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Quelques idées fausses sur la matière

jeudi 5 mai 2016, par Robert Paris

Quelques idées fausses sur la matière

Nous avons tous une image inévitablement faussée sur la matière et qui provient de notre expérience humaine autant que de nos préjugés personnels ainsi que des préjugés collectifs, philosophiques, psychologiques et sociaux. Notre éducation ne se charge pas autant qu’on pourrait le croire de rompre avec ces conceptions erronées. Même les cours de sciences que chacun reçoit à l’école n’ont pas ce but. Ils ne discutent nullement de philosophie des sciences. La philosophie, très peu enseignée, est plus coupée que jamais des sciences, d’autant que nombre de philosophes, comme nombre de scientifiques, sont persuadés que les sciences, ce sont des mathématiques plus de la technique.

Une grande partie des préjugés sur la matière sont les conceptions développées par Aristote. Elles sont couramment celles du bon sens sur la matière, sur le vide, sur le mouvement.

Le bon sens est heurté dès qu’on affirme que la matière est surtout faite de vide, que la matière de la tasse devant nous qui semble immobile est pleine d’agitations moléculaires internes et que celles-ci sont permanentes sans que l’on ait besoin de fournir d’énergie (mouvement dit brownien).

Quelques expressions courantes sur la matière résument quelques uns de ces préjugés qui se révèlent tout à fait inexacts : « objet matériel », « chose matérielle », « matière inerte », « matière compacte », « chocs de deux matières », « matière diamétralement opposée au vide », « mouvement de la matière sans modification de celle-ci », « matière diamétralement opposée à la lumière », « matière se déplaçant sans interaction avec l’espace », « matière sans interaction avec le temps et dans un espace indépendant du temps », « matière durable inchangée », « matière boule » (de la boule galaxie, à la boule étoile, de la boule de billard au petit pois, suivant l’échelle), « point matériel », etc…

L’image erronée la plus simple et la moins contestée est celle de l’objet. Elle nous semble d’autant moins contestable qu’elle fait partie de notre expérience personnelle de tous les jours. La tasse de café posée sur la table en face de moi la symbolise aisément, avec toutes ses propriétés bien connues. On sait qu’elle ne va pas bouger d’elle-même. Elle est palpable. Elle a un poids qui lui appartient en propre. Elle a une forme fixe. Elle reste inchangée si on n’y touche pas. On peut la casser et elle se rompt alors en plusieurs morceaux de matière du même type. Si on recolle les morceaux, on retrouve la tasse, avec son poids et sa forme. Il n’y a eu ni perte de matière, ni perte d’énergie. On peut déplacer la tasse sur la table ou ailleurs, cela reste la même tasse. On peut la cacher, lui verser de l’eau, la faire toucher d’autres matières, cela reste la même tasse. Demain, après-demain, dans dix ans, ce sera exactement la même tasse. Nous la connaissons parfaitement en la touchant, en la sentant, en la pesant, en la déplaçant, en regardant sa forme, sa couleur, ses particularités et nous savons la reconnaitre individuellement…

Cette expérience, évidente, qui dissocie matière et espace, matière et lumière, matière et vide, et qui nous semble indiscutable, est profondément ancrée en chacun de nous et définit l’objet comme une chose et détermine notre conception spontanée comme collective de « la matière ». Elle semble vérifiée par tous nos sens : la vision, le toucher, le goût, et par toutes nos expériences personnelles quotidiennes… Et pourtant, elle est fausse en tous points !!!! Elle a été maintes fois contredite par toutes les découvertes des sciences et l’immense majorité l’ignore complètement…

Il n’est même pas besoin de connaître la relativité et la physique quantique pour trouver des expériences scientifiques qui contredisent cette vision de la matière.

Commençons par l’idée que nous connaissons la matière puisque « nous touchons » les choses matérielles… La répulsion électrique suffit à comprendre que notre doigt est repoussé par la matière mais sans la toucher. En effet, deux électricités de même signe se repoussent et les atomes (neutres électriquement au plan global) ne sont pas neutres localement : ce sont les particules d’électricité négative qui les entourent (électrons) et elles se repoussent. La physique quantique y rajoutera un véritable interdit appelé principe de Pauli et selon lequel deux particules ne peuvent pas se trouver en un même point. Donc l’image des chocs de deux boules de billard est seulement une approximation et pas une véritable représentation de « ce qui se passe quand deux matières se rencontrent » car elles se repoussent avant de se toucher et sans se toucher…

Prenons la relation matière/lumière après la relation matière/matière…

Là aussi des expériences quotidiennes démontrent que cette relation ne correspond nullement à deux mondes diamétralement opposés. Ainsi la Terre reçoit sans cesse de la lumière venue du Soleil et en renvoie également sans cesse. Mais la lumière reçue et la lumière renvoyée n’ont pas la même longueur d’onde (c’est-à-dire pas la même fréquence des oscillations, pas la même énergie). Il y a eu absorption de la lumière solaire par la matière terrestre avant d’y avoir émission d’une autre lumière. Donc, d’une manière ou d’une autre, la lumière intègre l’édifice matériel, la structure même de la matière, puis elle ressort de la matière. La structure matérielle en est changée elle aussi. Cela signifie que la lumière fait partie intégrante de l’édifice matériel, qu’elle y était déjà avant la réception de lumière solaire. La lumière n’est pas un phénomène extérieur ou réfléchi par la matière.

La physique quantique va plus loin : elle affirme que deux matières n’interagissent que par échange de photons lumineux et pas par contact !

Donc la lumière n’est pas du tout extérieure au processus matériel mais indissociable de celui-ci. Voilà qui ne fait pas du tout partie de notre expérience individuelle de tous les jours. Bien sûr, nous croyons que la couleur d’un objet est partie intégrante de l’objet alors que ce n’est que de la lumière reçue puis renvoyée… Eh bien, nous croyons de même que la masse fait partie intégrante de la particule alors que celle-ci est une propriété qui saute via un boson de Higgs (donc du type photon) d’une particule virtuelle du vide à une autre, celle-ci devenant réelle quand elle a reçu le boson. Quant à la forme des objets, elle n’existe pas au niveau inférieur, celui des particules. Donc la réalité au niveau inférieur ne reflète pas du tout le monde matériel tel que nous l’envisageons tous les jours et qui détermine nos opinions sur la matière.

En fait, il suffit de faire appel à une simple expérience de magnétisme de la matière pour se retrouver dans des situations contraires au bon sens et qui caractérisent la physique quantique. Par exemple, est contraire au sens commun la discontinuité fondamentale quantique qui est à la fois celle de la matière et des interactions. Est également contraire au bon sens le fait qu’il n’y ait pas un état de la matière, celui qui est actuel mais une somme d’états virtuels et que l’on passe dans une transformation d’une telle somme à une autre et que les lois relient ces sommes d’états et pas un état à un autre. La dualité onde/particule ou les inégalités d’Heisenberg, qui ne donnent aucun sens à une précision absolue de position ou d’énergie, sont également contraires au bon sens puisqu’elles suppriment la notion de trajectoire de déplacement qui est caractéristique de l’image « objet » de la matière. De même, cela ne permet pas de se contenter de la notion de point matériel en déplacement puisqu’un point à une position et en même temps une vitesse, les deux pouvant être rendus aussi précis que l’on veut, ce qui est rendu impossible par les inégalités d’Heisenberg en physique quantique.

La physique quantique affirme l’existence des quanta qui sont aussi bien matière que lumière (et même que particules et antiparticules du vide) et annonce que ce sont des manifestations diverses d’une même réalité alors que le bon sens distingue et même oppose matière et lumière, attribuant la particule à la matière et l’onde à la lumière, la discontinuité à la matière et la continuité à la lumière, l’additivité à la matière et les interférences à la lumière et ainsi de suite.

La physique nous apprend donc que les interactions électromagnétiques (et pas seulement la matière) sont elles aussi portées par des corpuscules : ce sont des photons et ces derniers sont les vecteurs des interactions matière/matière. Par exemple, quand deux particules d’électricité négative se repoussent, cela provient de l’échange de photons. C’est le cas quand notre doigt « sent » la forme de la tasse parce que ses électrons de surface sont repoussés par ceux de la tasse. C’est vraiment lumineux !!! Et pas du tout intuitif…

On est très loin des images de la matière boule, de la matière point ou de la matière compacte. Et plus encore de la matière opposée à la lumière ou opposée au vide puisque les uns et les autres sont des cas et sujets à la dualité onde/corpuscule. La physique quantique unifie ces domaines, artificiellement séparés et opposés par le bon sens, et montre qu’il existe un seul monde qui englobe matière et énergie, matière et lumière, matière et mouvement (et non d’un côté la matière et de l’autre son mouvement).

Mieux encore, la physique a unifié la matière et l’espace-temps, la matière et le vide, dans la relativité comme dans la physique quantique.

La physique a donc reconstitué l’unité du monde, ce n’est pas rien. On sait désormais que la lumière peut se transformer en matière, la matière en lumière, la matière en énergie et l’énergie en matière, la matière en vide et le vide en matière. La lumière n’est plus seulement un moyen de « voir » des objets matériels…

Les conceptions modernes de la physique ont renversé les images du bon sens mais, à tort, bien des gens croient que la physique les a remplacées par une absence totale d’image et de conception philosophique de la matière, par une totale possibilité d’interprétation des phénomènes, par une espèce d’absurdité générale qui serait irrémédiable…

On ne peut pas trouver d’image de base de la matière à notre échelle parce que cette base n’est pas à notre échelle, macroscopique, ni même à celle, microscopique, des particules dites élémentaires, mais à celle du vide quantique (du virtuel et du « virtuel de virtuel » sous-jacent).

Il s’avère que la matière dite réelle, celle que nous croyons voir à notre niveau, n’est rien d’autre qu’une structure et non un objet et qu’elle ne fait que structurer la réalité du vide quantique. La matière est une structure émergente du vide. Et elle ne repose pas sur un objet ou des objets toujours identiques à eux-mêmes mais sur des particules virtuelles c’est-à-dire éphémères (qui disparaissent apparaissent).

Cela ne donne nullement au vide quantique le moindre caractère magique, mystérieux ou métaphysique… Au contraire, cela donne une interprétation et une description aux phénomènes quantiques comme aux phénomènes classiques.

Qu’y a-il de fondamentalement faux dans les anciennes interprétations de la matière que l’on appelle « classiques » et dans celles du bon sens ?

Tout d’abord, il y a le fait que l’on considère la matière à un seul niveau de structure hiérarchique, celle dite macroscopique c’est-à-dire celle de l’homme et celle de nos moyens d’observation, alors que la matière existe en même temps et de manière interactive à toutes les échelles.

La physique quantique n’a pas fait que faire apparaître le niveau microscopique, celui des particules (l’échelle de un ou d’un petit nombre de quanta de Planck) mais aussi l’échelle du vide quantique (d’un demi quanta), qu’il s’agisse du virtuel ou du virtuel de virtuel…

La physique constate également l’apparition d’autres lois aux niveaux supérieurs que l’astrophysique est en train de découvrir.

Aplatir les niveaux hiérarchiques d’organisation de la matière, faire comme si on pouvait tous les ramener à un seul niveau qui est dit élémentaire, ou fondamental, ce n’est qu’un a priori réductionniste et surtout cela ne marche pas…Les différents niveaux ne peuvent pas être négligés, ni assimilés les uns aux autres en plus grand ou en plus petit. Ils ne peuvent pas être considérés de manière indépendante ni séparée.

Une autre erreur d’image de la matière qui est fondamentale consiste à transformer la dynamique interne de la matière indispensable à son existence en une succession de situations statiques, un peu comme on image la réalité dans un film, par une série de photos suffisamment rapprochées. Cela amène à nier l’importance de ce qui se passe aux plus petites échelles, à grande vitesse, c’est-à-dire à des niveaux d’énergie plus élevés. Cela provient d’une idée selon lequel ce qui est petit peut être négligé. C’est parfois vrai dans les calculs sans pour autant l’être dans les interprétations de ce qui se passe dans le fonctionnement réel. Ainsi, un film peut cacher des images subliminales, qui passent très vite au point de ne pas être visualisées consciemment mais d’être perçues cependant par l’œil et de passer dans l’inconscient.

L’image d’une série d’états statiques est fondamentalement fausse car la matière est un processus dynamique qui ne peut se résoudre à une série continue d’états.

En fait, l’univers est non seulement continu mais fractal. Le plus « simple » électron existe, en même temps, à plusieurs échelles emboitées et son déplacement est également fractal.

Il faut même rajouter que ces niveaux sont interactifs et émergent les uns des autres non une fois pour toutes mais sans cesse. C’est une autoconstruction permanente…

Dès que l’on examine la matière dite durable (celle que nous croyons voir à notre échelle) en rapport avec son échelle inférieure, on constate qu’elle n’a rien d’inerte. Une particule est un maelstrom permanent d’un grand nombre de particules et d’antiparticules formant un nuage autour de la particule durable, laquelle n’est jamais la même (la propriété sautant d’une particule virtuelle à une autre).

La structure, les propriétés d’une particule (charge, masse, énergie, spin, etc) ne se conservent que grâce à cette agitation sous-jacente.

La séparation imaginée entre la matière inerte et la matière vivante n’est en rien fondée sur le fait que la seconde seule serait dynamique, fondée sur une agitation, permettant de construire des structures nouvelles, menant à la diversité, imprédictible dans ses processus comme dans ses résultats, n’ayant que des lois statistiques, etc… Toutes ces propriétés sont communes au vivant et à la matière non vivante si l’on peut dire…

Pourquoi l’univers (c’est-à-dire la matière-lumière-espace-temps-vide) est-il fractal ?

Parce qu’il est structuré en même temps à plusieurs échelles différentes emboitées et que ce qui se passe à ces échelles n’est pas indifférent à ce qui se passe aux échelles proches.

Si on regarde à plus petite échelle, au sein d’un électron, on trouve toutes les particules et antiparticules à l’état éphémère. Cela ne signifie pas que l’électron soit composite et formé de la somme de ces particules mais que leur interaction dynamique donne le nuage de l’électron.

Il y a un autre écrasement des niveaux d’existence de la matière qui est réalisé par la conception classique qui suppose que la matière passe d’un état à un autre état dans le temps. Cela signifie qu’à chaque instant, la matière soit caractérisée par un état unique, celui qui est mesuré par exemple. Les états actuels seraient les seuls qui aient une signification, la matière passant d’un état actuel à un autre. La physique quantique démontre que c’est faux et que la matière passe d’une superposition d’états potentiels à une autre. Ce sont les états potentiels qui sont mis en relation par les lois de la physique, pas les états actuels….

La physique a même été capable de reconstituer la manière par laquelle le niveau quantique produit le niveau classique, c’est-à-dire le réel produit l’illusoire. C’est la théorie de la décohérence.

Cependant, ces découvertes des sciences physiques ne sont pas diffusées dans le grand public, ni à l’école, ni à l’université, ni dans les média, ni dans la plupart des ouvrages de vulgarisation. Ce que les études appellent physique ne consiste pas en discussions philosophiques et la philosophie se détourne également d’une science considérée comme des mathématiques plus de la technique.

Mais l’essentiel est ailleurs : ce sont les classes dirigeantes qui décident de ce que l’on va penser à une époque donnée, en fonction de leurs besoins politiques et sociaux qui commandent leurs décisions sur le terrain idéologique. Et les classes dirigeantes ne voient aucune raison de diffuser le caractère dynamique, révolutionnaire et dialectique de la matière ainsi que le lien entre matière inerte et matière vivante. Ils ne cachent pas ainsi des résultats des sciences mais la philosophie qui est attachée directement aux sciences…

Pourquoi la matière échappe à l’intuition et au bon sens

La matière change sans cesse

La matière : des structures émergentes au lieu d’objets fixes

La matière n’est pas diamétralement opposée au vide

Les interactions physiques font-elles émerger les niveaux hiérarchiques de la matière

La matière n’est pas formée de boules comme des petits pois

La matière n’est pas soit onde soit corpuscule

La matière n’entre pas en contact avec d’autres matières

La matière se perd, se crée pas, et ne se contente pas de se conserver

La matière est historique

La matière vue par la physique quantique

Le magnétisme inhérent à la matière n’est pas classique mais quantique

La physique quantique nécessite de changer de philosophie

Espace, temps, matière, lumière et vide sont interdépendants et interactifs

La matière n’existe pas de manière continue

La matière ne se contente pas de se conserver : elle apparaît et disparaît

La matière est virtuelle et le virtuel est matière

La matière est sans cesse en relation avec la lumière ?

La matière s’organise spontanément et de manière stable ?

La matière n’est pas une chose

Le vide n’est seulement l’absence de matière

La matière, émergence de structure au sein du vide

Le réel n’est pas la succession temporelle, linéaire, logique et graduelle des états actuels de la matière

La matière est fondamentalement discontinu malgré son apparence parfois continue

La matière, ce n’est pas d’abord la masse

Les discontinuités révolutionnaires de la matière

La matière est dialectique

Les structures de la matière sont émergentes

La dynamique non-linéaire de la matière, créatrice de nouveauté

Le vide destructeur/constructeur de la matière

Comment l’expérience des fentes de Young renverse nos idées reçues sur la matière et la lumière

Comment l’effet tunnel renverse nos idées reçues sur la matière et la lumière

Comment l’effet Casimir nos idées reçues sur le vide, la matière et la lumière

Comment le principe de Pauli renverse notre idée de contact entre matières

Comment le mouvement brownien renverse notre conception de l’immobilité de la matière

Comment la physique trouve du vide partout dans la matière

La dialectique de la matière

La matière existe-t-elle de manière objective ?

La matière, ce n’est pas le calme : c’est la révolution

Comment la physique se prépare à une nouvelle révolution conceptuelle fondamentale

Y a-t-il une matière élémentaire ?

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