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Boucles de rétroaction en génétique
jeudi 26 juin 2008, par
René Thomas, spécialiste en circuits de feedback de la génétique, analyse le rôle des boucles de rétroaction en génétique et leur importance dans le processus de différenciation cellulaire. Il débute par quelques considérations d’analyse mathématique qui montrent qu’il y a une analogie entre des boucles de rétroaction interactives et des systèmes d’équations différentielles chaotiques. Rappelons d’abord qu’on a une boucle de rétroaction à chaque fois que part d’un élément une série de réactions qui revient agir sur cet élément. La rétroaction peut être positive ou négative. Cela signifie que l’action en retour peut favoriser la production de cet élément ou au contraire la freiner ou la bloquer.
Rappelons aussi que les équations différentielles sont celles qui relient les quantités et leur vitesse d’évolution ainsi que l’accélération de cette évolution. Les lois sont généralement des équations différentielles de ce type. Celles qui ont trois paramètres sont capables d’engendrer un attracteur chaotique. Cela signifie que les courbes sont feuilletées à l’extrême, chaque courbe se rapprochant infiniment de la suivante. Il en découle que la moindre variation d’un paramètre fait sauter d’une courbe à une autre. En découle aussi que la suite de l’histoire est changée par un tout petit changement. C’est ce que l’on appelle la sensibilité aux conditions initiales. On est en plein dans le chaos déterministe.
Or René Thomas montre que les mêmes conditions qui font que des boucles de rétroaction à trois éléments engendrent des situations de type foyer-col font que l’équation différentielle correspondante mène à un attracteur chaotique. En dynamique, l’expression col signifie qu’une position stationnaire peut être trouvée et conservée un certain temps.
Il peut y avoir un état stationnaire instable produit par des interactions entre des boucles de rétroactions lorsqu’il y a une dynamique chaotique. C’est un point très important.
On en déduit que des lois non-linéaires des gènes qui rétroagissent peuvent produire des structures émergentes.
Rappelons que les gènes sont effectivement rétroactifs et constituent avec les protéines des boucles positives ou négatives qui actionnent, inhibent, accélèrent ou ralentissent la production des protéines par les gènes. C’est ainsi que l’ADN qui, seul, est inactif devient la base de l’activité génétique du vivant.
Le matériel génétique ne doit donc pas être conçu comme porteur à lui seul de la génétique qui est une structure d’auto-organisation des interactions. Chaque gène doit donc être perçu non comme un individu mais comme une boucle de rétroaction qui interagit avec d’autres boucles. Ces diverses boucles peuvent produire des structures stationnaires instables. Ce sont des réseaux de rétroactions couplés. C’est un ordre génétique. On conçoit ainsi que l’ordre génétique n’est pas programmé, inscrit d’avance mais construit par la dynamique des interaction entre boucles de rétroaction des gènes.
L’espèce est conçue génétiquement comme un ordre émergent. Chaque individu construit lui-même cet ordre en explorant les possibilités de la génétique. C’est en interagissant que les boucles de rétroaction des gènes explorent leurs possibilités. Elles n’ont pas de réponse faite d’avance. C’est ce qui explique que la vie soit à la fois sujette à la variation et à la reproduction à l’identique, deux propriétés apparemment diamétralement opposées.
Comme l’explique Jean-Claude Ameisen dans « La sculpture du vivant », « l’économie de l’univers du vivant ne fait pas exception à l’économie de l’univers de la matière. » La structure génétique d’une molécule d’ADN est fixée mais elle participe d’un ballet des molécules qui viennent se fixer et qui se détachent pour actionner ou inhiber les gènes contenus dans l’ADN. Cette agitation provient du cytoplasme qui a un rôle actif alors que l’ADN est une molécule passive. La molécule ADN n’est fixe que si on considère sa partie codante mais sa partie non codante, elle, change. Elle diminue au fur et à mesure des copies. Or la partie non codante est déterminante pour les coupages, collages, pliages qui permettent le copiage. C’est l’origine du vieillissement génétique. Là encore, le désordre est à la base d’un fonctionnement du vivant et le phénomène actif provient du désordre et non de l’ordre. Cela va jusqu’aux neurones, les cellules qui fondent notre système nerveux et cérébral, qui sont liés par des réseaux neuronaux fondés sur un message neuronal désordonné. La société connaît également ce type de phénomène.
Un exemple : la testostérone chez l’homme
Qu’est-ce qu’une boucle de rétroaction ?
La rétroaction de la mort et de la vie
Messages
1. Boucles de rétroaction en génétique, 28 avril 2013, 14:12, par CHAMA Allel
Votre exposé m’a paru très intéressant et je vous remercie davantage.Mon champ de recherche en sciences médicales se situe en chronobiologie(science des rythmes biologiques) et le fait qu’il existe des boucles de rétro-action au niveau des gènes pour une adaptation au niveau de l’ADN fonctionnelle,je suis convaincu que cette dynamique représente le mystère de la vie humaine.Même si on explore profondément au niveau de l’ADN à la lumière de la biologie moléculaire on découvrira que le système est régit par la boucle (organisation temporo-spatiale)car en fait nous sommes des êtres cycliques.Je vous prie de croire cher Monsieur à l’expression de mes sentiments les plus respectueux.Docteur Chama Allel
2. Boucles de rétroaction en génétique, 28 avril 2013, 16:53, par Robert Paris
Puis-je me permettre de vous signaler que nous avons également quelques textes sur les rythmes biologiques : cliquer ici