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Qu’est-ce que la conscience ?

dimanche 28 mars 2010, par Robert Paris

QUELQUES CITATIONS REMARQUABLES SUR LA CONSCIENCE AU PLAN SCIENTIFIQUE, PHILOSOPHIQUE, SOCIAL ET POLITIQUE

"Ce qui élève l’homme par rapport à l’animal, c’est la conscience qu’il a d’être un animal... Du fait qu’il sait qu’il est un animal, il cesse de l’être. (...) C’est par la médiation du travail que la conscience vient à soi-même."

Friedrich Hegel

"L’inconscience est une phase régulière et inévitable des processus qui constituent notre activité psychique ; tout acte psychique commence en tant qu’acte inconscient, qu’il peut soit le demeurer, soit se développer jusqu’à la conscience."

Sigmund Freud - dans "Métapsychologies"

« La conscience est la conséquence du renoncement aux pulsions. »

Sigmund Freud - dans "Malaise dans la civilisation"

"Un troisième démenti sera infligé à la mégalomanie humaine par la recherche psychologique de nos jours qui se propose de montrer au moi qu’il n’est seulement pas maître de sa propre maison, qu’il en est réduit à se contenter de renseignements rares et fragmentaires sur ce qui se passe, en dehors de sa conscience, dans sa vie psychique."

Sigmund Freud - dans "Introduction à la psychanalyse"

"L’imagerie cérébrale fonctionnelle, qui utilise actuellement de nombreuses techniques complémentaires, permet d’observer avec une résolution spatiale et une précision temporelle parfois très fines, un cerveau « en action ». Grâce à elle, il devient donc enfin possible de mettre en images notre inconscient cognitif ainsi que notre conscience. (…) Nous sommes maintenant prêts à aborder la question (…) : Freud avait-il raison ? Sa définition de l’inconscient se superpose-t-elle aisément avec celle qui est formulée aujourd’hui par les neurosciences ?"

Lionel Naccache - dans « Le nouvel inconscient »

"Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur être ; c’est inversement leur être social qui détermine leur conscience."

Karl Marx

"La production des idées, des représentations et de la conscience, est d’abord directement et intimement mêlée à l’activité matérielle et au commerce matériel des hommes : elle est le langage de la vie réelle."

Karl Marx - dans "L’idéologie allemande"

"L’homme est la nature prenant conscience d’elle-même."

Elisée Reclus - dans "Mémoires d’un révolutionnaire"

"La conscience est un accident fortuit de l’évolution."

Stephen Jay Gould - dans « Le sourire du flamant rose »

"Ne fais jamais rien contre ta conscience, même si l’Etat te le demande."

Albert Einstein

"Nous ne nous présentons pas au monde en doctrinaires avec de nouveaux principes : voilà la vérité, mettez-vous à genoux ! Nous développons pour le monde des principes nouveaux que nous tirons des principes du monde. Nous ne lui disons pas : renonce à tes luttes, ce sont des bêtises, et nous te ferons entendre la vraie devise du combat. Nous ne faisons que montrer au monde pourquoi il lutte en réalité, et la conscience est une chose qu’il doit acquérir, quand même il s’y refuserait."

Marx - lettre à Ruge, septembre 1843

"A un certain stade de l’évolution des forces productives, on voit surgir des forces de production et des moyens de commerce qui, dans les conditions existantes, ne font que causer des désastres. Autre conséquence : une classe fait son apparition d’où émane la conscience de la nécessité d’une révolution en profondeur, la conscience communiste (...) Pour produire massivement cette conscience communiste, aussi bien que pour faire triompher la cause elle-même, il faut une transformation qui touche la masse des hommes ; laquelle ne peut s’opérer que dans un mouvement pratique, dans une révolution. Par conséquent, la révolution est nécessaire non seulement parce qu’il n’est pas d’autre moyen pour renverser la classe dominante, mais encore parce que c’est seulement dans une révolution que la classe révolutionnaire réussira à se débarrasser de toute l’ancienne fange et à devenir ainsi capable de donner à la société de nouveaux fondements."

Karl Marx - dans "Ludwig Feuerbach"

"La coïncidence du changement des circonstances et de l’activité humaine ou auto-changement ne peut être considérée et comprise rationnellement qu’en tant que pratique révolutionnaire."

Karl Marx - dans « Thèses sur Ludwig Feuerbach »

"Les pensées de la classe dominante sont aussi, à toutes les époques, les pensées dominantes, autrement dit, la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est aussi la puissance dominante spirituelle. La classe qui dispose des moyens de la production matérielle dispose, du même coup, des moyens de la production intellectuelle, si bien que, l’un dans l’autre, les pensées de ceux à qui sont refusés les moyens de la production intellectuelle sont soumises du même coup à cette classe dominante. Les pensées dominantes ne sont pas autre chose que l’expression idéale des rapports matériels dominants ; elles sont ces rapports matériels dominants saisis sous forme d’idées, donc l’expression des rapports qui font d’une classe la classe dominante ; autrement dit, ce sont les idées de sa domination. Les individus qui constituent la classe dominante possèdent, entre autres choses, également une conscience (...), pour autant qu’ils dominent en tant que classe et déterminent une époque historique dans toute son ampleur, il va de soi que ces individus dominent dans tous les sens et qu’ils ont une position dominante, entre autres comme êtres pensants, comme producteurs d’idées, qu’ils règlent la production et la distribution des pensées de leur époque (...). L’existence d’idées révolutionnaires suppose déjà l’existence d’une classe révolutionnaire."

Karl Marx - dans l’« Idéologie allemande »

"Il n’est pas de classe de la société bourgeoise qui puisse jouer ce rôle révolutionnaire, à moins de faire naître en elle-même et dans la masse un élément d’enthousiasme, où elle fraternise et se confonde avec la société en général, s’identifie avec elle et soit ressentie et reconnue comme le représentant général de cette société, un élément où ses prétentions et ses droits soient en réalité les droits et les prétentions de la société elle-même, où elle soit réellement la tête sociale et le cœur social. Ce n’est qu’au nom des droits généraux de la société qu’une classe particulière peut revendiquer la suprématie générale. Pour emporter d’assaut cette position émancipatrice et s’assurer l’exploitation politique de toutes les sphères de la société dans l’intérêt de sa propre sphère, l’énergie révolutionnaire et la conscience de sa propre force ne suffisent pas. Pour que la révolution d’un peuple et l’émancipation d’une classe particulière de la société bourgeoise coïncident, pour qu’une classe représente toute la société, il faut, au contraire, que tous les vices de la société soient concentrés dans une autre classe, qu’une classe déterminée soit la classe du scandale général, la personnification de la barrière générale ; il faut qu’une sphère sociale particulière passe pour le crime notoire de toute la société, si bien qu’en s’émancipant de cette sphère on réalise l’émancipation générale. Pour qu’une classe soit par excellence la classe de l’émancipation, il faut inversement qu’une autre classe soit ouvertement la classe de l’asservissement. (...) Voici notre réponse. Il faut former une classe avec des chaînes radicales, une classe de la société bourgeoise qui ne soit pas une classe de la société bourgeoise, une classe qui soit la dissolution de toutes les classes, une sphère qui ait un caractère universel par ses souffrances universelles et ne revendique pas de droit particulier, parce qu’on ne lui a pas fait de tort particulier, mais un tort en soi, une sphère qui ne puisse plus s’en rapporter à un titre historique, mais simplement au titre humain, une sphère qui ne soit pas en une opposition particulière avec les conséquences, mais en une opposition générale avec toutes les suppositions du système politique allemand, une sphère enfin qui ne puisse s’émanciper, sans s’émanciper de toutes les autres sphères de la société et sans, par conséquent, les émanciper toutes, qui soit, en un mot, la perte complète de l’homme, et ne puisse donc se reconquérir elle-même que par le regain complet de l’homme. La décomposition de la société en tant que classe particulière, c’est le prolétariat."

Karl Marx - dans « Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel »

"C’est par le prolétariat que l’absolutisme doit être renversé en Russie. Mais le prolétariat a besoin pour cela d’un haut degré d’éducation politique, de conscience de classe et d’organisation. Toutes ces conditions il ne peut se les procurer dans des brochures et des feuilles volantes ; elles ne lui viendront que de l’école politique vivante, de la lutte, au cours de la Révolution en marche. (…) Le soudain soulèvement général du prolétariat en janvier, sous la forte impulsion des événements de Saint-Pétersbourg était, dans son action vers le dehors, un acte politique de déclaration de guerre révolutionnaire à l’absolutisme. Mais cette première action générale directe de classe n’en eut qu’un plus puissant contrecoup vers l’intérieur, en éveillant pour la première fois, comme par une secousse électrique, le sentiment et la conscience de classe chez des millions et des millions d’hommes."

Rosa Luxemburg - dans "Grève de masses, partis, syndicats"

"Il ne peut y avoir de révolution que là où il y a conscience."

Jean Jaurès

"Une des erreurs les plus grandes et les plus dangereuses que commettent les communistes (comme, d’ailleurs, les révolutionnaires en général qui ont mené à bien le début d’une grande révolution), c’est de se figurer que la révolution peut être accomplie par les mains des seuls révolutionnaires. Or, pour assurer le succès de toute action révolutionnaire sérieuse, il faut comprendre et savoir appliquer pratiquement l’idée que les révolutionnaires ne peuvent jouer un rôle que comme avant‑garde de la classe réellement avancée et viable. L’avant‑garde ne remplit sa mission que lorsqu’elle sait ne pas se détacher de la masse qu’elle dirige, lorsqu’elle sait véritablement faire progresser toute la masse. Sans l’alliance avec les non‑communistes dans les domaines d’activité les plus divers, il ne saurait être question d’aucun succès en matière de construction de la société communiste."

Lénine - dans "Le matérialisme militant"

"A mes yeux, citoyens, l’idée de la lutte de classes, le principe de la lutte de classes, est formé de trois éléments, de trois idées. D’abord, et à la racine même, il y a une constatation de fait, c’est que le système capitaliste, le système de la propriété privée des moyens de production, divise les hommes en deux catégories, divise les intérêts en deux vastes groupes, nécessairement et violemment opposés. Il y a, d’un côté, ceux qui détiennent les moyens de production et qui peuvent ainsi faire la loi aux autres, mais il y a de l’autre côté ceux qui, n’ayant, ne possédant que leur force-travail et ne pouvant l’utiliser que par les moyens de production détenus précisément par la classe capitaliste, sont à la discrétion de cette classe capitaliste.

Entre les deux classes, entre les deux groupes d’intérêts, c’est une lutte incessante du salarié, qui veut élever son salaire et du capitaliste qui veut le réduire ; du salarié qui veut affirmer sa liberté et du capitaliste qui veut le tenir dans la dépendance.

Voilà donc le premier élément de la lutte de classes. La condition de fait qui le fonde, qui le détermine, c’est le système de la propriété capitaliste, de la propriété privée. Et remarquez-le bien : comme ici il s’agit des moyens de travailler et, par conséquent, des moyens de vivre, il s’agit de ce qu’il y a pour les hommes d’essentiel, de fondamental, il s’agit de la vie privée, de la vie de tous les jours. Et, par conséquent, un conflit qui a, pour principe, la division d’une société en possédants et en non-possédants n’est pas superficiel ; il va jusqu’aux racines mêmes de la vie."

Jean Jaurès - dans "La lutte de classes"

"Ce qui caractérise toute révolution, c’est que la conscience des masses évolue vite : des couches sociales toujours nouvelles acquièrent de l’expérience, passent au crible leurs opinions de la veille, les rejettent pour en adopter d’autres, écartent les vieux chefs et en prennent de nouveaux, vont de l’avant, et ainsi de suite."

Trotsky - dans "L’avènement du bolchevisme"

Sigmund Freud

"Le moi et le ça" (extraits) :

Les recherches pathologiques ont, d’une façon trop exclusive, orienté notre attention vers ce qui est refoulé. Nous voudrions connaître un peu mieux le Moi, depuis que nous savons qu’il peut, lui aussi, être inconscient, au sens propre du mot. Jusqu’à présent, nous avons eu pour seul point de repère, dans nos recherches, la qualité consciente ou inconsciente des éléments psychiques. Mais nous avons fini par nous rendre compte que c’était là une qualité aux significations multiples.

Or, tout notre savoir est toujours lié à la conscience. Nous ne pouvons connaître l’inconscient lui-même qu’en le rendant conscient. Mais, halte-là : comment cela est-il possible ? Que signifie : « rendre quelque chose cons­cient ? » Comment s’y prend-on pour obtenir ce résultat ?

Nous savons déjà à quel point de départ nous devons nous attacher pour répondre à ces questions. La conscience, avons-nous dit, forme la surface de l’appareil psychique ; autrement dit, nous voyons dans la conscience une fonction que nous attribuons à un système qui, au point de vue spatial, est le plus proche du monde extérieur. Cette proximité spatiale doit être entendue non seulement au sens fonctionnel, mais aussi au sens anatomique 2. Aussi nos recherches doivent-elles, à leur tour, prendre pour point de départ cette surface qui correspond aux perceptions.

Sont conscientes en principe toutes les perceptions qui viennent de l’extérieur (perceptions sensibles) ; et sont également conscients ce que nous appelons sensations et sentiments qui viennent du dedans. Mais que dire de ces processus internes que nous réunissons sous le nom lâche et imprécis de « processus intellectuels » ? Devons-nous les concevoir comme des déplace­ments de l’énergie psychique qui, se produisant à l’intérieur de l’appareil psychique et empruntant les trajets qui mènent à l’action, parviennent à la surface où se forme la conscience ? Ou bien est-ce la conscience qui se dirige vers eux, pour s’y associer et s’y combiner ? Nous ferons remarquer qu’on se trouve ici en présence de l’une des difficultés auxquelles on se heurte lors­qu’on prend trop au sérieux la représentation spatiale, topique des faits psychiques. Les deux éventualités sont également difficiles à concevoir ; il doit y en avoir une troisième.

J’avais déjà formulé ailleurs 3 l’opinion d’après laquelle la différence réelle entre une représentation inconsciente et une représentation précon­sciente (idée) consisterait en ce que celle-là se rapporte à des matériaux qui restent inconnus, tandis que celle-ci (la préconsciente) serait associée à une repré­sentation verbale. Première tentative de caractériser l’inconscient et le pré­conscient autrement que par leurs rapports avec la conscience. A la ques­tion : « Comment quelque chose devient-il conscient ? on peut substituer avec avan­tage celle-ci : « comment quelque chose devient-il préconscient ? » Réponse : grâce à l’association avec les représentations verbales correspon­dantes.

Ces représentations verbales sont des traces mnémiques : elles furent jadis des perceptions et peuvent, comme toutes les traces mnémiques, redevenir conscientes. Avant que nous abordions l’analyse de leur nature, une hypothèse s’impose à notre esprit : ne peut devenir conscient que ce qui a déjà existé à l’état de perception consciente ; et, en dehors des sentiments, tout ce qui, prove­nant du dedans, veut devenir conscient, doit chercher à se transformer en une perception extérieure, transformation qui n’est possible qu’à la faveur des traces mnémiques.

Ces traces mnémiques, nous les imaginons enfermées dans des systèmes, en contact immédiat avec le système perception-conscience, en sorte que leurs charges psychiques peuvent facilement se propager aux éléments de ce dernier. Et, à ce propos, on pense aussitôt aux hallucinations et au fait que le souvenir même le plus vif se laisse encore distinguer aussi bien de l’halluci­nation que de la perception extérieure, et on en a trouvé sans peine l’expli­cation dans le fait que lors de la reviviscence d’un souvenir, la charge psy­chique ne quitte pas le système dont le souvenir fait partie, tandis que dans le cas d’une perception, la charge ne se propage pas seulement de la trace mnémique au système perception-conscience, mais s’y transporte tout entière.

Les traces verbales proviennent principalement des perceptions acousti­ques, lesquelles représentent ainsi comme une réserve spéciale d’éléments sensibles à l’usage du préconscient. Quant aux éléments visuels des représen­tations verbales, on peut les négliger, comme étant de nature secondaire, acquis par la lecture ; et nous en dirons autant des images motrices des mots qui, sauf chez les sourds-muets, jouent un rôle de simples signes auxiliaires. À proprement parler, le mot prononcé n’est que la trace mnémique du mot entendu.

Loin de nous l’idée de rabaisser, par amour de la simplification, l’impor­tance des restes mnémiques d’ordre optique ou de nier que des processus intellectuels ne puissent devenir conscients grâce au retour aux restes visuels. Nous convenons même que chez beaucoup de personnes c’est surtout à la faveur de la visualisation que la pensée devient consciente. Or, l’étude des rêves et des fantaisies préconscientes, d’après les observations de J. Varen­donck, est de nature à nous donner une idée assez exacte de cette pensée visuelle, en nous montrant que ce sont surtout les matériaux concrets des idées qui, dans la pensée visuelle, deviennent conscients, tandis que les relations, qui caractérisent plus particulièrement les idées, ne se prêtent pas à une expression visuelle. Les images constituent donc un moyen très imparfait de rendre la pensée consciente, et l’on peut dire que la pensée visuelle se rappro­che davantage des processus inconscients que la pensée verbale et est plus ancienne que celle-ci, tant au point de vue phylogénique qu’ontogénique.

Si, pour en revenir à notre sujet, telle est la voie qui conduit de l’incon­scient au préconscient, la question : « Comment pouvons-nous amener à la (pré) conscience des éléments refoulés ? » reçoit la réponse suivante : « En rétablissant par le travail analytique ces membres intermédiaires préconscients que sont les souvenirs verbaux ». C’est ainsi que la conscience reste à sa place, de même que l’inconscient n’a pas besoin de quitter la sienne pour aller rejoindre la conscience.

Alors que les rapports existant entre la perception extérieure et le Moi sont patents et évidents, ceux qui rattachent la perception interne au Moi exigent un examen spécial. A leur sujet, on est tenté de se demander si on est vraiment en droit de rattacher toute la conscience au seul système superficiel « percep­tion-conscience ».

La perception interne fournit des sensations en rapport avec des processus se déroulant dans les couches les plus diverses, voire les plus profondes, de l’appareil psychique. Ces sensations sont peu connues, celles de plaisir et de déplaisir pouvant être considérées comme leur meilleur modèle. Elles sont plus primitives, plus élémentaires que celles provenant de l’extérieur et peu­vent se produire même dans des états troubles de la conscience. J’ai insisté ailleurs sur leur grande importance économique et sur les raisons méta­psy­chologiques de celle-ci. Ces sensations sont multiloculaires comme les per­cep­tions extérieures, elles peuvent venir simultanément des points les plus différents et posséder des qualités opposées.

Les sensations agréables n’ont en elles-mêmes aucun caractère de con­trainte ou d’insistance, tandis que les sensations désagréables possèdent ce caractère au plus haut degré. Elles tendent à imposer des modifications, elles cherchent à se décharger par tous les moyens, et c’est pourquoi nous disons que le déplaisir est caractérisé par une augmentation, le plaisir par une dimi­nution de la charge énergétique. Si ce qui est éprouvé comme déplaisir ou plaisir forme, dans la succession des faits psychiques, quelque chose qui, tant au point de vue quantitatif que qualitatif, diffère de ces sensations elles-mêmes, nous voudrions savoir si ce quelque chose peut devenir conscient sur place ou s’il doit, pour devenir conscient, parvenir au système C (conscience).

L’expérience clinique parle en faveur de cette dernière éventualité. Elle montre que ce « quelque chose » se comporte comme une velléité refoulée. Cette velléité peut chercher à se manifester en déployant des forces motrices, sans que le Moi s’aperçoive de la contrainte qu’il subit. Pour devenir con­sciente, sous la forme d’une sensation pénible ou désagréable, cette velléité doit, dans la contrainte qu’elle exerce, se heurter à une résistance, à des obstacles qui s’opposent à sa réaction de décharge. De même que les tensions produites par les besoins, la douleur, ce chaînon intermédiaire entre la per­ception interne et la perception externe, qui se comporte comme une percep­tion interne, alors même qu’elle a sa source dans le monde extérieur, peut également rester inconsciente. Il est donc exact de dire que même des senti­ments et des sensations, pour devenir conscients, doivent parvenir au système C. Si le chemin est barré, ils ne sont pas éprouvés en tant que sentiments et sen­sa­tions, bien que le « quelque chose » qui leur correspond demeure inva­riable dans le déroulement de l’excitation. Par abréviation, et d’une façon qui n’est pas tout à fait correcte, nous parlons alors de sensations incon­scien­tes et nous insistons sur leur analogie avec les représentations inconscientes, ce qui n’est pas tout à fait justifié. La différence entre les unes et les autres consiste notamment en ce que, pour amener à la conscience une représen­tation incon­sciente, il faut créer un certain nombre d’anneaux, d’étapes intermé­diaires, tandis que les sensations se propagent directement. Et d’autres termes : la distinction entre le conscient et le préconscient ne se pose pas pour les sensa­tions : une sensation est ou consciente ou inconsciente, mais jamais précon­sciente. Alors même qu’une sensation est associée à des représentations verba­les, elle devient consciente, non grâce à ces représentations, mais directement.

Nous voilà tout à fait fixés sur le rôle des représentations verbales. Par leur intermédiaire, les processus intellectuels internes deviennent des percep­tions. On dirait qu’elles ne sont là que pour servir de preuve à la proposition : toute connaissance provient de la perception externe. Lorsque la pensée est en état de surcharge, les idées sont réellement perçues comme venant du dehors et, pour cette raison, considérées comme vraies.

Après avoir ainsi élucidé les rapports existant entre la perception externe, la perception interne et le système superficiel « perception-conscience », nous pouvons essayer de donner une forme plus achevée à notre représentation du Moi. Nous le voyons se former à partir du système P (perception), qui en constitue comme le noyau, et comprendre d’abord le préconscient qui s’appuie sur les traces mnémiques. Nous savons cependant que le Moi est également inconscient.

Je crois que nous aurions tout profit à suivre les suggestions d’un auteur qui, pour des motifs personnels, voudrait nous persuader, sans y réussir, qu’il n’a rien à voir avec la science rigoureuse et élevée. Cet auteur n’est autre que C. Groddeck, qui ne se lasse pas de répéter que ce que nous appelons notre Moi se comporte dans la vie d’une façon toute passive, que nous sommes, pour nous servir de son expression, vécus par des forces inconnues, échappant à notre maîtrise 4. Nous avons tous éprouvé des impressions de ce genre, bien que nous n’en ayons pas toujours subi l’influence au point de devenir inac­cessibles à toute autre impression, et nous n’hésitons pas à accorder à la manière de voir de Groddeck la place qui lui revient dans la science. Je pro­pose d’en tenir compte en appelant Moi l’entité qui a son point de départ dans le système P et qui est, en premier lieu, préconscient, et en réservant la dénomination Ça (Es) à tous les autres éléments psychiques dans lesquels le moi se prolonge en se comportant d’une manière inconsciente 5.

Nous ne tarderons pas à voir dans quelle mesure cette conception peut nous être utile pour la description et la compréhension des faits qui nous intéressent. Un individu se compose ainsi pour nous d’un Ça psychique, in­connu et inconscient, auquel se superpose le Moi superficiel, émanant du système P comme d’un noyau. Pour donner de ces rapports une représentation pour ainsi dire graphique, nous dirons que le Moi ne recouvre le Ça que par sa surface formée par le système P, à peu près comme le disque germinal recou­vre l’œuf. Il n’existe pas entre le Moi et le Ça de séparation tranchée, surtout dans la partie inférieure de celui-là, où ils tendent à se confondre.

Mais ce qui est refoulé se confond également avec le Ça, dont il n’est qu’une partie. C’est par l’intermédiaire du Ça que les éléments refoulés peu­vent communiquer avec le Moi dont ils sont nettement séparés par les résis­tances qui s’opposent à leur apparition à la surface. Nous voyons aussitôt que presque toutes les distinctions que nous venons de décrire, en suivant les suggestions de la pathologie, ne se rapportent qu’aux couches superficielles, les seules que nous connaissions de l’appareil psychique.

Messages

  • Il est difficile de cerner la signification et la définition de la conscience.

    Bien des commentaires la décrivent comme une espèce de volonté qui piloterait notre cerveau. Mais, malgré l’existence effective de rétroactions, le fonctionnement est inverse : notre cerveau dirige notre conscience et non le contraire... Cela signifie qu’il existe un domaine inconscient beaucoup plus vaste que ce qui est conscient.

    Ainsi, quelqu’un qui ne dispose pas de sa conscience (sommeil, malaise, anesthésie, coma, etc...) continue à vivre et son cerveau continue à fonctionner et, apr exemple, à piloter son corps.

    • La conscience en tant que phénomène mental lié à la perception et la manipulation intentionnelle de représentations mentales, qui comprend :
      la conscience du monde qui est en relation avec la perception du monde extérieur, des êtres vivants doués ou non de conscience dans l’environnement et dans la société (autrui).
      la conscience de soi et de ce qui se passe dans l’esprit d’un individu : perceptions internes (corps propre), aspects de sa personnalité et de ses actes (identité du soi, opérations cognitives, attitudes propositionnelles).

  • « La plupart des neurobiologistes admettent plutôt qu’on ne saurait localiser la conscience, cette dernière résultant de l’interactivité d’une mosaïque de processus allant de la conscience liminaire à la conscience de soi. Cependant, cette absence de localisation, ou d’isolement d’un processus spécifique, ne les empêche pas de définir la conscience : il s’agit d’un événement subjectif, expérience de la présence unique, holistique, impartageable. (…)

    La conscience suppose des disparités synchroniques

    Le degré de conscience ne résulte pas de la quantité de neurones au travail en même temps dans le cerveau ni de l’intensité de leur activité. Une activité neuronique, en l’absence de conscience, peut être égale ou même plus forte que pendant la conscience : dans les crises d’épilepsies, par exemple, les neurones sont hyperactifs. De même, pendant le sommeil, on suppose parfois que l’activité des neurones diminue et qu’il en résulte une perte de conscience. Or le taux d’activité des neurones pendant le sommeil est égal à celui de la veille. Comme le remarquent Edelman et Tononi, la proportion de neurones en activité peut même augmenter pendant le sommeil dans certaines aires corticales. Ils ajoutent aussi que ce qui provoque « un changement net entre veille et sommeil, ce n’est pas le taux d’éveil des neurones, mais leur structure d’éveil. » Le sommeil se distingue de la veille par une telle structure : la conscience éveillée s’accompagne d’une activité du cerveau suffisamment différenciée entre des aires distinctes. Au contraire, le sommeil se caractérise par une grande homogénéité des états cérébraux : les discriminations fonctionnelles entre les différentes aires tendent à s’uniformiser. Indice de la conscience, la disparité s’évanouit lorsque l’ensemble des neurones fonctionne en synchronie (comme c’est le cas lors des crises d’épilepsie ou pendant le sommeil profond).

    La conscience dépend de la complexité associative de plusieurs aires, elle ne se réduit pas aux sous-ensemble de neurones qui la supportent (ce n’est pas une fonction localisable). Lorsque les assemblées de neurones sont synchrones, la conscience s’évanouit. En période d’activité consciente, les neurones du système thalamocortical s’éveillent seulement par à-coups, de une à quatre fois par seconde. »Dans les conditions spéciales de la crise d’épilepsie généralisée ou du sommeil profond, au contraire, cette structure se synchronise : on observe alors un EEG hypersynchrone qui correspond à l’éveil à l’unisson des cellules corticales. Cette réduction du différentiel est incompatible avec la conscience. L’éveil intégré de l’ensemble du cerveau s’accompagne d’un évanouissement de la subjectivité. Contrairement à ce qu’ont imaginé les neurophysiologistes du rêve, l’activité onirique a très peu de chance de se produire pendant le sommeil profond, puisqu’il faut un certain niveau de complexité pour susciter la conscience (qui existe aussi à l’intérieur même des rêves).

    La disparité d’excitation entre plusieurs aires du cerveau signifie que la conscience résulte d’une comparaison entre un événement actuel et un événement passé ou virtuel. Elle juge et adapte l’action aux événements en cours. (…)

    Pourquoi la conscience devrait-elle jaillir sous prétexte que plusieurs aires sous prétexte que plusieurs aires sont connectées entre elles ? Il existe à cet égard une adéquation entre le fonctionnement de l’appareil psychique que décrit la psychanalyse et ce qu’expose un neurophysiologiste comme Edelman. Du point de vue psychanalytique, le départage du conscient et de l’inconscient réclame lui aussi la connexion de plusieurs instances distinctes, celles qui concernent la pulsion et celles qui régissent l’effectuation de la parole. La disparité de synchronisation entre les aires est du même ordre que celle qui existe entre le système pulsionnel (qu’il faut refouler) et la pensée (qui autorise la conscience). La différence de potentiel entre plusieurs aires témoigne du travail de refoulement. A telle enseigne que, lorsque le refoulement échoue et que toutes les aires sont hypersynchrones en même temps, la conscience s’abolit.

    Les disparités de niveau entre les aires connectées provoquent la conscience : cette étincelle jaillit dans la différence de potentiel existant entre les aires de la sensation et celle du langage. La conscience d’un sujet résulte du refoulement du danger de la pulsion, grâce à un processus réentrant dans le système symbolique. Il s’agit de passer d’un système d’information explosif à un autre qui le désamorce. Réentrer équivaut à refouler. (…)

    Classiquement, la conscience réclame un acte réflexif, mais qu’est cet acte réflexif ? (…) Lorsque le sujet nomme sa perception, il fait déjà un pas vers la conscience. (…) Ce n’est pas la réflexivité en général qui qualifie la conscience humaine, mais la réflexivité discursive : le fait qu’un mot se définisse par un autre mot. »

    Gérard Pommier dans "Comment les neurosciences démontrent la psychanalyse"

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