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L’homme, ce rêveur…

jeudi 4 février 2016, par Robert Paris

L’homme, ce rêveur…

Le rêve n’est certainement pas le propre de l’homme ! On se souvient que c’est même chez le chat que l’on a découvert la période du « sommeil paradoxal » où on rêve la nuit…

Cependant, nous faisons certainement un traitement de nos rêves qui est spécifique à l’homme puisque nous raisonnons dessus, nous les discutons, nous les interprétons, nous les racontons, nous faisons des fictions à partir d’eux…

En fait, nous ne faisons pas seulement des rêves la nuit même si beaucoup le croient. Quand on est enfant, on fait des rêves aussi le jour. Après, si on quitte l’enfance, on n’en fera plus…

Certains parents s’inquiètent que leurs enfants continuent à faire des rêves le jour…

Si les rêves que nous faisons la nuit nous étonnent, c’est parce que, le jour, nous avons pris l’habitude d’inhiber les rêves que nous voudrions faire et que tout l’édifice social nous pousse à rejeter les rêves. L’être humain rêve en fait jour et nuit et, au nom du pragmatisme selon lequel nous devons être mobilisés par l’action le jour, il repousse ces rêves aux seuls moments où il est bien obligé de laisser son cerveau penser et alors celui-ci se jette, autant qu’il peut, dans les rêves qu’on lui a trop longtemps interdit…

Les états du sommeil

Je dois avouer que ce que je dis là n’a pas eu besoin d’une grande découverte car, étant petit, je rêvais jour et nuit et que, de ce fait, j’étais assez absent de mon entourage et encore plus absent de mes études. Chacun qui me connaissait savait que j’étais toujours traité de « rêveur », tant par la famille que par les amis ou par les enseignants…

L’importance des rêves a semblée encore plus grande dans les sociétés antiques ou anciennes que dans la nôtre. On a connaissance de peuples qui ont même fait du rêve un fondement des relations entre hommes ou un fondement de l’avenir de chaque individu. Lire ici : Le peuple du rêve

La psychanalyse est loin d’être la seule à avoir mis en avant les rêves comme des événements porteurs de signification, même si la manière de traduire cette signification reste contestée.

L’interprétation des rêves, de Freud

Encore sur l’interprétation des rêves

La psychanalyse, c’est d’abord et avant tout l’analyse des rêves par le rêveur ?

Sur une contestation de l’interprétation freudienne des rêves

Le rêve ne se déroule pas à n’importe quel moment de la nuit mais à celui où l’activité neuronale est particulièrement importante. Cela signifie que le rêve n’est pas lié à une déconnexion d’un cerveau qui se repose mais à un cerveau entièrement disponible pour s’activer intensivement, ce qui est très différent…

Le moment des rêves, c’est le sommeil paradoxal

Il se pourrait que le rêve soit une question d’hémisphère dominant.

Il semblerait que, la nuit seulement, l’hémisphère droit, conseiller inconscient, par l’entremise des rêves, donne son avis à l’hémisphère gauche, réalisateur conscient… Par contre, le reste du temps, l’hémisphère gauche aurait tendance à piloter l’ensemble sans laisser sa part au rêve.

Le dialogue des deux hémisphères du cerveau

Rêve, mémoire : reconstruction du passé et projection vers le futur

Freud a discuté lui aussi sur le « rêve éveillé » à propos notamment de l’artiste :

« Avant de terminer cette leçon, je voudrais encore attirer votre attention sur un côté des plus intéressants de la vie imaginative. Il existe notamment un chemin de retour qui conduit de la fantaisie à la réalité : c’est l’art. L’artiste est en même temps un introverti qui frise la névrose. Animé d’impulsions et de tendances extrêmement fortes, il voudrait conquérir honneurs, puissance, richesses, gloire et amour des femmes. Mais les moyens lui manquent de se procurer ces satisfactions. C’est pourquoi, comme tout homme insatisfait, il se détourne de la réalité et concentre tout son intérêt, et aussi sa libido, sur les désirs créés par sa vie imaginative, ce qui peut le conduire facilement à la névrose. Il faut des circonstances favorables pour que son développement n’aboutisse pas à ce résultat ; et l’on sait combien sont nombreux les artistes qui souffrent d’un arrêt partiel de leur activité par suite de névroses. Il est possible que leur constitution comporte une grande aptitude à la sublimation et une certaine faiblesse à effectuer des refoulements susceptibles de décider du conflit. Et voici comment l’artiste retrouve le chemin de la réalité. Je n’ai pas besoin de vous dire qu’il n’est pas le seul à vivre d’une vie imaginative. Le domaine intermédiaire de la fantaisie jouit de la faveur générale de l’humanité, et tous ceux qui sont privés de quelque chose y viennent chercher compensation et consolation. Mais les profanes ne retirent des sources de la fantaisie qu’un plaisir limité. Le caractère implacable de leurs refoulements les oblige à se contenter des rares rêves éveillés dont il faut encore qu’ils se rendent inconscients. Mais le véritable artiste peut d’avantage. Il sait d’abord donner à ses rêves éveillés une forme telle qu’ils perdent tout caractère personnel susceptible de rebuter les étrangers, et deviennent une source de jouissance pour les autres. Il sait également les embellir de façon à dissimuler complètement leur origine suspecte. Il possède en outre le pouvoir mystérieux de modeler des matériaux donnés jusqu’à en faire l’image fidèle de la représentation existant dans sa fantaisie et de rattacher à cette représentation existant dans sa fantaisie inconsciente une somme de plaisir suffisante pour masquer ou supprimer, provisoirement du moins, les refoulements. Lorsqu’il a réussi à réaliser tout cela, il procure à d’autres le moyen de puiser à nouveau soulagement et consolation dans les sources de jouissances, devenues inaccessibles, de leur propre inconscient ; il s’attire leur reconnaissance et leur admiration et a finalement conquis par sa fantaisie ce qui auparavant n’avait existé que dans sa fantaisie : honneurs, puissance et amour des femmes."

Sigmund Freud dans "Introduction à la psychanalyse"

Le rôle des rêves, de Freud

L’interprétation des rêves par une psychanalyste

Il existe aussi des « rêves lucides » que l’on peut faire sans attendre d’être inconscient la nuit…

Qu’est-ce qu’un rêve lucide ?

A propos des rêves lucides

Que fait l’hypnotiseur, sinon faire rêver éveillé son patient, c’est-à-dire le mettre en état de laisser parler des zones semi conscientes ou inconscientes mais accessibles à la conscience ?

Sur l’hypnose et la psychanalyse

Et il n’est pas nécessaire d’être hypnotisé pour « rêver éveillé ». Il suffit d’être imaginatif, d’être d’un naturel ou dans un état un peu relaxé, détendu, inactif, et tendant vers l’attitude pensive sans travail particulier de la pensée…

Le rêve éveillé signifie qu’on rêve tout en étant conscient.

Que signifie rêver dans ces conditions ? Est-ce seulement laisser voguer son inspiration ?

Non, c’est plus précis : cela signifie qu’on cesse de chercher à contrôler ses pensées par une rationalité stricte et qu’on divague en imaginant des situations qu’en temps normal on estimerait absurde, infondées, impossibles, voir ridicules.

Chacun a ainsi beaucoup plus de potentialités imaginatives qu’il ne le pense et ne se sert qu’à minima de ces potentialités, estimant que l’ « absurdité » des rêves en fait un « temps perdu », un récit sans intérêt et sans effet.

Indépendamment même du fait que l’imagination est quelque chose qui est fondamental dans notre vie humaine, elle est aussi fondamentale d’un point de vue de notre psychologie personnelle.

Nous pouvons imaginer ce que nous sommes incapable de comprendre, ce que nous ne savons absolument pas…

La fiction est une part considérable de la conscience…

La part de l’inconscient et de l’irrationnel dans la formation de la pensée

Rôle de l’inhibition et de l’inconscient, de la logique et de l’absurde, du rationnel et de la fable dans la formation de l’intelligence

Le rêve éveillé

Des neurologues auraient même identifié la zone cérébrale impliquée dans les rêves lucides, ces rêves au cours desquels le rêveur prend conscience du rêve au moment même où il se déroule, jusqu’à parvenir à en prendre le contrôle.

Prendre conscience de son rêve au moment même où il se déroule, au point même de parvenir à en prendre le contrôle ? Cette aptitude à faire des rêves dits "rêves lucides", accessible à certaines personnes, est connue depuis longtemps des scientifiques, et a même fait l’objet de plusieurs films célèbres comme Vanilla Sky, ou plus récemment Inception. Pourtant, le mystère demeure quant aux phénomènes cérébraux à l’origine de cette disposition...

Or, des travaux menés par des neurologues allemands de l’Institut Max Planck pour le Développement Humain (Munich, Allemagne) lèvent aujourd’hui un coin du voile sur le fonctionnement de cette étonnante disposition. En effet, ces chercheurs ont découvert l’existence, chez les "rêveurs lucides" (c’est_à-dire les personnes capables de faire régulièrement des rêves lucides), d’une zone du cerveau anormalement développée : le cortex préfrontal antérieur, une petite région du cerveau située sur le devant du crâne, au-dessus des yeux.

Un résultat loin d’être anodin, car le cortex préfrontal antérieur est précisément impliqué dans le conbtrôle des processus cognitifs conscients, et joue un rôle important dans notre aptitude à avoir conscience de nous-même.

Une aptitude à avoir pleinement conscience de soi (de ses pensées, de ses émotions...) dont les auteurs de l’étude ont d’ailleurs également pu vérifier qu’elle était effectivement plus marquée chez les rêveurs lucides, au cours d’une deuxième phase de l’expérience qui a vu les volontaires de l’étude être soumis à un test chargé de stimuler l’aptitude à la conscience de soi, pendant que leur activité cérébrale était scrutée par imagerie à résonnance magnétique fonctionnelle. Cette deuxième expérimentation leur a permis de constater que le cortex préfrontal des rêveurs lucides exécutant de type d’exercices était effectivement activé de façon plus prononcée que chez les personnes incapables de faire des rêves lucides.

Au final, cette étude suggère donc que l’aptitude aux rêves lucides est d’une part associée à une activité plus importante du cortex préfrontal antérieur, et d’autre part que cette aptitude à réaliser des rêves lucides est également reliée à la faculté de ces personnes à avoir un haut niveau de conscience de soi dans leur quotidien. En d’autres termes, être hautement conscient de soi (de ses pensées...) serait associé à la capacité à faire des rêves lucides...

Notons que la capacité à faire des rêves lucides est connue depuis le 19e siècle au moins (se rapporter par exemple au livre "Les Rêves et les moyens de les diriger" écrit dès 1867 par Léon d’Hervey de Saint-Denys, ou plus récemment aux travaux de quelques scientifiques sur ce sujet menés depuis les années 70 - pour un récapitulatif de ces travaux pionniers, lire "Lucid Dreaming : Psychophysiological Studies of Consciousness during REM Sleep").

Sachez enfin, pour les personnes intéressées par ce genre de pratique, qu’il existe de nombreuses communautés de "rêveurs lucides" à travers le monde, qui ont pour objectif de partager les meilleures techniques permettant d’effectuer des rêves lucides (la méthode la plus connue consiste à se forcer durant la journée à se poser un très grand nombre de fois la question "Ne suis-je pas en train de rêver ?" afin de parvenir à se poser automatiquement cette question jusque durant ses rêves), comme la communauté en ligne Dream Views. Il existe enfin une application mobile vous permettant de démarrer dans cette pratique, appelée Lucid Dreamer.

Ces travaux ont été publiés le 21 janvier 2015 dans The Journal of Neuroscience, sous le titre "Metacognitive Mechanisms Underlying Lucid Dreaming".

Ce que nous ne savons pas que nous savons...

Comment fonctionne le cerveau humain pour nous permettre de connaître le monde ?

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Conclusion : la découverte de l’existence du rêve éveillé, c’est un peu la découverte d’un musicien qu’il peut non seulement jouer d’un instrument mais jouer de tous les instruments de l’orchestre !!!
Les surréalistes comme André Breton ont été les grands découvreurs du rêve éveillé… Mais bien des artistes s’en sont servis, comme Balzac pour découvrir les histoires de ses romans ou Malkine ses peintures ou encore Poincaré ses thèses scientifiques…

Le rêve éveillé

Rêver avec Freud

Jean-Claude Ameisen dans « Sur les épaules de Darwin » (chapitre « Détisser les mailles de l’univers ») :

« Est-ce que nous pouvons être à la fois éveillé, et en partie en train de dormir, les yeux ouverts, tout en continuant nos activités ? Cette quesiton a été explorée dans une étude publiée en 2011. Elle n’a pas été réalisée chez des personnes. Mais chez de petits rongeurs, des rats. Ces animaux sont actifs durant la nuit, et dorment le jour. Les chercheurs les ont maintenus éveillés, après la fin de la nuit, pendant quatre heures supplémentaires. Les chercheurs ne les ont pas empêchés de s’endormir, en les réveillant. Ils ont introduit dans leurs cages, à la fin de la nuit, des objets, des jouets, et c’est l’attention, l’intérêt des animaux pour ces jouets, qui les a conduits à le pas s’endormir. Ils se sont tenus eux-mêmes éveillés. Pendant ces quatre heures de veille supplémentaires, les naimaux étaient actifs, attenttis, gardaient les yeux ouverts. Ils avaient toutes les caractéristiques d’un état de veille, y compris les activités électriques globales du cerveau que révélait l’électroencéphalogramme, et qui étaient typiques de l’état de veille. Mais l’étude de l’activité individuelle des cellules nerveuses de leur cerveau révélait un comportement étrange. Certaines cellules du cerveau adoptaient individuellement, pendant un dixième de seconde, un état de repos qui est celui qu’elles ont durant le sommeil. Et les cellules voisines compensaient par un léger surcroît d’activité de veille… »

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