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Révolutions dans l’Inde antique

mardi 20 juillet 2010, par Robert Paris

On a longtemps assimilé civilisations avec grands royaumes, grands empires, c’est-à-dire Etats puissants et dictatoriaux, comme si les Etats avaient créé la richesse, l’artisanat, le commerce, l’irrigation, et même la grande agriculture des vallées. La civilisation de l’Indus démontre le contraire.

La civilisation de l’Indus nous démontre bien des choses : sa soudaineté, son caractère révolutionnaire, le fait qu’une grande civilisation a existé sans roi, sans palais, sans temple !!!Et cela six mille ans avant JC ...
Rajoutons qu’elle s’est développée sans armée, sans police, sans aucune forme d’état, ce qui ne veut pas dire sans classes dirigeantes, sans classes exploitées et sans exploitation ou oppression. Par contre, en l’absence de force spéciale de répression, cette civilisation florissante et cultivée s’est effondrée sous les coups de la révolution sociale à un certain niveau de développement des inégalités sociales. Et son effondrement a provoqué bien d’autres effondrements en coupant bien des routes commerciales maritimes.

Carte de l’antique civilisation de l’Indus

Depuis 1921, près de 3000 sites archéologiques ont été découvert près des rivières Sarasvati et Indus, à la frontière pakistanaise, témoignant d’une civilisation avancée - dénommée « de l’Indus » - avait régné entre 2700 et 1900 avant J.C (datation au carbone 14) : ainsi à cette époque, on connaissait déjà les briques, les poids et mesures, l’écriture et les domaines agricole, métallurgique et commerciaux étaient très avancés. Un urbanisme et un système sanitaire sophistiqués, des fortifications, des bâtiments à usage communautaire (salles « d’assemblée », Collèges », grands bains ») , rues orientées selon les points cardinaux, des maisons avec salle de bains privée… On savait extraire le cuivre et le bronze, forger des outils et des armes et le commerce était florissant. On exportait bois, métaux, ivoire, poteries mais aussi colliers, bijoux.
Mais qui était cette civilisation restée si longtemps dans l’ombre ?
Il faut imaginer un peuple qui a vécu sur un immense territoire. Ce peuple parlait une langue qui nous est inconnue et utilisait une écriture que nous n’avons toujours pas réussi à déchiffrer. Cette civilisation a construit de grandes villes divisées en quartiers mais avec une logique qui nous échappe.

En effet, nous n’avons retrouvé ni temples, ni palais. Les premiers habitants de la vallée de l’Indus ont commencé à édifier des villages vers le VIIe millénaire avant notre ère.

Puis, entre 3 200 et 1 800 ans avant notre ère, de grandes villes s’épanouirent. C’est entre 2 700 et 2 600 ans avant notre ère que furent édifiés les imposants murs d’enceinte d’Harappa.
Les chercheurs ont d’abord pensé que cette civilisation était constituée de colonies provenant de Mésopotamie. Mais, les fouilles ont révélé que ce peuple avait ses caractéristiques propres. Pour l’instant, faute de nouveaux indices, officiellement la plus ancienne civilisation indienne est née sur les rives de l’Indus tout comme l’Egypte s’est développée sur le Nil.

Depuis la découverte de Mohenjo-Daro, d’autres cités antiques de l’Indus ont été retrouvées comme Dholavira ou Ganweriwala.

Apparemment, ce peuple était un peuple de marchands. Tout porte à croire qu’ils ne disposaient d’aucune supériorité militaire. Tout atteste le caractère pacifique de ce peuple qui possédait une supériorité culturelle.

Le caractère le plus stupéfiant des villes harappéennes est la complexité de leur urbanisme. Ces villes s’étendaient sur un périmètre de 100 à 200 ha au minimum.

Mohenjo-Daro est très bien conçue. On peut la comparer aux grandes villes américaines. D’ailleurs, les archéologues l’ont surnommé " le Manhattan de l’age de bronze ". En effet, on peut voir une douzaine d’artères tracées au cordeau traverser la ville du nord au sud, coupées d’est en ouest par des rues plus étroites qui délimitaient des pâtés de maisons.

Au centre de Mohenjo-Daro se dressait la citadelle, vaste édifice abritant des salles de fêtes et des bureaux.
A proximité, des bains publics avaient été construits. Mohenjo-Daro abritait également ce qu’on a baptisé le Grand Bain . C’est une piscine de 12 m de long sur 7 de large et 2,40 m de profondeur.

Les rues étaient bordées de magasins. A l’intérieur des maisons, il y avait généralement un puits et même quelque fois une salle de bain avec un bac à douche.

En l’absence de canalisations, ces maisons ne disposaient pas bien sûr de l’eau courante. Par contre, il existait un système d’évacuation des eaux usagées utilisant des conduits d’argile.
Ces tuyaux rejoignaient les égouts amovibles, en pierre, à chaque croisement, facilitant l’entretien du système.

Ce peuple était apparemment épris d’ordre et d’hygiène. Dans les ruines du site de Mehrgarh, les archéologues ont découvert l’équivalent de nos décharges industrielles. On y mettait les rebus du travail des peaux, du cuivre, du talc, des coquillages etc...
D’autres bâtiments restent énigmatiques. A Harappa et Mohenjo-Daro, il existe deux édifices étranges avec un socle divisé en blocs, qui supportait probablement une construction en bois. On a cru qu’il s’agissait de greniers mais finalement ils restent un mystère.

De même, n’ayant retrouvé aucun édifice religieux.

A partir de 1 600 ans avant notre ère, les villes étaient à l’abandon. De nombreuses théories ont été émises pour expliquer ce déclin.
On a tout d’abord pensé que la civilisation de l’Indus avait été renversée par une invasion indo-européenne. Mais aucune preuve n’est venue étayer cette théorie.
L’eau est peut-être la cause de cet abandon. En effet, des recherches archéologiques ont révélé que la civilisation de l’Indus devait lutter constamment contre les inondations. Certains quartiers de Mohenjo-Daro auraient été reconstruits huit fois. Mais, il n’y a aucune trace d’une catastrophe naturelle qui aurait touché l’ensemble des cités.
Une des causes de cet effondrement peut avoir été un changement climatique majeur. Autour de 1800 av. J.-C., nous savons que le climat s’est modifié, devenant notablement plus frais et plus sec. Mais cela ne suffit pas pour expliquer l’effondrement de la civilisation de l’Indus.

La « révolution néolithique », définie par l’apparition d’une économie de production, dont on situe les débuts, dans l’Ancien Monde, dans le Croissant fertile au Moyen-Orient, entre les IXe et VIIemillénaires avant J.-C., apparaît, depuis la découverte de sites tels que celui de Mehragarh au Pakistan, pratiquement aussi ancienne dans le sous-continent indien. Il est vraisemblable que la présence dès cette époque de villages dans cette partie du Baloutchistan qui domine le bassin de l’Indus explique en partie que la première civilisation indienne, celle dite « de l’Indus » (ou « de Harappa », ou encore « harappéenne »), soit née dans cette région du sous-continent, alors que partout ailleurs dans le reste de l’Inde les populations en sont encore à un stade de civilisation bien moins avancé.

Avec la civilisation de l’Indus, qui dut commencer à se développer au IVemillénaire avant notre ère, commence l’âge du bronze et, en fait, la protohistoire de l’Inde puisque cette civilisation, à son apogée, entre environ 2500 et 1750 avant J.-C., connaît l’écriture. Mais l’écriture harappéenne non plus que la langue qu’elle note ne sont encore déchiffrées. Ainsi, cette civilisation, par ailleurs assez bien connue sous ses aspects matériels, constitue une énigme.

Le millénaire qui suit la disparition de la phase brillante de la civilisation de l’Indus et qui se prolonge jusqu’aux débuts de l’histoire proprement dite (traditionnellement le VIes. avant J.-C., à l’époque du Bouddha) est, lui aussi, énigmatique. Il est en effet presque tout entier concerné par la fameuse question « aryenne », qui, très succinctement, se pose de la façon suivante. D’une part, le corpus littéraire indien le plus ancien : le Rigveda, puis les recueils suivants, ensemble composé en sanskrit védique, langue indo-européenne, sont supposés avoir été élaborés à partir de la seconde moitié de ce IIemillénaire avant notre ère dans l’Inde du Nord-Ouest. D’autre part, les archéologues n’ont, pour cette période et dans ces régions, jusqu’à présent, guère trouvé de traces nettes de migrations de populations. On ne retrouve dans le Pendjab, pakistanais aussi bien qu’indien, que des vestiges de cultures harappéennes tardives auxquels font suite, mais après une période d’abandon qui peut avoir duré plusieurs siècles, des vestiges d’une culture qui paraît nouvelle, caractérisée par d’autres types de céramique (en particulier par une poterie grise peinte), et qui, surtout, se développe dans le Doab (l’interfluve entre le Gange et la Yamuna) et dans la haute vallée du Gange. À cette culture qui doit commencer vers le début du Iermillénaire avant J.-C. fait suite, cette fois sans interruption, une autre culture définie par une forme évoluée de la poterie grise et centrée sur la moyenne vallée du Gange.

Sur la civilisation de l’Indus (en anglais)

La civilisation, que ce soit en Mésopotamie, en Amérique centrale, en Inde ou en Chine semble sortie toute faite et d’un seul coup, sans essais précédents ni étapes préparatoires. Elle se cristallise brutalement par un changement de phase. Je cite quelques exemples de ce type de remarque étonnée des historiens. Sir Mortimer Wheeler, spécialiste de l’Inde antique, dans l’ouvrage précédemment cité sur l’apparition de la civilisation de l’Indus, écrit : Je cite des extraits de sa conclusion : « L’histoire a brutalement proposé à l’Inde tout un complexe, une gamme complète de notions et de variations thématiques. (...) L’Inde de la Préhistoire (...) a la monotonie même de son paysage : un interminable et morne Paléolithique, un Microlithique diffus, des siècles de civilisation indusienne (...) Cette monotonie est rompue par des bouleversements subis, des envolées soudaines. De temps à autre, l’Inde sort de son sommeil et, de toute son intelligence, aiguë et préhensible, s’empare d’idées nouvelles, se saisit des occasions qui s’offrent. »
Cependant, nombre d’historiens ont une image du développement de la civilisation qui n’intègre pas ces contradictions croissantes. Prenant l’exemple de la civilisation de l’Inde, Raj et Renée Isar écrivent dans « L’Inde, au-delà des mythes et du mensonge », « Le système des castes constitue un caractère distinctif de la société indienne, c’est l’un des éléments de continuité les plus importants de la tradition hindoue depuis au moins la première moitié du premier millénaire avant J.-C. C’est lui qui, pendant ces trente siècles, a engendré l’ordre moral cohérent sur lequel l’hindou a la possibilité et le devoir de régler sa vie. (...) L’unité séculaire de l’Inde n’était pas politique mais socioculturelle. Les dynasties, qu’elles fussent indiennes ou étrangères, pouvaient bien naître et périr, les choses suivaient leur cours. » Pour appuyer leurs dires, les auteurs citent même Karl Marx rappelant un rapport officiel à la Chambre des Communes anglaise : « Les habitants ne se soucient pas de la destruction des royaumes ; tant que le village subsiste, peu leur importe quel pouvoir ou de quel souverain il relève ; son économie interne reste inchangée. » Dans un ouvrage traitant des transitions des diverses civilisations de l’Inde et intitulé « l’Inde ancienne », l’auteur Sir Mortimer Wheeler, ancien directeur général des Antiquités de l’Inde relève tous les indices montrant que la civilisation a plusieurs fois implosé du fait de contradictions sociales internes, en somme sujette à de multiples révolutions. Et pourtant, il ne retient même pas cette hypothèse. Il constate des discontinuités, des changements politiques, sociaux et culturels, les chutes de la civilisation ou ses bonds tout aussi brutaux. Tout au long de l’ouvrage, l’auteur constate des sauts historiques, de véritables transitions civilisationnelles. Mais il recherche, par un a priori constant, des continuités partout. Ainsi, pour l’Age de pierre ou plutôt les diverses transitions des âges de pierre, il expose un point de vue continuiste : « Nous pouvons considérer le processus qui, partant du galet, s’achève au biface Acheuléen comme un développement organique progressif. » Il n’ignore pas que « Comme en Afrique, le tranchet Acheuléen ne s’insère pas facilement dans un tel schéma évolutif. ». A ce propos, il touche même du doigt le caractère révolutionnaire du changement : « Tout nous incite à tenir pour assuré que les diverses modes industrielles ont couvert chacune des périodes étonnamment longues ; que les changements culturels ont été quasi imperceptibles (...). Et lorsque des modifications se manifestaient (...) ils se peut que ces changements aient lieu avec une relative soudaineté. » Il ne renonce pas pour autant au « schéma évolutif ». Il en va de même pour les autres transitions révolutionnaires de la civilisation indienne, ou plutôt des diverses civilisations indiennes successives. D’un côté, l’auteur remarque que la continuité historique n’est pas la bonne formule ; on pourrait même dire qu’il décrit un développement civilisationnel « inégal et combiné », selon l’expression de Marx et de Trotsky : « La culture des haches (...). Chevauchant une culture mégalithique, celle-ci superposée à une culture chalcolithique qu’elle chevauche partiellement (...) Ce chevauchement atteste une coexistence partielle entre les deux cultures, la nouvelle et l’ancienne, mais il est aussi la preuve qu’il n’y eut pas de continuité culturelle organique entre les occupations successives. (...) Nous sommes donc confrontés à trois cultures essentiellement distinctes (...) ». L’interprétation d’un progrès linéaire ne fonctionne pas : « L’Age de fer détermina donc en Inde centrale une révolution dans toute l’acception du mot. (...) Au cours de l’Age de fer, nous voyons l’Inde des plaines adopter d’enthousiasme le métal nouveau (d’où une révolution qui eut cependant un caractère plus technique que social) (. .) » Surtout pas question de reconnaître une révolution sociale ! Il suffit d’admettre qu’il s’agit seulement d’un changement d’idées et que les idées circulent et changent d’elles-mêmes : « Le transfert des industries, voire des cultures, n’implique pas nécessairement des migrations massives. Il n’est pas besoin de mille hommes pour répandre une idées, surtout une idée révolutionnaire. En vérité, il m’arrive souvent de rêver que les idées ont des ailes (...). » Cette vision idéaliste permet à l’auteur, étudiant « la civilisation de l’Indus », de décrire le « passage soudain à une nouvelle phase culturelle, celle de l’Indus (...) Les cités d’Harrappâ et de Mohenjo-daro étaient l’une et l’autre couronnées par une acropole et une citadelle crénelée (...) en bordure de la ville proprement dite. (...) L’urbanisme méthodique de ces centres, la perfection des ouvrages à but utilitaire impliquent une gestion aux préoccupations plus civiles que religieuses. (...) La civilisation indusienne a été identifiée. (...) La Mésopotamie a élaboré l’idée même de la civilisation. Grâce à elle, cette idée était dans l’air au Moyen-Orient dès la fin du 4e millénaire et, comme je l’ai noté plus haut, les idées ont des ailes. (...) Depuis la Mésopotamie, l’idée de la civilisation ne tarda pas à gagner l’Egypte (...) Ne doutons pas non plus que de Mésopotamie, cette idée achevée, toujours liée à la notion d’écriture, a gagné plus tard la côte indienne et le bassin de l’Indus (...) La théorie selon laquelle la notion infiniment complexe de civilisation serait née spontanément et de façon indépendante dans chacun de ces trois pays (...) est tellement absurde qu’il ne vaut pas la peine de la réfuter. » La civilisation serait une idée et l’a priori d’un changement culturel continu, transmis progressivement, est bien là. Cependant notre auteur est repris par ses observations historiques qui sont en parfaite contradiction avec ces affirmations. Au lieu d’une lente influence extérieure d’une civilisation étrangère déjà en pleine possession de ses moyens, on constate tout autre chose : un changement radical. « Vers le milieu du 3e millénaire, le bassin de l’Indus fut le théâtre d’un événement historique d’une importance extrême et qui se produisit probablement avec une grande rapidité : (...) quelques unes des petites communautés installées au pied des plateaux du Béloutchistan se lancèrent dans une entreprise de conquête audacieuse (...) jusqu’aux vastes plaines qui tapissaient les jungles. (...) créant une civilisation pré-indusienne (...) aux alentours de 2400 avant J.-C. (...) Les tentatives de colonisation de la vallée (...) se soldant régulièrement par l’échec. (...) Jungles denses entourées de marécages, infestées d’éléphants, de tigres, de buffles, de rhinocéros et de crocodiles. Contrairement à ce qui se passait dans les vallées du haut pays où le sol est pauvre, l’approvisionnement en haut incertain et l’horizon barré, les perspectives nouvelles étaient vraiment immenses. » Tout le raisonnement de l’auteur a mené à l’idée d’un progrès continu des idées. Au contraire, sa description et son analyse, très incisive, mènent à l’idée d’une révolution sociale, inévitablement brutale, qu’il appelle, par un terme en oxymoron, « adaptation prompte » ou encore « évolution explosive », tout en expliquant que c’est exactement le même type d’évolutions que les biologistes rencontrent dans le changement d’espèce ! Voyons donc ce raisonnement selon lequel la civilisation nécessitait un bond en avant : il fallait d’un seul coup lancer un grand défrichement, une grande irrigation et, en même temps, aller vers la fondation de villes nourries par une agriculture en grand ! Une vraie révolution sociale ! « Chaque année, à la fonte des neiges, les rivières entraient en crue. Si l’inondation fertilisait la terre, elle apportait aussi de cruels ravages. Il fallait la maîtriser. Or l’irrigation extensive qu’exige une grande ville de plaine présuppose un incessant effort de prévision et de coordination. Le moindre relâchement est fatal. (...) Les avantages inouïs d’un milieu si vaste, si généreux mais en même temps si menaçant ne pouvaient fructifier – et ce dès les tout premiers temps de l’installation – qu’en fonction de la capacité de l’homme à maîtriser son environnement et à le plier à sa loi. La pusillanimité, les compromis boiteux ne pouvaient avoir cours dans cette situation. (...) N’en doutons pas : dans le cas contraire, elle eût succombé. C’est bien là un exemple où il nous est donné de discerner clairement la mise en œuvre dans les affaires humaines de ce processus d’adaptation prompte et de progrès accéléré que les biologistes appellent « évolution explosive ». » L’auteur parle encore de « fulgurants débuts » et en cela, il a sans doute raison. D’un seul coup, on voit apparaître non seulement des défrichements et une irrigation à grande échelle mais une urbanisation de haute volée, avec une organisation sociale très poussée et une différenciation sociale très évoluée. Il ne s’agit plus seulement de révolutions des techniques ou d’une « idée de civilisation » !
La chute de la civilisation de l’Indus est présentée par l’auteur avec les mêmes contradictions entre constat et conclusions. Les raisonnements, très fins, mèneraient aisément à l’idée d’un changement radical et brutal et un a priori s’y oppose fermement. Cela mérite encore une fois d’être cité longuement : « Comment s’éteignit la civilisation de l’Indus ? (...) dans la zone centrale du bassin, elle périclita pour disparaître finalement (...) Mais cette décadence fut-elle générale ? L’effondrement fut-il soudain ? (...) Les vicissitudes du déclin ont pris des formes variées. A Mohenjo-daro, en tout cas, la chute fut lente et progressive, l’écroulement ultime catastrophique. Parlons d’abord de la décadence. Les fouilles de Mohenjo-daro ont constaté dans les couches récentes une détérioration continue de l’urbanisme et du niveau de vie. (...) Mohenjo-daro laissa en quelque sorte son paysage se délabrer. Bien avant que le coup fatal lui ait été porté, la ville était condamnée. » Cependant, l’auteur est amené à reconnaître que la fin de cette ville elle-même a été brutale, violente et marquée par des assassinats : « Le souvenir de ce coup fatal, tant de fois décrit, est perpétué par des groupes de squelettes de femmes, d’hommes et d’enfants – certains portent des traces de coups de hache ou de sabre – qui ont été retrouvés dans le dernier niveau, affaissés tout de leur long dans la position même où les avaient abandonnés pour l’éternité des assaillants dédaigneux de la cité qu’ils avaient mise à sac. Cette fois Mohenjo-daro était bel et bien morte. Mais quelle est, au plan de l’histoire, la signification de ce raid ? (...) Il est tentant (...) de voir dans les destructeurs de Mohenjo-daro, indifférents à la cité conquise, des représentants de ces barbares mais héroïques Aryens, étrangers à la vie urbaine. » Il est tentant dit l’auteur qui préfère s’en tenir là. On retrouvera, lors de la chute des villes, des empires et royaumes, ces mêmes caractéristiques d’une attaque violente qui laisse là les richesses de la « civilisation », abandonne complètement l’ancien mode de vie et d’exploitation. La population des villes, elle-même, les a quittées. Généralement, on ne trouve pas dans ces villes abandonnées de traces d’une guerre entre armées mais plutôt celles d’une guerre sociale. Pourtant, à aucun moment, l’hypothèse, que les peuples exploités par cette civilisation se soient révoltés, n’est discutée ni même envisagée, alors que l’auteur a lui-même exposé que cette population voit ses conditions d’existence s’aggraver de manière sensible dans la période précédente. La guerre extérieure est considérée comme la plus probable… On remarquera aussi que la continuité est interrompue. L’auteur est contraint de le reconnaître tout en espérant que c’est un trou de la connaissance historique : « Que fut la phase qui succéda immédiatement à la civilisation de l’Indus ? L’histoire de l’Inde septentrionale ne commence à être connue de façon précise qu’à partir de l’époque de Bouddha, c’est-à-dire vers 500 avant J.-C. En admettant que (...) la civilisation soit tombée vers 1500 avant J.-C, il reste un hiatus de 1000 ans à combler. (...) Heureusement, les archéologues indiens se sont attaqués à cet Age des Ténèbres, et la lumière est en vue. » Pourquoi y a-t-il nécessairement une continuité qu’il faudrait trouver en remplissant les trous, l’Histoire ne le dit pas. Loin d’être un cas à part, cet auteur est tout à fait dans la norme.
Un autre historien de l’Inde, Alain Daniélou, dans son ouvrage « Histoire de l’Inde », considère la civilisation comme un produit de son idéologie et, du coup, il affirme sa continuité. On y retrouve aussi l’interprétation de la chute par l’attaque des barbares extérieurs, les Aryens. « L’Inde, par sa situation, son système social et la continuité de sa civilisation, constitue une sorte de musée de l’histoire (...) ». Curieux a priori de la continuité, ce même auteur remarque que la chute de la civilisation de l’Indus a été suivie de 2100 ans sans civilisation : « Il n’existe dans l’Inde aucun monument qui ait été construit entre la fin de Mohenjo Daro et l’époque bouddhiste (5ème siècle avant J.-C). » Il remarque aussi que ce n’était pas la première chute d’une époque florissante mais, selon la tradition, la quatrième : « Selon la tradition indienne, (...) le début du kali yuga (l’âge des conflits ou âge sombre), le quatrième du monde. Kali veut dire « querelle », yaya « ère ». » Le texte cité est le « Big Veda ». Rappelons que l’idéologie de l’époque, interprétation symbolique de l’histoire réelle est fondée sur les « créations et annihilation successive du monde ». En somme, la société organisée et hiérarchisée avait déjà été plusieurs fois construite et détruite. Par des « kali » ? Les « querelles » sont des luttes internes qui pourraient bien avoir eu un caractère social et sont une hypothèse qui s’oppose à celle que retient Daniélou d’une guerre, la guerre du Mahabharata qui marquerait l’invasion de la société dravidienne de l’Indus par les peuples nomades aryens. L’auteur relève pourtant lui-même la contradiction chronologique : « D’après les historiens occidentaux, la guerre du Mahabharata (...) remonterait aux années 1500 à 1000 avant Jésus-Christ. » Alors que la chute de la civilisation date environ de 3000 avant J.-C ! Relevons deux autres contradictions dans cette interprétation. Aucune chute brutale n’est possible dans cette hypothèse, car les Aryens n’attaquaient pas à la tête d’une armée et étaient seulement des nomades qui envahissaient de manière progressive et pacifique : « Les occupants aryens, tels qu’ils se présentent dans les hymnes du Big Veda, étaient des nomades, mais ils étaient intellectuellement et matériellement assez peu développés. (...) La descente des Aryens sur l’Inde fut progressive (...). » Une autre contradiction provient du caractère de la lutte décrite par le Big Veda. Le même auteur décrit la lutte des Dravidiens contre l’invasion aryenne : « Le conflit fut un conflit social plutôt que culturel. »
L’encyclopédie internet Wikipedia relève les deux discontinuités de l’apparition et de la disparition de cette civilisation de l’Indus et expose les difficultés d’interprétation du début et de la fin de cette société sans pour autant envisager la révolution sociale comme source de l’Etat ni comme cause de la disparition :
« L’émergence de la civilisation
« Autour de 2600, quelques sites pré-harappéens se développent en cités, abritant des milliers d’habitants, essentiellement des agriculteurs. Par suite, une culture unifiée apparaît dans toute la zone, aplanissant les différences régionales de sites éloignés de plus de 1000 km. Cette émergence est si soudaine que les premiers chercheurs ont pu penser qu’elle résultait d’une conquête extérieure ou d’une migration. Depuis, les archéologues ont fait la preuve qu’elle est issue de la culture pré-harappéenne qui l’a précédée. En fait, il semble que cette soudaineté soit le résultat d’un effort délibéré, planifié. Par exemple, quelques sites paraissent avoir été réorganisés pour se conformer à une planification réfléchie. C’est la raison pour laquelle la civilisation de l’Indus est considérée comme la première à avoir développé une planification urbaine. (...) »
« Le déclin et l’effondrement
« Durant 700 ans, la civilisation de l’Indus fut prospère et ses artisans produisirent des biens d’une qualité recherchée par ses voisins. Puis aussi soudainement qu’elle était apparue, elle entra en déclin et disparut. Vers 1900 av._J.-C., des signes montrent que des problèmes apparaissent. Les gens commencent à quitter les cités. Ceux qui s’y maintiennent semblent avoir des difficultés à se nourrir. Autour de 1800 av._J.-C., la plupart des cités ont été abandonnées. L’âge d’or du commerce interiranien, marqué par la présence de nombreux « trésors » et riches métropoles (coupe sur pied et bol tronconique) semble prendre fin vers -1800/-1700, au moment même où les textes mésopotamiens cessent de parler du commerce oriental. Les grandes agglomérations de Turkménie orientale (Altyn-tepe et Namazga-tepe) sont abandonnées et les grandes métropoles de la vallée de l’Indus disparaissent. Dans l’aire correspondant à la civilisation de l’Indus, le processus de régionalisation s’accentue avec la disparition des éléments le plus caractéristiques de l’unité harappéenne : l’écriture, les sceaux ou les poids. De nombreux éléments survivent pourtant au long du 2e millénaire dans les régions orientales et méridionales de la zone. Dans les siècles suivants, et contrairement à ses contemporaines, la Mésopotamie et l’Égypte ancienne, la civilisation de l’Indus disparaît de la mémoire de l’humanité. Contrairement aux anciens Égyptiens et Mésopotamiens, les Indusiens n’ont pas construit d’imposants monuments de pierre dont les vestiges perpétuent le souvenir. En fait, le peuple indusien n’a pas disparu. Au lendemain de l’effondrement de la civilisation de l’Indus, des cultures régionales émergent qui montrent que son influence se prolonge, à des degrés divers. Il y a aussi probablement eu une migration d’une partie de sa population vers l’est, à destination de la plaine gangétique. Ce qui a disparu, ce n’est pas un peuple, mais une civilisation : ses villes, son système d’écriture, son réseau commercial et – finalement – la culture qui en était son fondement intellectuel. Une des causes de cet effondrement peut avoir été un changement climatique majeur. Au 26ème siècle (av J.-C), la vallée de l’Indus était verdoyante, sylvestre et grouillante de vie sauvage. Beaucoup plus humide aussi. Les crues étaient un problème récurrent et semblent, à plus d’une occasion, avoir submergé certains sites. Les habitants de l’Indus complétaient certainement leur régime alimentaire en chassant, ce qui semble presque inconcevable aujourd’hui quand on considère l’environnement desséché et dénudé de la zone. Autour de 1800 av. J-.C., nous savons que le climat s’est modifié, devenant notablement plus frais et plus sec. Mais cela ne suffit pas pour expliquer l’effondrement de la civilisation de l’Indus.
« Le facteur majeur pourrait être la disparition de portions importantes du réseau hydrographique Ghaggar-Hakra identifié au fleuve Sarasvatî. Une catastrophe tectonique pourrait avoir détourné les eaux de ce système en direction du réseau gangétique. En fait, ce fleuve, jusqu’alors mythique, fait irruption dans la réalité lorsque, à la fin du 20ème siècle, les images satellitaires permettent d’en reconstituer le cours dans la vallée de l’Indus. De plus, la région est connue pour son activité tectonique et des indices laissent à penser que des événements sismiques majeurs ont accompagné l’effondrement de cette civilisation. Évidemment, si cette hypothèse était confirmée et que le réseau hydrographique de la Sarasvatî s’est trouvé asséché au moment où la civilisation de l’Indus était à son apogée, les effets ont dû être dévastateurs. Des mouvements de population importants ont dû avoir lieu et la « masse critique » indispensable au maintien de cette civilisation a pu disparaître dans un temps assez court, causant son effondrement. Une autre cause possible de l’effondrement de cette civilisation peut avoir été l’irruption de peuples guerriers au nord-ouest de l’Inde, qui auraient provoqué la rupture des relations commerciales avec les autres pays (les actuels Ouzbékistan et Turkménistan méridionaux, la Perse, la Mésopotamie). Or le commerce est l’une des raisons d’être des villes : elles se développent surtout autour des ports ou des nœuds routiers. Ces peuples guerriers étaient peut-être les Indo-Aryens, qui se trouvaient en Bactriane aux alentours de l’an 2000 av._J.-C.. Ce sont eux qui ont apporté le sanskrit en Inde. Ils auraient donc indirectement provoqué la désorganisation des cités de l’Indus avant de s’installer en Inde, vers 1700 av. J.-C. (cf. Bernard Sergent, « Genèse de l’Inde », Payot, 1997).
« La théorie de l’invasion aryenne (TIA) a été proposée pour la première fois par l’abbé Jean-Antoine Dubois, un indianiste français et développée par l’indianiste germano-britannique Max Müller durant le 19ème siècle. Cette théorie soutient qu’une peuplade de guerriers nomades de type europoïde, connue sous le nom d’Aryens (ou Aryas, Aryans) originaires de l’Asie centrale, a envahi l’Inde du Nord et l’Iran entre les 17ème et 16ème siècles av. J.-C.. Les Aryens amenèrent avec eux leur religion codifiée vers le 11ème siècle av. J.-C dans les Veda. En s’installant en Inde, ils abandonnèrent leur style de vie nomade et se mêlèrent aux populations autochtones du nord de l’Inde.
« La TIA – sous la forme d’une invasion violente et subite – n’est plus considérée comme satisfaisante aujourd’hui et elle est réfutée par la quasi totalité de la communauté scientifique. On lui préfère la théorie d’une migration progressive des Aryens en Inde, probablement originaire d’Asie centrale. Cependant cette dernière hypothèse d’une migration sans violence et étalée dans le temps n’est pas acceptée par certains, ses rares détracteurs sont généralement indiens. D’après eux, les Veda établissent la présence en Inde des Aryens longtemps avant la date supposée de l’invasion décrite par la TIA, soit autour de 1700 av. J.-C. » Relevons que pour cette intéressante encyclopédie d’internet, comme pour des historiens reconnus, la révolution, locomotive de l’histoire, n’est pas encore présente. De très nombreuses hypothèses sont, comme d’habitude envisagées, et on pourrait croire que toutes les possibilités soient évoquées, mais la révolution sociale ne fait pas partie de la liste…

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« La civilisation disparue de la Vallée de l’Indus » par Florence Leroy

« C’est vers 2800-2600 avant notre ère, à cause peut-être de changements climatiques poussant les montagnards vers les plaines, que se développent véritablement de grandes agglomérations, à partir de villages fortifiés le long de routes commerciales ou près de terres agricoles bien fertilisées par les alluvions de l’Indus. (…) C’est alors qu’apparaissent sur des sceaux et des poteries les premiers signes d’une mystérieuse écriture encore indéchiffrée, parallèlement à une explosion du savoir-faire artisanal. L’âge d’or de la civilisation harappéenne débute, tandis que se développe un véritable maillage de cités partageant un destin commun culturel. (…) Pas de secret : si tout fonctionne aussi bien, c’est avant tout grâce aux deux classiques « mamelles » : labourage et pâturage : une agriculture et un élevage assez productifs pour nourrir sans trop de peine des urbains nombreux. Il se trouve que les inondations venues de l’Himalaya viennent gonfler l’Indus en été, juste avant les semailles. L’exploitation de la crue ne nécessite donc pas de grands travaux d’irrigation. Les hommes de l’Indus montrent dès lors d’éclatantes qualités commerciales, faisant des villes de Harappa et Mohenjo-Daro de véritables plaques tournantes du commerce de l’Asie du sud. On en retrouve trace jusqu’en Mésopotamie, lorsque le roi Sargon d’Akkad, vers 2300 avant J.-C., indique que les marchandises de Mehuhha (nom akkadien de la vallée de l’Indus) sont si précieuses qu’elles ne doivent pas être déchargées dans le port de Ur mais remonter l’Euphrate jusqu’à Akkad. Deux siècles plus tard, la tombe de la reine sumérienne Paabi recélait déjà, entre autres trésors, de précieux bijoux en perles de cornaline. (…) « Dès l’époque de Mehrgahr, au siècle millénaire avant JC, ce qui intéresse les hommes de l’Indus, c’est de transformer les matériaux, d’exploiter des secrets techniques », note Jean-François Jarrige. « On a retrouvé trace dans la région d’un négoce intense de lapis-lazuli avec les mésopotamiens, grands amateurs d’objets exotiques. » La préférence donnée au commerce devait frapper tout étranger arrivant dans une ville de l’Indus. (…) On chercherait en vain dans la région de l’Indus la représentation des batailles sanglantes et glorieuses, des hauts faits d’armes de rois prestigieux qui paraissent la règle dans les empires contemporains. (…) Une vaste civilisation préoccupée de prouesses technologiques, dédiée au commerce et au confort, voilà la première image que nous offre la région. Mais ce qui devait frapper le plus le visiteur, c’est l’absence. De batailles et de dieux. D’individus distingués pour leurs prouesses militaires, leur autorité politique ou leur art. D’effigies monumentales. (…) Selon les mots de Gregory Possehl, un « système socio-culturel sans visage, sans Etat ». (…) Le développement de la civilisation harappéenne répondrait non à une volonté de conquête, mais aux exigences de marchands désireux d’accroître leur aire de développement. (…) Nul besoin donc d’un pouvoir aux mains de rois et de prêtres comme les premiers archéologues l’ont imaginé. (…) Comment une culture si brillante, si structurée, a-t-elle pris fin ? Ce n’est pas la moindre des énigmes fascinantes qu’elle offre aux chercheurs. (…) Si Harappa a été habitée jusque vers 1300 av J.-C., tout semble indiquer que les murs et les égouts ne sont plus entretenus, et que les pouvoirs publics sont impuissants à contrôler, sans armée, une ville devenue surpeuplée. »

Messages

  • bonsoir
    j’écris cette lettre ouverte à tous les oprimés de linde.je suis vraiment touché par la condition de vie de la population pauvre Indienne..qui est une l’une des pays les plus pauvre de la planète dans un pays ou la majoirté de la population ne mange pas à sa fin aveuglée pa les histoires de réligion mais aussi inviter les oprimés du monde entier de comprendre que la pauvrété et la misère ne doivent point nous empècher de réflechir sur ds idées qui peuvent nous aider dans l’orientation de notre lutte sociale et que la classe oprimée commprenne que la richesse matérielle est loin d’être la solution à notre au contraire nous devons se contenter des idées de l’historisité de nos différents problèmes sociaux en vue de trouver les soltions. ...s de bko.bonsoir
    je m’excuse d’avoir prendre tout ce temps sans vous écrire.je me porte bien et j’expères la même chose pour toi.
    j’écris cette lettre ouverte à tous les oprimés de linde.je suis vraiment touché par la condition de vie de la population pauvre Indienne..qui est une l’une des pays les plus pauvre de la planète dans un pays ou la majoirté de la population ne mange pas à sa fin aveuglée pa les histoires de réligion mais aussi inviter les oprimés du monde entier de comprendre que la pauvrété et la misère ne doivent point nous empècher de réflechir sur ds idées qui peuvent nous aider dans l’orientation de notre lutte sociale et que la classe oprimée commprenne que la richesse matérielle est loin d’être la solution à notre au contraire nous devons se contenter des idées de l’historisité de nos différents problèmes sociaux en vue de trouver les soltions. ... s de bko.

    • Tu as parfaitement raison de te sentir solidaires des opprimés de l’Inde car notre sort à tous va peu-être en dépendre si ce sont eux qui débutent les grandes luttes de classes face à la crise mondiale. L’Asie est certainement un point crucial car c’est là que sont concentrés un très grand nombre d’opprimés et surtout un très grand nombre de travailleurs. Comme nous ils subissent actuellement licenciements et misère. ils ne sont pas à plaindre cependant car entre leurs mains il y a l’avenir du monde s’ils se battent pour leurs intérêts en tant qu’opprimés.

  • La civilisation de l’Indus nous démontre bien des choses : sa soudaineté, son caractère révolutionnaire, le fait qu’une grande civilisation a existé sans roi, sans palais, sans temple !!!Et cela six mille ans avant JC ...

    • Rajoutons qu’elle s’est développée sans armée, sans police, sans aucune forme d’état, ce qui ne veut pas dire sans classes dirigeantes, sans classes exploitées et sans exploitation ou oppression. Par contre, en l’absence de force spéciale de répression, cette civilisation florissante et cultivée s’est effondrée sous les coups de la révolution sociale à un certain niveau de développement des inégalités sociales. Et son effondrement a provoqué bien d’autres effondrements en coupant bien des routes commerciales maritimes.

  • Cette civilisation sophistiquée, dont l’écriture n’a pas encore été déchiffrée, disparut à la suite de variations du cours de l’Indus ou de changements climatiques, vers 1900 avant notre ère. La thèse de la destruction des cités dravidiennes par les Aryens est aujourd’hui remise en question, car leur venue semblerait plus tardive. Une civilisation sophistiquée On sait que les Dravidiens, grands navigateurs ont essaimé jusqu’au bassin méditerranéen. Les fouilles ont produit l’évidence de commerce avec la Mésopotamie. Des tablettes cunéiformes mésopotamiennes décrivent des transactions avec les marchands dravidiens qui exportaient des métaux précieux, des perles, de l’ivoire, du cuivre travaillé, de la céramique et de la verrerie. Ces navigateurs remontaient jusqu’aux ports d’Arabie par la mer Rouge.
    La récente exposition « Merveilles de la culture de la vallée de l’Indus », à New York, en février 1998, a permis au New York Times de faire le point sur les connaissances actuelles liées à cette civilisation. Le Dr Possehl, du département d’Archéologie et d’Anthropologie de l’université de Philadelphie, exprimait l’embarras des chercheurs en déclarant : « L’expression archéologique de la civilisation de l’Indus ne ressemble en rien à ce qui nous est familier - pas de palais, pas de monuments, pas de temples. Nous avons là l’expression d’une antique complexité socio-culturelle, sans la présence ostentatoire d’une idéologie ou l’évidence d’un souverain, roi ou reine. Il n’y a pas de vrai modèle dans l’histoire ou l’ethnographie qui suggère qu’il y ait jamais eu une civilisation de ce type » (New York Times du 20 février 1998).

    Les ruines des cités démontrent un réel urbanisme ; des rues droites, un système sophistiqué d’évacuation des eaux, des puits, l’usage de briques calibrées, et les divers objets retrouvés attestent d’un grand raffinement dans le travail des métaux précieux, de la poterie, de la céramique décorée et de la verrerie.
    « Une culture urbaine d’une immense sophistication sur un territoire deux fois plus grand que celui sur lequel régnait Sumer ou l’Égypte contemporaine », écrivait Holland Cotter.

  • La crise économique actuelle nous fait prendre conscience que nos civilisations, et notamment occidentales, sont fragiles.
    Certains n’hésitent pas à parler d’effondrement voire de disparition programmée de notre société en faisant l’amalgame avec l’extinction éventuelle de notre espèce.
    Il est un fait que toutes les grandes civilisations ont fini par s’éteindre pour être remplacées par de nouvelles qui ont subi le même sort.
    Parmi les civilisations disparues les plus connues, citons l’Egypte des pharaons, la civilisation de l’Indus, les civilisations amérindiennes (Olmèques, Aztèques, Mayas…), la civilisation minoenne, la civilisation mycénienne, l’empire Romain ou encore la civilisation Khmère d’Angkor.
    Toutes ces civilisations avaient un point commun avant de s’effondrer : elles étaient toutes à leur apogée.
    Nos civilisations actuelles sont-elles arrivées à leur apogée ? Sont-elles vouées à disparaître ? Toutes les prophéties et les mythes, notamment amérindiens, qui font référence à des cycles de destruction et de renouveau sont-ils là pour nous rappeler que chaque nouvelle civilisation marque une nouvelle étape qui nécessite de profondes transformations ?

  • Vers 2500 av. J.-C. apparaît, dans la vallée de l’Indus, une civilisation urbaine comparable à celles de Mésopotamie et d’Égypte. Mais, au regard de la soudaineté de cette éclosion et de ses caractéristiques étonnantes, on peut se demander où elle est née et quels en ont été les acteurs. Jacques Népote fait ici le point des dernières connaissances sur cette civilisation brillante, mais qui reste encore bien mystérieuse.

    Le Néolithique, qui représente pour l’homme la phase de sortie de la préhistoire depuis le changement climatique vers 10 000 av. J.-C., s’est particulièrement accéléré en quelques endroits de la planète pour conduire, à partir de la seconde moitié du IVe millénaire av. J.-C., à l’éclosion des premières sociétés historiques. Dans le Croissant fertile sont ainsi apparues nos civilisations antiques ; dans la moyenne vallée du fleuve Jaune, la civilisation chinoise ; et enfin, dans la région de l’Indus, la civilisation indienne. On suit cette accélération « indienne » à partir du VIIe millénaire av. J.-C. dans un petit secteur de collines du Baloutchistan, le site de Mergahr. De là les innovations se répandent en éventail jusqu’à conduire, à partir de 3500 av. J.-C., à la colonisation de la vallée de l’Indus par des sociétés de villages agraires, développant en parallèle artisanat et commerce.

    Au terme d’un millénaire de transition éclot la civilisation de l’Indus. Pour l’heure, on ne dispose d’aucune information réelle sur ses origines puisque l’on n’a pas réussi à déchiffrer son écriture de quelque quatre cents pictogrammes, qui ne fut utilisée que pour de courtes inscriptions, sur des sceaux, des amulettes et autres petits objets. Elle n’a apparemment pas laissé de postérité.

    Un urbanisme remarquable

    Certes, cette civilisation apparaît dotée de techniques relativement performantes qui pourraient être le fruit d’une longue démarche empirique, par exemple, la protection des crues du fleuve par un important système de digues. Mais surtout, elle présente des éléments d’allure étonnamment « moderne » pour une société de ce temps : standardisation des poids et mesures, et de la taille des briques. Cela laisse supposer l’existence d’une forte autorité centrale et normative qui s’est exercée sur un très vaste espace englobant, lato sensu, le Pakistan actuel, le Pen-jab et le Gujarat indien.

    Parmi les attributs de cette culture, on relèvera un urbanisme remarquablement coordonné. Ainsi, les deux plus vastes sites, Harappa et Mohenjodaro, ont un périmètre de cinq kilomètres, et couvrent chacun quelque soixante hectares. Ils constituent probablement, le premier une capitale de l’amont du fleuve tournée vers le Pendjab, l’autre, une capitale de l’aval du fleuve tournée vers l’administration des côtes. Ces villes fortifiées, dont le matériau est la brique crue revêtue de brique cuite, sont bâties sur le même modèle de planification urbaine. Elles sont disposées en damier et divisées en blocs de deux cents sur quatre cents mètres, séparés par de larges rues rectilignes. Surplombant les quartiers résidentiels, et protégeant de gigantesques silos, une acropole artificielle d’une quinzaine de mètres de haut regroupe les bâtiments à caractère religieux, cérémoniel et administratif. Mais il n’y a pas trace de palais, ce qui laisse supposer une organisation politique confiée à des collèges d’administrateurs ou à une élite sacerdotale. On connaît d’ailleurs peu de choses de l’organisation politique et sociale de la civilisation de l’Indus, et de ses croyances religieuses. Les pièces de statuaire susceptibles de représenter des souverains sont en petit nombre, et aucun édifice ne peut être considéré comme palais, même si le « Grand Bain » de Mohenjodaro et les bâtiments annexes ont pu être réservés à une élite sacerdotale.

    On est en revanche beaucoup plus au fait d’une civilisation matérielle qui n’a pas été sans raffinement. Les plus grandes maisons de Mohenjodaro sont faites de pièces disposées autour d’une ou plusieurs cours ouvertes, avec des escaliers conduisant aux étages supérieurs, couverts d’un toit plat. Ces maisons comportaient de nombreuses pièces, des salles de bain et des toilettes, avec un système de distribution des eaux, d’évacuation dans un puisard de céramique, ou dans le caniveau de la rue adjacente. En effet, la plupart des rues ont des caniveaux couverts, en briques, avec des trappes de visite à intervalles réguliers.

    Mohenjodaro fut un grand centre de commerce et d’artisanat, avec des ateliers de potiers, de teinturiers, de métallurgistes, d’ouvriers sur coquillages et sur perles. Ces peuples ont élaboré un art brillant, comme en témoignent les sceaux en stéatite, ornés de pictogrammes et de figures animales. Par ailleurs, une statuaire très élégante, des peintures ornementales, des parures de perles en stéatite et en verrerie attestent le haut degré de civilisation auquel ces sociétés anciennes avaient accédé. L’artisanat produit une très belle céramique, finement décorée, en particulier des jarres.

    Des échanges avec les pays voisins

    La civilisation de l’Indus présente des analogies avec certains aspects de la culture mésopotamienne. Plusieurs objets mis au jour révèlent en effet l’utilisation de matières d’importation. Les trouvailles de sceaux de l’Indus en Mésopotamie et de sceaux-cylindres mésopotamiens dans la vallée de l’Indus montrent les échanges entre ces deux civilisations, via le golfe Persique, et à travers le plateau iranien. Ainsi s’est constituée une sorte d’immense plage de civilisation, englobant l’Iran, la Mésopotamie irakienne, les cités de l’Indus et celles de Bactriane. Des routes terrestres unissaient par ailleurs la vallée de l’Indus à la Perse et à l’Afghanistan. Shortougaï fut peut-être un comptoir commercial de l’Indus sur l’Amou Daria, à plus de mille kilomètres au nord d’Harappa, relais possible pour l’étain de Perse et pour le lapis-lazuli du Badakhshan. Des maquettes de chars à bœufs nous documentent sur les moyens de transport terrestres. Les transports par eau sont illustrés par des représentations de bateaux sur les sceaux.

    La phase urbaine est relativement brève (2500 – début du IIe millénaire av. J.-C.). Elle est cependant animée d’un réel dynamisme vers l’est qui la conduit le long des côtes du golfe d’Oman, et en amont sur le seuil indo-gangétique. Elle couvre des zones géographiques hétérogènes, ce que traduit l’existence de deux capitales, dont on ne sait si elles ont coexisté ou si elles se sont succédé : Harappa en amont, et Mohenjodaro en aval. Cette civilisation s’impose toutefois d’une manière relativement uniforme.

    Un lent déclin aux causes multiples

    Elle sombre au début du IIe millénaire av. J.-C. pour des raisons non encore élucidées. Aucune des explications avancées n’apparaît véritablement convaincante, même si elles paraissent toutes acceptables. On a évoqué des altérations climatiques. Par exemple, à Mohenjodaro, une modification du cours du fleuve peut avoir laissé les campagnes environnantes en proie à la sécheresse. Des épidémies ou des épizooties catastrophiques, des inondations chroniques, l’interruption du flux commercial, ou des incursions hostiles peuvent également en être cause. Ces phénomènes auraient rompu le délicat équilibre, d’une part entre les communautés urbaines des plaines et leurs voisins, d’autre part, les fondements agricoles de ces cités ainsi que leur réseau de communication.

    On pourrait aussi avancer des raisons « internes ». Au rythme de son expansion, fruit de son succès même, cette civilisation se serait régionalement dissociée en sous-cultures. Ces dernières, de plus en plus diversifiées, auraient entraîné une désynchronisation des éléments culturels, conduisant à la constitution d’espaces sociaux et politiques aux projets plus segmentaires et aux ambitions plus modestes. L’urbanisation se serait affaiblie, ainsi que les fonctions qui lui sont liées. Ce phénomène aurait été structuré par l’arrivée des Indo-Européens aryens, lesquels auraient apporté un autre modèle culturel, hâtant la disparition de la civilisation urbaine, et imposant un retour à une société « éclatée » de communautés agricoles.

    Au terme de cette phase de déclin d’un millénaire émerge vers l’an 1000 av. J.-C. une nouvelle civilisation aryenne. La civilisation indienne relèvera la tradition urbaine, mais beaucoup plus à l’est, dans la vallée du Gange. La civilisation de l’Indus n’en a pas pour autant été effacée puisque l’on estime qu’une partie de la face « obscure » de l’hindouisme est à repenser comme une résurgence des conceptions préaryennes et donc, pour une part, de cette civilisation de l’Indus.

    Jacques Népote

  • À Harappa, Mohenjo-daro et sur le site récemment découvert de Rakhigarhi, les plus connues et probablement les plus peuplées des villes de cette civilisation, la planification urbaine incluait le premier système au monde de traitement des eaux usées. À l’intérieur des villes, l’eau était tirée de puits. Dans les maisons, une pièce était destinée aux ablutions, les eaux usées étaient dirigées vers des égouts couverts qui longeaient les rues principales. Les maisons ouvraient seulement vers des cours intérieures ou sur des petites ruelles, se tenant ainsi éloignées des éventuelles mauvaises odeurs.

    Le rôle de la citadelle est encore sujet à débat. Contrairement aux civilisations contemporaines de la Mésopotamie et de l’Égypte, aucune structure de grande taille n’était ici construite, aucune ne semble avoir été un temple ou un palais donc pas de trace matérielle prouvant l’existence de roi, d’armées ou de prêtres. Certaines structures sont cependant identifiées comme des greniers qui signifierait l’existence de surplus agricoles, une raison de cette floraison urbaine.

    À Mohenjo-Daro, la cité la mieux conservée, on a découvert dans la citadelle le « grand bain », une piscine rectangulaire entourée de galeries qui pourrait avoir été un bain public. Deux escaliers symétriques donnent accès à un bassin dont l’étanchéité est assurée par des joints de bitume entre les briques. Bien que la citadelle ait été entourée de murs, il ne semble pas qu’elle ait eu un rôle défensif mais plutôt de protection contre les crues. La ville basse est formée de rues régulières orientées nord-sud et est-ouest. Les maisons sont d’une superficie de 50 à 120 m2. Elles possèdent un étage auquel on accède par un escalier intérieur. Certaines sont dotées d’un puits privé, les autres sont approvisionnées en eau par des puits publics. Les maisons sont équipées de salles de bain dont les eaux usées sont évacuées par une rigole en plan incliné qui conduit au caniveau de la rue.

    Les différents quartiers de Mohenjo-Daro ont été reconstruit à plusieurs reprises suivant le même plan. À chaque fois, le système de canalisation et d’égout a été réaménagé, ce qui suppose l’existence d’une autorité publique. Pourtant, aucun des bâtiments de Mohenjo-Daro et de Harappa ne peut être considéré comme un temple ou un palais. Aucune trace n’indique avec certitude la prédominance d’une classe de rois ou de prêtres.

    La plupart des habitants des villes semblent avoir été des commerçants ou des artisans, vivant ensemble dans des zones bien définies déterminées suivant leur activité. Des matériaux, provenant de régions lointaines, étaient utilisés dans la confection de sceaux, de perles et d’autres objets. Les sceaux comportent des représentations animales, divines et des inscriptions. Quelques-uns d’entre eux étaient utilisés pour faire des sceaux dans l’argile mais ils avaient probablement d’autres emplois. La découverte de sceaux jusqu’en Mésopotamie atteste de l’existence d’un commerce lointain.

    Bien que certaines maisons soient plus grandes que d’autres, il ressort de l’observation de ces villes, une impression d’égalitarisme, de vaste société de classe moyenne, toutes les maisons ayant accès à l’eau et au traitement des eaux usées.

    Une des caractéristiques de cette civilisation est son apparente non-violence. Contrairement aux autres civilisations de l’Antiquité, les recherches archéologiques ne mettent pas en évidence ici la présence de dirigeants puissants, de vastes armées, d’esclaves, de conflits sociaux, de prisons et d’autres aspects classiquement associés aux premières civilisations. Cependant ces manques peuvent aussi provenir de notre connaissance très parcellaire de cette civilisation.

    L’économie de l’Indus semble avoir été largement dépendante du commerce, ce qui avait été facilité par des avancées majeures dans la technologie des transports : le char tiré par des bœufs, semblable à celui que l’on trouve aujourd’hui dans l’ensemble de l’Asie du Sud, et le bateau. La plupart de ces derniers devaient probablement être de petite taille, à fond plat, peut-être à voile, assez similaires à ceux que l’on trouve toujours aujourd’hui sur l’Indus. Il y a cependant des indices d’une navigation maritime. Les archéologues ont ainsi découvert à Lothal un canal relié à la mer et un bassin artificiel d’accostage.

    À la lumière de la dispersion des objets manufacturés de la civilisation de l’Indus, son réseau commercial intégrait une immense zone, incluant des parties de l’actuel Afghanistan, du Nord et du centre de l’actuelle Inde et s’étendant des régions côtières de la Perse à la Mésopotamie.

    À partir de la seconde moitié du IIIe millénaire av. J.-C., des échanges entre la vallée de l’Indus et le golfe Arabique sont attestées par les tablettes sumériennes qui font référence à un commerce oriental important avec la lointaine contrée de Meluhha – à rapprocher du mot sanskrit mleccha, non-aryen – qui semble se référer aux Indusiens, le seul indice qui nous permet de penser que son peuple utilisait ce mot pour se nommer. De nombreux objets de type Indus (jarres, cachets, poids de pierre) ont été découvert sur les sites du Golfe, région identifiée avec Dilmun qui, dans les textes mésopotamiens, sert d’intermédiaire avec Meluhha. Des sites harappéens apparaissent à des distances considérables de la vallée de l’Indus, notamment à Shortugaï (sur l’Oxus au Nord-Est de l’Afghanistan), à Sutkagan-dor (frontière entre le Pakistan et l’Iran) ou à Lothal (au Gujarat). De vastes agglomérations se développent également en Turkménie méridionale (Altyn-depe, Namazga-depe) où les contacts avec le Baloutchistan sont attestés depuis le Ve millénaire av. J.-C.

    La nature du système agricole de la civilisation de l’Indus est toujours largement sujet à conjectures du fait de la pauvreté des informations qui ont pu nous parvenir. Quelques spéculations sont envisageables néanmoins.

    La civilisation de l’Indus devait être fortement productive. En effet, son agriculture devait engendrer des surplus permettant de nourrir les dizaines de milliers d’urbains qui n’étaient pas impliqués dans la production agricole, au moins de façon primaire. Elle devait s’appuyer sur les importants progrès techniques de la culture pré-harappéenne dont la charrue. Cependant, bien peu de choses sont connues sur ces agriculteurs et sur leurs méthodes. Certains d’entre eux devaient probablement exploiter les sols alluviaux fertiles laissés par les cours d’eau après les crues saisonnières mais cette méthode n’est pas considérée comme suffisamment productive pour combler les besoins des villes. On ne trouve cependant pas de traces de systèmes d’irrigation bien que ceux-ci aient pu être détruits par des crues fréquentes et catastrophiques.

    L’hypothèse du despotisme hydraulique, concernant l’apparition de la civilisation urbaine et de l’État, semble donc être infirmée dans le cas de cette civilisation particulière. Celle-ci affirme, en effet, que les cités ne peuvent apparaître que lorsque des systèmes d’irrigation permettent de dégager des surplus agricoles importants. L’élaboration de ces systèmes implique l’émergence d’un pouvoir centralisé et despotique capable de supprimer tout statut social à des milliers de personnes et de les utiliser comme esclaves en exploitant leur force de travail. Il semble difficile de faire cadrer cette hypothèse avec ce que nous savons de la civilisation de l’Indus qui n’offre à ce jour aucune évidence de pouvoir royal, de présence d’esclaves, de mobilisation du travail par la force.

    On considère souvent qu’une agriculture intensive requiert barrages, retenues et canaux. Cette supposition est aisément réfutée. Dans toute l’Asie, les riziculteurs produisent des surplus significatifs au moyen de rizières en terrasses à flanc de collines, en privilégiant un travail accumulé sur plusieurs générations, sans que cela implique quelque forme d’esclavage que ce soit. C’est peut-être ce type de stratégie qui avait été mis en œuvre ici.

    La production céramique a principalement un caractère utilitaire, le style des récipients étant stéréotypé. Néanmoins, les figurines de terre sont plus diversifiées : femmes en train d’accoucher ou d’accomplir des tâches domestiques, taureaux attelés à des chariots. Ells sont conservées au musée national de New Delhi, au musée national de Karachi, ainsi qu’au British Museum de Londres et au Musée Barbier-Mueller de Genève. Environ 80 figures humaines ont été retrouvées, principalement dans des dépôts de remplissage. Les plus anciennes, traits shématiques, sont parfois ocrée. Puis apparaîssent des modelés de poitrines plus marqués et des types assis. Certains éléments appliqués aux figurines féminines évoquent des chevelures, ornements et ceintures, avec parfois des motifs en forme de serpent sur le corps. Un filon plus populaire semble être l’auteur de réalisations parfois assez sommaires, souvent des sujets féminins, hauts d’une quainzaine de centimètres, aux hanches larges, possèdant des bijoux (boucles d’oreilles, colliers, ceintures), parfois accompagnées d’un enfant (au sein ou aux hanches) ou avec un ventre poréminent, ce qui indiquerait des représentations de déesses mères, ou des évocations de la procréation et de la fertilité.

    Les poteries, datées vers 6000 avant J.C. sont d’une facture très grossière. Aux Vème et IVème millénaires, les cultures du Balouchistant produisent des céramiques d’un remarquable qualité, souvent ornée d’une riche variété de décors peints. Le développement du commerce des céramiques entre -3000 et -2500 montre des variantes régionales dans la fabrication des poteries, mais leur structure et le vocabulaire ornemental reste à peu près identique.

    Le métal est utilisé pour la fabrication d’armes et de rasoirs, bien que certains éléments décoratifs, comme des statuettes (dont l’usage exact n’a pas été retrouvé), ont été découvertes.

    La plus célèbre statuette en bronze de la civilisation de la vallée de l’Indus représente une danseuse. Cette statuette, réalisée vers 2000 avant notre ère et conservée aujourd’hui au musée national de New Delhi, se présente sous la forme d’une jeune fille au corps élancé et tubulaire. Les grands bracelets qui entourent son bras gauche ainsi que son collier semblent être des accessoires de mode. La profusion d’ornements et la coiffure singulière en font une représentation typiquement indienne. Les traits du visage rappellent ceux des peuples dravidiens, ce qui renforce l’idée selon laquelle ce peuple pourrait être l’une des composante éthnique de la vallée de l’Indus. La nudité du personnage ainsi que le pubis très marqué voire disproportionné pourrait indiquer un phénomène de prostitution sacrée.

    Le musée national de New-Delhi conserve d’autres éléments en bronze de la civilisation de la vallée de l’Indus, dont un char au modelé stylisé datant de 2500-2300 avant J.C. Celui-ci, tiré par deux chevaux munis de harnais, est occupé par un conducteur tenant un long fouet. La partie avant du char est ornée d’une petite représentation d’un cheval.

    La représentation la plus courante d’une autorité étatique au sein de la civilisation de la vallée de l’Indus est celle d’un personnage barbu, coiffé d’un bandeau et portant un vêtement décoré de motifs de trèfles, souvent considérée, sans raisons véritables, comme celle du roi-prêtre de Mohenjo-Daro. Seule la tête et les épaules du personnages nous sont parvenues. L’hypothèse d’une autorité religieuse est due notamment aux yeux entrouverts du personnage, qui indiqueraient que l’homme est absorbé par la méditation, comme les dieux et ascètes de l’art indien. Néanmoins, les traits physiques et la cohérence dans l’exécution des détails raprochent cette œuvre de la civilisation mésopotamienne. Son costume d’apparat, semé de dessins trifoliés (valeur symbolique ?), n’a pas de comparaison en Inde, mais apparaît dans l’ancienne Mediterranée orientale. Les bijoux ornant la tête et le bras du personnage renforce l’hypothèse d’une figure importante de la société harrapéenne, peut-être un "roi-prêtre".

    De nombreux cachets en stéatite ont été découverts (environ 4 200 dont plus de 2 000 à Mohenjo-Daro). Ils portent des inscriptions dans une écriture pictographique composée de plus de 400 signes. Les cachets sont souvent décorés d’un animal unicorne mais aussi de zébus, buffles, tigres, éléphants, crocodiles et autres. D’autres cachets représentent des motifs mythologiques où un homme qui porte une coiffure à corne joue un rôle central. Il apparaît dans un arbre devant lequel se prosterne un autre individu. Parfois il est représenté assis à la façon des yogis et entouré d’animaux, ce qui explique qu’on en fait une représentation d’un proto-Shiva en Pashupati, une forme du dieu dite « maître des animaux ».

    Un autre domaine de la civilisation de l’Indus resté mystérieux est celui de l’écriture. Malgré de nombreuses tentatives, les chercheurs n’ont pas été capables, pour l’instant, de déchiffrer celle qui y était utilisée et dont certains pensent qu’elle transcrivait une langue proto-dravidienne. Le matériel disponible pose aussi problème, la plupart du temps il s’agit d’inscriptions sur des sceaux ou des pots de céramique et celles-ci ne dépassent guère quatre à cinq caractères, la plus longue en comprenant vingt-six. Par suite, on ne connaît pas non plus de fragments de littérature.

    Du fait de la brièveté des inscriptions, quelques chercheurs ont suggéré que les inscriptions connues n’étaient peut-être pas une véritable écriture mais un système d’identification des transactions économiques, des signatures. Il est cependant possible que des textes plus longs aient existé mais ne nous soient pas parvenus si le support utilisé était périssable.

    D’un autre côté, une large inscription a été découverte qui semble avoir été installée sur un panneau au-dessus d’une porte de la cité de Dholavira. On a émis l’hypothèse qu’il s’agissait d’un panneau informant les voyageurs du nom de la cité, de façon assez semblable à ceux qui souhaitent la bienvenue aux visiteurs dans nos villes actuelles.

  • Laurent Sacco, Futura-Sciences

    Entre -2600 et -1900 avant JC, l’une des plus énigmatiques civilisations au monde brille de tout son éclat pour disparaître ensuite sans que l’on comprenne vraiment pourquoi. Il s’agit de la civilisation de l’Indus avec sa ville emblématique, Mohenjo Daro. Avec l’aide de l’ordinateur, une équipe de chercheurs indiens tente de décrypter les traces écrites de cette civilisation.

    L’Inde possède un passé culturel glorieux et extraordinairement riche qui la fait rivaliser avec la civilisation égyptienne et la Grèce de l’époque de Périclès. Les grands ouvrages philosophiques, poétiques et religieux que sont les upanisads, la Bhagavad Gîtâ et le Rig Veda semblent avoir été rédigés dans leur forme finale vers -500 av. JC. Mais on a toutes les raisons de penser, au moins pour le dernier, que les parties les plus anciennes dateraient de -1.800 à -1.500 av. JC.

    Jusqu’au début des années 1920, on pensait cependant que l’Inde était dépourvue de grandes réalisations urbaines et architecturales avant le premier millénaire avant JC mais les découvertes des sites d’Harappa et surtout de Mohenjo Daro allaient changer les choses.

    Bien que prenant racine très probablement dans des temps plus anciens, une brillante phase d’urbanisation étonnamment moderne s’est produite entre -2600 av. JC et -1900 av. JC dans la région entourant l’Indus, le célèbre fleuve parcourant aujourd’hui le Pakistan. Le peuple constituant ce que l’on appelle désormais la civilisation de l’Indus semble avoir été constitué principalement de marchands réunis dans des villes sans temples ni palais, ce qui témoigne d’une société fortement égalitaire.
    La ville de Mohenjo Daro est particulièrement surprenante car elle bénéficie d’un urbanisme sophistiqué avec, dans de nombreuses maisons, une salle de bain et un système de drainage des eaux usées. Les habitants maîtrisaient l’irrigation, contrôlaient les crues du fleuve et semblent avoir été étonnamment pacifiques pour l’époque. Comme dans le cas des autres sites de l’Indus, il ne semble pas y avoir existé d’activités militaires.

    Pendant son existence, la civilisation de l’Indus a visiblement prospéré en grande partie par ses échanges, par exemple avec la Mésopotamie. De nombreux sceaux gravés de symboles énigmatiques accompagnant des dessins d’animaux et parfois d’hommes, typiques de cette civilisation, se retrouvent dans les sites du golfe. On trouve aussi dans les tables sumériennes des mentions des échanges avec cette civilisation.

    Des symboles ou un langage ?
    Les signes portés par les sceaux sont peut-être associés à un véritable langage écrit mais jusqu’à présent personne n’a été capable de le comprendre. On aimerait bien car, non seulement cette brillante civilisation disparaît brutalement vers -1900 av JC sans qu’on ait vraiment d’explications, mais on spécule toujours pour savoir si sa culture a ou non été à l’origine de la civilisation de l’Inde du Nord. A première vue, il ne semblerait pas mais les recherches des dernières années laissent planer un doute.

    Les tentatives pour décrypter l’écriture de la civilisation de l’Indus n’ont pas manqué… malgré le fait que personne n’était vraiment certain qu’il s’agisse bel et bien d’une écriture.

    En 2007, plusieurs chercheurs indiens travaillant dans le domaine de l’astrophysique ont utilisé leurs compétences en informatique et analyse des données pour tenter de répondre à cette question. On peut citer principalement Mayank Vahia et Nisha Yadav.
    Ils viennent de publier avec d’autres collègues, notamment Rajesh P. N. Rao de l’université de Whashington, un article dans les Pnas (Proceedings of the National Academy of Sciences), intitulé A Markov model of the Indus script, qui confirmeraiet les résultats qu’ils avaient déjà publiés dans Science en mai 2009.

    Les fréquences de répétitions et les ordres des symboles trouvés sur les sceaux auraient toutes les caractéristiques d’un langage écrit, avec une grammaire. Il semblerait peu probable qu’il s’agisse seulement de symboles renvoyant à des images religieuses ou politiques.

    Les chercheurs pensent que leur méthode peut apporter une aide au déchiffrement de cette écriture. Mais il est probable que tant que l’équivalent d’une Pierre de Rosette ne sera pas trouvé, les progrès resteront très lents et partiels.

    Malheureusement, tout n’est peut-être pas dit. La publication de l’article de Science a provoqué une levée de boucliers parmi les spécialistes de la civilisation de l’Indus. Sur le Web, ces experts ont sévèrement critiqué les affirmations du groupe de chercheurs indiens et la méthodologie employée, basée sur des notions de calculs des probabilités et d’entropie, bien connues en physique statistique. En particulier, Steve Farmer, qui avait été l’un des co-auteurs d’un article en 2004 réfutant la thèse de l’existence d’un langage écrit pour les membres de la civilisation de l’Indus, est particulièrement actif sur propre site Web.

    La situation est peut-être en train de se retourner en ce moment même. Affaire à suivre….

  • Civilisation ancienne de l’Inde et du Pakistan, localisée dans la vallée de l’Indus (Mehrgarh, Harappa, Mohenjo-Daro, Amri…) et qui s’étend à l’ouest, à l’est et au sud-est dans le Kathiawar.

    Selon les régions, les niveaux culturels sont très différents : Mehrgarh – avec village, domestication de bovins et d’ovins et culture de céréales au VIIe millénaire – présente un stade très avancé d’évolution ; la céramique y apparaît au VIe millénaire Urbanisation, cachets, poterie polychrome, figurines, outillage osseux et métallurgie du cuivre définissent la période (5000-2500) chalcolithique qui correspond à une phase préindusienne (Mehrgarh, Amri, Mundigak…). La civilisation de l’Indus proprement dite, qui se développe entre 2400 et 1800 avant J.-C., connaît une vaste expansion et une grande homogénéité. Elle se caractérise par d’énormes cités (Mohenjo-Daro, Harappa, Kalibangan, etc.) comportant des aménagements défensifs et utilitaires, des cachets à décor pictographique, des figurines et une poterie peinte ainsi qu’une métallurgie du cuivre et du bronze. Vers 1800 avant J.-C., elle disparaît brutalement, avec cependant une phase dite postharappéenne (1800-1000 avant J.-C.) qui la prolonge – surtout dans le Kathiawar – avant de se fondre dans les cultures locales.

  • A noter que cela remet aussi en cause l’origine religieuse brahmanique de la civilisation indienne et pakistanaise...

  • Si on ne trouve aucun reste d’une attaque militaire à l’encontre de la civilisation de l’Indus, trouve-t-on davantage de restes d’une révolte civile. Claude Mossé rapporte ainsi dans « Une histoire du monde antique » que dans la couche la plus récente de Mohenjo-Daro, on découvre que, dans les rues, dans le escaliers, de squelettes ont été découverts à l’endroit même où des cadavres furent abandonnés sans sépulture alors peut-être que leurs voisins et leurs parents s’efforçaient, en fuyant, de sauver leurs propres vies » Si ce n’est pas le fait d’une guerre, n’est-ce pas celui d’une révolution sociale ?

  • Raj et Renée Isar écrivent dans « L’Inde, au-delà des mythes et du mensonge », « Le système des castes constitue un caractère distinctif de la société indienne, c’est l’un des éléments de continuité les plus importants de la tradition hindoue depuis au moins la première moitié du premier millénaire avant J.-C. C’est lui qui, pendant ces trente siècles, a engendré l’ordre moral cohérent sur lequel l’hindou a la possibilité et le devoir de régler sa vie. (...) L’unité séculaire de l’Inde n’était pas politique mais socioculturelle. Les dynasties, qu’elles fussent indiennes ou étrangères, pouvaient bien naître et périr, les choses suivaient leur cours. » Pour appuyer leurs dires, les auteurs citent même Karl Marx rappelant un rapport officiel à la Chambre des Communes anglaise : « Les habitants ne se soucient pas de la destruction des royaumes ; tant que le village subsiste, peu leur importe quel pouvoir ou de quel souverain il relève ; son économie interne reste inchangée. » Dans un ouvrage traitant des transitions des diverses civilisations de l’Inde et intitulé « l’Inde ancienne », l’auteur Sir Mortimer Wheeler, ancien directeur général des Antiquités de l’Inde relève tous les indices montrant que la civilisation a plusieurs fois implosé du fait de contradictions sociales internes, en somme sujette à de multiples révolutions. Et pourtant, il ne retient même pas cette hypothèse. Il constate des discontinuités, des changements politiques, sociaux et culturels, les chutes de la civilisation ou ses bonds tout aussi brutaux. Tout au long de l’ouvrage, l’auteur constate des sauts historiques, de véritables transitions civilisationnelles. Mais il recherche, par un a priori constant, des continuités partout. Ainsi, pour l’Age de pierre ou plutôt les diverses transitions des âges de pierre, il expose un point de vue continuiste : « Nous pouvons considérer le processus qui, partant du galet, s’achève au biface Acheuléen comme un développement organique progressif. » Il n’ignore pas que « Comme en Afrique, le tranchet Acheuléen ne s’insère pas facilement dans un tel schéma évolutif. ». A ce propos, il touche même du doigt le caractère révolutionnaire du changement : « Tout nous incite à tenir pour assuré que les diverses modes industrielles ont couvert chacune des périodes étonnamment longues ; que les changements culturels ont été quasi imperceptibles (...). Et lorsque des modifications se manifestaient (...) ils se peut que ces changements aient lieu avec une relative soudaineté. » Il ne renonce pas pour autant au « schéma évolutif ». Il en va de même pour les autres transitions révolutionnaires de la civilisation indienne, ou plutôt des diverses civilisations indiennes successives. D’un côté, l’auteur remarque que la continuité historique n’est pas la bonne formule ; on pourrait même dire qu’il décrit un développement civilisationnel « inégal et combiné », selon l’expression de Marx et de Trotsky : « La culture des haches (...). Chevauchant une culture mégalithique, celle-ci superposée à une culture chalcolithique qu’elle chevauche partiellement (...) Ce chevauchement atteste une coexistence partielle entre les deux cultures, la nouvelle et l’ancienne, mais il est aussi la preuve qu’il n’y eut pas de continuité culturelle organique entre les occupations successives. (...) Nous sommes donc confrontés à trois cultures essentiellement distinctes (...) ». L’interprétation d’un progrès linéaire ne fonctionne pas : « L’Age de fer détermina donc en Inde centrale une révolution dans toute l’acception du mot. (...) Au cours de l’Age de fer, nous voyons l’Inde des plaines adopter d’enthousiasme le métal nouveau (d’où une révolution qui eut cependant un caractère plus technique que social) (. .) » Surtout pas question de reconnaître une révolution sociale ! Il suffit d’admettre qu’il s’agit seulement d’un changement d’idées et que les idées circulent et changent d’elles-mêmes : « Le transfert des industries, voire des cultures, n’implique pas nécessairement des migrations massives. Il n’est pas besoin de mille hommes pour répandre une idées, surtout une idée révolutionnaire. En vérité, il m’arrive souvent de rêver que les idées ont des ailes (...). » Cette vision idéaliste permet à l’auteur, étudiant « la civilisation de l’Indus », de décrire le « passage soudain à une nouvelle phase culturelle, celle de l’Indus (...) Les cités d’Harrappâ et de Mohenjo-daro étaient l’une et l’autre couronnées par une acropole et une citadelle crénelée (...) en bordure de la ville proprement dite. (...) L’urbanisme méthodique de ces centres, la perfection des ouvrages à but utilitaire impliquent une gestion aux préoccupations plus civiles que religieuses. (...) La civilisation indusienne a été identifiée. (...) La Mésopotamie a élaboré l’idée même de la civilisation. Grâce à elle, cette idée était dans l’air au Moyen-Orient dès la fin du 4e millénaire et, comme je l’ai noté plus haut, les idées ont des ailes. (...) Depuis la Mésopotamie, l’idée de la civilisation ne tarda pas à gagner l’Egypte (...) Ne doutons pas non plus que de Mésopotamie, cette idée achevée, toujours liée à la notion d’écriture, a gagné plus tard la côte indienne et le bassin de l’Indus (...) La théorie selon laquelle la notion infiniment complexe de civilisation serait née spontanément et de façon indépendante dans chacun de ces trois pays (...) est tellement absurde qu’il ne vaut pas la peine de la réfuter. » La civilisation serait une idée et l’a priori d’un changement culturel continu, transmis progressivement, est bien là. Cependant notre auteur est repris par ses observations historiques qui sont en parfaite contradiction avec ces affirmations. Au lieu d’une lente influence extérieure d’une civilisation étrangère déjà en pleine possession de ses moyens, on constate tout autre chose : un changement radical. « Vers le milieu du 3e millénaire, le bassin de l’Indus fut le théâtre d’un événement historique d’une importance extrême et qui se produisit probablement avec une grande rapidité : (...) quelques unes des petites communautés installées au pied des plateaux du Béloutchistan se lancèrent dans une entreprise de conquête audacieuse (...) jusqu’aux vastes plaines qui tapissaient les jungles. (...) créant une civilisation pré-indusienne (...) aux alentours de 2400 avant J.-C. (...) Les tentatives de colonisation de la vallée (...) se soldant régulièrement par l’échec. (...) Jungles denses entourées de marécages, infestées d’éléphants, de tigres, de buffles, de rhinocéros et de crocodiles. Contrairement à ce qui se passait dans les vallées du haut pays où le sol est pauvre, l’approvisionnement en haut incertain et l’horizon barré, les perspectives nouvelles étaient vraiment immenses. » Tout le raisonnement de l’auteur a mené à l’idée d’un progrès continu des idées. Au contraire, sa description et son analyse, très incisive, mènent à l’idée d’une révolution sociale, inévitablement brutale, qu’il appelle, par un terme en oxymoron, « adaptation prompte » ou encore « évolution explosive », tout en expliquant que c’est exactement le même type d’évolutions que les biologistes rencontrent dans le changement d’espèce ! Voyons donc ce raisonnement selon lequel la civilisation nécessitait un bond en avant : il fallait d’un seul coup lancer un grand défrichement, une grande irrigation et, en même temps, aller vers la fondation de villes nourries par une agriculture en grand ! Une vraie révolution sociale ! « Chaque année, à la fonte des neiges, les rivières entraient en crue. Si l’inondation fertilisait la terre, elle apportait aussi de cruels ravages. Il fallait la maîtriser. Or l’irrigation extensive qu’exige une grande ville de plaine présuppose un incessant effort de prévision et de coordination. Le moindre relâchement est fatal. (...) Les avantages inouïs d’un milieu si vaste, si généreux mais en même temps si menaçant ne pouvaient fructifier – et ce dès les tout premiers temps de l’installation – qu’en fonction de la capacité de l’homme à maîtriser son environnement et à le plier à sa loi. La pusillanimité, les compromis boiteux ne pouvaient avoir cours dans cette situation. (...) N’en doutons pas : dans le cas contraire, elle eût succombé. C’est bien là un exemple où il nous est donné de discerner clairement la mise en œuvre dans les affaires humaines de ce processus d’adaptation prompte et de progrès accéléré que les biologistes appellent « évolution explosive ». » L’auteur parle encore de « fulgurants débuts » et en cela, il a sans doute raison. D’un seul coup, on voit apparaître non seulement des défrichements et une irrigation à grande échelle mais une urbanisation de haute volée, avec une organisation sociale très poussée et une différenciation sociale très évoluée. Il ne s’agit plus seulement de révolutions des techniques ou d’une « idée de civilisation » !

    La chute de la civilisation de l’Indus est présentée par l’auteur avec les mêmes contradictions entre constat et conclusions. Les raisonnements, très fins, mèneraient aisément à l’idée d’un changement radical et brutal et un a priori s’y oppose fermement. Cela mérite encore une fois d’être cité longuement : « Comment s’éteignit la civilisation de l’Indus ? (...) dans la zone centrale du bassin, elle périclita pour disparaître finalement (...) Mais cette décadence fut-elle générale ? L’effondrement fut-il soudain ? (...) Les vicissitudes du déclin ont pris des formes variées. A Mohenjo-daro, en tout cas, la chute fut lente et progressive, l’écroulement ultime catastrophique. Parlons d’abord de la décadence. Les fouilles de Mohenjo-daro ont constaté dans les couches récentes une détérioration continue de l’urbanisme et du niveau de vie. (...) Mohenjo-daro laissa en quelque sorte son paysage se délabrer. Bien avant que le coup fatal lui ait été porté, la ville était condamnée. » Cependant, l’auteur est amené à reconnaître que la fin de cette ville elle-même a été brutale, violente et marquée par des assassinats : « Le souvenir de ce coup fatal, tant de fois décrit, est perpétué par des groupes de squelettes de femmes, d’hommes et d’enfants – certains portent des traces de coups de hache ou de sabre – qui ont été retrouvés dans le dernier niveau, affaissés tout de leur long dans la position même où les avaient abandonnés pour l’éternité des assaillants dédaigneux de la cité qu’ils avaient mise à sac. Cette fois Mohenjo-daro était bel et bien morte. Mais quelle est, au plan de l’histoire, la signification de ce raid ? (...) Il est tentant (...) de voir dans les destructeurs de Mohenjo-daro, indifférents à la cité conquise, des représentants de ces barbares mais héroïques Aryens, étrangers à la vie urbaine. » Il est tentant dit l’auteur qui préfère s’en tenir là. On retrouvera, lors de la chute des villes, des empires et royaumes, ces mêmes caractéristiques d’une attaque violente qui laisse là les richesses de la « civilisation », abandonne complètement l’ancien mode de vie et d’exploitation. La population des villes, elle-même, les a quittées. Généralement, on ne trouve pas dans ces villes abandonnées de traces d’une guerre entre armées mais plutôt celles d’une guerre sociale. Pourtant, à aucun moment, l’hypothèse, que les peuples exploités par cette civilisation se soient révoltés, n’est discutée ni même envisagée, alors que l’auteur a lui-même exposé que cette population voit ses conditions d’existence s’aggraver de manière sensible dans la période précédente. La guerre extérieure est considérée comme la plus probable… On remarquera aussi que la continuité est interrompue. L’auteur est contraint de le reconnaître tout en espérant que c’est un trou de la connaissance historique : « Que fut la phase qui succéda immédiatement à la civilisation de l’Indus ? L’histoire de l’Inde septentrionale ne commence à être connue de façon précise qu’à partir de l’époque de Bouddha, c’est-à-dire vers 500 avant J.-C. En admettant que (...) la civilisation soit tombée vers 1500 avant J.-C, il reste un hiatus de 1000 ans à combler. (...) Heureusement, les archéologues indiens se sont attaqués à cet Age des Ténèbres, et la lumière est en vue. » Pourquoi y a-t-il nécessairement une continuité qu’il faudrait trouver en remplissant les trous, l’Histoire ne le dit pas. Loin d’être un cas à part, cet auteur est tout à fait dans la norme.

    Un autre historien de l’Inde, Alain Daniélou, dans son ouvrage « Histoire de l’Inde », considère la civilisation comme un produit de son idéologie et, du coup, il affirme sa continuité. On y retrouve aussi l’interprétation de la chute par l’attaque des barbares extérieurs, les Aryens. « L’Inde, par sa situation, son système social et la continuité de sa civilisation, constitue une sorte de musée de l’histoire (...) ». Curieux a priori de la continuité, ce même auteur remarque que la chute de la civilisation de l’Indus a été suivie de 2100 ans sans civilisation : « Il n’existe dans l’Inde aucun monument qui ait été construit entre la fin de Mohenjo Daro et l’époque bouddhiste (5ème siècle avant J.-C). » Il remarque aussi que ce n’était pas la première chute d’une époque florissante mais, selon la tradition, la quatrième : « Selon la tradition indienne, (...) le début du kali yuga (l’âge des conflits ou âge sombre), le quatrième du monde. Kali veut dire « querelle », yaya « ère ». » Le texte cité est le « Big Veda ». Rappelons que l’idéologie de l’époque, interprétation symbolique de l’histoire réelle est fondée sur les « créations et annihilation successive du monde ». En somme, la société organisée et hiérarchisée avait déjà été plusieurs fois construite et détruite. Par des « kali » ? Les « querelles » sont des luttes internes qui pourraient bien avoir eu un caractère social et sont une hypothèse qui s’oppose à celle que retient Daniélou d’une guerre, la guerre du Mahabharata qui marquerait l’invasion de la société dravidienne de l’Indus par les peuples nomades aryens. L’auteur relève pourtant lui-même la contradiction chronologique : « D’après les historiens occidentaux, la guerre du Mahabharata (...) remonterait aux années 1500 à 1000 avant Jésus-Christ. » Alors que la chute de la civilisation date environ de 3000 avant J.-C ! Relevons deux autres contradictions dans cette interprétation. Aucune chute brutale n’est possible dans cette hypothèse, car les Aryens n’attaquaient pas à la tête d’une armée et étaient seulement des nomades qui envahissaient de manière progressive et pacifique : « Les occupants aryens, tels qu’ils se présentent dans les hymnes du Big Veda, étaient des nomades, mais ils étaient intellectuellement et matériellement assez peu développés. (...) La descente des Aryens sur l’Inde fut progressive (...). » Une autre contradiction provient du caractère de la lutte décrite par le Big Veda. Le même auteur décrit la lutte des Dravidiens contre l’invasion aryenne : « Le conflit fut un conflit social plutôt que culturel. »

  • Parler de révolutions dans l’Inde antique signifie non seulement qu’il est arrivé que les opprimés se révoltent et renversent une société, un régime et suppriment même un mode de production. Cela signifie aussi que l’Inde est passée d’une société à une autre, d’une mode de production, d’un système social à un autre par des sauts et non par des progrès. Il y a certes eu des progrès mais ce n’est pas cela qui a fait passer d’une société à une autre mais des bonds, des discontinuités historiques.

  • La civilisation de l’Indus serait plus ancienne qu’on ne le croyait...

    Une étude scientifique analysée par le quotidien indien The Hindu apporte plus d’éléments sur le déclin de la civilisation de la vallée de l’Indus qui se déployait sur une aire allant de l’actuel Pakistan au Nord-ouest de l’Inde. Pourtant la presse indienne ne semble retenir dans ses gros titres que l’ancienneté de cette culture encore mal connue : plus de 8000 ans, ça fait bien plus que les civilisations égyptienne et mésopotamienne. Le Times of India va même jusqu’à dire qu’il est temps de retirer la notion de berceau des civilisations à ces dernières ! Le site de Birrhana dans l’Etat indien de l’Haryana livre aux chercheurs d’autres hypothèses sur le déclin de la civilisation urbaine : un changement de pratiques agricoles pour mieux s’adapter au changement climatique. La ville a reculé quand les céréales étaient de moins en moins cultivées et stockées.

  • .
    Eh oui, le Pakistan antique (civilisation de l’Indus) était en un sens très en avance... sur nous : il était communiste !!!

    Pas d’Etat, pas de répression, pas de religion, pas de palais, pas d’oppression des femmes et pas d’exploitation de l’homme par l’homme…

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