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L’esclavage

dimanche 19 juin 2022, par Robert Paris

Il convient d’abord de rappeler qu’on nous présente la traite négrière comme l’esclavage ce qui est déjà une arnaque. L’esclavage est l’une des étapes historiques des modes de production de l’humanité. la traite négrière n’a pas été mise en place à cette époque mais à l’époque des débuts du capitalisme, lors de l’accumulation primitive qui a permis au capital de décoller. Sans la traite négrière pas de villes riches portuaires et même pas de capitalisme.

“Le capitalisme est né aux Antilles et aux Amériques au XVIe siècle. En 1846 (soit deux ans avant l’abolition de l’esclavage dans les Antilles françaises), Marx pose l’équation entre l’esclavage, la colonisation et le capitalisme : « Sans esclavage, vous n’avez pas de coton ; sans coton vous n’avez pas d’industrie moderne. C’est l’esclavage qui a donné de la valeur aux colonies, ce sont les colonies qui ont créé le commerce du monde, c’est le commerce du monde qui est la condition nécessaire de la grande industrie utilisant les machines. Aussi, avant la traite des nègres, les colonies ne donnaient à l’ancien monde que très peu de produits et ne changeaient visiblement pas la face du monde. Ainsi l’esclavage est une catégorie économique de la plus haute importance. (...) La découverte des contrées aurifères et argentifères de l’Amérique, la réduction des indigènes en esclavage, leur enfouissement dans les mines ou leur extermination, les commencements de conquête et de pillage aux Indes orientales, la transformation de l’Afrique en une sorte de garenne commerciale pour la chasse aux peaux noires, voilà les procédés idylliques qui signalent l’ère capitaliste à son aurore. »

l’esclavage des Noirs

capitalisme et esclavage des Noirs

Révoltes et révolutions des esclaves

La Grèce antique évoque-t-elle pour nous la révolution de – 431 avant J.-C ? Milet, en Asie Mineure est connue pour son développement économique et culturel mais pas pour la révolution sociale qui a opposé riches et pauvres, durant 50 ans, vers – 600 avant J.-C. Athènes nous fait-elle penser à la révolution des citoyens en – 508 -507 avant J.-C ? Qui se souvient que l’ouvrage « Politique » d’Aristote traite d’un sujet essentiel pour la classe dirigeante : comment éviter les révolutions sociales et politiques ? Il y développe non seulement les causes fondamentales des révolutions, les étincelles capables de les enflammer mais aussi et surtout la manière de structurer le pouvoir pour ne pas susciter des révolutions. On comprend que sa compétence en ait fait le précepteur du futur empereur grec Alexandre ! Son expérience des soulèvements populaires est d’autant plus grande que les villes, ayant des organisations politiques indépendantes, ont connu de multiples sortes de pouvoir et de renversement du pouvoir, qu’il cite d’ailleurs abondamment. Qui se souvient que la noblesse de Corfou fut anéantie en – 427 avant J.-C par le peuple révolté, en particulier par les femmes. Si l’empire romain rappelle un peu la révolte de Spartacus entre –74 et -71 (avant J.-C), qui se souvient des multiples révoltes et révolutions des esclaves grecs en – 494 et – 413, de la plèbe romaine en – 471 (avant même que l’esclavage romain prenne de l’ampleur) et des multiples révoltes et révolutions des esclaves romains – 419, en – 413, – 258, en – 198 (révolte d’esclaves de plusieurs régions d’Italie), en – 185 (en Apulie) ? Le peuple juif a certes gardé le souvenir de la révolte de la population paysanne opprimée menée par Judas Macchabée, entre – 193 et –160 mais elle le présente comme un acte de conscience nationale et confessionnel, alors que cette révolution a opposé des masses rurales à la bourgeoisie juive de Jérusalem alliés aux maîtres syriens, révolution qui a triomphé entre -167 et -164. Qui se rappelle de Corfou pour la grande révolte dans laquelle les femmes étaient à la tête de l’anéantissement d’une noblesse détestée ? Qui se souvient d’Eunus, héros légendaire des esclaves de Sicile, qui ont mené une guerre à Rome de -166 à -132 ? Qui se pense à l’Etat de Carthage à propos de la révolution des esclaves en – 198 avant J.-C et de la révolte en Sicile et en Grèce de – 136 à – 129 ? L’empire chinois a connu de multiples révolutions, renversé en 617 puis à nouveau menacé en 756, 764, 861, 874, 1123 et 1628 ! Sa principale philosophie, le confucianisme, n’a-t-elle pas pour but principal de justifier l’ordre hiérarchique, et le pouvoir royal, face aux contradictions sociales et politiques violentes.

Aux Antilles, on nous présente la fin de l’esclavage comme l’action humanitaire de politiciens conscients ! Comme si un politicien bourgeois nommé Schoelcher aurait pu proposer avec succès la suppression de l’esclavage sans la révolte des esclaves des Antilles qui s’était développe avec succès bien avant, notamment en Haïti ! Parler de l’abolition de l’esclavage par la France en 1848 « à l’initiative de Victor Schoelcher », c’est « oublier » que l’esclavage colonial a continué bien après. Et surtout, c’est oublier que ce sont les esclaves eux-mêmes qui s’étaient révoltés pour se libérer. Par exemple, en 1656, 1710, 1730, 1752, 1802 en Guadeloupe, en 1733 en Guyane, en 1678, 1699, 1748, 1752, 1822 et 1833 en Martinique, en 1791 à Saint Domingue, et 1810 à Cuba.…

L’esclavage

Si l’esclavage a pu se servir de justifications racistes comme celles des Occidentaux contre les Indiens d’Amérique ou contre les Noirs d’Afrique, le racisme n’est pas la racine de l’esclavage qui est un mode de production et un système social, au même titre que le capitalisme.

Il y a eu un esclavage dans toutes les régions du monde et généralement des peuples par des classes dirigeantes de même race : en Asie, en Afrique, en Orient, en Amérique. En Amérique centrale et du sud, l’esclavage a atteint de telles proportions qu’il a mené à la quasi disparition des Indiens. Jamais le travail des esclaves n’atteignit en Chine le degré de développement qu’on lui connût dans l’empire romain et dans la Grèce antique. C’est sur le travail de la paysannerie que reposera toujours l’édifice de la société chinoise.

L’histoire de l’esclavage

L’esclavage a existé aussi bien en Asie dans les tribus nomades de pasteurs, en Amérique du Nord dans les sociétés d’Indiens chasseurs, en Scandinavie chez les marins, que dans des sociétés sédentaires fondées sur l’agriculture. Dans ce dernier cas, les esclaves sont considérés comme une force de production irremplaçable. De telles sociétés, notamment l’Empire Romain et le vieux Sud des Etats-Unis, sont quelquefois désignées sous le nom de sociétés d’« esclavage commercial », par opposition aux « sociétés d’esclavage personnel », où les esclaves sont principalement utilisés à des fins domestiques, notamment comme serviteurs ou concubines ; ce dernier type d’esclavage a été fortement implanté dans les pays du Moyen-Orient, en Afrique et en Chine.

Cependant, les deux formes coexistent, et dans l’Empire Romain comme aux Etats-Unis, les esclaves étaient contraints de se soumettre aux exigences sexuelles de leurs maîtres ; c’est ce que montrent le Satyricon – où Pétrone met en scène un esclave soumis aux exigences sexuelles de son maître comme de sa « patronne » – pour Rome, et les innombrables cas de viols d’esclaves aux Etats-Unis.

L’économie de profit a beaucoup contribué à développer l’emploi de la force de travail servile. La canne à sucre porte la lourde réputation d’avoir été génératrice d’esclavage, en Iraq dès le VIIe siècle, dans les îles de l’Atlantique et en Amérique à partir du XVIe siècle ; l’économie de plantation a provoqué les plus gros transferts de main-d’oeuvre de toute l’histoire, au détriment des Noirs d’Afrique. Les mines, de l’argent du Laurion, exploité par Athènes au Ve siècle av. J.-C., à l’or des Achantis du Ghana au XVIIIe siècle, ont aussi utilisé de grandes quantités d’esclaves.

L’esclavage dans l’Antiquité

Les codes juridiques de Sumer prouvent que l’esclavage existait dès le IVe millénaire av. J.-C. Le symbole sumérien correspondant au terme « esclave », en écriture cunéiforme, signifie « étranger », ce qui indique une origine essentielle : les premiers esclaves étaient probablement des prisonniers de guerre. Mais dans l’Egypte antique apparaît un phénomène que l’on retrouvera jusque dans l’Europe chrétienne : des hommes se vendent comme esclaves ou vendent leur femme et leurs enfants afin de payer leurs dettes.

La société antique dépend étroitement du travail servile, et les maîtres détiennent des droits absolus sur leurs esclaves. Au Proche-Orient, ceux-ci, tant masculins que féminins, sont reconnaissables à leur crâne rasé.

Le Code d’Hammourabi, roi de Babylone au XVIIIe siècle av. J.-C., comprend de nombreuses lois s’appliquant aux esclaves. Ceux-ci ont le droit de posséder des biens, de faire des affaires et d’épouser des femmes libres. La manumission – affranchissement prononcé officiellement par le maître – est possible soit par l’achat de la liberté, soit par l’adoption. Néanmoins, l’esclave est toujours considéré comme un objet et une marchandise. Le code des Hittites, appliqué en Asie occidentale de 1800 à 1400 av. J.-C., reconnaît, lui, que l’esclave est un être humain, même s’il appartient à une classe inférieure.

Les Hébreux sont asservis par les Egyptiens durant la seconde moitié du IIe millénaire av. J.-C. : dans la Bible, le livre de l’Exode relate que les Egyptiens maintiennent les Hébreux « en esclavage, les obligeant à manier la brique et le mortier ainsi qu’à rendre divers services dans les champs. Quels que soient les travaux effectués, ils les traitent avec dureté ». Cependant, nulle part dans l’Ancien Testament il n’apparaît de critiques ouvertement dirigées contre l’esclavagisme, les Hébreux adhérant eux-mêmes à ce système ; tout au plus, chez ces derniers, l’esclavage, situation provisoire, ne peut-il dépasser une période de sept ans.

Dans la vallée de l’Indus, les premiers documents prouvant l’existence de l’esclavage coïncident avec l’invasion aryenne, vers 1500 av. J.-C.

En Perse, le nombre d’esclaves augmente par reproduction naturelle et grâce aux conquêtes militaires : les victoires perses sur les îles de la mer Egée, Chio, Lesbos et Ténédos, ont pour conséquence l’asservissement de populations entières.

Dans la société hellénique, l’esclavage fait partie intégrante de l’histoire de la Grèce probablement dès 1200 av. J.-C. Les guerres, la piraterie (jusqu’à son éradication au Ve siècle av. J.-C.) et les tributs dus par les pays vaincus constituent pour les Grecs les principales sources d’esclaves. Les marchands d’esclaves se fournissaient essentiellement en Thrace, Carie et Phrygie. Les débiteurs insolvables pouvaient être vendus comme esclaves, le prix de la vente revenant au créancier ; c’est Solon qui interdit cette dernière pratique à Athènes. Sur les marchés d’Athènes, de Rhodes, de Corinthe et de Délos, un millier d’esclaves changent de mains en un après-midi. Au terme d’une bataille importante, ce sont plusieurs milliers de prisonniers de guerre qui deviennent esclaves.

Si les esclaves ruraux et les esclaves d’Etat, travaillant notamment à construire les routes, sont quelquefois traités de façon inhumaine, la situation des esclaves employés dans les mines est encore moins enviable : enchaînés, fouettés, ils sont obligés de travailler sous terre dans d’épouvantables conditions. Les esclaves domestiques, ou artisans, ceux qui occupent des situations administratives inférieures ou encore les esclaves d’Etat servant dans les temples sont traités avec plus de clémence. Un esclave s’affranchit en achetant sa liberté, en la recevant en récompense de ses services, ou en legs après le décès de son maître. Le quasi légendaire Esope, l’auteur des Fables, passe pour un esclave grec affranchi au VIe siècle av. J.-C.

On estime qu’une cité comme Athènes comptait, au temps de sa splendeur, environ 200’000 personnes libres (deux tiers de citoyens et leurs familles, un tiers de métèques), contre environ 300’000 esclaves. Quelques révoltes d’esclaves émaillent l’histoire de la Grèce antique, comme celle des ilotes en 464 av. J.-C. à la suite d’un tremblement de terre : le désordre qui s’ensuivit leur permit de secouer le joug spartiate.

A l’époque romaine, les guerres puniques, la guerre des Gaules et bien d’autres conflits jettent sur le marché une énorme quantité d’esclaves. Dès le I siècle av. J.-C. apparaît une sorte d’esclavage rural : des équipes entières travaillent dans d’immenses propriétés, dépourvues de tout contact avec leurs maîtres. En 167 av. J.-C., Plutarque note qu’en une seule journée 150 000 esclaves ont été vendus sur un seul marché. La Syrie, la Galatie, l’Afrique du Nord et la Gaule constituent les régions qui satisfont le mieux les besoins de ce système. Le pouvoir détenu par les maîtres est pratiquement illimité, et le traitement infligé aux esclaves réellement barbare. De telles conditions de vie, alliées à la supériorité numérique des esclaves sur les hommes libres, génèrent inévitablement des révoltes, telle l’insurrection fomentée par l’esclave thrace Spartacus en 73 av. J.-C. Au début de l’ère chrétienne, les esclaves sont cependant moins systématiquement maltraités ; ils vivent souvent mieux que les Romains libres réduits à la misère, et certains d’entre eux occupent même des situations importantes dans les affaires ou dans les bureaux du gouvernement impérial.


L’esclavage au Moyen Age

On estime que l’Europe carolingienne comptait environ 20 % d’esclaves ; l’Eglise en possédait elle-même un grand nombre, à l’image du théologien Alcuin qui utilisait quelque vingt mille esclaves dans ses quatre abbayes. On parle de mancipia, servi et ancillae, mots latins qui désignent les esclaves de l’un ou l’autre sexe, dans les descriptions de biens appartenant aux grands domaines ruraux, et l’on distingue les tenures « ingénuiles », confiées à des hommes libres, des tenures serviles, confiées à des esclaves.

Dans l’Espagne wisigothique, au VIe siècle, si l’affranchissement personnel des esclaves est recommandé, c’est à la condition qu’ils demeurent, par contrat, comme force de travail sur les biens qu’ils cultivent. Les esclaves ruraux se transforment ainsi progressivement en colons ou en métayers employés sur de grandes propriétés. Cependant, ce changement de statut est plus formel que réel : les métayers doivent perpétuellement de l’argent à leur propriétaire et restent attachés à la terre qu’ils travaillent afin de rembourser leurs dettes.

Ainsi, dans l’Occident chrétien, le servage se substitue peu à peu à l’esclavage. En théorie, à la différence de l’esclave, le serf appartient à la terre et non au maître, et il est tenu de fournir une redevance au seigneur, sous forme de journées de travail sur les terres de ce dernier ou d’impôts divers en nature. En échange, le seigneur lui promet protection sur l’étendue de son domaine et la possibilité de cultiver un lopin de terre lui permettant d’assurer sa subsistance.

Dans l’Empire byzantin, l’esclavage se poursuivra sans qu’on lui oppose de résistance : les esclaves sont souvent utilisés comme employés et travaillent également sur les domaines ecclésiastiques.

Au Moyen-Orient, l’esclavage est déjà une institution ancrée dans les moeurs avant Mahomet (VIIe siècle), et l’islam ne tente pas de mettre un terme à cette situation. Le Coran, pas plus que la Bible, ne condamne l’esclavage, même s’il milite en faveur d’un traitement humain. Aussi affranchir un esclave est-il jugé comme un acte digne d’éloges.

Toutefois, l’immensité de l’empire islamique et l’interdiction de réduire un musulman ou un « protégé de l’islam » en esclavage conduisent à importer de grandes quantités d’esclaves, nécessaires à l’armée ou à la production, à l’administration parfois, sans oublier la « traite des Blanches » pour fournir les harems. L’Europe occidentale fournit des Slaves capturés au-delà de l’Elbe ; d’Asie viennent des Turcs qui vont jouer un grand rôle dans l’histoire de l’islam. L’Afrique noire fournit chaque année des contingents de plusieurs milliers d’esclaves, qui transitent par les ports de la mer Rouge, ceux de l’océan Indien, et par le Sahara. L’une des plus importantes révoltes d’esclaves est celle qui, en Iraq, se déroula de 869 à 883, et qui mit fin à l’exploitation massive des Noirs dans le monde arabe.

Les conflits entre chrétiens et musulmans en Méditerranée – de l’Espagne au Proche-Orient (Reconquista, croisades, guerres navales) – conduisent à l’asservissement de nombreux prisonniers de guerre ; le plus souvent, il s’agit d’un excellent moyen d’obtenir leur rachat par l’adversaire.

L’esclavage à Rome

La révolte de Spartacus
(73-71 av J.-C.)
« A cette même époque, parmi les gladiateurs entretenus à Capoue par les Romains et destinés aux jeux du cirque, se trouvait un Thrace, nommé Spartacus, qui avait autrefois servi dans l’armée, et avait été fait prisonnier et vendu. Il persuada 70 de ses camarades de braver la mort pour recouvrer la liberté, plutôt que de se voir réduit à servir de spectacle dans les arènes des Romains ; et, forçant ensemble la garde chargée de veiller sur eux, ils s’échappèrent. Spartacus et sa bande s’armèrent avec les armes de tout genre dont ils dépouillèrent quelques voyageurs, et se retirèrent sur le mont Vésuve. Là, plusieurs esclaves fugitifs et quelques hommes libres des campagnes vinrent se joindre à lui. La justice rigoureuse qu’il mit dans la distribution et dans le partage du butin lui attira rapidement beaucoup de monde.
... Les Romains ne pensaient pas que ce dû être une guerre dans toutes les formes. Ils croyaient qu’il suffirait contre ces brigands d’entrer en campagne. Varinius Glaber et Publius Valerius furent successivement vaincus. Après ces succès, le nombre des adhérents de Spartacus s’accrut encore davantage, et déjà il était à la tête d’une armée de 70 000 hommes. Alors, il se mit à fabriquer des armes et à prendre des dispositions militaires dans toutes les règles.
Rome, de son côté, fit marcher les consuls avec deux légions... Spartacus les attaqua tour à tour, les vainquit l’un après l’autre et ils furent obligés tous les deux de reculer en désordre. Spartacus immola... 300 prisonniers romains ; et son armée se montant à 120.000 fantassins, il prit rapidement la route de Rome, après avoir brûlé tous les bagages dont il n’avait pas besoin, fait passer au fil de l’épée tous les prisonniers et tuer toutes les bêtes de somme, pour ne pas ralentir sa marche. Beaucoup d’autres esclaves prirent son parti, et vinrent grossir son armée, mais il ne voulut plus admettre personne. Les consuls retournèrent à la charge contre lui dans le pays des Picènes... il furent vaincus encore une fois. Malgré ce succès, Spartacus renonça à son projet initial de marcher sur Rome, parce qu’il sentit qu’il n’était pas assez habile dans le métier des armes, et que ses troupes n’étaient pas convenablement armées, car nulle cité ne le secondait. Toutes ses forces consistaient en esclaves fugitifs et en aventuriers...
« Il y avait déjà trois ans que durait cette guerre, dont on s’était moqué d’abord ; dont on ne parlait qu’avec mépris comme d’une guerre de gladiateurs ; mais quand il fut question de confier le commandement à d’autres chefs, nul ne se mit sur les rangs, sauf Crassus... Il marcha contre Spartacus à la tête de six nouvelles légions. A son arrivée au camp, il fit décimer les deux légions qui avaient fait la campagne précédente, pour les punir de s’être si souvent laissé vaincre...
« Spartacus fut enfin blessé à la cuisse par une flèche. Le reste de son armée, en désordre, fut mis en pièces. Le nombre des morts du côté des gladiateurs fut incalculable. Il y périt environ 1.000 Romains. Il fut impossible de retrouver le corps de Spartacus. Les nombreux fuyards cherchèrent asile dans les montagnes. Crassus les y poursuivit. Ils se partagèrent en quatre bandes, luttant alternativement jusqu’à extermination complète, à l’exception de 6.000 d’entre eux, qui, faits prisonniers, furent mis en croix le long de la route de Capoue à Rome. »
Appien, dans « Histoire des guerres civiles », liv. 1

La révolte des esclaves autour de Spartacus (73 avant J.-C.)
racontée par un historien latin du 1er siècle après J.-C.
« On supporterait peut-être même la honte d’une guerre contre des esclaves. Même si le sort en a fait des êtres assujettis en tout, ils n’en sont pas moins comme une seconde espèce d’hommes, et nous les associons aux avantages de notre liberté. Mais quel nom donner à la guerre provoquée par Spartacus ? Je ne sais ; car des esclaves y servirent, des gladiateurs y commandèrent. Les premiers étaient de la plus basse condition, les seconds de la pire des conditions, et de tels adversaires accrurent les malheurs de Rome par la honte dont ils les couvrirent. Spartacus, Crixus, Œnomaus, après avoir brisé les portes de l’école de Lentulus, s’enfuirent de Capoue avec trente hommes au plus de leur espèce. Ils appelèrent les esclaves sous leurs drapeaux et réunirent tout de suite plus de dix mille hommes. Non contents de s’être évadés, ils aspiraient maintenant à la vengeance. Telles des bêtes sauvages, ils s’installèrent d’abord sur le Vésuve. Assiégés là par Clodius Glaber, ils se glissèrent le long des gorges caverneuses de la montagne à l’aide de liens de sarments et descendirent jusqu’au pied ; puis s’élançant par une issue inaccessible, ils s’emparèrent tout à coup du camp de notre général qui ne s’attendait pas à une pareille attaque. Ce fut ensuite le tour du camp de Varénius, puis de celui de Thoranlus. Ils parcoururent toute la Campanie, et non contents de piller les fermes et les villages, ils commirent d’effroyables massacres à NoIe et à Nucérie, à Thurium et à Métaponte. Leurs troupes grossissaient chaque jour, et ils formaient déjà une véritable armée. Avec de l’osier et des peaux de bêtes, ils se fabriquèrent de grossiers boucliers ; et le fer de leurs chaînes, refondu, leur servit à forger des épées et des traits. Pour qu’il ne leur manquât rien de ce qui convenait à une armée régulière, ils se saisirent aussi des hordes de chevaux qu’ils rencontrèrent, se constituèrent une cavalerie, et ils offrirent à leur chef les insignes et les faisceaux pris à nos préteurs. Spartacus ne les refusa point, Spartacus, un ancien Thrace tributaire devenu soldat, de soldat déserteur ensuite brigand, puis, en considération de sa force, gladiateur. Il célébra les funérailles de ses officiers morts en combattant avec la pompe réservée aux généraux, et il força des prisonniers à combattre, les armes à la main, autour de leur bûcher. Cet ancien gladiateur espérait effacer ainsi l’infamie de tout son passé en donnant à son tour des jeux de gladiateurs. Puis il osa attaquer des armées consulaires ; il écrasa celle de Lentulus dans l’Apennin, et près de Modène il détruisit le camp de Caîus Crassus. Enorgueilli par ces victoires, il songea à marcher sur Rome, et cette seule pensée suffit à nous couvrir de honte. Enfin, toutes les forces de l’empire se dressèrent contre un vil gladiateur, et Liclnius Crassus vengea l’honneur romain. Repoussés et mis en fuite, les ennemis - je rougis de leur donner ce nom - se réfugièrent à extrémité de l’Italie. Enfermés dans les environs de la pointe du Bruttium, ils se disposaient à fuir en Sicile. N’ayant pas de navires, ils construisirent des radeaux avec des poutres et attachèrent ensemble des tonneaux avec de l’osier ; mais l’extrême violence du courant fit échouer Ieur tentative. Enfin, ils se jetèrent sur les Romains et moururent en braves. Comme il convenait aux soldats d’un gladiateur, ils ne demandèrent pas de quartier. Spartacus lui-même combattit vaillamment et mourut au premier rang, comme un vrai général. »
Florus, dans « Abrégé d’histoire romaine »

Les guerres serviles
1) Les précédents
En 217, à Rome même ; en 198, dans le sud du Latium. Mais ces révoltes ne mettaient en cause que des prisonniers de guerre ou des otages carthaginois. En 196, on note une révolte d’esclave en Etrurie contre laquelle on envoie une légion (6 000 hommes). 143-140, dans le Latium, le brigandage de bergers serviles : là encore, on envoie l’armée.

2) La révolte de Sicile : 135-132
Diodore de Sicile nous indique que la cause en fut le nombre croissant d’esclaves introduits dans l’île, surtout après la Deuxième Guerre Punique. Il ajoute que cette masse se trouve aussi bien chez les propriétaires grecs que romains. Mais il poursuit que depuis les années 140, existe en Sicile une insécurité grandissante due à des bergers dans l’ouest de la Sicile, encouragés par leurs maîtres, et rejoints par des fugitifs.
Il y eut des escarmouches et un propréteur dû en capturer plusieurs pour calmer les velléités.
A l’est, se trouvent de nombreux esclaves d’origine syriennes, adorateurs de cultes à mystères implantés en Orient, comme celui de la déesse Atargatis, ou dea Syria, dont le sanctuaire se trouve à Héliopolis. De même pour la divinité Déméter, déesse protectrice de la fécondité qui avait son sanctuaire à Henna.
L’un de ces Syriens, Eunous, disposait d’un réel ascendant sur ses compagnons grâce à ses dons prophétiques. Ils appartenaient à un propriétaire d’Henna, Antigénès. Son maître l’emmenait dans les dîners, il avait pour "épouse" une esclave syrienne, ce qui montre sa notabilité. Lui et sa femme sont portés à la tête de la révolte par les esclaves d’encadrement.
Au même moment, à l’ouest, Cléon, un brigand Silicien, se fait attribuer l’élevage de chevaux : il est magister.
La révolte commence à Henna contre un propriétaire et sa femme, tous deux cruels ; leur fille, gentille, est épargnée. Dans l’ouest, Cléon a prit le maquis et en quelques jours, des milliers d’esclaves se concentrent et prennent la ville d’Henna. Eunous est proclamé roi avec le titre d’Antiochos, et Cléon se met sous ses ordres. Eunous et ses conseillers vont créer un Etat, avec des assemblées, une capitale qui sera Henna ; on bat monnaie au nom d’Antiochos. Les habitants des villes prises furent massacrés, les artisans tournés en esclavages. Ensuite arrive les divergences : Eunous est pour la clémence, d’autre pour la répression. Ce qui est étrange est l’arrivée au sein des révoltés de petits et moyens propriétaires.
La révolte fut difficile à mater. Deux années et deux consuls furent nécessaires pour en venir à bout. Les romains reprirent la ville de Messine et après un long siège, Henna est reprise en 132, Cléon est tué, Eunous capturé et enfermé dans une prison ou il meurt.
Ce soulèvement est très riche par ses composantes et son esprit. Ce n’est pas un mouvement dirigé contre l’esclavage. Il a menacé l’équilibre de l’île. D’autre part, Rome a reconquis l’île et la réorganisée.

3) La révolte de Campanie et de Sicile (104-102)
On retrouve des similitudes. Au départ, un chevalier romain Titus Vettius tombe amoureux fou d’une esclave ; tellement qu’il décide d’armer ses esclaves et appelle les autres esclaves à le rejoindre. Ces désordres gagnent la Sicile à nouveau.
A l’Est, un certain Salvius prend le titre de Tryphon. A l’ouest un villecus, Athenion prend aussi le titre de roi, lève 10 000 hommes pour se constituer une armée. Mais il refuse d’enrôler les esclaves, les renvoyant aux champs !
Pour les romains, il faudra plusieurs campagnes pour venir à bout des révoltés, en 101.

4) La révolte de Spartacus (73-70)
Elle se déroule du Sud au Nord de l’Italie, à un moment même, elle menace Rome. Les effectifs sont considérables : autour du noyau de gladiateurs se concentrent 150 000 soldats !
A Capoue, dans une école de gladiateurs se trouve Spartacus, plus grec que Barbare. Le mouvement de révolte est spontané, et à ce titre, il va souffrir d’improvisations.
Le noyau de gladiateurs est rejoint par des bandes d’esclaves gaulois dirigés par Crixus et des esclaves Cimbres dirigés par Hoenomanus. Ils occupèrent le cratère du Vésuve, bon site défensif, et battirent à plats de coutures le préteur chargé de les mater.
Des bergers appenins se joignent alors à eux. Les esclaves se divisent en deux bandes, l’une dirigée par Crixus, l’autre par Spartacus. Ils occupent l’année à piller le sud d’Italie. Crixus était d’avis de saigner le pays, Spartacus voulait ramener chez eux les esclaves.
En 72, Rome envoie contre les esclaves deux consuls. Crixus fut tué ; Spartacus remonte le pays et vainc le gouverneur de la Gaule Cisalpine à Modène.
Le Sénat de Rome envoie alors l’armée dirigée par Licinius Crassus. Il lève 6 légions (36 000 hommes) ; il bloque Spartacus dans le Bruttium, mais ce dernier passe à travers au cours de l’hiver (72-71).
A titre d’exemple, Crassus crucifia le long de la via appia6 000 esclaves. Les restes de l’armée furent écrasés par Pompée de retour d’Espagne.
C’est la dernière grande révolte servile.
La révolte de Spartacus n’engage pas de nouvelles législations. Désormais, à chaque velléité insurrectionnelle, les romains répondront par la répression. La condition des esclaves n’est pas améliorée, au contraire. Seulement, jamais plus les esclaves ne seront une menace.
La révolte de Spartacus est restée un mythe.


La traite des Noirs d’Afrique

La production de sucre au Levant espagnol et dans les îles de l’Atlantique, comme les Canaries, commence à concurrencer, au XVe siècle, celle de Venise à Chypre, que complètent des importations en provenance du monde musulman. Le sucre devient ainsi un produit de plus large consommation : les Portugais développent sa production à l’aide de capitaux, dont une partie vient de l’Europe du Nord, marché de plus en plus important. La demande d’esclaves africains commence, dès le milieu du XVe siècle, le long des côtes atlantiques qu’explorent les Portugais. La première vente d’esclaves africains en Occident date de 1444 et se déroule au Portugal, à Lagos. Les Portugais organisent autour de l’île de São Tomé et du comptoir de Saint-Georges-de-la-Mine un fructueux trafic ; les esclaves sont vendus aussi bien à des souverains africains, qui les emploient dans les mines ou les plantations, qu’à des Européens qui les transportent vers la péninsule Ibérique. En 1472, les Cortes de Lisbonne demandent à la Couronne de réserver ces importations aux besoins des plantations portugaises.

La demande de main-d’œuvre est considérablement accélérée à la suite de la conquête des Amériques par les Espagnols et les Portugais. Dans un premier temps, la conquête se traduit par le quasi-asservissement de populations entières d’indigènes, au Pérou et en Amérique centrale. Au début du XVIe siècle, Hernán Cortés fait allusion au grand nombre d’esclaves indigènes rassemblés et vendus dans la capitale du Mexique. Cependant, l’encomienda et le repartimiento, systèmes de travail forcé institués par les conquistadores, se révèlent peu satisfaisants. Les Espagnols découvrent bientôt que, à cause de leur vulnérabilité aux maladies européennes, les Indiens ne constituent pas une main-d’œuvre idéale. D’autre part, comme ils vivent dans leur propre pays, révoltes et fuites s’en trouvent facilitées. Les Indiens tentent ainsi, au début, de s’opposer par la force à ceux qui entreprennent de les priver de leur liberté. Mais lorsque, domptés, ils subissent d’énormes pertes dans les mines d’or et d’argent, une partie de l’opinion européenne s’émeut, notamment parmi le clergé régulier. Ainsi, les réformes humanitaires prônées par le dominicain Las Casas finiront par alléger les souffrances des Indiens. Mais les esclavagistes, après avoir réduit la population amérindienne dans une proportion sans aucun doute considérable, même si le chiffre est controversé, se tournent vers l’Afrique. Las Casas lui-même prône la traite des Noirs afin de sauver les indigènes d’Amérique, ce qui montre la complexité des enjeux.

Un fructueux trafic

Sélectionnés en raison de leur jeunesse et de leur vigueur, les Africains qui parviennent à survivre aux traversées maritimes sont généralement capables de travailler quelques années. Les Portugais et les Espagnols se réservent, dans un premier temps, le monopole d’Etat du trafic entre côtes africaines et américaines, le premier asiento (contrat avec une compagnie) datant de 1528. Mais ils sont vite concurrencés par les Hollandais, les Français et les Anglais qui, à leur tour, recherchent à la fois la main-d’œuvre pour leurs plantations et les profits du trafic esclavagiste transatlantique.

C’est au XVIIIe siècle que le « commerce triangulaire » connaît son apogée : les navires quittent les ports négriers – en France, ce sont Nantes, surtout, ainsi que Bordeaux, La Rochelle et Le Havre – à destination de l’Afrique, chargés de présents sans grande valeur mais aussi de fusils qui seront échangés contre les esclaves ; ils prennent livraison de leur marchandise humaine dans des comptoirs comme celui de l’île de Gorée, au large de Dakar, puis font voile vers la Guyane, les Antilles et l’Amérique du Nord où ils vendent ceux des esclaves qui ont survécu à la traversée ; enfin, ils reviennent vers l’Europe chargés de marchandises diverses (coton, tabac, café ?). Le trafic triangulaire est d’un énorme rapport, et la concurrence est très forte. Les négriers sont les véritables maîtres de ce trafic : ils tiennent à leur merci aussi bien les Africains que les planteurs, qui réclament une main-d’œuvre toujours renouvelée. Interdit en Europe à la suite du congrès de Vienne, le trafic se poursuivit cependant jusqu’au milieu du XIXe siècle.

En Afrique même, la demande d’esclaves ne crée pas de toutes pièces, dans une société idéalement égalitaire, les conditions de la dépendance : il existe, dans la plupart des sociétés africaines, comme dans les sociétés antiques, des dépendants, réduits à travailler au service des autres, pour de multiples raisons. Le fait nouveau réside dans la « déportation sans retour » au-delà de l’Océan. La demande désorganise les sociétés africaines, même si certaines trouvent dans cette déportation une solution aux problèmes que posent les asociaux. La complicité de certains royaumes côtiers facilite, en outre, la collecte des esclaves. L’évaluation de l’impact de la traite sur l’histoire future de l’Afrique varie en fonction des approches ; cependant, l’on peut estimer que le trafic a durablement désorganisé le continent, jusque dans les régions les plus centrales, notamment par la peur qu’il engendrait. De plus, face au trafic négrier, les seuls appuis pour un individu face à une razzia se trouvaient parmi les membres de sa propre ethnie ; l’exaltation des liens ethniques que connaît encore aujourd’hui l’Afrique serait ainsi une conséquence directe de la traite.

Enfin, l’extension de l’emploi des esclaves dans le sud des actuels Etats-Unis pour la culture du coton va créer, dans ce pays, une situation de conflit qui deviendra l’un des plus grands problèmes sociaux et politiques du monde moderne.

Une plaie béante

L’énormité des profits réalisés dans les plantations conduit à l’augmentation constante de la demande d’esclaves noirs ; pour le seul XVIIIe siècle, leur nombre est estimé à près de 6 millions. Les historiens hésitent sur le chiffre global ; du XVIe au XIXe siècle, certains parlent de 8 à 10 millions, d’autres de 15 à 20 millions.

Pour tâcher d’estimer le nombre de Noirs ainsi déportés, l’on ne dispose en effet que de chiffres partiels ou de séries limitées dans le temps. L’on sait, par exemple, que 103 135 esclaves ont été convoyés par des navires nantais entre 1763 et 1775. L’une des sources qui permettent d’évaluer l’intensité du trafic est constituée par les archives de la compagnie d’assurances maritimes britannique, la Lloyd’s. Celle-ci enregistra pas moins de 1 053 navires coulés en face de l’Afrique entre 1689 et 1803, dont 17 % pour faits de révolte, pillage ou insurrection.

En effet, en Afrique même, les révoltes liées à l’esclavage furent très importantes ; elles furent le fait à la fois des populations de la côte et de celles de l’intérieur. Car si certains potentats africains se sont livrés à la traite de concert avec les Européens ou les Arabes, la population s’y opposa souvent violemment. Mais si l’on sait que des navires négriers ont été attaqués à proximité des côtes par les Africains, les documents sont quasi inexistants pour mesurer précisément l’ampleur des révoltes sur l’ensemble du continent.

La condition d’esclave

A bord des navires négriers, les conditions sont effroyables : on entasse un maximum d’esclaves dans la coque du navire et on les garde enchaînés afin de prévenir tout risque de révolte ou de suicide par noyade. La nourriture, l’aération, la lumière et le système sanitaire suffisent à peine à les maintenir en vie. Si la traversée dure plus longtemps que prévu, l’eau manque plus encore que les vivres, et les épidémies se déclarent. Les observations médicales réalisées aux XVIIe et XVIIIe siècles à propos de ces traversées montrent le nombre de maux qui s’abattent, d’abord sur les esclaves, parfois sur l’équipage ; les pertes sont énormes : sur les 70’000 esclaves embarqués par la Real Compañía Africana espagnole entre 1680 et 1688, 46 000 seulement survécurent à la traversée.

Les terribles conditions de vie sur les plantations, les châtiments qui frappaient les fugitifs – du marquage au fer rouge à la mutilation et à la pendaison – provoquèrent la rapide disparition de nombreux esclaves importés. De plus, des esclaves choisirent la voie du suicide, car, selon des croyances largement répandues parmi eux, ils pensaient ressusciter libres ; ce phénomène atteignit une telle ampleur que les maîtres se mirent à mutiler les cadavres afin que les esclaves ne puissent plus espérer revenir à la vie que châtrés ou décapités, et qu’ils renoncent ainsi à se suicider.

Cependant, les rébellions se multiplient, débouchant sur la fuite collective des esclaves marrons et la création dans les montagnes de refuges bien défendus. La plus célèbre de ces rébellions est celle qui, après le massacre des propriétaires européens, conduit en 1804 à l’indépendance d’Haïti.

L’esclavage africain

Catherine Coquery-Vidrovitch,

Je résumerai mon propos en quelques points.

1. Il faut distinguer le statut (être esclave) du commerce des esclaves (dit « traite négrière »). Les traites – car il faut parler au pluriel – ont eu lieu dans trois directions : vers l’Océan Indien et le monde asiatique, vers la Méditerranée à travers le Sahara, et vers les Amériques via l’Océan Atlantique.

On comprendra l’importance de cette distinction par l’exemple suivant : en ce qui concerne le commerce atlantique, la traite a été interdite par les Britanniques en 1807, puis par l’ensemble des Puissances européennes à la suite du Congrès de Vienne mettant fin aux guerres napoléoniennes (1815). Or la traite de contrebande s’est poursuivie tant que l’esclavage a subsisté, jusqu’à l’abolition de l’esclavage (dite « émancipation des esclaves »), à savoir : 1835 pour la Grande Bretagne, 1848 pour la France, 1863 pour les Etats Unis (Guerre de Sécession du Sud esclavagiste), 1888 au Brésil. La traite atlantique a disparu quand les marchés d’esclaves ont été supprimés.

L’esclave (au sens strict du terme) est considéré comme un objet, une marchandise (qui peut être achetée et vendue). En outre il est déraciné (emmené loin de ses attaches familiales et sociales). En ce sens, le travailleur, même malmené et forcé à travailler (le « travail forcé » de la colonisation) n’est pas un esclave. Par analogie, on ne peut qu’utiliser une formule de comparaison, du genre « travailler comme un esclave ». Il s’agit de l’exploitation du travail de la personne, et non de la personne elle-même niée en tant qu’être humain libre.

2. L’esclavage a sans doute existé depuis toujours, depuis en tous les cas des temps très anciens. Il est attesté en Europe jusqu’à la fin du Moyen Âge au moins, il a théoriquement disparu partout ailleurs au début du XXe siècle, bien que l’on signale encore des cas répertoriés ça et là. Par exemple, il y a deux ans, l’Etat de Mauritanie, pour la troisième ou quatrième fois, a édicté une loi interdisant l’esclavage, démonstration a posteriori qu’il pouvait encore être localement pratiqué.

Pendant longtemps, l’esclave n’a pas été défini par sa couleur. Chez les Grecs anciens, pouvait être mis en esclavage tout « barbare », c’est à dire tout homme non Grec, synonyme de non civilisé. L’esclavage antique, pour être un élément majeur de la vie productive, était indifférent à la couleur. Les Grecs mirent d’autres Grecs en esclavage, les Romains eurent des esclaves Grecs, mais plus souvent venus des confins de l’empire, surtout de Germanie, de Thrace, du Proche-Orient ou des steppes nordiques lointaines. A cette époque, la plupart des esclaves étaient donc des blancs issus pour la plupart du nord de l’Europe (esclave vient du mot slave, originaire de Slavonie). Au Vè siècle av. JC, Aristote, inspiré par Platon qui avant lui avait fait des barbares les ennemis naturels des Grecs1, fut le premier à conseiller préférer les non Grecs comme esclaves, « car que certains aient à gouverner et d’autres à être gouvernés n’est pas seulement nécessaire, mais juste ; de naissance, certains sont destinés à la sujétion, d’autres non » ; les habitants du nord de l’Europe sont décrits comme manquant d’habileté et d’intelligence, et ceux d’Asie comme manquant d’esprit : en conséquence, un barbare était par nature un esclave, car moins propre que d’autres à l’exercice de la liberté2.

De même, chez les Arabo-Musulmans, tout païen, c’est à dire non musulman (équivalent du barbare des Grecs) pouvait être mis en esclavage : à noter que la solution inverse fut adoptée en Occident, puisque le code noir édicté par Louis XIV stipule au contraire que tous les esclaves doivent être « baptisés et instruits dans la religion catholique », toute autre religion étant interdite.

La Bible comme le Coran n’ont rien contre les Noirs ; le racisme de couleur apparaît assez tard dans l’histoire. Ce fut une idée introduite par un exégète grec (chrétien) du 3e siècle après JC, reprise par un érudit arabe du IXe siècle.. Cette fiction pénétra surtout au début du XIXè siècle dans le monde catholique sous le nom de « mythe de Cham » : il s’agit de l’interprétation libre d’un récit biblique, qui raconte l’ivresse de Noé et sa fureur d’apprendre que son dernier fils s’en était irrespectueusement moqué : il le maudit dans sa descendance : « maudit soit Canaan [fils de Cham] ! Qu’il soit pour ses frères le dernier des esclaves ! »3. La Bible s’arrête là. Il n’en fut pas de même pour ses commentateurs. Au texte sacré s’ajoutèrent une série de contes dont celui de Chus, autre fils de Cham. Celui-ci, à nouveau, aurait désobéi à Noé qui avait interdit à sa descendance d’avoir des rapports sexuels dans l’Arche. Or Cham conçut un enfant pendant le déluge : Chus. Dieu le maudit et le fit naître noir. De lui naquirent les Éthiopiens et tous les noirs africains. L’histoire est transcrite au XVIè siècle et confirmée au XVIIIè4. Cette fiction pénétra surtout au début du XIXè siècle dans le monde catholique5.Cette interprétation, on la trouvait pourtant encore il n’y a pas si longtemps (début des années 1970) dans le petit dictionnaire Larousse.

C’est que, au Moyen Âge des esclaves noirs remontés par le Sahara avaient fait leur apparition sur les pourtours de la Méditerranée.

3. La traite des noirs proprement dite.

Le déclenchement de la traite des noirs remonterait au baqt, traité conclu avec les Nubiens en 31/652 par le conquérant arabe Abdfallah ben Sayd qui leur aurait imposé un tribut de 360 esclaves par an6. À la grande époque des empires musulmans, à partir du Xè siècle, des millions de Noirs furent transportés vers le monde méditerranéen et l’Océan Indien. Les musulmans ne considéraient pas seulement les noirs comme des païens, mais aussi comme une race inférieure destinée à l’esclavage, si bien que le mot arabe pour désigner l’esclave, abid, devint plus ou moins synonyme de Noir (Zenj était un terme plus vague pour désigner les « sauvages »). La littérature arabe, dès les VIIIè et IXè siècles, associe la peau noire à des caractères négatifs de la personne, comme une mauvaise odeur, une physionomie répulsive, une sexualité débridée, des aspects de sauvagerie ou de débilité. La mise en esclavage des noirs relevait de la normalité au même titre que l’utilisation des animaux de bats. Ils étaient utilisés comme travailleurs de la terre ou des mines, soldats, eunuques, ou ghilman (pages). Les femmes, plus nombreuses, étaient employées comme concubines ou servantes. Un texte du XIè siècle distingue les Nubiennes, qui allient « grâce, aisance et délicatesse », les Éthiopiennes, gracieuses mais fragiles, les Zenj (qui sont laides et ont mauvais caractère) et les Zaghawa qui sont encore pires7. La politique suivie fut relativement assimilationniste et les métissages, ne serait-ce que par le concubinage et les harems, assez fréquents : la descendance de beaucoup de ces Noirs finit pas se fondre dans la population, au point que les transferts de peuples, devenus parfois peu visibles, furent relativement négligés dans l’histoire jusqu’à une époque récente.

Les Occidentaux n’ont donc pas tout inventé. Ibn Khaldûn, s’il exceptait de son mépris les souverains du Soudan occidental, n’était pas tendre avec leurs voisins :

« Au sud du Nil se trouve un peuple noir appelé les Lamlam. Ils sont païens… Ils constituent la masse ordinaire des esclaves [du Ghana et du Tekrur] qui les capturent et les vendent à des marchands qui les transportent vers le Maghreb. Au-delà vers le Sud, il n’y a pas de civilisation à proprement parler. Des êtres y sont plus proches d’animaux muets que d’humains doués de raison… Ils se mangent fréquemment les uns les autres. On ne peut les considérer comme des êtres humains » …8

L’image transmise par les Arabes fut effectivement nuancée. L’Atlas catalan de 1375, offert six ans plus tard par l’infant Juan d’Aragon au jeune roi de France Charles VI, présente le meilleur résumé des connaissances cartographiques de l’époque. Il propose en illustrations sur la carte d’Afrique une série de types humains accompagnés de commentaires, parmi lesquels un Touareg voilé sur son chameau au Sahara occidental, un peu plus à l’Est un Pygmée nu chevauchant une girafe, et un roi noir, glorieux, qui incarne en Afrique de l’Ouest la puissance de l’or du kankan « Musa Mali » bien connu des voyageurs arabes. C’est l’autre roi noir de l’atlas, situé dans une île mythique au-delà de l’Inde, qui symbolise l’inconnu et règne sur « un peuple différent de tous les autres… ils sont noirs et dépourvus de raison. Ils mangent les étrangers chaque fois qu’ils le peuvent »9.

La traite atlantique fut généralisée par les Européens (au démarrage des Portugais) à partir du XVIe siècle. Elle se produisit sous deux formes : d’une part le commerce dit triangulaire qui rentabilisait au maximum les trajets de la flotte maritime. Il consistait à envoyer des navires européens chargés de pacotille manufacturée, de tissus, d’armes et d’alcool vers les côtes africaines, où ces marchandises étaient échangées contre des esclaves. Ceux-ci à leur tour étaient transportés vers les Antilles et les Amériques où ils étaient vendus. Les navires revenaient ensuite en Europe chargés de la mélasse produite à partir de la canne à sucre et destinée à être tranformée en sucre et en alcool dans les distilleries européennes.

Une moitié des esclaves fut néanmoins transportée directement par les Portugais depuis les côtes angolaise et mozambicaine jusqu’au Brésil, et ce depuis le début du XVIe siècle jusqu’au milieu du XIXe siècle (l’interdiction de la traite atlantique en 1815 fut nuancée par une tolérance accordée aux Portugais par les Britanniques qui assuraient la police des mers ; la traite demeura autorisée au Sud de l’Equateur jusqu’aux années 1840 : regarder la carte ! Cela garantit le trafic entre Angola, Mozambique et Brésil)

Les connaissances rassemblées permettent en effet désormais de cartographier avec une précision satisfaisante l’ensemble et les détails des données désormais en notre possession : l’atlas de l’esclavage récemment publié par Marcel Dorigny n’aurait pas même été concevable il y a encore une vingtaine d’années.Toutes les cartes, accompagnées de textes analytiques concis mais précis, et aussi illustrées par des extraits de documents (texte, iconographie), présentent le processus de la traite négrière, à partir de l’Afrique et en Afrique, depuis la veille des Grandes Découvertes ; ainsi la première carte, très importante, centrée sur le continent africain tout entier y compris ses différents abords maritimes (Atlantique, Méditerranée, Océan Indien), retrace les flux du commerce négrier antérieur ; les flèches, parties du centre du continent, montrent que le commerce atlantique s’est greffé sur de nombreuses routes de traite préalables, à travers le Sahara et vers les côtes asiatiques. Elles évoquent aussi l’ampleur et l’extension de la traite atlantique par le biais des entrepôts portugais et hollandais jalonnant aussi la côte de l’Océan Indien qui remontent jusqu’à Mombasa et au-delà : autrement dit, on visualise l’imbrication des traites qui ne procédaient pas en vase clos et en circuit fermé. Le tout est complété par la cartographie de tous les ports de traite qui ont, à des époques parfois différentes, jalonné la totalité des côtes africaines (Afrique australe incluse). Cartes et graphiques permettent aussi de visualiser l’ampleur du commerce direct dit « en droiture » qui s’est développé dans l’Atlantique Sud entre Afrique et Brésil, parallèlement au commerce dit « triangulaire » plus caractéristique de l’Atlantique Nord.

3. Les plantations esclavagistes

La canne à sucre était arrivée par la Méditerranée orientale où elle avait déjà donné naissance à des plantations. La première révolte d’esclaves « zanj » [noirs] fut répertoriée sur les plantations d’Arabie au VIIe siècle ap. JC. La plus grande de ces révoltes eut lieu en basse Mésopotamie (Irak) au IIIè/IXè siècle, où les mauvais traitements provoquèrent en 869 un soulèvement des Zendj, qui ne fut écrasée qu’en 883. C’est dire son ampleur : le nombre des victimes aurait oscillé entre 500 000 et 2,5 millions !10. Les Portugais acclimatèrent la plante dans les îles situées au large des côtes occidentales d’Afrique, notamment dans les îles Canaries, et surtout à Saõ Tomé, au fond du golfe du Bénin, îles désertes avant leur arrivée. C’est là que fut systématisé le système qui faisait du Noir non plus un homme, mais un outil de travail lié au drainage de la main d’œuvre du continent africain. Vers 1506 s’y trouvaient déjà 2 000 esclaves permanents, devenus 5 ou 6 000 en 1540, importés pour la plupart du delta du Niger et surtout du Congo et employés sur les plantations de canne à sucre. Une grande révolte éclata entre 1530 et 1536. C’est à partir de là que furent élaborées les premières théories de l’infériorité du noir11.

Forts de leur succès, les Portugais délocalisèrent l’activité au Brésil, où les plantations esclavagistes se démultiplièrent à partir du milieu du XVIIè siècle. De là elles gagnèrent les Antilles britanniques (Jamaïque et Barbade) au début du XVIIIe siècle, puis les îles françaises de Saint-Domingue, Martinique et Guadeloupe ; Cuba devient le centre principal dans la deuxième moitié du XVIIIè siècle et le plus grand centre de production après la Révolution de Saint Domingue devenu sous le nom de Haïti le premier Etat noir moderne indépendant. Au début du XIXe siècle, ce furent les Etats-Unis récemment indépendants (leur guerre d’indépendance eut lieu fin XVIIIe siècle) qui développèrent dans leurs Etats du Sud les plantations de coton, devenu matière première recherchée de la Révolution industrielle britannique en grande partie fondée sur l’essor de l’industrie textile.

Ainsi la production esclavagiste occidentale, fleuron de la période dite mercantiliste (XVII-XVIIIe siècles), devint ensuite partie prenante de l’essor du capitalisme émergent au XIXe siècle. Cet élément est important : nulle part, on ne peut opposer comme inconciliables un « système esclavagiste » à un « système capitaliste ». Il est au contraire tout à fait concevable (et sans doute profitable, bien que la rentabilité du système esclavagiste ait provoqué beaucoup de discussions entre historiens économistes) que le système dominant fasse appel, dans le cadre d’une division internationale du travail, de façon privilégiée à des structures de production apparemment obsolètes ou dépassées.

4. L’esclavage noir et les traites africaines

Dès le XVIe siècle, alors que dans le monde musulman l’esclavage, très répandu, concernait toutes les couleurs de peau, l’esclavage atlantique devint noir, si bien que bientôt le mot « nègre » devint synonyme d’ « esclave noir ». C’est Colbert qui rédigea, en 1685, pour le compte du roi de France Louis XIV, le code fixant le sort sévère des esclaves, surnommé le Code noir. Destiné aux îles française des Antilles et de la Réunion, il fut complété et durci par celui de 1724 destiné aux esclaves de Louisiane. Le mariage mixte était interdit, et le concubinage puni d’amendes, aussi bien entre blanc et noir qu’entre affranchi et esclave. Les enfants nés de mariages entre esclaves sont esclaves (même si la mère seule est esclave), et appartiennent au maître de la mère. Toute assemblée d’esclaves est interdite, et les maîtres en sont tenus responsables ; les esclaves n’ont le droit de rien vendre, ni de rien posséder « qui ne soit à leur maître » ; ils ne circulent qu’avec l’autorisation du maître, ils ne peuvent être chargés d’aucun office, et n’ont pas le droit de témoigner. Le maître a néanmoins charge de les nourrir, de leur fournir deux habits par an, et d’entretenir les vieux et les infirmes. Mais « l’esclave qui aura frappé son maître, sa maîtresse ou le mari de sa maîtresse avec contusion ou effusion de sang, ou au visage, sera puni de mort ». Et tout à l’avenant : nous n’en sommes qu’à l’article 33, il y en avait 60. Bref l’esclave, bien que doté d’une âme, n’était qu’un bien, une chose, qui pouvait être enchaîné, frappé de verges ou de cordes, et dont la valeur marchande était remboursable au maître en cas de condamnation à mort…

La volonté britannique de mettre fin à la traite négrière s’explique à la fois par l’essor du capitalisme occidental, qui mettait en œuvre d’autres formes de travail fondées sur le salariat, et par la montée du mouvement « philanthropique » né au Siècle des Lumières qui suscita un puissant courant « humanitariste ». Ainsi, en 1771, à la suite d’un procès intenté à un planteur qui avait amené un esclave à Londres, le « cas Wilberforce » fit jurisprudence, stipulant que, la loi anglaise ne parlant pas de l’esclavage, celui-ci était de ce fait interdit sur le sol britannique (un procès similaire avait, un demi-siècle auparavant, conclut à l’inverse). Néanmoins, au XIXe siècle, le racisme biologique se développe sous couvert de théories scientifiques de l’ « inégalité des races » qui vont dominer jusqu’au début du XXe siècle. Dès lors les noirs sont regardés comme une « race inférieure », avec tous les excès provoqués par de telles approches.

Dans le domaine colonial français, deux domaines vont dès lors quasi coexister : celui des Antilles et de la Réunion où l’esclavage de plantation fut maintenu jusqu’en 1848 (sauf durant le bref intermède d’abolition lors de la Révolution française entre 1794 et 1802), tandis que, au contraire, le « nouvel empire colonial » va trouver sa justification officielle dans la lutte contre l’esclavage interne africain. D’où, dans l’un et l’autre cas, des « mémoires coloniales » fort différentes.

Par ailleurs, la fin de la traite atlantique ne mit pas fin au trafic, loin de là. En effet, la paix européenne de 1815 provoqua la mise au rebut d’un stock considérable d’armes, stock périodiquement renouvelé au fil du siècle en raison des progrès technologiques qui conduisaient les armées européennes à se moderniser. Les fusils devenus inutiles furent transformés en « armes de traite » dont l’Europe occidentale inonda le monde méditerranéen arabo-musulman. L’ouverture du Canal de Suez en 1869, qui établissait un contact direct entre la Méditerranée et la Mer Rouge, raccourcit considérablement les distances en court-circuitant la circumnavigation de l’Afrique. Paradoxalement, la fin de la traite en Atlantique contribua à faire de l’Océan Indien le centre des affaires. Le plus grand centre négrier devint au XIXe siècle le sultanat de Zanzibar, qui dominait la côte orientale d’Afrique depuis Oman (en Arabie du Sud) jusqu’à l’île du Mozambique. Arabes, Indiens et Swahili en furent les principaux acteurs.

5. Les conséquences sur le continent africain ont été multiples.

Les effets démographiques sont évidents bien que discutés, et parfois exagérés. Le calcul est difficile, et les chiffres ne sont bien connus que pour la traite atlantique, compte tenu de l’abondance des sources chiffrées dont on dispose et des moyens de recoupement : les historiens disposent d’archives nombreuses. Ils ont travaillé soit sur le nombre d’esclaves débarqués aux Amériques (Philip Curtin), soit sur celui des esclaves embarqués d’Afrique (Paul Lovejoy), soit enfin en calculant le nombre de bateaux mis en œuvre et leur chargement moyen. Tous les résultats concordent : à peu près 11 millions d’esclaves ont débarqué en Amérique, dont la plus grande partie sur moins de deux siècles, la période la plus intense de traite se situant entre 1760 et 1840 (l’interdiction de la traite a peu joué dans un premier temps, car la contrebande s’est maintenue assez tardivement). Les chiffres globaux font état d’un total d’un peu plus de 11 millions d’esclaves importés dans les Caraïbes et dans les Amériques, dont 4,6 millions pour la traite portugaise, 2,6 pour la Grande-Bretagne, 1,6 pour l’Espagne et 1,2 pour la France. 4,8 millions furent « traités » au XVIIIè siècle, et 2,6 millions, soit 30% du total, entre 1801 et 1866.

Les chiffres sont infiniment plus aléatoires pour les autres traites, pour lesquelles les études sont moins poussées et les sources moins précises. Quelques historiens ont proposé des chiffres qui restent à vérifier. On estime ainsi que vers la Méditerranée, en dix siècles (du Xe au XXe siècle), environ 10 à 12 millions d’esclaves ont pu traverser le Sahara, dont au moins un million et demi seraient morts en route. Le trafic aurait été maximal d’une part à l‘époque des grands empires musulmans médiévaux du Soudan occidental (XIIe – XVe siècles) et d’autre part lors des vastes jihads de l’ouest africain au XIXe siècle. Les chiffres pourraient être plus faibles vers l’Océan Indien (de l’ordre de 5 à 6 millions ?), ce qui ne signifie pas grand chose car à la différence des autres parties d’Afrique l’esclavage de plantation a été aussi pratiqué sur les côtes africaines, surtout au XIXe siècle. En tout état de cause, il est très difficile de comparer des flux qui se sont produits dans des espaces de temps très différents. Enfin, il est une inconnue impossible à chiffrer : combien de gens sont morts pour qu’un esclave soit « produit » et arrive sur son lieu d’utilisation ? Les historiens estiment qu’au minimum il y eut un mort pour un esclave. Cela donnerait un total général de l’ordre de 50 millions d’individus perdus pour le continent subsaharien en dix siècles. Rappelons que le résultat en longue durée est là : il y aurait eu 100 millions d’Africains vivant au XVe siècle, ils étaient environ 95 millions à la fin du XIXe siècle. Autrement dit, quels qu’aient été les aléas intermédiaires, le résultat en long terme est là : le continent africain est le seul du monde où la population n’a pas crû dans cette longue période, si bien que les Africains constituaient probablement 20% de la population mondiale au début du XVIe siècle, et seulement 9% au début du XXe siècle ; Au seuil du 3e millénaire, nous en sommes actuellement (avec près de 900 millions d’Africains) à environ 12% du total.

Les études régionales sont plus probantes. Ainsi, les esclaves femmes étaient davantage recherchées par le marché arabo-musulman (de l’ordre de deux femmes pour un homme), tandis que le rapport s’inversait dans le trafic atlantique. En tout état de cause, jamais la traite, qui n’a pas dépassé, à son apogée, le départ annuel de 40 0000 individus vers l’Océan Indien, ou de 60 000 vers l’Océan Atlantique, n’a provoqué une régression de population. Ce qu’elle a provoqué en revanche localement, et sans doute contribué globalement à généraliser, c’est la stagnation de ces populations. Ce fut très grave à certaines périodes de l’histoire, notamment au XVIIIe siècle, un des siècles majeurs du trafic, alors que la population européenne au contraire faisait preuve dans le même temps d’un très grand dynamisme. La traite a aussi déséquilibré les rapports d’âge et de genre des populations, puisqu’elle visait de façon privilégiée les jeunes adultes, les plus vigoureux et les plus féconds.

La traite interne en Afrique a aussi provoqué de vastes mouvements migratoires. Car parmi les très nombreux Etats ou chefferies indépendants que comptait ce très vaste continent, les chefs ne vendaient jamais leurs propres sujets, mais leurs prisonniers du guerre. Autrement dit, la chasse à l’homme provoquée par la demande a favorisé les guerres, approvisionnées par les armes de traite importées massivement. Les déséquilibres se sont accentués entre peuples razzieurs et peuples razziés. Ils contribuent sans doute dans l’histoire à expliquer la répartition très inégalitaire des populations entre noyaux surpeuplés (comme au Rwanda, zone refuge au cœur du continent) et régions au contraire sous peuplées (comme le Gabon, soumis à une traite quasi continue du XVe au XIXe siècle). De nouvelles entités politiques greffées sur les circuits internationaux d’esclaves se sont constituées, bref la carte politique de l’Afrique a été durablement et profondément affectée par le trafic négrier.

Les résultats s’en sont faits pleinement sentir au XIXe siècle précolonial. Comme dans toutes les autres sociétés pré-industrielles, les sociétés africaines ont connu l’esclavage depuis très longtemps et, contrairement à ce qu’en ont naguère rêvé certains anthropologues, l’esclavage africain n’était pas nécessairement ni plus « doux » ni plus « domestique » qu’ailleurs. Mais ce qui est sûr, c’est que l’exigence des marchés demandeurs extérieurs au continent a provoqué la constitution et l’essor de réseaux internes actifs de traite, y compris en intensifiant le brigandage. Nombreux sont, surtout à partir du XVIIIe siècle, les chefs côtiers ou non et les grands trafiquants qui organisent des réseaux d’approvisionnement jusqu’au cœur du continent. L’usage interne des esclaves s’amplifia dans le même temps, surtout quand la fermeture du marché atlantique augmenta le nombre des captifs sur place. Les pouvoirs conquérants les utilisèrent largement pour la production et pour renforcer leurs armées, si bien qu’à la fin du XIXe siècle, on estime que peut-être la moitié des Africains était de statut servile, pourcentage probablement très supérieur à ce qu’il était un siècle auparavant. D’où le paradoxe : à l’extrême fin du XIXe siècle, les colonisateurs occidentaux allaient justifier la conquête par la nécessité de lutter contre l’esclavage interne à l’Afrique…

Enfin, ces bouleversements politiques et militaires internes déstabilisèrent et appauvrirent une grande partie des peuples. Le malaise se traduisit entre autres par des réactions culturelles et religieuses : les conversions populaires à l’islam furent massives dans l’ouest africain à partir de la fin du XVIIIe siècle ; elles furent plus limitées en Afrique orientale en raison du caractère esclavagiste du sultanat de Zanzibar. Les conversions au christianisme se développèrent surtout à la fin du XIXe siècle.

Conclusion.

Hors Afrique, cette histoire longue de l’esclavage et du racisme anti-noir qui en fut un des corollaires a laissé des traces profondes. Depuis l’année 2000, le tabou relatif constitué par cet épisode particulièrement sombre de l’histoire des peuples est en train de tomber, aussi bien du côté des descendants des négriers (Européens, Arabes, Africains) que de celui des descendants d’esclaves (en Afrique et dans les Caraïbes). Cette prise de conscience de la nécessité d’un travail de mémoire à effectuer à l’aide de recherches approfondies d’histoire a abouti, en France, au vote en 2002 de la loi dite « Loi Taubira », du nom de la député qui l’a proposée, reconnaissant que la traite des noirs fut un « crime contre l’humanité ». Cette déclaration n’est pas nouvelle : le premier à le proclamer fut, dès 1781, treize ans avant la première suppression de l’esclavage, le philosophe Condorcet, qui commence ainsi ses Réflexions sur l’esclavage des Nègres :

« Réduire un homme à l’esclavage, l’acheter, le vendre, le retenir dans la servitude, ce sont de véritables crimes… Ou il n’y a point de morale, ou il faut convenir de ce principe… Que l’opinion ne flétrisse point ce genre de crime … et cette opinion serait celle de tous les hommes…, que le crime resterait toujours un crime ».

Orientation bibliographique sommaire.

- Cahiers des Anneaux de la mémoire, revue annuelle spécialisée sur les traites négrières, Nantes (depuis 1999).
- C. Coquery-Vidrovitch, L’Afrique et les Africains au XIXe siècle. Mutations, révolutions, crises, Paris, Colin, 1999.
- C. Coquery-Vidrovitch, “Le postulat de la supériorité blanche et de l’infériorité noire”, Le livre noir du colonialisme. XVIè-XXIè (Marc Ferro éd.), Paris, Robert Laffont, pp. 646-685.
- Philip Curtin, The Atlantic Slave Trade, a Census, Madison, University of Wisconsin,1969
- Marcel Dorigny et Bernard Gainot, Atlas des esclavages, Traite, sociétés coloniales, abolitions de l’Antiquité à nos jours, Paris, Ed. Autrement, 2006.
- Paul Lovejoy, Transformations of Slavery. A history of slavery in Africa, Cambridge University Press, 1983.
- O. Pétré-Grenouilleau, Les traites négrières, essai d’histoire globale, Paris, Gallimard, 2005.
- Louis Sala-Molins, Le code noir, ou le calvaire de Canaan, Paris, PUF, 1987.
- André Salifou, L’esclavage et les traites négrières en Afrique, Paris, Nathan-VUEF, 2006.
- Ibrahima Thioub, « Regard critique sur les lectures africaines de l’esclavage et de la traite atlantique critique », in Issiaka Mandé & Blandine Stefanson (dir.), Les Historiens africains et la mondialisation, Paris, Karthala, 2005.

L’esclavage en terre d’Islam
Après la mort du prophète Mahomet et la soumission de la péninsule arabe, les musulmans conquièrent les rives méridionales et orientales de la Méditerranée. Multipliant les prises de guerre, ils prolongent dans ces régions l’esclavage à la mode antique. Ils inaugurent aussi une longue et douloureuse traite négrière qui va saigner l’Afrique noire jusqu’à la fin du XIXe siècle.
L’esclavage en terre d’islam est hélas une réalité qui dure comme le montre l’anthropologue Malek Chebel.
Islam et esclavage

Le Coran, texte sacré de l’islam, entérine l’existence de l’esclavage (voir la sourate XVI, Les abeilles) tout comme d’ailleurs les textes bibliques. Notons que le premier muezzin désigné par le Prophète pour l’appel à la prière est un esclave noir du nom de Bilal originaire d’Éthiopie.
La loi islamique ou charia, qui s’appuie sur le Coran et les dits du prophète (hadiths), considère qu’en pays d’islam, seuls sont esclaves les enfants d’esclaves et les prisonniers de guerre. Elle autorise d’autre part la réduction en esclavage de quiconque provient d’un pays non musulman (si un esclave vient à se convertir, il n’est pas affranchi pour autant).
Très tôt, du fait de la rapidité même de leurs conquêtes, les Arabes se heurtent à une pénurie d’esclaves. Ils ne peuvent asservir les populations des pays soumis à leur loi et se voient donc dans l’obligation d’importer en nombre croissant des esclaves des pays tiers, qu’ils soient ou non en voie d’islamisation.
Comme les chrétiens du haut Moyen Âge, ils s’abstiennent de réduire en esclavage leurs coreligionnaires mais cette règle souffre de nombreuses transgressions et l’on ne rechigne pas à asservir des musulmans, notamment noirs, au prétexte que leur conversion est récente (*).

Une économie fondée sur l’esclavage

L’esclavage devient rapidement l’un des piliers de l’économie de l’empire abasside de Bagdad du fait de très nombreuses prises de guerre et de l’avènement d’une très riche bourgeoisie urbaine. Pour s’en convaincre, il n’est que de lire Les Mille et Une Nuits, un recueil de contes arabes qui se déroulent sous le règne du calife Haroun al-Rachid, contemporain de Charlemagne.

Les harems du calife et des notables de Bagdad se remplissent de Circassiennes. Il s’agit de femmes originaires du Caucase et réputées pour leur beauté ; ces belles esclaves ont continué jusqu’au XXe siècle d’alimenter les harems orientaux en concurrence avec les beautés noires originaires d’Éthiopie. Pour les tâches domestiques et les travaux des ateliers et des champs, les sujets du calife recourent à d’innombrables esclaves en provenance des pays slaves, de l’Europe méditerranéenne et surtout d’Afrique noire. Ces esclaves sont maltraités et souvent mutilés et castrés.
D’autres esclaves et eunuques sont employés comme soldats et chefs de guerre par les différentes dynasties musulmanes, du Maroc aux Indes. Ces esclaves-là accèdent parfois à des fonctions élevées et parfois au pouvoir suprême. Ainsi en est-il des fameux Mamelouks d’Égypte, que Bonaparte devra combattre en 1798.

Esclaves blancs en terre d’islam

Dans les premiers temps de l’islam, les notables de Bagdad s’approvisionnent en esclaves blancs auprès des tribus guerrières du Caucase mais aussi auprès des marchands vénitiens qui leur vendent des prisonniers en provenance des pays slaves, encore païens.
À la fin du Moyen Âge, comme le vivier slave s’épuise du fait de la christianisation de l’Europe orientale, les musulmans se tournent vers les pirates qui écument la Méditerranée. Ces derniers effectuent des razzias sur les villages côtiers des rivages européens. Le souvenir des combats livrés par les habitants à ces pirates perdure dans... la tête de prisonnier maure qui sert d’emblème à la Corse.

On évalue à plus d’un million le nombre d’habitants enlevés en Europe occidentale entre le XVIe et le XVIIIe siècle, au temps de François 1er, Louis XIV et Louis XV. Ces esclaves, surtout des hommes, sont exploités de la pire des façons dans les orangeraies, les carrières de pierres, les galères, les chantiers,... d’Afrique du nord (*). Des organisations chrétiennes déploient beaucoup d’énergie dans le rachat de ces malheureux, tel Miguel de Cervantès.

En Europe orientale et dans les Balkans, pendant la même période, les Ottomans prélèvent environ trois millions d’esclaves. Mais l’expansion européenne, à partir de la fin du XVIIIe siècle, met fin à ces razzias.
Esclaves noirs en terre d’islam.

Si la traite des esclaves blancs a rapidement buté sur la résistance des Européens, il n’en a pas été de même du trafic d’esclaves noirs en provenance du continent africain.

La traite arabe commence en 652, vingt ans après la mort de Mahomet, lorsque le général arabe Abdallah ben Sayd impose aux chrétiens de Nubie (les habitants de la vallée supérieure du Nil) la livraison de 360 esclaves par an. Elle ne va cesser dès lors de s’amplifier. Les spécialistes évaluent de douze à dix-huit millions d’individus le nombre d’Africains victimes de la traite arabe au cours du dernier millénaire, du VIIe au XXe siècle, soit à peu près autant que la traite européenne à travers l’océan Atlantique, du XVIe siècle au XIXe siècle.

Le trafic suit d’abord les routes transsahariennes. Des caravanes vendent, à Tombouctou par exemple, des chevaux, du sel et des produits manufacturés. Elles en repartent l’année suivante avec de l’or, de l’ivoire, de l’ébène et... des esclaves pour gagner le Maroc, l’Algérie, l’Égypte et, au-delà, le Moyen-Orient. Au XIXe siècle se développe aussi la traite maritime entre le port de Zanzibar (aujourd’hui en Tanzanie) et les côtes de la mer Rouge et du Golfe persique.

Le sort de ces esclaves, razziés par les chefs noirs à la solde des marchands arabes, est dramatique. Après l’éprouvant voyage à travers le désert, les hommes et les garçons sont systématiquement castrés avant leur mise sur le marché, au prix d’une mortalité effrayante, ce qui fait dire à l’anthropologue et économiste Tidiane N’Diyae : « Le douloureux chapitre de la déportation des Africains en terre d’Islam est comparable à un génocide. Cette déportation ne s’est pas seulement limitée à la privation de liberté et au travail forcé. Elle fut aussi - et dans une large mesure- une véritable entreprise programmée de ce que l’on pourrait qualifier d’ "extinction ethnique par castration" » (*).

Les contes des Mille et Une Nuits, écrits au temps du calife Haroun al-Rachid (et de Charlemagne), témoignent des mauvais traitements infligés aux esclaves noirs et du mépris à leur égard (bien qu’ils fussent musulmans comme leurs maîtres). Ce mépris a perduré au fil des siècles. Ainsi peut-on lire sous la plume de l’historien arabe Ibn Khaldoun (1332-1406) : « Les seuls peuples à accepter l’esclavage sont les nègres, en raison d’un degré inférieur d’humanité, leur place étant plus proche du stade animal » (*). Ces propos, notons-le, précèdent de deux siècles la traite atlantique des Occidentaux.

Esclavage et décadence

Les contingents très importants de main-d’oeuvre servile ont contribué à la stagnation économique et sociale du monde musulman. Ils ont causé aussi de nombreux troubles. C’est ainsi qu’à la fin du IXe siècle, la terrible révolte des Zendj (ou Zenj, d’un mot arabe qui désigne les esclaves noirs), dans les marais du sud de l’Irak, a entraîné l’empire de Bagdad sur la voie de la ruine et de la décadence. Le 7 septembre 869, se déclenche dans les marais du bas Irak la grande révolte des Zendj. Sous la conduite d’un meneur persan, Ali ben Mohamed, ces esclaves noirs vont mettre en péril, par la révolte, le prestigieux empire de Bagdad.

« Comparé à la traite des Noirs organisée par les Européens, le trafic d’esclaves du monde musulman a démarré plus tôt, a duré plus longtemps et, ce qui est plus important, a touché un plus grand nombre d’esclaves », écrit en résumé l’économiste Paul Bairoch (*). Cet auteur, ainsi que Tidiane N’Diaye, rappelle qu’il ne reste plus guère de trace des esclaves noirs en terre d’islam en raison de la généralisation de la castration, des mauvais traitements et d’une très forte mortalité, alors que leurs descendants sont au nombre d’environ 70 millions sur le continent américain.
Notons le parallèle avec les États arabes du Golfe Persique qui recourent massivement à des travailleurs étrangers tout en empêchant ceux-ci de faire souche sur place...

Alban Dignat.

Révolte des Zendj (869-883)

Le terme zanj, zandj, zenj, ou Zendj voire Zinj selon la translittération vient du persan (زنگبار Zangi-bar signifiant depuis l’Antiquité, la "Côte des Noirs", ou de l’arabe Zanj[1]. Zingium est la translittération latine. Zenj
Il peut désigner :
• Les habitants de la côte est de l’Afrique, près de l’Océan Indien. Il va, par extension, désigner les noirs emmenés en esclavage.
o Voir la Révolte des Zanj.
o Voir l’histoire de Java sur la présence d’esclaves jenggi, c’est-à-dire "zenji", à Java ou offerts à la cour de Chine aux IXe et Xe siècles.
• L’aire territoriale sur laquelle s’étend la culture swahilie.
• L’aire territoriale dominée par le sultan de Zanzibar au XVIIIe siècle.
• Le terme désignait également le gingembre[2] que les marchands arabes allaient chercher dans l’île de Zanzibar.
• La mer de Zenj, mer à l’ouest de l’Océan Indien selon les auteurs arabes du moyen âge, y intégrant même les Mascareignes.

La rébellion des Zanj est une révolte d’esclaves noirs contre le pouvoir des Abbassides entre 869 et 883 dans le sud de l’Irak, dans la région de Bassorah.
Beaucoup de propriétaires de la région avaient acheté des centaines d’esclaves noirs originaires de l’Est de l‘Afrique, le Zanj, pour travailler à l’irrigation de leurs terres, en espérant que leur ignorance de la langue arabe les rendraient particulièrement dociles.

En septembre 869, Ali ibn Muhammad prétendant descendre de Ali, le quatrième calife, et de Fatima, la fille de Mahomet, réussit à convaincre plusieurs centaines d’esclaves de se soulever contre le gouvernement central, basé à Samarra, en soulignant leur condition injuste et en leur promettant la liberté et la fortune. Le discours de Ali ibn Muhammad était renforcé par son adhésion à la secte des kharidijiques. Les conditions de vie abominables des esclaves les décidèrent à prendre parti pour la révolte, que d’autres suivirent au nom d’un islam plus pur.

Le soulèvement prit rapidement de l’ampleur, les Bédouins et des mercenaires se joignant à la révolte, et les rebelles remportèrent des batailles contre les forces du calife. Ils bâtirent également une ville, al-Mukhtarah, et prirent plusieurs autres villes importantes, notamment al-Ubullah, port sur le Golfe Persique. Le nouveau calife Al-Mu’tamid confia à son frère, Al-Muwaffaq , une nouvelle armée qui fut défaite en avril 872.
Entre 872 et 879, alors que Al-Muwaffaq combattait l’expansion de la dynastie au pouvoir en Iran, les rebelles prirent d’autres villes et s’établirent dans le Khouzestan. Une seconde offensive organisée en 879 aboutit à la reprise des villes conquises et en 883, grâce au renfort de troupes égyptiennes, al-Muwaffaq écrasa cette révolte et retourna à Bagdad avec la tête d’Ali.
Par la suite, les esclaves noirs furent souvent remplacés par des esclaves slaves grâce au commerce des Radhanites.

Sur l’esclavage des Noirs par les Français

« Je suis fâché que des philosophes qui combattent les abus avec tant de courage n’aient guère parlé de l’esclavage des noirs que pour en plaisanter, ils se détournent au loin ; ils parlent de la Saint-Barthélémy, du massacre des Mexicains par les Espagnols, comme si ce crime n’était pas celui de nos jours, et auquel la moitié de l’Europe prend part. Y a-t-il donc plus de mal à tuer tout d’un coup des gens qui n’ont pas nos opinions, qu’à faire le tourment d’une nation à qui nous devons nos délices ? Ces belles couleurs de rosé et de feu dont s’habillent nos dames, le colon dont elles ouatent leurs jupes ; le sucre, le café, le chocolat de leurs déjeuners, le rouge dont elles relèvent leur blancheur : la main des malheureux noirs a préparé tout cela pour elles. Femmes sensibles, vous pleurez aux tragédies, et ce qui sert à vos plaisirs est mouillé des pleurs et teint du sang des hommes ! »
• « Voyage à l’Ile de France » (1769), dans Oeuvres complètes, Bernardin de Saint-Pierre, éd. Méquignon-Marvis, 1818, t. 1, Lettre XII, Des Noirs, 1769, p. 162

« Comment a-t-on pu donner la liberté à des Africains, à des hommes qui n’avaient aucune civilisation, qui ne savaient seulement pas ce que c’était que colonie, ce que c’était que la France ? Il est tout simple que ceux qui ont voulu la liberté des Noirs, veuillent encore l’esclavage des Blancs. Mais encore croyez-vous que, si la majorité de la Convention avait su ce qu’elle faisait, et connu les colonies, elle aurait donné la liberté aux Noirs ? Non sans doute : mais peu de personnes étaient en état d’en prévoir les résultats, et un sentiment d’humanité est toujours puissant sur l’imagination. Mais à présent tenir encore à ces principes, il n’y a pas de bonne foi, il n’y a que de l’amour-propre et de l’hypocrisie. »
• Réponse de Napoléon à Truguet hostile aux colons des îles et à l’esclavage.
• Napoléon Bonaparte, 21 ventôse an XI, Paris, séance du Conseil d’Etat, dans Le Consulat et l’Empire, paru chez Jules Renouard, 1834, p.323, A.C Thibaudeau.

L’esclavage de l’Orient est celui que l’on voit dans l’écriture sainte ; l’esclave hérite de son maître, il épouse sa fille. La plupart des pachas ont été esclaves ; grand nombre de grands vizirs, tous les Mameluks, Ali-Bey, Mourad-Bey, l’ont été et ont commencé par remplir les plus bas offices dans la maison de leur maître, et se sont élevés par leur mérite ou la faveur. En Occident, au contraire, l’esclave fut toujours au-dessous du domestique ; il occupait le dernier rang. Les Romains affranchissaient leurs esclaves ; mais l’affranchi ne fut jamais considéré l’égal d’un citoyen né libre.
• Campagnes d’Egypte et de Syrie 1798-1799 (dictées par lui-même à Saint-Hélène au gal Bertrand), Napoléon Bonaparte, éd. Comon et cie, 1847, t. 1, Affaires religieuses, p. 234

On aurait peine à s’imaginer ce qu’à pu être pour les Nègres des Antilles la terrible époque qui va du début du XVIIè siècle à la moitié du XIXè siècle, si depuis quelque temps, l’histoire ne s’était chargée de fournir quelques bases de comparaison. Que l’on se représente Auschwitz et Dachau, Ravensbrück et Mathausen, mais le tout à l’échelle immense, celle des siècles, celle des continents, l’Amérique transformée en "univers concentrationnaire", la tenue rayée imposée à toute une race, la parole donnée souverainement aux Kapos et à la schlague, une plainte lugubre sillonnant l’Atlantique, des tas de cadavres à chaque halte dans le désert ou dans la forêt et les petits bourgeois d’Espagne, d’Angleterre, de France, de Hollande, innocents Himmlers du système, amassant de tout cela le hideux magot, le capital criminel qui fera d’eux des chefs d’industrie. Qu’on imagine tout cela et tous les crachats de l’histoire et toutes les humiliations et tous les sadismes et qu’on les additionne et qu’on les multiplie et on comprendra que l’Allemagne nazie n’a fait qu’appliquer en petit à l’Europe ce que l’Europe occidentale a appliqué pendant des siècles aux races qui eurent l’audace ou la maladresse de se trouver sur son chemin. L’admirable ait que le nègre ait tenu !
• Esclavage et colonisation (1948), Victor Schoelcher, éd. PUF, 1948, Introduction par Aimé Césaire, p. 17-18

L’esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois à compter du jour que son maître l’aura dénoncé en justice, aura les oreilles coupées et sera marqué d’une fleur de lis sur une épaule ; et s’il récidive une autre fois à compter pareillement du jour de la dénonciation, aura le jarret coupé et il sera marqué d’une fleur de lis sur l’autre épaule ; et la troisième fois il sera puni de mort.
• Code noir, Rédigé sous Louis XIV (1685) et modifié sous Louis XV (1724), éd. Sepia, 2006, Article 32 (1724), p. 55

Quoique je ne sois pas de la même couleur que vous, je vous ai toujours regardés comme mes frères. La nature vous a formés pour avoir le même esprit, la même raison, les mêmes vertus que les blancs. Je ne parle ici que de ceux d’Europe ; car pour les blancs des colonies, je ne vous fais pas l’injure de les comparer avec vous ; je sais combien de fois votre fidélité, votre probité, votre courage ont fait rougir vos maîtres. Si on allait chercher un homme dans les îles de l’Amérique, ce ne serait point parmi les gens de chair blanche qu’on le trouverait. Votre suffrage ne procure point de places dans les colonies ; votre protection ne fait point obtenir de pensions ; vous n’avez pas de quoi soudoyer des avocats : il n’est donc pas étonnant que vos maîtres trouvent plus de gens qui se déshonorent en défendant leur cause, que vous n’en avez trouvé qui se soient honorés en défendant la vôtre.
• « Réflexions sur l’esclavage des nègres » (1781), dans Oeuvres de Condorcet, Nicolas de Condorcet, éd. Firmin Didot frères, 1847, t. 7, p. 63

C’est l’incontinence, l’avarice et la cruauté des Européens, qui dépeuplent les habitations ; et lorsqu’on prostitue les négresses, pour leur voler ensuite ce qu’elles ont gagné ; lorsqu’on les oblige, à force de traitements barbares, de se livrer, soit à leur maître, soit à ses valets ; lorsqu’on fait déchirer devant elles les noirs qu’on les soupçonne de préférer à leurs tyrans ; lorsque l’avarice surcharge les nègres de travail et de coups, on leur refuse le nécessaire ; lorsqu’ils voient leurs camarades tantôt mis à la question , tantôt brûlés dans des fours, pour cacher les traces de ces assassinats ; alors ils désertent, ils s’empoisonnent ; les femmes se font avorter, et l’habitation ne peut se soutenir qu’en tirant d’Afrique de nouvelles victimes. Il est si peu vrai que la population des nègres ne puisse se recruter par elle-même, qu’on voit la race des nègres marrons se soutenir dans les forêts, au milieu des rochers, quoique leurs maîtres s’amusent à les chasser comme des bêtes fauves, et qu’on se vante d’avoir assassiné un nègre marron , comme en Europe on tire vanité d’avoir tué par-derrière un daim ou un chevreuil. Si les nègres étaient libres, ils deviendraient bientôt une nation florissante. Ils sont, dit-on, paresseux , stupides et corrompus ; mais tel est le sort de tous les esclaves.
• « Réflexions sur l’esclavage des nègres » (1781), dans Oeuvres de Condorcet, Nicolas de Condorcet, éd. Firmin Didot frères, 1847, t. 7, p. 88-89

En travaillant à la Constitution du peuple français, nous n’avons pas porté nos regards sur les malheureux hommes de couleur qui gémissaient dans l’esclavage en Amérique, et la postérité pourra nous reprocher cet oubli, qui, tout involontaire qu’il est, n’en, est pas moins coupable devant la philosophie...On aurait beau dire que nous ne reconnaissons pas d’esclaves en France, n’esl-il pas vrai que nous laissons dans l’esclavage des hommes sensibles et braves, qui ont reconquis leurs droits ? Vainement aurions-nous proclamé la liberté et l’égalité, s’il reste sur le territoire de la République un seul homme qui ne soit pas libre comme l’air qu’il respire, s’il existe encore un esclave ! Proclamons la liberté des hommes de couleur !
• Jean-François Delacroix, 4 février 1794, Assemblée nationale, dans L’abolition de l’esclavage, paru chez J. Lecoffre, 1861, p.13, Augustin Cochin.

Quoi qu’en général les Nègres aient peu d’esprit, ils ne manquent pas de sentiment. Ils sont sensibles aux bons et aux mauvais traitements. Nous les avons réduits, je ne dis pas à la condition d’esclaves, mais à celles de bêtes de sommes ; et nous sommes raisonnables ! et nous sommes chrétiens !
• Denis Diderot, 1765, Encyclopédie, article "Humain", dans Diderot et l’Encyclopédie, paru chez Armand Colin, 1962, p.417, Jacques Proust.

Les nations européennes se vautrent dans l’opulence la plus ostentatoire. Cette opulence européenne est littéralement scandaleuse car elle a été bâtie sur le dos des esclaves, elle s’est nourrie du sang des esclaves, elle vient en droite ligne du sol et du sous-sol de ce monde sous-développé. Le bien-être et le progrès de l’Europe ont été bâtis avec la sueur et les cadavres des Nègres, des Arabes, des Indiens et des Jaunes. Cela nous décidons ne ne plus l’oublier.
• Les Damnés de la Terre (1961), Frantz Fanon, éd. La Découverte poche, 2002, p. 94

Si Hitler gagne la guerre, l’Europe ne sera plus qu’un immense empire d’esclaves.
• (de) Wenn Hitler siegt gibt es ein großes Sklavenreich mit Namen “Europa.”
• Journal, Friedric Kellner (trad. Wikiquote), éd. N/A (non publié), 25 juin 1941, p. 77

Au sud de ce Nil existe un peuple noir que l’on désigne par le nom de Lemlem. Ce sont des païens qui portent des stigmates sur leurs visages et sur leurs tempes. Les habitants de Ghana et de Tekrour font des incursions dans le territoire de ce peuple pour faire des prisonniers. Les marchands auxquels ils vendent leurs captifs les conduisent dans le Maghreb, pays dont la plupart des esclaves appartiennent à cette race nègre. Au delà du pays des Lemlem, dans la direction du sud, on rencontre une population peu considérable ; les hommes qui la composent ressemblent plutôt à des animaux sauvages qu’à des êtres raisonnables. Ils habitent les marécages boisés et les cavernes ; leur nourriture consiste en herbes et en graines qui n’ont subi aucune préparation ; quelquefois même ils se dévorent les uns les autres : aussi ne méritent-ils pas d’être comptés parmi les hommes.
• Les prolégomènes (1377), ibn Khaldoun, éd. Imprimerie impériale, 1863, t. 1, p. 115

Cet achat de nègres pour les réduire en esclavage est un négoce qui viole la religion, la morale, les lois naturelles et tous les droits de la nature humaine.
• Louis de Jaucourt, 1766, Encyclopédie, article "Traite des Nègres", dans Encyclopédie, ou, Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des Métiers, paru chez Flammarion, 1986, p.337, Alain Pons.

L’esclavage chez les mahométans est fort différent de ce qu’il était chez les chrétiens. La situation des esclaves en Orient est bien préférable en effet à celle des domestiques en Europe. Ils font partie de la famille, et peuvent parfois s’élever aux plus hauts emplois. Aucune idée humiliante ne s’attache en Orient à l’esclavage, et on a dit avec raison que l’esclave y est plus près de son maître qu’un domestique chez nous.
• La Civilisation des Arabes (1884), Gustave Le Bon, éd. La Fontaine au Roy, 1990, Livre quatrième, chapitre deuxième, Moeurs et coutumes, p. 284

Le droit de l’esclavage vient du mépris qu’une nation conçoit pour une autre, fondé sur la différence des coutumes.
• De l’esprit des lois (1748), Montesquieu, éd. Firmin Didot frères, 1862, p. 202

Je vous envoie, mon cher commandant, un détachement de cent cinquante hommes de la garde nationale du Cap, commandés par M. Bari, il est suivi de vingt-huit chiens bouledogues. Ces renforts vous mettront à même de terminer entièrement vos opérations. Je ne dois pas vous laisser ignorer qu’il ne vous sera passé en compte aucune ration, ni dépense pour la nourriture de ces chiens. Vous devez leur donner des nègres à manger. Je vous salue affectueusement.
• Le général Rochambeau chargé par Napoléon Ier de reconquérir Haïti écrit au général Ramel le 15 germinal 1803. Rochambeau ajouta "Le capitaine général trouvait très déplacée ma répugnance à me servir des chiens, je ne pus jamais lui faire entendre raison".
• Général Rochambeau, avril 1803, Haïti, dans Vie de Toussaint Louverture, paru chez Ollendorf, 1889, p.373, Victor Schoelcher.

Le droit de l’esclavage est nul, non seulement parce qu’il est illégitime, mais parce qu’il est absurde et ne signifie rien. Ces mots, esclavage et droit, sont contradictoires.
• Du contrat social, Jean-Jacques Rousseau, éd. De l’Imprimerie d’Amable Le Roy, 1792, p. 19

Dès l’instant qu’un homme eut besoin du secours d’un autre ; dès qu’on s’aperçut qu’il était utile à un seul d’avoir des provisions pour deux, l’égalité disparut, la propriété s’introduisit, le travail devint nécessaire et les vastes forêts se changèrent en des campagnes riantes qu’il fallut arroser de la sueur des hommes, et dans lesquelles on vit bientôt l’esclavage et la misère germer et croître avec les moissons.
• Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes - Discours sur les sciences et les arts, Jean-Jacques Rousseau, éd. Flammarion, coll. Garnier Flammarion / Philosophie, 1995 (ISBN 2-08-070243-2), partie II, p. 232 (texte intégral sur Wikisource)

Il y a trente ans qu’on avait un beau nègre pour cinquante livres ; c’est à peu près cinq fois moins qu’un boeuf gras. Cette marchandise humaine coûte aujourd’hui, en 1772, environ quinze cents livre. Nous leur disons qu’ils sont hommes comme nous, qu’ils sont rachetés du sang d’un Dieu mort pour eux, et ensuite on les fait travailler comme des bêtes de somme ; on les nourrit plus mal : s’ils veulent s’enfuir, on leur coupe une jambe, et on leur fait tourner à bras l’arbre des moulins à sucre, lorsqu’on leur a donné une jambe de bois ; après cela nous osons parler du droit des gens !
• « Essais sur les Mœurs » (1756), dans Oeuvres complètes de Voltaire, Voltaire, éd. Moland, 1875, t. 12, chap. CLII-Des iles françaises, p. 419

Nous n’achetons des esclaves domestiques que chez les nègres. On nous reproche ce commerce : un peuple qui trafique de ses enfants est encore plus condamnable que l’acheteur : ce négoce démontre notre supériorité ; celui qui se donne un maître était né pour en avoir.
• « Essais sur les Mœurs » (1756), dans Oeuvres complètes de Voltaire, Voltaire, éd. Moland, 1875, t. 13, chap. CXCVII.Résumé de toute cette histoire..., p. 180

Les Noirs ne sont pas stupides parce qu’ils sont noirs mais parce qu’ils sont esclaves.
• Esclavage et colonisation (1948), Victor Schoelcher, éd. PUF, 1948, p. 71

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