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Révolutions de la Mésopotamie antique

lundi 4 janvier 2010, par Robert Paris

La naissance de la civilisation en Mésopotamie, ce n’est pas un produit de l’Etat

Quand la Mésopotamie démontre que la philosophie antique n’est pas née en Grèce…

La civilisation mésopotamienne, le film en anglais

Une ville de la Mésopotamie antique, le film

Le peuple d’Ur, le film

Mythe d’Atra-Hasis :

"Mille deux cent ans ne s’étaient pas écoulés

Que le pays s’était étendu, que les gens s’étaient multipliés.

Le pays mugissait comme des taureaux...

Enlill entendit leurs protestations

Et dit aux grands dieux :

"Les cris de l’humanité m’ont importuné

Je suis privé de sommeil par leur brouhaha."

Dans la religion sumérienne, Enlil est celui qui accède à la souveraineté du monde, le dieu roi.

Au XXIIème siècle avant J.-C, Ur participera à des révoltes contre l’autorité des souverains akkadiens, qui seront toutes matées brutalement, la ville subissant de plein fouet la répression.

Naram-Sin (« aîné de Sîn ») est roi d’Akkad de 2254 à 2218 av. J.-C.

Naram-Sin, fils de Manishtusu, doit réprimer une révolte générale lors de son avènement.

Sous le règne du successeur de Hammurabi, Samsu-iluna, les cités du pays de Sumer se soulèvent contre Babylone. Entre 1740 et 1739, le roi babylonien réussit à reprendre le dessus sur les insurgés, et réprime la révolte. Les années qui suivent voient une grave crise économique et peut-être même écologique survenir dans le sud de la basse Mésopotamie. La ville est abandonnée après 1720 : il n’y a plus de traces d’occupation, plus de tablettes rédigées après cette période. La cité devient donc un désert.

"Vers 2950 ou 2775, suivant les systèmes chronologiques, commença en pays sumérien la Ire dynastie de la ville d’Our. Cette maison aurait été détruite par les gens de Lagach (aujourd’hui Tello), autre ville sumérienne dont les victoires sont commémorées dans la célèbre Stèle des Vautours, au Louvre." (On écrit Our ou Ur)

René Grousset dans "Histoire de l’Asie"

Panneau de la ville d’Our

Ziggurat d’Our

Ur détruite en -2007

Le royaume d’Ur s’affaiblit au cours des dernières décennies du XXIe siècle. Sous le règne du roi Ibbi-Sîn, une grande partie du royaume est perdue, et des cités commencent à faire sécession à l’intérieur même du pays de Sumer. La région connaît alors une crise grave, quand Isin se sépare d’Ur sous la direction d’Ishbi-Erra, dont le règne est tenu pour commencer en 2017. Dans ce contexte difficile, marqué notamment par des incursions de nomades amorrites, ce sont les Élamites qui envahissent le pays de Sumer en 2007 une première fois, puis en 2004, date à laquelle ils réussissent à prendre Ur, déposant Ibbi-Sîn, qui est amené en Élam.
Cet événement dramatique a apparemment marqué les consciences en basse Mésopotamie, et la période de la chute de la Troisième dynastie d’Ur a fait l’objet de cinq textes appelés par les chercheurs modernes « lamentations ». On compte parmi eux une Lamentation sur la destruction d’Ur, et une Lamentation sur la destruction de Sumer et d’Ur. Ces récits comprennent des descriptions des malheurs qu’a subi cette ville durant ces temps difficiles, en leur donnant une tournure catastrophique, présentant la destruction comme un retour à l’état sauvage là où auparavant une brillante civilisation s’était épanouie. Ils restent néanmoins très vagues sur les événements mêmes. Il s’agit en fait de textes produits quelques décennies après les faits à l’initiative des souverains d’Isin, cherchant à justifier la chute des rois d’Ur à cause de la perte de l’appui divin dont ils disposaient précédemment, et à légitimer leur propre domination sur le pays de Sumer.

La chute de Babel, le film

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Révolutions en Mésopotamie

Peu se souviennent de Sumer à propos de la révolution sociale (contre les riches et les religieux) qui renversa la dynastie d’Ur-Nanshé vers – 2400 (avant J.-C), ni de celle contre l’Etat de Mésopotamie (en – 1750 avant J.-C. Viviane Koenig écrit dans l’ouvrage cité précédemment : « Le roi Hammourabi ne peut empêcher le développement d’une crise sociale grave : le petit peuple ne peut rembourser les grains ou l’argent empruntés. D’année en année, il s’endette toujours d’avantage. Vers 1750, à la mort de son père, Samsoullouna essaie de résoudre ce problème en remettant les vieilles dettes. Malgré cette mesure clémente, la situation s’aggrave : de Kish à Our, le pays se soulève. En cinq ans, le jeune roi mate la rébellion mais perd le sud de son royaume. (...) Vers 1550, le dernier roi de la dynastie ne règne plus que sur les environs de Babylone. »

Annie Caubet et Patrick Pouysegur dans « L’Orient ancien, aux origines de la civilisation » :
Sur la naissance du pouvoir à Uruk, que dit la mythologie :
« Mille deux cent ans ne s’étaient pas écoulés
Que le pays s’était étendu, que les gens s’étaient multipliés.
Le pays rugissait comme des taureaux.
Enlil entendit leurs cris
Et dit aux grands dieux :
Les cris de l’humanité m’ont importuné,
Je suis privé de sommeil par leur brouhaha. »
(Atra-Asîs)

« Sur l’Euphrate, la fondation de Mari, qui remonte probablement au 29ème siècle avant J.-C, répond elle aussi au développement du commerce (…) Après une phase d’abandon de un siècle environ, Mari est occupé par une nouvelle population et la ville, reconstruite sur le modèle mésopotamien, ne cessera de se développer au cours des siècles suivants. »
« -2400 (...) Le déclin de Lagash est déjà entamé. Afin de l’endiguer, un usurpateur du nom d’Uruinimgina va s’efforcer de promouvoir une politique de réformes administratives et sociales, faisant consigner ses édits sur des cônes d’argile. Ils portent le texte d’une ordonnance royale proclamant la réduction des taxes et la fin des « abus des jours anciens ». Mais cet élan de rénovation viendra trop tard. »
« Après -2300, l’ensemble du Levant est gagné par un déclin dont les causes, mal connues, combinent vraisemblablement facteur écologique et facteur économique, avec notamment un ralentissement considérable de l’activité commerciale, qui est en partie lié à l’affaiblissement puis à la disparition de l’Ancien Empire égyptien. En tout état de cause, la région va subir jusqu’à la fin du millénaire un recul important de la civilisation urbaine. Les cités sont pour la plupart abandonnées et certaines détruites. Ces destructions, que l’on retrouve depuis la Palestine jusqu’à la Syrie, sont généralement associées à des mouvements de populations amorrites. Pourtant rien n’est moins assuré. (...) Un temps ininterrompu pendant la période de crise qui prévaut à la fin du 3e millénaire. (...) Vers la fin du 19ème siècle avant J.-C, de violents conflits secouent à nouveau la région, et les comptoirs assyriens vont être brutalement détruits. (...) Le monde proche oriental, dont la plupart des régions ont été touchées à des degrés divers par la crise générale de la fin du 3e millénaire, n’a pourtant pas tardé à retrouver une réelle prospérité (…) »
« Le souverain sumérien est, à son tour, vaincu par l’Akkadien Sargon. (...) L’ère des cités-Etats vient de s’achever. (...) Afin d’asseoir son pouvoir, il fait raser les remparts des grandes cités sumériennes et y installe comme gouverneurs des « fils d’Akkad », accompagnés de fonctionnaires et de troupes. (...) L’espace mésopotamien se trouve pour la première fois tout entier unifié ; mais cette unité est fragile. Les vieilles cités sumériennes acceptent mal la nouvelle autorité qui s’établit sur la remise en cause de leurs traditions. Des révoltes éclatent dès la fin du règne de Sargon ; elles vont se multiplier pendant ceux de ses deux fils qui lui succèdent tour à tour. Rimush qui monte sur le trône d’Akkad à la mort de son père en -2278 doit ainsi réprimer le soulèvement de plusieurs cités de Sumer, en particulier celles d’Ur et de Lagash. (...) Avec l’accession au pouvoir en -2254 du fils de Manishtushu, Narân-Sîn, l’Etat akkadien va se muer en un véritable empire. (...) Il va devoir cependant, à l’instar de ses prédécesseurs, faire face au soulèvement récurrent des grandes cités. Un soulèvement général le contraint même à mener neuf batailles successives avant qu’il parvienne à rétablir son pouvoir. L’irrédentisme des cités sumériennes n’est d’ailleurs plus la seule menace qui pèse sur la stabilité de l’Etat akkadien. La pression toujours plus forte qu’exercent les populations semi-nomades vivant en périphérie de l’empire va rapidement devenir un problème majeur. »
« En -2150, après l’effondrement de l’empire d’Akkad, (...) la domination qu’instaurent les souverains montagnards sur la plaine de Mésopotamie va rapidement se révéler de pure forme. Les grandes cités du sud (...) échappent bientôt à leur contrôle, et l’Etat sumérien de Lagash est l’un des premiers à retrouver son indépendance. (...) En -2116, le roi d’Uruk Uru-Hegal prend la tête d’une révolte générale et va triompher et va triompher (...) restituant la royauté à Sumer. (...) Dès -2112, il est renversé par Ur-Nammu (...) Le code d’Ur-Nammu (...) est instauré dans tout l’empire. Le pauvre, l’orphelin, la veuve sont protégés du pouvoir des puissants : « Je ne livre pas celui qui n’a qu’un mouton à celui qui possède un bœuf « affirme le souverain dans le prologue du code. (...) Avec l’avènement d’Ibbi-Sîn, (...) en -2028, l’empire va s’effondrer. Le pouvoir du roi d’Ur se réduit d’année en année, tandis que les grandes cités reprennent l’une après l’autre leur indépendance. »
« En -1755, Hammurabi est le maître incontesté d’un nouvel empire mésopotamien, dans la lignée de ceux d’Akkad et de la 3e dynastie d’Ur. (...) le cœur de l’empire bat désormais à Babylone, promue au rang de capitale politique, mais également de métropole religieuse et culturelle. Le pouvoir royal, qui continue d’ancrer sa légitimité dans la volonté divine, étend son autorité sur l’ensemble de la société au moyen d’une administration hiérarchisée qui ne dépend que de lui. Le palais est la première puissance économique, suscitant autour de lui le développement d’un secteur privé, implanté aussi bien dans le domaine agricole que dans l’artisanat et le commerce. Afin de réguler le fonctionnement d’une société de plus en plus complexe, Hammurabi fait rédiger un nouveau code de justice. Construit sur le modèle de ceux d’Ur-Nammu et de Lipt-Ishtar mais écrit en langue babylonienne (...) il vient « proclamer le droit dans le pays, éliminer le mauvais et le pervers, empêcher le fort d’opprimer le faible. » (...) Le grand royaume d’Hammurabi ne survivra pas à son fondateur. (...) Dès le règne de son fils Samsu-Iluna, qui monte sur le trône en -1749, une forte crise économique accompagne la révolte des cités. Le sud de la Mésopotamie échappe au contrôle de Babylone et les villes s’y vident de leur population. L’effondrement de la région correspond à l’arrêt des échanges commerciaux dans le Golfe qui est consécutif à la disparition de la civilisation de l’Indus. (...) L’effondrement de la Babylonie (en -158) ne fait, en réalité, que suivre, à quelques décennies d’intervalle, celui d’autres Etats prestigieux, au premier rang desquels l’empire hittite. Miné par une crise économique et politique, celui-ci disparaît aux environs de -1200 (...). L’accession au pouvoir d’Assurbanipal (-668 à -629), préparée par un serment prêté à sa personne dès -672 par la population assyrienne, s’accomplit sans difficulté notable. En -667, l’Egypte est reconquise (...) L’impérialisme assyrien est désormais parvenu aux limites de ses capacités militaires et administratives. Non seulement, l’Egypte ne sera jamais reconquise, mais la révolte de la Babylonie, l’année suivante, annonce l’effondrement prochain d’un pouvoir à bout de souffle. La puissance assyrienne s’y épuise dans une guerre civile prolongée, et Babylone ne sera reprise qu’après un siège de deux ans. (...) Après l’anéantissement de l’Assyrie, le souverain chaldéen de Babylone va se poser en héritier du vaste empire qu’il a contribué à abattre. (...) Nabuchodonosor II exerce son autorité sur un territoire considérablement plus grand que ceux contrôlés par les pouvoirs babyloniens antérieurs. Mais cette hégémonie demeure fragile, en particulier au Levant où les révoltes sont fréquentes, attisées par les pharaons saïtes. C’est le refus par la ville de s’acquitter du tribut annuel qui conduit à la prise de Jérusalem en -597, puis à nouveau en -587, accompagnée chaque fois de la déportation de milliers de juifs et de leur roi à Babylone. Dans le cité dévastée, on « brûla la maison de Yahve, la maison du roi et toutes les maisons de quelque importance. »  »

Viviane Koenig
dans « L’Egypte au temps des pharaons » : « Le roi Hammourabi ne peut empêcher le développement d’une crise sociale grave : le petit peuple ne peut rembourser les grains ou l’argent empruntés. D’année en année, il s’endette toujours d’avantage. Vers 1750, à la mort de son père, Samsoullouna essaie de résoudre ce problème en remettant les vieilles dettes. Malgré cette mesure clémente, la situation s’aggrave : de Kish à Our, le pays se soulève. En cinq ans, le jeune roi mate la rébellion mais perd le sud de son royaume. (...) Vers 1550, le dernier roi de la dynastie ne règne plus que sur les environs de Babylone. »

Le Prologue

Sans doute Hammurabi appartient-il lui-même à une « race royale perpétuelle » et exerce-t-il son autorité non seulement sur Babylone, mais aussi sur les « quatre contrées du monde », mais c’est aussi comme pasteur nommé par Anou et Enlil « pour faire apparaître la justice dans le pays » et « procurer le bien-être aux gens ».

Lorsque l’éminent Anou, le roi des Anounnakou, et Enlil, le seigneur des cieux et de la terre, qui fixe les destins du pays, eurent attribué à Mardouk, le fils aîné d’Ea, le pouvoir d’Enlil sur la totalité des gens, l’eurent rendu grand parmi les Igigou, eurent donné à Babylone un nom éminent et l’eurent rendue hors de pair dans les contrées, y eurent établi pour lui (Mardouk) une royauté perpérutelle dont les fondements sont aussi enracinés que ceux des cieux et de la terre, alors c’est moi Hammurabi, prince zélé qui craint les dieux, que, pour faire apparaître la justice dans le pays, pour anéantir le méchant et le mauvais, pour que le fort n’opprime pas le faible, pour sortir comme Shamash au dessus des têtes noires et éclairer le pays, Anou et Enlil, ont appelé par mon nom pour procurer le bien-être aux gens.

C’est moi, Hammurabi, le pasteur nommé par Enlil. Celui qui a accumulé abondance et profusion, qui a parachevé toutes choses pour Nippur Duranki, le pourvoyeur zélé de l’Ekour, le roi compétent qui a restauré Eridu (et) qui a maintenu purs les rites de l’Eabzu, celui qui a pris d’assaut les quatre contrées du monde, qui a grandi le renom de Babylone, qui a contenté le coeur de Mardouk son seigneur, qui, chaque jour, vient se tenir au service de l’Esagil, qui est de la race royale que Sin a créée ..., qui est humble et priant ..., le roi judicieux, qui obéit à Shamash, qui est fort ..., la protection du pays ..., un dragon parmi les rois ..., le filet (qui capture) les ennemis ..., le taureau combatif qui enfonce les ennemis ..., (l’homme) zélé qui n’a de cesse pour l’Ezida, le dieu des rois, celui qui s’y connaît en sagesse ..., le seigneur qui est fait pour le sceptre et le couronne ..., qui est réfléchi, accompli ..., qui s’empare des ennemis, le favori de la déesse Telitou ..., celui qui réjouit le coeur d’Ishtar, le prince saint dont Adad connaît la prière ..., qui est souverain parmi les rois, qu’on n’affronte pas au combat ..., celui qui est habile et actif, qui a atteint tout ce qu’il désirait ..., le premier des rois ..., le prince zélé ..., le pasteur des gens dont les actions sont agréables à Ishtar ..., celui qui fait apparaître la vérité ..., (l’homme) zélé qui prie les grands dieux, le descendant de Soummoulael, l’héritier fort de Sinmouballit, qui est de race royale perpétuelle, le roi fort, le soleil de Babylone qui fait sortir la lumière sur le pays de Sumer et d’Akkad, le roi qui s’est fait obéir des quatre contrées du monde, le favori d’Ishtar, c’est moi !

Hammurabi se réclame de Soumoulael, deuxième roi de la première dynastie de Babylone (son plus ancien ancêtre royal, en ligne directe), et de Sinmouballit, cinquième roi de la dynastie, père et prédécesseur immédiat de Hammurabi

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Lectures croisées : le talion

Il se pourrait que le talion ait été introduit par Hammurabi lui-même. Je cite : « Sans doute, pour l’homme d’aujourd’hui, le talion apparaît comme primitif et barbare et comme conduisant à des sentences particulièrement odieuses. Pourtant, aussi paradoxal que cela paraisse, le remplacement de sanctions pécuniaires par des sanctions corporelles pour les fautes graves représentait probablement un progrès : par leur effet dissuasif ces sanctions contribuaient probablement à la diminution du nombre des méfaits et par leur sévérité dissuadaient sans doute aussi les victimes de se faire justice elle-même par une vengeance disproportionnée. »

Ur-Nammu (18-22) : Si quelqu’un a coupé son pied à quelqu’un d’autre avec un couteau, il payera 10 sicles d’argent. Si quelqu’un a brisé un os à quelqu’un d’autre avec une massue, il payera une mine d’argent. Si quelqu’un a coupé le nez de quelqu’un d’autre avec un couteau, il payera 2/3 de mine d’argent. Si quelqu’un ... une dent à quelqu’un d’autre avec ..., il payera 2 sicles d’argent.

Eshunna (42-47) : Si quelqu’un a mordu le nez de quelqu’un d’autre et l’a coupé, il payera une mine d’argent. Pour un oeil, il payera une mine ; pour une dent, une demi-mine ; pour une oreille, une demi-mine ; pour une gifle, 10 sicles d’argent. Si quelqu’un a coupé le doigt de quelqu’un d’autre, il payera 2/3 de mine d’argent. Si quelqu’un a renversé quelqu’un d’autre dans la rue et lui a brisé une main, il payera une demi-mine d’argent. S’il lui a brisé un pied, il payera une demi-mine d’argent. Si quelqu’un a frappé quelqu’un d’autre et lui a brisé ..., il payera 2/3 de mine d’argent. Si quelqu’un a écorché quelqu’un d’autre dans une querelle, il payera 10 sicles d’argent.

Hammurabi (196-201) : Si quelqu’un a crevé un oeil à un notable, on lui crèvera un oeil. S’il a brisé un os à un notable, on lui brisera un os. S’il a crevé un oeil à un homme du peuple ou a brisé un os à un homme du peuple, il paiera une mine d’argent. S’il a crevé un oeil à l’esclave de quelqu’un ou s’il a brisé un os à l’esclave de quelqu’un, il paiera la moitié de son prix d’achat. Si quelqu’un a fait tomber une dent à un homme de son rang, on lui fera tomber une dent. S’il a fait tomber une dent à un homme du peuple, il paiera un tiers de mine d’argent.

Hittites (7-8,15-16) : Si quelqu’un aveugle un homme libre ou lui fait tomber une dent, on donnait jadis une mine d’argent : maintenant il donnera 20 sicles d’argent. Si quelqu’un aveugle un esclave ou une esclave ou lui fait tomber une dent, il donnera 10 sicles d’argent. Si quelqu’un arrache une oreille à un homme livre, il donnera 12 sicles d’argent. Si quelqu’un arrache une oreille à un esclave ou à une esclave, il donnera 3 sicles d’argent.

Exode (21,23-27) : Mais si malheur arrive, tu paieras pour vie, oeil pour oeil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure. Et quand un homme frappera l’oeil de son serviteur ou l’oeil de sa servante et l’abîmera, il les laissera aller libres, en compensation de leur oeil. Et si c’est une dent de son serviteur ou une dent de sa servante qu’il fait tomber, il les laissera aller libres, en compensation de leur dent.

La comparaison des recueils conduit à constater une différence importante : alors que les lois dites d’Ur-Nammu et les lois d’Eshunna ne distinguent pas entre les personnes qui subissent le dommage, les lois d’Hammurabi, les lois hittites et le livre de l’Exode distinguent expressément entre hommes libres et esclaves pour moduler les indemnités (dans le pentateuque, la loi du talion ne sapplique pas lorsque la victime est un esclave, ce dernier étant libéré au dépens de son maître en réparation du dommage qu’il a subi de la part de ce dernier).

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Les Bénédictions et Malédictions de l’épilogue

Hammurabi, roi incomparable, pasteur qui assure le salut et juge qui assure la justice, a procuré à son pays la paix et le bien-être. Par ses « jugements de justice » il a montré à ses sujets comment devaient être réglées leurs affaires et donné à ses successeurs le modèle de ce que devait accomplir un vrai roi. Quiconque donc ne se conformerait pas à ce modèle ou même tenterait de l’abolir devrait encourir les pires malédictions entraînant les pires malheurs pour lui-même et pour son pays.

Je suis Hammurabi, roi de justice, à qui Shamash a octroyé la vérité. Mes paroles sont de choix, mes oeuvres sont sans égales ; elles ne sont creuses que pour le sot, pour le sage elles ne méritent que des louanges.

Si cet homme a été attentif à mes paroles que j’ai écrites sur ma stèle et n’a pas écarté ce que j’ai jugé, n’a pas modifié mes paroles, n’a pas changé ce que j’ai gravé, cet homme sera un roi de justice comme moi ; que Shammash allonge son sceptre, qu’il fasse paître ses gens dans la justice. Si cet homme n’a pas été attentif à mes paroles que j’ai écrite sur ma stèle, a méprisé mes malédictions et n’a pas craint les malédictions des dieux, a effacé ce que j’ai jugé, a modifié mes paroles, a changé ce que j’ai gravé, a effacé mon nom écrit et a écrit son nom, ou y a incité un autre à cause de ces malédictions, cet homme, qu’il soit roi, seigneur, gouverneur ou être humain quel qu’en soit le nom,

 Qu’Anou le Grand, le père des dieux, qui m’a appelé à régner, lui enlève l’éclat de la royauté, lui brise son sceptre et maudisse sa destinée.

 Qu’Enlil, le Seigneur qui fixe les destins, dont l’ordre est immuable, qui a grandi ma royauté, étende sur lui dans sa demeure un trouble sans rémission et l’angoisse de sa perte ; qu’il lui donne comme destin un règne de douleur, des jours peu nombreux, des années de famine, une obscurité sans lueur, une mort en un clin d’oeil ; qu’il ordonne de sa bouche qui a autorité la perte de sa ville, la dispersion de ses gens, l’échange de sa royauté, la disparition de toute mention de son nom dans le pays.

 Que Ninlil ... Qu’Ea ... Que Shamash ... Que Sin ... Qu’Adad ... Que Zabada ... Qu’Ishtar ... Que Nergal ... Que Nintou ... Que Ninkarrak ...

Que les grands dieux de cieux et de la terre, les Anounnakou tous ensemble, le bon Génie du temple et la brique de l’Ebabbar maudissent d’une malédiction maléfique lui-même, sa descendance, son pays, sa troupe, ses gens et son armée ; qu’Enlil, de sa bouche invariable, le maudisse de ces malédictions et qu’elles l’atteignent.

Source : Lois de l’ancien orient (Editions du Cerf)
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12 avril 2007
Les Lois de l’Ancien Orient (II) : Premiers Recueils

Le Code d’Hammurabi est l’une des plus anciennes lois écrites trouvées : la stèle du Code d’Hammurabi dont on dispose fut gravée dans un bloc de basalte et fut placé dans le temple de Sippar. Plusieurs autres exemplaires similaires furent vraisemblablement placés à travers tout le royaume. Cela avait pour but de faire connaître l’autorité et la sagesse de Hammurabi sur l’ensemble du territoire qu’il dirigeait.

CodeHammurabi

Mais Hammurabi n’a pas été le seul à publier des lois ; d’autres l’ont fait avant et d’autres le firent après lui : les lois dites d’Ur-Nammu, les lois de Lipit-Ishtar, les lois d’Eshnunna, les lois assyriennes, les lois hittites.

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Les lois dites d’Ur-Nammu (en sumérien) : ces lois ont été attribuées à Ur-Nammu (2111-2094), fondateur de la troisième dynastie d’Ur. Son nom figure dans le prologue, mais pas en tant que nom de l’auteur, plutôt comme celui de l’ancêtre de l’auteur véritable que l’on pense être Shulgi, son fils et successeur.

 Ur a été fondée au IVè millénaire dans l’extrême sud mésopotamien, - elle était alors située très près de la mer -, par des gens colons du nord, à la période d’Obeid. A l’époque de l’Empire d’Akkad, Ur participe à des révoltes contre l’autorité des souverains akkadiens, qui seront toutes matées brutalement, la ville subissant de plein fouet la répression.

 L’Empire d’Akkad détruit par les barbares Gutis, qui dominent à partir de ce moment le pays de Sumer et d’Akkad, le roi d’Uruk, Utu-hegal, défait Tiriqan le roi des Gutis et peut alors exercer sa souveraineté sur le sud mésopotamien. En 2113, il est détrôné par des notables de la cour, à la tête desquels se trouve Ur-Nammu, gouverneur d’Ur, qui prend le pouvoir et transfère la capitale dans sa ville.

CarteMesopotamie

Carte de la Mésopotamie

Les lois de Lipit-Ishtar (en sumérien) : le prologue du recueil en attribue explicitement le contenu à Lipit-Ishtar (1934-1924), cinquième roi de la dynastie de la vie d’Isin.

 La ville d’Isin a pris de l’importance à la période de la Troisième dynastie d’Ur : Ishbi-Erra, profitant de la présence de nomades qui limite les possibilités d’intervention armée du roi d’Ur, avait fait sécession. Ishbi-Erra réussit a maintenir son pouvoir à Isin après la chute d’Ur, et reprend cette ville après huit ans de domination élamite.

 Ses successeurs sont Shu-ilishu (1984-1975), - qui restaure Ur au cours de son règne - , Iddin-Dagan (1974-1954) , Ishme-Dagan (1953-1935), et Lipit-Ishtar (1934-1924). C’est alors l’apogée d’Isin : la cité de Larsa va alors devenir une menace sérieuse pour Isin et finira par prendre le dessus.

Les lois d’Eshnunna (en akkadien) : sur l’une des tablettes où sont inscrites ces lois, on peut restituer avec vraisemblance le nom du roi Dadousha, contemporain d’Hammurabi.

 A l’époque de la domination de Larsa, le royaume d’Eshnunna - au nord, dans la vallée de la Diyala -, s’empare de toutes les principautés voisines à partir du règne d’Ipiq-Adad, et devient une grande puissance politique.

 L’Elamite Siwe-palar-huhpak, s’alliant à Zimri-Lîm (roi de Mari) et Hammurabi (roi de Babylone) attaquera Eshnunna : la ville est prise en 1765. Siwe-palar-huhpak ne s’arrête pas là, et s’empare des territoires d’Eshnunna.

Les lois de Hammurabi (en akkadien) : son oeuvre législative l’emporte par son ampleur sur celles qui ont précédé la sienne. (en akkadien) : sur l’une des tablettes où sont inscrites ces lois, on peut restituer avec vraisemblance le nom du roi Dadousha, contemporain d’Hammurabi.

 Babylone est attestée pour la première fois dans les textes de la IIIè Dynastie d’Ur en tant que ville contribuant au trésor royal. Elle était cependant un ensemble suffisament important pour nécessiter la présence d’un administrateur de province à sa tête. Après l’effondrement du grand Empire sumérien, des chefs de tributs amorrites s’emparent de la cité au début du IIè millénaire, et y fondent la Ière Dynastie. Les premiers souverains sont Sumu-abum (1894–1881), Sumu-le-El (1880–1845), Sabium (1845-1831), Apil-Sîn (1831-1813), Sîn-muballit (1812-1792).

 Sous le règne d’Hammourabi (1792-1750), Babylone devient la plus grande puissance politique de Mésopotamie. C’est à ce moment que la ville capte à son seul profit, outre le rôle de capitale politique, la fonction de capitale religieuse, unique résidence du dieu Mardouk roi des dieux du panthéon mésopotamien. L’empire d’Hammourabi assure ainsi la synthèse entre les traditions culturelles et religieuses des capitales de Sumer et d’Akkad qui avaient dominé la Mésopotamie au IIIe millénaire av. J.-C. et celles des bédouins amorrites.

Les lois assyriennes (en akkadien) : les tablettes sur lesquelles sont inscrites ces lois ont été trouvées à Assur, l’ancienne capitale assyrienne. Ce sont des compilations, faites au temps de Téglat-Phalasar Ier, de textes législatifs.

Les lois hittites (en indo-européen) : les tablettes de ces lois ont été retrouvé à Hattousha, l’ancienne capitale hittite : les plus anciennes, qui reprennent un texte antérieur, sont du 16e siècle avant J.C., l’emplaire le plus important étant d’environ 1400.

  o - o - o - o - o - o -

Que peut-on dire de ces recueils de lois ? Hammurabi, dans l’épilogue de son oeuvre, répond à cette question :

1.

« Tels sont les jugements de justice » (c’est à dire à la fois jugements justes et établissant la justice) Or le mot traduit ici par "jugement" est celui qui désigne en Mésopotamie toute sentence prononcée par un juge, et on sait que le roi babylonien est juge par fonction, que les "juges du roi" tranchent en son nom et qu’il parle en dernière instance ; ce que nous appelons les articles des lois de Hammurabi sont donc des sentences du royal juge ou entérinées par le royal juge et issues de cas concrets.
2.

Mais, par la volonté du roi, une sentence doit désormais dépasser le cas concret qui l’a fait naître : « Que celui qui est mêlé à une affaire vienne devant ma statue de "Roi de justice", se fasse lire ma stèle, que ma stèle lui dévoile l’affaire, qu’il voie le jugement qui convient à son cas », dit encore Hammurabi. La sentence royale acquiert ainsi portée universelle pour tout le pays.

Mais, après voir donné à ses jugements une portée universelle dans l’espace, Hammurabi entend leur donner une portée universelle dans le temps et en faire la norme des jugements que devront porter ses successeurs pour être de bons rois : « Que le roi qui apparaîtra dans le pays observe les paroles de justice que j’ai écrite sur ma stèle », et « Que cette stèle lui fasse voir la démarche et le comportement qui conviennent »
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08 avril 2007
Les Lois de l’Ancien Orient (I) : Le Code d’Hammurabi

J’avais envie d’écrire un long texte de présentation du Code d’Hammurabi et de ses nombreux articles (282 articles). Je vais me contenter, dans un premier temps, d’une image et de quelques phrases.

Code Hammurabi

Le Code d’Hammurabi (Musée du Louvre)

Le texte, réparti en cases, comprend 282 articles de justice qui concernent les principaux aspects de la vie sociale. Plus que de lois, il s’agit de sentences sur des cas exemplaires portés en dernier recours devant le roi.

L’exposition des cas est précédée d’un prologue, sorte de testament politique énoncé par Hammurabi, le fondateur de la puissance babylonienne. On y voit les grands dieux, qui ont accordé la prépondérance à Babylone, appeler Hammurabi sur le trône "pour proclamer le droit dans le pays, pour éliminer le mauvais et le pervers, pour que le fort n’opprime pas le faible".

Les différents "articles" régissent notamment :

1.

la hiérarchisation de la société : trois groupes existent, les hommes libres, les subalternes et les esclaves
2.

la protection sociale : un esclave ne doit en aucun cas être séparé de sa femme et de ses jeunes enfants
3.

les prix : les honoraires des médecins varient selon que les soins donnés s’adressent à un homme libre ou à un esclave
4.

les salaires : ils varient selon la nature des travaux réalisés
5.

la responsabilité professionnelle : un architecte qui a réalisé une maison qui s’est effondrée sur ses occupants et ayant causé leur mort, est condamné à la peine de mort
6.

le fonctionnement judiciaire : la justice est rendue par des tribunaux et il est possible de faire appel auprès du roi, les décisions doivent être écrites
7.

les peines : toute une échelle des peines est inscrite suivant les délits et crimes commis. La Loi du Talion est la base de cette échelle.

Les sentences ont toutes été écrites selon un même schéma : si un homme fait telle action, alors il en résultera telle conséquence. Parmi les grands thèmes abordés, on trouve le faux témoignage, le vol, le travail agricole, le commerce, les dépôts et gages, la famille, le mariage, les enfants, les coups et blessures et des professions très spécifiques, comme les médecins, etc. Le souverain se veut le défenseur du faible contre le fort, le protecteur de l’orphelin et de la veuve.

L’inscription s’achève par des incantations aux grandes divinités afin qu’elles protègent ceux qui respecteront le droit ainsi établi et qu’elles punissent ceux qui le bafoueraient.

Silverside

Origines de la chute des villes mésopotamiennes

La chute d’Ur

La chute de la troisième dynastie d’Ur a lieu une quarantaine d’années après la mort de son plus grand roi, sous le règne de son petit-fils. Plusieurs causes ont été avancées pour expliquer cet effondrement : l’organisation bureaucratique complexe de l’empire semble lourde et fragile car difficile à maintenir dans la durée, tandis que les gouverneurs provinciaux ne sont bien tenus que quand le pouvoir du souverain est fort, pouvant prendre leur autonomie dès que celui-ci s’affaiblit, à commencer par ceux de la périphérie. De plus, les relations avec les régions voisines n’ont jamais été pacifiées malgré de nombreuses tentatives, notamment avec les royaumes élamites et les tribus des Martu/Amorrites. Plus récemment, un autre type d’explication a été proposé : un réchauffement climatique qui aurait entraîné la disette des dernières années du royaume.

Le déroulement exact de la chute d’Ur est mal connu, car il est reconstruit avant tout par des sources postérieures dont la fiabilité est mal établie, notamment les lettres apocryphes évoquées plus haut qui donnent des éléments sur les conditions de la sécession d’Ishbi-Erra d’Isin, qui a lieu sur fond de crise de subsistance. Le coup de grâce semble avoir été porté à Ur par une expédition menée par le roi élamite Kindattu de Simashki, dirigeant une coalition constituée de troupes venant aussi du Zagros. Ibbi-Sîn aurait alors été emmené en Élam avec la statue du dieu Nanna, patron d’Ur, symbolisant sa défaite totale. Néanmoins, les troupes élamites sont ensuite chassées par Ishbi-Erra qui récupère les bénéfices de la chute d’Ur, puisqu’il exerce par la suite l’hégémonie sur les cités de Sumer, sans pour autant être en mesure d’établir un royaume de la taille de celui d’Ur III.

Le royaume d’Ur III a posé les bases des grands royaumes qui lui succèdent. Tandis que les Sumériens disparaissaient en tant que peuple, une nouvelle ère s’ouvrait dans l’histoire mésopotamienne, la période paléo-babylonienne ou amorrite. Les premiers rois amorrites (surtout Isin et Larsa) ont assumé l’héritage d’Ur III : leur titulature reprend celle des rois d’Ur, ils continuent un temps à se faire diviniser et patronnent un art et une littérature dans la continuité de ceux de la période néo-sumérienne. Sous les rois d’Isin sont rédigés des textes de « lamentations » commémorant la chute du royaume d’Ur et de ses grandes villes (Ur, Uruk, Nippur et Eridu)15. Elles ont en fait pour but de justifier la chute d’Ur et de légitimer la domination des nouveaux maîtres du sud mésopotamien en les présentant comme des décisions divines. Des hymnes et récits relatifs aux rois d’Ur III, surtout Ur-Nammu et Shulgi, sont encore recopiés et perpétuent le souvenir de leurs brillants règnes, de même que les lettres apocryphes des rois d’Ur qui sont recopiées dans le milieu scolaire.

La chute d’Uruk

Sous le règne du successeur de Hammurabi, Samsu-iluna, les cités de l’extrême-sud mésopotamien se révoltent contre Babylone. Uruk en fait partie, et un dénommé Rîm-Anum y prend le pouvoir quelque temps. Il est connu par quelques tablettes datées de son règne. Mais Samsu-iluna reprend les choses en main entre 1740 et 1739, et Uruk repasse sous son autorité comme les autres cités rebelles. Dans ses inscriptions, le roi babylonien proclame avoir abattu les murailles d’Uruk.

Après cet épisode dramatique, la cité d’Uruk est désertée, comme plusieurs de ses voisines (Eridu, Ur, Girsu). Les prospections au sol ont révélé que la taille de l’espace peuplé dans sa région décline considérablement. Une partie de ses habitants se réfugie à Kish, où des tablettes datant des règnes des derniers souverains de la première dynastie de Babylone attestent de la présence de membres du clergé d’Ishtar et Nanaya, déesses originaires d’Uruk, qui ont migré pour sauver le culte de leurs divinités. D’autres Urukéens sont attestés dans des archives administratives de la région de Kish comme travailleurs agricoles. Ce phénomène est sans doute lié aux événements politiques du règne de Samsu-iluna, mais également au contexte économique de l’ancien pays de Sumer, qui semble connaître une crise qui empire au cours du XVIIIe siècle.

La Basse Mésopotamie traverse des temps difficiles au début du Ier millénaire, suite à l’arrivée des populations araméennes et chaldéennes, puis la situation s’améliore à partir de la fin du IXe siècle. Uruk et la campagne environnante connaissent alors une expansion démographique. Sur le plan politique, la période « néo-babylonienne » est marquée dans un premier temps par une instabilité et un éclatement du pouvoir politique, les rois se succédant sur le trône de Babylone au gré d’événements souvent chaotiques, sans continuité dynastique, alors qu’émergent des puissances politiques locales, comme les tribus chaldéennes du Bit Dakkuri qui est installée au nord-ouest d’Uruk en direction Borsippa, et du Bit Ammukani qui se situe vers l’est, ou encore le Bit Yakin au sud. Elles disposent chacune de leurs territoires, avec plusieurs établissements fortifiés et de nombreux hameaux agricoles, témoignant de leur prospérité. L’autre élément-clé de l’évolution politique de la période est l’intervention croissante des Assyriens dans les affaires de la Babylonie, qui culmine par leur prise en contrôle direct de la région dans la seconde moitié du VIIIe siècle. Uruk et sa région sont marquées par ces changements, puisqu’elles passent en partie ou en totalité sous contrôle des confédérations chaldéennes, des rois babyloniens et des rois assyriens en alternance, et que ceux-ci y restaurent parfois des édifices. Malgré son faible rôle politique, Uruk dispose toujours d’un grand prestige religieux, notamment grâce au sanctuaire d’Ishtar, déesse extrêmement populaire à cette période, en particulier auprès des rois assyriens.

À partir de 626, le babylonien Nabopolassar repousse puis défait les Assyriens avec l’aide des Mèdes, et restaure une paix durable en Mésopotamie en fondant l’empire néo-babylonien. Il semblerait qu’il soit originaire du sud de la Babylonie, le « Pays de la Mer », dont Uruk est voisine, à moins qu’elle n’en fasse partie. On remarque en tout cas que la province du Pays de la Mer et Uruk, qui dispose d’une administration autonome avec son propre gouverneur (portant le titre de šakin tēmi), occupent une place importante dans l’administration de l’empire babylonien. Le fils de Nabopolassar, Nabuchodonosor II, et ses successeurs (dont Nabonide) entreprennent de grands travaux, notamment de restauration des canaux d’irrigation, des murailles et des temples, ce dont bénéficient Uruk et son arrière-pays agricole. C’est de cette période, précédant la conquête de la Babylonie par Cyrus II de Perse en 539, que datent les nombreuses tablettes administratives et économiques néo-babyloniennes retrouvées à Uruk, illustrant la puissance et le prestige de son grand sanctuaire, l’Eanna.

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