qui retrouvait dans la décomposition de l’eau l’hydrogène et l’oxygène qui, en se recomposant, redonnent de l’eau. Mais la physique contemporaine et la philosophie qui en découle ne peuvent admettre de tels principes pour base et c’est que nous voulons souligner dans cet article.

La philosophie du « rien ne se perd, rien ne se crée… » suppose d’abord une matière qui n’est jamais créée, qui n’est jamais détruite, qui ne change que de forme. L’étude physique de la matière ne présente rien de tel. La matière peut parfaitement se détruire et se transformer en lumière. On est alors amené, si on veut conserver l’adage « rien ne se perd » de considérer que ce qui se conserve est l’ensemble matière/lumière. Ensuite, on va devoir considérer que l’ensemble qui se conserve est l’ensemble matière/lumière/énergie car de la matière/lumière peut se transformer en énergie et inversement. Et ce n’est pas fini : il faut finalement considérer aussi les différents niveaux d’organisation du vide.

Finalement, il faut l’univers entier, avec ses différents niveaux d’organisation, pour prétendre qu’il se conserve.

Et même… Finalement ce n’est pas possible pour différentes raisons. Tout d’abord, un univers qui ne fait que changer de forme suppose la possibilité de suivre des formes successives, donc une linéarité et une continuité du temps et des transformations dans le temps. Il n’existe rien de tel. Dans le vide, des formes nouvelles apparaissent avant que les anciennes disparaissent parce que le temps s’écoule dans les deux sens !!!!

Donc, pour conserver l’adage, il faudrait admettre que des nouveautés peuvent apparaitre et d’anciennes structures peuvent disparaitre, à condition de ne pas mettre trop de temps pour compenser….

Il faudrait donc dire que tout finit par se compenser…

Mais surtout on constate que l’idée fausse contenue dans l’adage est celle d’un ordre préexistant et qui, au travers des changements de pure forme, ne change fondamentalement pas. Cela est faux. Des ordres entièrement nouveaux apparaissent et disparaissent.

L’idée d’émergence d’ordre est complètement opposée à celle du « rien ne se perd… ».

L’idée de la rupture de symétrie n’est pas non plus dérivée de cette conception. Dans une rupture de symétrie, un nouvel ordre émerge qui n’était absolument pas préexistant.
Les lois de la physique qui vont à l’encontre du précepte « rien ne se perd… » sont multiples : apparition et disparition de particules dans le vide quantique, décomposition nucléaire de la matière atomique, désintégration de deux particules se heurtant à grande vitesse, apparition d’ordre dans un système loin de l’équilibre, sauts quantiques, transitions de phase, etc…

Transformer sans rien perdre et sans rien créer était un idéal d’une certaine étape de la conception scientifique cherchant à sortir de la métaphysique. Ce n’est plus une vision adaptée à nos connaissances scientifiques.

De multiples domaines des sciences démontrent que cette prétendue continuité au travers des transformations n’était qu’une illusion.

La transformation des états de la matière est discontinue. Elle est rupture. Elle est destruction puis reconstruction, annihilation puis création.

Cela n’apporte pas de l’eau au moulin d’un quelconque créationnisme divin puisqu’au contraire cela donne comme base de la création le mode de fonctionnement automatique de la matière sans la moindre nécessité de pilote pour commander cette transformation et sans aucun caractère immatériel ou magique de cette émergence (pour employer un terme plus juste que création).

Cependant ces constructions d’ordre ne sont pas des simples changements de forme, des transformations. Ce sont bien des passages d’un monde dans un autre complètement différent. Le monde de l’étoile n’obéit pas aux mêmes lois que la matière qui nous entoure. Le monde du vide quantique non plus.

Or l’histoire du cosmos nous démontre que les étoiles naissent et meurent.

Il nous démontre que de multiples autres niveaux de l’ordre apparaissent et disparaissent et, avec eux, apparaissent et disparaissent des lois nouvelles, des paramètres, des interactions qui n’existaient pas, même en germe, dans l’univers précédent. Les particules, les atomes, les molécules, la lumière circulant librement n’ont pas plus toujours existé que les étoiles et les galaxies.

Le « rien ne se perd, rien ne se crée » décrit un monde beaucoup plus inchangé que celui qui est devant nous.

Même l’expression « tout se transforme » ne décrit pas exactement le processus. Car, partout à tous les niveaux, nous trouvons des blocages naturels au changement, qui amènent ceux-ci à être bloqués jusqu’à un seuil où le changement a lieu brutalement…

Rien ne change jusqu’à… une révolution, une transition, une rupture, un choc, un saut qualitatif, un tremblement de terre, un saut d’espèce, etc…

Donc tout n’est pas en train de se transformer aisément, en permanence. Le plus souvent, le changement potentiel est bloqué par cette résistance…

Ce qui caractérise le changement est le saut. Dans des transformations irréversibles, le passé peut être définitivement perdu. Donc le « rien ne se perd » n’a pas forcément cours. Et de la nouveauté qualitative peut apparaître donc le « rien ne se crée » peut être complètement faux.

De même, on l’a vu, certaines structures se conservent malgré l’agitation externe donc le « tout se transforme » n’est pas nécessairement exact.

Au lieu d’un monde sans contradictions représenté par l’adage fameux, on trouve un monde possédant des contradictions internes : l’agitation est nécessaire pour que des structures apparaissent, le désordre est indispensable à l’apparition de l’ordre (structures auto-organisées loin de l’équilibre de Prigogine) ; la conservation de structure se produit alors qu’il y a sans cesse modification des éléments de la structure. Il y a donc un mélange de conservation et de transformation.

Il y a bien quelque chose de créé qui n’existait pas dans les éléments : une structure qui émerge alors que les éléments ne se sont pas spécialement transformés en participant à cette structure. Donc l’adage ne décrit pas ce type de situation.

Est-ce qu’au sein d’un atome, « rien ne se perd, rien ne se crée » ? Non ! Au sein d’une étoile ? Non ! Au sein d’une ville ? Non ! Au sein d’un Etat ? Non !

La structure ne se transforme pas vraiment, elle se conserve globalement pour l’essentiel. Ses éléments ne se conservent pas. Ils changent sans que la structure elle-même change.

Cette situation n’est donc pas décrite par le fameux « rien ne se crée… »

Dans la relation entre une structure et ses éléments, ce n’est pas valide.

Dans toutes les relations avec un saut hiérarchique, elle s’avère fausse.

La relation entre l’électron et l’atome est dans ce cas, de même que la relation entre l’atome et la molécule, entre la cellule vivante et l’ADN, entre un individu et une classe sociale, etc…

Dans toutes ces relations, on perd sans arrêt des éléments et ils sont reconstitués de manière que la structure globale se conserve. « Tout se transforme » n’est nullement la description du système. Il faudrait plutôt dire « tout se transforme pour que rien ne change globalement » ce qui est très différent….

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