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Qu’est-ce qui nous amène à penser que la conscience émerge de l’inconscient

jeudi 17 décembre 2020, par Robert Paris

Qu’est-ce qui nous amène à penser que la conscience émerge de l’inconscient

Chacun sait que nous avons des activités conscientes et d’autres inconscientes, mais les unes et les autres proviennent-elles de domaines différents, séparés, opposés, ou dépendants les uns des autres ? Que signifie l’idée que la conscience émerge sur une base inconsciente ? Eh bien, cela signifie que c’est une auto-organisation des messages inconscients et des circuits neuronaux qui leur correspondent qui mènent à la conscience. Comment vérifier une telle hypothèse ? Eh bien, il faut examiner la manière dont ces messages conscients apparaissent et le comparer à la manière dont les messages inconscients apparaissent.

C’est assez difficile à dire bien entendu puisque nul ne peut dire qu’il est jamais dans un état absolument inconscient. Chez un être humain, la conscience n’est jamais tout à fait éteinte et l’inconscient seul maître à bord. Même pendant le sommeil profond, la conscience existe et peut intervenir à un degré ou à un autre.

Le « message inconscient » a cependant de nombreuses caractéristiques tout à fait particulières par rapport au « message conscient ». Le plus souvent celui qui est inconscient est très rapide. Ensuite, son contenu, lorsqu’il parvient à la conscience est le plus souvent écarté comme irrationnel, gênant, absurde, perturbant, incompréhensible ou choquant.

Examinons d’abord le cas du sommeil. Nous allons remarquer que c’est un argument fort en faveur de l’idée d’une pensée consciente issue d’une base inconsciente.

Comme chacun sait, l’une des pires tortures que puisse subir un être humain est d’être empêché de dormir. Dans ce type de situation, à un certain stade d’interdiction du sommeil, le cerveau ne parvient plus à intégrer les informations de la journée, durant l’éveil, dans la conscience car c’est le sommeil qui permet cette intégration. Du coup, l’être humain perd ses repères, sa stabilité, sa confiance, sa mémoire, son sens de la continuité de l’existence et très rapidement peut sombrer carrément dans la folie. La peur s’empare de lui.

Examinons les conséquences que l’on peut tirer de telles remarques pour la question qui nous occupe : le caractère émergent de la conscience au sein de l’inconscient.

Cela démontre déjà que la conscience qui se manifeste le jour est construite la nuit quand l’individu ne peut pas agir ou penser seulement « consciemment ». C’est donc le travail de l’inconscient de nuit qui produit la conscience.

D’autre part, on peut remarquer que la pensée « de jour » écarte le plus souvent les pensées de la nuit. Le plus souvent mais pas toujours.

La pensée inconsciente produit donc des fictions qui peuvent se révéler très intéressantes et productives. Les artistes et découvreurs de sciences et techniques produisent l’essentiel de leurs inventions par la pensée inconsciente, la nuit. Nombre d’entre eux l’ont remarqué et ont transmis par écrit leur étonnement de ce phénomène.

Voilà une nouvelle raison de croire à une émergence de la conscience qui se produit tous les jours et non une fois pour toutes. Cela signifie que notre conscience n’est pas seulement un produit de notre cerveau à la naissance mais aussi une construction journalière.

Des pensées inconscientes, le cerveau ne retient que ce qui convient à un ensemble de structures raisonnables mais cela ne signifie pas que les autres soient écartées définitivement de notre inconscient. Au contraire, la plupart de ces pensées inconscientes rejetées par la raison semble subsister dans l’inconscient et continuer à se présenter à notre conscience qui peut encore l’écarter ou la retenir.

On ne peut donc pas opposer diamétralement conscient et inconscient. Le matériel du « conscient » est donc une partie du matériel produit par notre inconscient et trié par des mécanismes de certaines zones du cerveau, en particulier du cingula.

Notre pensée, même celle qui nous paraît la plus raisonnable, provient donc de pensées inconscientes qui ne se préoccupent nullement d’être raisonnables, comme le montrent par exemples les rêves, les hallucinations, le somnambulisme, les fascinations ou les névroses.

La notion d’émergence et d’auto-organisation construisant progressivement le niveau conscient sur une base inconsciente semble donc s’imposer par rapport à toute idée de deux domaines qui naitraient et se développeraient séparément l’un de l’autre.

Les deux extrêmes de la vie semblent conforter ce point de vue : les premiers mois du bébé d’un côté, les dernières années de la personne âgée, de l’autre. Ces deux extrêmes démontrent que la conscience n’existe pas de manière directe mais se construit, ou, dans le cas de la personne âgée, peut cesser de se construire.

La conscience ne se construit pas immédiatement sur la base des expériences réalisées par l’individu. Il y faut notamment le passage par le sommeil, c’est-à-dire par l’inconscient. La mémoire, par exemple, se construit ainsi, progressivement et en permanence. Si elle se construit correctement, ce qui n’est pas le cas dès le début pour le nouveau-né et parfois pas bien pour la personne âgée. Ces difficultés, mieux que le fonctionnement normal, soulignent le mode de construction de la conscience.

Bien des gens pensent que l’inconscient est plus barbare par rapport au conscient qui serait plus spirituel, plus intellectuel, plus raffiné, qu’il n’est pas pensé, pas cognitif, pas abstrait ou pas cortical. Tout cela est faux ! Les pensées conscientes peuvent parfaitement devenir inconscientes (inhibition) et certaines pensées inconscientes parviennent à la conscience (émergence).

Sans ces nombreux passages entre conscient et inconscient, aucune analyse et aucun traitement psychanalytique ou hypnotique ne serait possible. Et pas non plus la conscience des rêves… En fait, la conscience elle-même serait impossible sans les pensées inconscientes…

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