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Révoltes et révolutions des esclaves des Antilles et d’Amérique

jeudi 11 mars 2010, par Robert Paris

Le temps des révolutions d’esclaves de ... la France

Victor Hugo écrivait le 19 mai 1848 : "La proclamation de l’abolition de l’esclavage se fit à la Guadeloupe avec solennité. Le capitaine de vaisseau Layrle, gouverneur de la colonie, lut le décret de l’Assemblée du haut d’une estrade élevée au milieu de la place publique et entourée d’une foule immense. C’était par le plus beau soleil du monde. Au moment où le gouverneur proclamait l’égalité de la race blanche, de la race mulâtre et de la race noire, il n’y avait sur l’estrade que trois hommes, représentant pour ainsi dire trois races : un blanc, le gouverneur ; un mulâtre qui lui tenait le parasol ; et un nègre qui lui portait son chapeau."

“Le capitalisme est né aux Antilles et aux Amériques au XVIe siècle. En 1846 (soit deux ans avant l’abolition de l’esclavage dans les Antilles françaises), Marx pose l’équation entre l’esclavage, la colonisation et le capitalisme : « Sans esclavage, vous n’avez pas de coton ; sans coton vous n’avez pas d’industrie moderne. C’est l’esclavage qui a donné de la valeur aux colonies, ce sont les colonies qui ont créé le commerce du monde, c’est le commerce du monde qui est la condition nécessaire de la grande industrie utilisant les machines. Aussi, avant la traite des nègres, les colonies ne donnaient à l’ancien monde que très peu de produits et ne changeaient visiblement pas la face du monde. Ainsi l’esclavage est une catégorie économique de la plus haute importance. (...) La découverte des contrées aurifères et argentifères de l’Amérique, la réduction des indigènes en esclavage, leur enfouissement dans les mines ou leur extermination, les commencements de conquête et de pillage aux Indes orientales, la transformation de l’Afrique en une sorte de garenne commerciale pour la chasse aux peaux noires, voilà les procédés idylliques qui signalent l’ère capitaliste à son aurore. »

L’esclavage dans les colonies françaises et notamment aux Antilles fut tout aussi violent que dans les autres colonies : objet de non-droit, les esclaves faisant l’objet de tous les commerces et de tous les abus. Comme les Portugais, les Espagnols et les Américains avant eux, les colons français souvent d’ascendance noble, ont débarqué dans les îles accompagnés de centaines d’esclaves. Une fois installé et devenus de riches propriétaires fonciers, certains comtes et autres barons installés en Martinique ou en Guadeloupe trouvèrent un plaisir sadique à mutiler les esclaves et abuser des femmes. La mise à mort des voleurs et autres criminels était aussi banale que les contrats négriers.

Mais un siècle plus tard, la Révolution française de 1789 bouleversa ce régime "royal" accordé aux colonies. Le 15 mai 1791, l’Assemblée nationale accorda le droit de vote à certains hommes de couleur. Ce début d’émancipation inquièta les colons blancs installés à Saint Domingue qui envisagaient de proclamer l’indépendance de l’île pour préserver leur économie florissante. Cette demi-mesure instaurée par Paris ne satisfaisait pas non plus les esclaves affranchis mulâtres tel François Ogé qui réclamaient une véritable égalité entre esclaves et colons.

Le 14 août 1791, au cours d’une cérémonie vaudou dirigée par le prêtre Boukman au Bois-Caïman, près de Morne-Rouge, les esclaves qui avaient fui les plantations et s’étaient réfugiés dans les forêts (appelés esclaves marrons) revendiquèrent l’abolition de l’esclavage.

Un soulèvement populaire s’en suivi le 22 août 1791, dirigé par Boukman et ses lieutenants. Durant cette insurrection des centaines de sucreries et de caférières (plantations de café) furent détruites. Des centaines de Blancs furent massacrés. Ce sera le début d’une longue guerre qui conduira à l’indépendance de la colonie.

Les insurgés noirs reçurent le soutien des affranchis, dont le célèbre François Ogé. La révolte sera finalement organisée par François Toussaint, un cocher âgé de 48 ans et affranchi depuis 15 ans. Il entra au service de François Biassou et ne tarda pas à faire la preuve de son courage et de sa détermination pour abolir l’esclavage. François Toussaint sera surnommé "L’ouverture" (Louverture) en raison de sa bravoure.

Le 28 mars 1792, l’Assemblée législative vota l’égalité de droit entre tous les hommes libres. Excluant les esclaves de tout droit, cette nouvelle demi-mesure réattisa la révolte des esclaves à Saint Domingue.

A la même époque, les Espagnols envisagèrent d’envahir le territoire français de Catalogne. L’exécution de Louis XVI en 1793 marqua le début de la guerre franco-espagnole dans les pyrénées orientales.

ANTILLES

Révoltes et révolutions aux Antilles

La légende est celle d’une France coloniale qui aurait brutalement compris que l’esclavage était inhumain ! Comme si un politicien bourgeois nommé Schoelcher aurait pu proposer avec succès la suppression de l’esclavage sans la révolte des esclaves des Antilles qui s’était développe avec succès bien avant, notamment en Haïti ! Parler de l’abolition de l’esclavage par la France en 1848 « à l’initiative de Victor Schoelcher », c’est « oublier » que l’esclavage colonial a continué bien après. Et surtout, c’est oublier que ce sont les esclaves eux-mêmes qui s’étaient révoltés pour se libérer. Par exemple, en 1656, 1710, 1730, 1752, 1802 en Guadeloupe, en 1733 en Guyane, en 1678, 1699, 1748, 1752, 1822 et 1833 en Martinique, en 1791 à Saint Dominigue, et 1810 à Cuba.…


En 1685, le roi de France Louis XIV dit le "roi Soleil" voulut étendre son pouvoir aux colonies. Par l’entremise de son ministre Jean-Baptise Colbert, il imposa le "Code Noir" dans lequel il définit une doctrine de l’esclavage. Selon le philosophe français Louis Sala-Molins (1987), le Code Noir est « le texte juridique le plus monstrueux qu’aient produits les Temps modernes ».

LE CODE NOIR (EXTRAITS)

Article 33

L’esclave qui aura frappé son maître, sa maîtresse ou le mari de sa maîtresse, ou leurs enfants avec contusion ou effusion de sang, ou au visage, sera puni de mort

Article 34

Et quant aux excès et voies de fait qui seront commis par les esclaves contre les personnes libres, voulons qu’ils soient sévèrement punis, même de mort, s’il y échet.

Article 35

Les vols qualifiés, même ceux de chevaux, cavales, mulets, bœufs ou vaches, qui auront été faits par les esclaves ou par les affranchis, seront punis de peines afflictives, même de mort, si le cas le requiert.

Article 36

Les vols de moutons, chèvres, cochons, volailles, canne à sucre, pois, mil, manioc ou autres légumes, faits par les esclaves, seront punis selon la qualité du vol, par les juges qui pourront, s’il y échet, les condamner d’être battus de verges par l’exécuteur de la haute justice et marqués d’une fleur de lys.

Article 38

L’esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois, à compter du jour que son maître l’aura dénoncé en justice, aura les oreilles coupées et sera marqué d’une fleur de lis une épaule ; s’il récidive un autre mois pareillement du jour de la dénonciation, il aura le jarret coupé, et il sera marqué d’une fleur de lys sur l’autre épaule ; et, la troisième fois, il sera puni de mort.

Article 39

Les affranchis qui auront donné retraite dans leurs maisons aux esclaves fugitifs, seront condamnés par corps envers les maîtres en l’amende de 300 livres de sucre par chacun jour de rétention, et les autres personnes libres qui leur auront donné pareille retraite, en 10 livres tournois d’amende par chacun jour de rétention.

Article 40

L’esclave sera puni de mort sur la dénonciation de son maître non complice du crime dont il aura été condamné sera estimé avant l’exécution par deux des principaux habitants de l’île, qui seront nommés d’office par le juge, et le prix de l’estimation en sera payé au maître ; et, pour à quoi satisfaire, il sera imposé par l’intendant sur chacune tête de nègre payant droits la somme portée par l’estimation, laquelle sera régalé sur chacun desdits nègres et levée par le fermier du domaine royal pour éviter à frais.
Donné à Versailles au mois de mars 1685.
Signé : Louis le quatorzième.

L’esclavage aboli par les révoltes d’esclaves
et pas par les « bons » maîtres ….

PETIT HISTORIQUE

Avec les débuts de la révolution française, lors des Etats Généraux convoqués par le roi en mars 1789, des représentants des Antilles se sot présenté, se disant délégués des populations locales, pour l’essentiel formées d’esclaves. Il existait déjà des mouvements dans la métropole pour l’abolition de l’esclavage et ils n’ont pas manqué de dénoncer le stratagème :

Des esclavagistes candidats à représenter … les Noirs

« Les Planteurs de nos Colonies demandent à avoir 21 députés aux Etats Généraux. Ils ont calculé ce nombre, non seulement d’après la population blanche, mais d’après les populations noires. Comment ces mêmes hommes qui ne rougissent pas d’acheter les Africains et de les traiter comme des bêtes de somme, veulent aujourd’hui les élever non seulement d’hommes mais d’hommes libres ! Ainsi, ils osent aujourd’hui mettre des Noirs sur la ligne des Français, tandis que nous les avons vus constamment, et dans leurs écrits et dans leurs discours, les dégrader au dessous du niveau de l’espèce humaine ! Ah ! Si ce changement de langage n’avait d’autre objet que de réparer une erreur, que d’expier les délits des siècles passés, si les Planteurs ne demandaient à représenter les Noirs que pour avouer, enfin à la face de l’univers, qu’ils sont hommes comme nous, ayant les mêmes droits que nous (..) il ne serait pas de Français sensibles, éclairé, qui ne s’écriât : partageons nos droits avec les Noirs, ils sont hommes, ils sont nos frères. Mais gardons-nous ici du piège qu’on leur tend ; ce n’est pas pour faire rendre aux Noirs leur liberté, ce n’est pas pour en proscrire à jamais l’horrible trafic, que les Planteurs réclament une représentation nombreuse ; non, c’est pour continuer, pour faire sanctionner par la Nation, le régime actuel (..) »

Brissot (Note sur l’admission des planteurs)

Cela n’a nullement empêché ces Planteurs d’obtenir leur représentation et d’exercer une certaine influence sur les assemblées.
Pendant la célèbre nuit du 4 août 1789 où les privilèges féodaux sont abolis par la peur de la révolte des paysans, seul le duc de La Rochefoucauld-Liancourt envisage d’étendre aux esclaves le principe d’égalité devant la Loi.

L’Assemblée Constituante fait un modeste pas en avant en accordant en mars 1790 quelques droits politiques aux mulâtres et aux Noirs affranchis. Manifestement insuffisant !... Le 15 mai 1791, le débat fait à nouveau rage à l’Assemblée nationale. Les représentants des colonies, des planteurs de souche noble, menacent de proclamer leur indépendance si l’on abroge l’esclavage.

« On nous menace du ressentiment de ces nobles d’outre-mer... Ils se consoleront comme se sont consolés les nobles français qui avaient un peu de sens. Si toutefois cette sécession devait avoir lieu, il vaudrait mieux sacrifier la colonie plutôt qu’un principe », répond un audacieux député, Pierre Samuel Dupont de Nemours. Finalement, l’Assemblée se contente d’accorder le droit de vote à certains hommes de couleur libres.

Le 28 mars 1792, la nouvelle Assemblée législative va un peu plus loin et établit une égalité de droit entre tous les hommes libres (à l’exception des esclaves).

Ces demi-mesures ne satisfont guère les esclaves de l’île de Saint-Domingue (aujourd’hui Haïti), la principale et la plus riche de toutes les colonies françaises. Ces derniers se soulèvent sous le commandement d’un chef nommé Toussaint Louverture.

Devant ce soulèvement et les menaces d’invasion anglaise et espagnole, les commissaires de la République française à Saint-Domingue, Sonthonax et Polverel, se résignent à proclamer la liberté générale des esclaves. C’est chose faite le 29 août 1793 dans la province du Nord et le 4 septembre dans les parties ouest et sud.
La Convention généralise ces décision en votant enfin l’abolition de l’esclavage dans toutes les colonies sur une proposition des députés Lacroix, Danton et Levasseur. Les députés de Saint-Domingue sont l’objet de toutes les attentions et le décret du 16 pluviôse An II est voté dans l’enthousiasme.

Il énonce : « La Convention déclare l’esclavagedes nègres aboli dans toutes les colonies ; en conséquence, elle décrète que tous les hommes, sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens français et jouiront de tous les droits assurés par la Constitution. »

Le vote des Conventionnels passe néanmoins inaperçu dans l’opinion publique.

Il est frappant d’observer que, quelques décennies plus tard, le grand historien Jules Michelet n’accorde aucune place à cet événement dans sa monumentale « Histoire de la Révolution française ».
Le décret, il faut l’avouer, est appliqué de façon très variable selon les colonies.

Dans l’archipel des Mascareignes, dans l’Océan Indien (île de la Réunion et île de France, aujourd’hui île Maurice), il est proprement ignoré du fait de l’opposition résolue des colons. L’île de France, plus tard annexée par Londres, attendra 1833 pour abolir l’esclavage et la Réunion, restée française, 1848.

Dans les Antilles, avant même que le décret prenne effet, les Anglais se sont emparés de la Martinique et de la Guadeloupe. Ils resteront en Martinique jusqu’à la paix d’Amiens (1802), date à laquelle ils rendront l’île aux Français. Dans cette île, l’esclavage ne sera donc pas aboli avant l848.

La Guadeloupe suit un destin très différent. Les Anglais en sont chassés presqu’immédiatement, en mai 1794, par un capitaine de navire français, Victor Hugues, à la tête d’un détachement d’un millier d’hommes. Le nouveau maître de l’île fait immédiatement appliquer le décret de Pluviôse mais les Noirs, à peine libérés de leurs chaînes, sont aussitôt astreints à travailler comme salariés sur les plantations.
Dans la grande et riche île de Saint-Domingue, les planteurs appellent les Anglais sitôt voté le décret de Pluviôse ! Le chef des esclaves insurgés, Toussaint Louverture, voyant cela, se rallie au gouvernement de la Révolution et combat les Anglais qui ont débarqué en masse sur l’île. En octobre 1798, le dernier Anglais quitte l’île.

Toussaint Louverture, fort de son succès, annexe la partie espagnole de l’île. Il rétablit la prospérité en imposant, comme en Guadeloupe, le travail forcé. Le 8 juillet 1801, il proclame l’autonomie de Saint-Domingue et se nomme Gouverneur général à vie de la nouvelle République. A Paris, le Premier Consul Napoléon Bonaparte n’apprécie guère...

Bonaparte envoie à Saint-Domingue une puissante expédition militaire pour reprendre possession de l’île, sous le commandement de son beau-frère, le général Charles Leclerc. Ce sera un dramatique échec. Il envoie en Guadeloupe une autre expédition sous le commandement du général Antoine Richepance. Celle-ci réussira à reprendre l’île aux insurgés et à y restaurer l’esclavage, conformément au décret pris par le Premier Consul le 20 mai 1802...

La France n’abolit définitivement l’esclavage qu’en 1848, quinze ans après le Royaume-Uni.

A Saint-Domingue, alors partagée entre la France et l’Angleterre, le représentant français de l’île décide d’empêcher l’expansion des anglais sur la partie française en mettant les noirs de son côté, et particulièrement l’armée menée par Toussaint Louverture : en août 1793, il décrète l’abolition de l’esclavage dans la partie française.
A la suite de ces évènements, le 4 février 1794, est rédigée la première abolition française de l’esclavage : "La Convention Nationale déclare que l’esclavage des nègres dans toutes les colonies est aboli. En conséquence, elle décrète que tous les hommes sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies sont citoyens français, et jouiront de tous les droits assurés par la constitution". Suivi d’aucun décret d’application, cet article n’a jamais été respecté par les propriétaires d’esclaves, déclenchant ainsi de nouvelles révoltes dans les plantations. Une autre conséquence plus positive sera le ralliement de Toussaint Louverture à la France, qui proclame son intention d’établir une république noire.

Avec l’arrivée de Napoléon 1er (Bonaparte) en 1799, et afin de rétablir l’économie coloniale, l’esclavage est officiellement rétabli le 20 mai 1802.

Article 1 :"L’esclavage sera maintenu conformément aux lois et réglements antérieurs à 1789". Le Code noir est restauré et la traite négrière reprend. Cette décision soulève des mouvements de révolte dans les différentes colonies, et oblige la France à envoyer des hommes armés en Guadeloupe et à Saint-Domingue pour rétablir l’ordre. Néanmoins, en 1804, Saint Domingue, devient la République d’Haïti (reconnue par la France seulement en 1825).

En Guyane, la conséquence du rétablissement de l’esclavage est d’avoir amplifié le marronnage.

En 1815, la traite est interdite par Napoléon, cependant elle se poursuit et les conditions de transport des esclaves ne s’améliorent pas.

En 1831, sous la Monarchie de Louis-Philippe, les droits civiques sont reconnus à tous les "hommes de couleur" libres et la Loi du 4 mars interdit la traite. Cette interdiction impose de lourdes peines aux contrebandiers. Malheureusement, ces mesures n’empêchent pas la traite de se poursuivre, elle en est même renforcée.

Cette loi sera pourtant appliquée en Guyane à partir de 1833, et les Noirs saisis sur les bateaux négriers de contrebande seront débarqués dans la colonie, avant d’être libérés.

REVOLTE DES ESCLAVES D’HAITI/SAINT DOMINGUE

Le 14 août 1791, au Bois-Caïman, dans la plaine du Nord, de nombreux esclaves décidèrent d’une révolte, sous l’autorité de Boukman, assisté de Jean-François et Biassou. Ce premier acte de la révolution des esclaves aurait pris la forme d’une cérémonie vaudoue. En quelques jours, toute les plantations du Nord furent en flammes et un millier de blancs, massacrés. Malgré la répression où Boukman fut tué, des bandes d’esclaves armés persistèrent dans les campagnes et les montagnes. Dans d’autres parties du pays, des révoltes plus spontanées s’ensuivirent.

Le soulèvement des esclaves entraîna de vifs débats à la nouvelle Assemblée législative de Paris. Celle-ci fut d’abord sensible aux arguments des colons : Elle envoya des commissaires civils pour ramener à l’ordre les libres et les esclaves. Alors que ces derniers étaient demandeurs d’une paix honorable, la raideur des colons ranima les révoltes. La Législative finit alors par se rallier aux arguments des Girondins comme Brissot, Elie Guadet et Armand Gensonné. Le 4 avril 1792, fut promulguée dans l’enthousiasme l’égalité des droits des libres et des blancs. Pour la faire appliquer, de nouveaux commissaires civils, dont Léger-Félicité Sonthonax et Etienne Polverel, furent envoyés à Saint-Domingue, appuyés de quatre mille volontaires de la garde nationale.

Ceux-ci débarquèrent au Cap le 18 septembre 1792, à la veille de la proclamation de la République française. Sonthonax annonça à son arrivée qu’il entendait préserver l’esclavage. Mais il avait écrit un an plus tôt : « Les terres de St Domingue doivent appartenir aux noirs. Ils les ont acquises à la sueur de leur front » et ne reçut que défiance de la part des colons. Les commissaires s’allièrent d’abord aux mulâtres pour s’imposer. Ils eurent du succès, notamment à Port-au-Prince.
Mais l’exécution du roi, le 21 janvier 1793, déclencha un nouveau clivage. Le 21 juin 1793 au Cap-Français, le nouveau gouverneur Galbaud, royaliste, s’allia aux colons pour renverser les commissaires. Acculés, ceux-ci promirent la liberté à tout esclave qui se battrait pour la République. Des hordes envahirent la ville, la pillèrent et l’incendièrent. Dix mille colons s’expatrièrent.

De leur côté, l’Angleterre et l’Espagne, qui avaient déclaré la guerre à la France, attaquaient Saint-Domingue, qui par la mer, qui par les terres depuis la partie orientale de l’île, possession espagnole. Les espagnols avaient avec eux des colons royalistes ainsi que des bandes d’esclaves révoltés, comme celle de Jean-François et de Biassou, à qui ils avaient promis la liberté. A l’été, de nombreux ports et la plus grande partie du pays étaient occupés.

A la recherche d’alliés, Sonthonax proclama l’abolition de l’esclavage dans le Nord le 29 août 1793. Un mois plus tard, Polvérel fit de même dans le reste du pays.

Aprenant cette décison, la Convention vota, dans l’enthousiasme, le 4 février 1794 l’abolition de l’esclavage dans toutes les colonies.
Toussaint Louverture et la révolution noire.

L’affranchi Toussaint Bréda (du nom de la plantation au Haut-du-Cap où il naquit en 1743) exerçait, malgré sa laideur et sa petite taille, un ascendant tant par ses origines africaines qu’on disait royales Arada que par ses qualités de lettré, de cavalier et de médecin par les plantes.

Il devint aide-de-camp de Georges Biassou, un des successeurs de Boukman, qui se rallia aux Espagnols de l’est de l’île en 1793 afin de combattre les colons. Initié à l’art de la guerre, il remporta plusieurs victoires audacieuses qui lui valurent le surnom de L’Ouverture.
L’abolition de l’esclavage par les commissaires civils le fit réfléchir. Après un échange de courriers avec le général républicain Etienne Lavaux, il changea brutalement de camp en mai 1794. En quelques mois, il refoula les espagnols à la frontière orientale de l’île et vainquit les troupes de ses anciens chefs qui leur étaient restés fidèles. En 1795, il libéra l’intérieur des terres. La Convention l’éleva au grade de général en juillet 1795. En mars 1796, le gouverneur Laveaux, qu’il avait délivré d’une révolte au Cap, le nomma Lieutenant Général de Saint-Domingue.

A mesure de ses victoires, Toussaint confirmait l’émancipation des esclaves.

Grâce aux renforts arrivés de métropole en mai 1796, il reprit la lutte contre les anglais qui tenaient de nombreux ports. Lassés d’un combat sans espoir, ceux-ci finirent par négocier directement avec lui et abandonnèrent St Domingue le 31 août 1798.

Toussaint avait, en effet, éloigné les représentants de l’autorité métropolitaine, y compris Lavaux en octobre 1796, et Sonthonax en août 1797, pourtant revenu comme commissaire civil. Il avait habilement fait élire ces derniers députés de St Domingue à Paris. Le dernier commissaire envoyé par le Directoire, le général Hédouville, embarqua en octobre 1798, après avoir constaté que l’armée n’obéissait qu’à Toussaint.

Les mulâtres, menés par le général André Rigaud étaient les derniers à discuter son autorité. Ils tenaient le sud du pays. Avec l’aide de ses lieutenants Christophe et Dessalines, Toussaint les vainquit en août 1800 après une guerre civile sanglante d’un an. Rigaud embarqua pour la France.

Enfin, après avoir envahi en un mois la partie espagnole de St Domingue (janvier 1801), il établit son autorité sur toute l’île.
Toussaint organisa la remise en marche de l’économie en invitant les colons à y revenir, y compris ceux qui avaient choisi le parti contre-révolutionnaire. Il publia le 12 octobre 1800 un réglement de culture obligeant les noirs à reprendre le travail sur les plantations. Ce travail forcé fut mal perçu par la population. En novembre 1801, une révolte éclata dans les ateliers du Nord. Il la mata et fit fusiller treize meneurs, dont son neveu adoptif, le général Moyse.

Le 8 juillet 1801, il promulgua une constitution autonomiste qui lui donnait les pleins pouvoirs à vie.

La reconquête française et la guerre d’indépendance [modifier]
En représailles, Napoléon Bonaparte, qui avait signé avec l’Angleterre les préliminaires de la paix d’Amiens le 18 octobre 1801, expédia une expédition militaire française de vingt mille hommes et quatre-vingt-six vaisseaux, menée par son beau-frère le général Leclerc, pour reprendre le contrôle de l’île. Les instructions secrètes de Bonaparte étaient de rétablir l’esclavage.

Toussaint arrêta une stratégie de défense de marronnage : Devant l’arrivée des français, en février 1802, les villes furent incendiées et les troupes se retirèrent sur les hauteurs pour pratiquer une guerre d’usure. Les français investirent le plus souvent des villes en ruines, comme le Cap. Les noirs résistèrent, mais durent reculer devant la puissance de l’armée de Leclerc. A la fin avril, les français tenaient toute la côte au prix de cinq mille morts et autant de malades ou blessés.

Leclerc offrit la liberté à Toussaint et l’intégration de ses hommes dans l’armée française en échange de sa reddition. Toussaint accepta. Mais, un mois plus tard, le 7 juin 1802, trompé par de fausses garanties, il fut fait prisonnier. Il aurait dit en embarquant : "En me renversant, on n’a abattu que le tronc de l’arbre de la liberté des Noirs. Il repoussera par les racines, car elles sont profondes et nombreuses." Enfermé au Fort de Joux, dans le Jura, il y mourra le 7 avril 1803.

Les vingt mille soldats de Toussaint restèrent un temps fidèles à Leclerc. Mais ce dernier ordonna le désarmement général de la population et, pour y aboutir, usa d’exécutions sommaires. Il rétablit l’esclavage dans l’est de l’île, anciennement espagnole, en juillet 1802.
En octobre 1802, les troupes ralliées aux français firent défection, sous la conduite des anciens lieutenants de Toussaint, dont Pétion, Christophe et Dessalines. Par des attaques multiples, plusieurs villes furent reprises dans le mois. Les troupes françaises, frappées de plus par les maladies tropicales, résistaient mal. Leclerc décèda de la fièvre jaune le 1er novembre.

Le général Rochambeau lui succèda. Energique, connaissant Saint-Domingue pour y avoir fait campagne en 1792, il sut reprendre quelques villes, mais pas l’intérieur du pays. Sa cruauté était telle qu’elle eut pour effet d’amplifier la résistance.

Jean-Jacques Dessalines fédèra la rébellion et lui donna une ambition de guerre d’indépendance. Le 18 mai 1803, le blanc du drapeau français fut déchiré pour créer le drapeau de l’armée indigène bleu et rouge. Il symbolisait l’alliance des noirs et des mulâtres, séparés des blancs. D’août à octobre, les villes furent reprises. Les français ne détenaient plus guère que le Cap. La défaite finale eut lieu à la bataille de Vertières le 18 novembre 1803.

Le 1er janvier 1804, Dessalines déclara l’indépendance du pays qu’il baptisa de son nom indien. Haïti devint ainsi la première république noire du monde.

Conclusion

Le bilan en vies humaines fut particulièrement lourd. En 1804, la population haïtienne était réduite à environ 300 000 âmes, au lieu des quelques 550 000 à la veille de la révolution.

Il faudra, de plus, attendre 1825 pour que la France de Charles X "concède" l’indépendance à Haïti, moyennant le paiement d’une indemnité de 150 millions de francs or pour "dédommager les anciens colons". Renégociée en 1838 à 90 millions, cette dette d’indépendance fut entièrement honorée par versements successifs jusqu’en 1883. Certains historiens identitaires caribéens affirment que cette dette a rendu Haïti la nation la plus sous-développée d’Amérique.

Qui était Dessalines

Les jacobins noirs

La Révolution française et l’esclavage des Noirs

CHRONOLOGIE DES ABOLITIONS

1815 : Décision d’abolition de la traite par les puissances européennes au congrès de Vienne.

1822 : Abolition à Santo Domingo

1823 : Chili

1826 : Bolivie

1829 : Mexique

1833 – 1838 : Colonies britanniques des West Indies (îles des Caraïbes orientales, Jamaïque, Trinidad, Honduras et Guyane britannique) et de l’île Maurice (ex. Ile de France).

1846 – 1848 : Colonies des îles Vierges danoises (Sainte – Croix, Saint – Jean, Saint – Thomas).

1847 : Saint – Barthélémy (Suède).

1848 : Colonies françaises (Guadeloupe, Martinique, partie française de Saint – Martin, Guyane et îles de la Réunion).

L’ABOLITION FRANCAISE DE L’ESCLAVAGE EN 1848

En 1848, le ministre de la marine et des colonies, Arago, n’envisage pas une abolition immédiate de l’esclavage. Il veut attendre que la nouvelle constitution soit votée. En attendant, il fait de vagues promesses. V. Schoelcher va le pousser dans la voie d’une action rapide. Le 3 mars, ils se rencontrent :

"Dans un entretien que nous eûmes ensemble ce même jour (le 3 mars), M. Schoelcher me prouva qu’il fallait absolument revenir à l’idée de l’émancipation immédiate ...Les arguments de M. Schoelcher portèrent une entière conviction dans mon esprit, et je résolus de présenter à mes collègues un décret d’émancipation immédiate."

Le point de vue de Schoelcher :

"Le gouvernement provisoire a été parfaitement logique lorsqu’il appela au suffrage universel les esclaves qu’il affranchissait. En rendant les nègres à la liberté, on ne pouvait leur marchander le droit, on ne pouvait en faire des demi-citoyens, des quarts de citoyen ... Les colonies ne pouvaient être privées du suffrage universel sans lequel il n’y a pas de République"

"Le travail perdra-t-il des bras ? Sans aucun doute, au premier jour de l’émancipation, les nègres voudront se sentir vraiment libres, en laissant la houe, symbole de la servitude. Mais il n’est pas moins permis de croire qu’après ce premier moment donné au repos ils reviendront au travail, désormais affranchi de la contrainte et du fouet, régénéré par la liberté, transformé par une juste rémunération en une source de bien-être ... Seulement, s’ils ont eu à souffrir de la conduite du maître, s’ils trouvent en d’autres lieux plus d’avantages, un sol plus fertile, un plus heureux climat, il est probable qu’ils s’y rendront de préférence : c’est naturel et c’est juste."

"Dans le régime de l’esclavage, il y a le maître qui possède et l’esclave qui est possédé ; et si la France doit une indemnité pour cet état social qu’elle a toléré et qu’elle supprime, elle la doit bien sans doute à ceux qui ont souffert autant qu’à ceux qui en ont profité. Le dédommagement ne peut pas être donné à la propriété exclusivement ; il doit être assuré à la colonie toute entière, afin de tourner en même temps au profit et du propriétaire et du travailleur."

Le décret d’abolition de l’esclavage 27 avril 1848

« A l’avenir, même en pays étranger, il est interdit à tout Français de posséder, d’acheter ou de vendre des esclaves, et de participer, soit directement, soit indirectement à tout trafic ou exploitation de ce genre. Toute infraction à ces dispositions entraînera la perte de la qualité de citoyen français.

Néanmoins les Français qui se trouvent atteints par ces prohibitions, au moment de la promulgation du présent décret, auront un délai de trois ans pour s’y conformer. »

À la Martinique, les circonstances particulières de l’abolition ont donné lieu à une polémique entre partisans de la commémoration de l’esclavage le 27 avril et les partisans de la célébration du 22 mai comme date de l’abolition de l’esclavage. L’impatience des esclaves de jouir d’une liberté qui leur avait été annoncée en même temps que la proclamation de la République (fin mars 1848) aboutit, à Saint Pierre de la Martinique, le 22 mai 1848, à une émeute populaire qui contraint le Gouverneur de la colonie à proclamer l’abolition immédiate le 23 mai sans attendre l’arrivée des décrets du 27 avril.

Ces décrets ne devaient parvenir à la Martinique que le 4 juin 1848. Ils prévoyaient l’abolition dans un délai de deux mois après leur promulgation dans la colonie.

Pour tenir compte de la réalité de l’abolition déjà effective depuis près de deux semaines à l’arrivée des décrets, il a donc fallu les modifier à la Martinique (et à la Guadeloupe où le gouverneur pour éviter la contagion avait suivi l’exemple de son collègue de l’île voisine et aboli l’esclavage le 27 mai).

Contrairement à ce que tous les colons annonçaient, le décret d’abolition de l’esclavage n’a entraîné que peu de débordements en Martinique. Libres, les esclaves ne se sont pas empressés d’égorger leurs anciens propriétaires. (Par contre, en Guadeloupe, les choses se passèrent tout autrement.) Les planteurs martiniquais réussirent même, le décret d’abolition survenant en pleine période de récolte, à convaincre leurs anciens esclaves de rester quelques jours terminer celle-ci.

Mais après, les choses se gâtent rapidement. Libres, les affranchis abandonnent les plantations de canne pour cultiver leur propre lopin de terre, et les propriétaires qui ont besoin de bras, ont du mal à les persuader de revenir travailler. Quant ils reviennent, ils exigent évidemment un salaire, ce qui renchérit d’autant le coût du sucre produit sur l’île, et grève les bénéfices.

Cela ne pouvait tomber au plus mauvais moment. Après 60 ans de troubles divers (Révolution, guerre avec l’Angleterre et blocus économique), la Martinique, comme les autres colonies de plantation, déjà ruinée, déjà à genoux, est sur le point de succomber à la concurrence d’un ennemi longtemps dédaigné : la Betterave.
Vers le début du siècle, des savants mettent au point un procédé de production du sucre à partir de la betterave, puis ne cessent de le perfectionner, encouragés en cela par le blocus économique qui empêche la majeure partie du sucre des colonies d’atteindre la métropole et en accroît considérablement le prix.

Face à cette concurrence imprévue, les planteurs de Martinique restent d’abord sereins, pensant que ce produit de substitution ne durera que le temps d’un blocus.

Mauvais calculs. D’abord artisanale, la production du sucre de betterave se développe à une vitesse fulgurante en métropole, pour atteindre bientôt le rang d’industrie. Des milliers d’emplois se créent en quelques années, et en 1848, la production atteint en volume, celle des colonies.

Pire, la betterave attire les capitaux au détriment de la canne à sucre. Les investisseurs comprennent vite les avantages du sucre produit en métropole sur celui provenant des colonies. Investir dans des champs et dans des raffineries directement dans l’hexagone leur semble infiniment moins risqué que sur ces terres lointaines aux économies déjà vacillantes ; déjà ruinées en fait.

En métropole, ni les terres, ni les bras ne manquent. De plus, les consommateurs, le marché sont là. Et, l’économie du transport transatlantique rend le produit encore plus compétitif.
La plupart des planteurs n’a rien vu venir ! Longtemps surprotégés par des allègements fiscaux, longtemps endormis par les confortables bénéfices obtenus d’un sucre vendu à un cour élevé, ils se trouvent soudain obligés de produire à moindre coût, pour contrer la concurrence de la betterave. Mais comment faire quand les plantations emploient en 1848 les mêmes méthodes de culture archaïques, dévoreuse en bras, des débuts de la colonisation ? Oui, comment baisser les prix, à l’heure où la main d’œuvre n’est plus servile ?
Le XIXème siècle est bien entamé, la révolution industrielle est déjà sur les rails. Mais en retard d’un train, les planteurs de Martinique, plutôt que d’investir dans des machines nouvelles pour remplacer une force de travail défaillante, vont persévérer dans la même logique : des bras, encore des bras. Mais surtout, des bras moins coûteux que ceux des anciens esclaves.

Après un intense travail de lobbying auprès de la République, ils obtiennent enfin ce qu’ils veulent. La mise en place de nouvelles filières d’immigration, libres cette fois, pour faire venir des Engagés (contrat de 5 ans) des côtes d’Afrique et des Indes.

LES ESCLAVES LIBÉRÉS PAR LEURS PROPRES LUTTES

On nous parle de commémoration de l’abolition de l’esclavage par la France en 1848 « à l’initiative de Victor Schoelcher ». C’est oublier que l’esclavage colonial a continué bien après. Et surtout, c’est oublier que ce sont les esclaves eux-mêmes qui s’étaient révoltés pour se libérer. Par exemple, en 1656, 1710, 1730, 1752, 1802 en Guadeloupe, en 1733 en Guyane, en 1678, 1699, 1748, 1752, 1822 et 1833 en Martinique, en 1791 à Saint Domingue, et 1810 à Cuba.…

Des nombreuses révoltes ont secoué toutes les colonies à esclaves depuis la fin du XVIII° siècle et qui ont amené les métropoles à abolir l’ esclavage dans leurs colonies par peur d’un nouveau Saint Domingue où l’insurrection (1791) avait abouti en 1804, au terme d’une longue guerre, à la perte de la colonie et à la proclamation de la première République noire d. Haïti.


PRINCIPALES RÉVOLTES D’ESCLAVES AUX CARAÏBES

DU XVIème AU XIXème SIÈCLE

Chronologie établie par Nelly SCHMIDT, d’après son ouvrage « L’abolition de l’esclavage. Cinq siècles de combats, XVIe-XXe siècle », et Oruno D. LARA, « Caraïbes en construction : espace, colonisation, résistance. »

  1503 - Première révolte d’esclaves à Ayti / La Española. Début du XVIe siècle : édification des premiers palenque en Ayti / La Española, à Cuba, aux Guyanes.

 1514-1533 - Rébellion du Cacique Enrique à Ayti / La Española.

 1521 - La plantation sucrière de Diego Colomb est dévastée par une rébellion d’esclaves.

 1523 - Soulèvement d’esclaves à Puerto Rico.

 1526 - Soulèvement d’esclaves en Caroline du Sud (alors établissement espagnol).

 1529 - Début des révoltes d’esclaves en Colombie : les esclaves incendient le port de Santa Marta.

 1530 - Premières rébellions et premiers cimarrons en Castille d’Or.

 1533 - Révolte dans une mine d’or de la partie orientale de Cuba.

 1537 - Révolte d’esclaves au Mexique.

 1538 - Soulèvements d’esclaves à Cuba.

 1549-1553 - Guerre contre les palenques de San Miguel au Panama.

 1553 -1558 - Guerre contre le palenque du cimarron Bayano.

 1573-1576 - Les cimarrons de la Castille d’Or aident les expéditions de Drake contre les possessions espagnoles, de Nombre de Dios à Panama.

 1599-1619 - Répression contre le palenque de San Basilio en Colombie.

 fin du XVIe siècle : Edification du quilombo de Palmares dans la région de Pernambouc au Brésil.

 début du XVIIe siècle - Edification des premiers grands camps de nègres marrons en Jamaïque, dans les Iles Vierges, en Guadeloupe et en Martinique.

 1607 - Soulèvement d’esclaves au Brésil.

 1608 et 1612 - Révoltes d’esclaves au Mexique.

 1612-1613 - Les Espagnols accordent la liberté et l’autonomie aux cimarrons du palenque de San Basilio établi en Nouvelle-Grenade depuis 1599-1600.

 1636 - Etablissement du premier grand-camp de nègres marrons en Guadeloupe, dans les hauteurs de Capesterre.

 1639 - Soulèvement d’esclaves à Saint-Christophe.

 1649 - Soulèvement d’esclaves à la Barbade.

 1656 - Soulèvement d’esclaves en Guadeloupe.

 1644-1645 - Deux expéditions hollandaises contre le quilombo de Palmares au Brésil.

 1650 - Début de la répression contre les cimarrons de la région de Caracas.

 1673 - Première grande insurrection d’esclaves en Jamaïque. Ils forment la première « bande » de « marrons » reconnue. Soulèvement d’esclaves aux Bermudes.

 1675 - Soulèvement d’esclaves à la Barbade.

 1678 - Soulèvement d’esclaves en Martinique et en Jamaïque.

 1679 - Les cimarrons de Santa Marta, en Nouvelle-Grenade, obtiennent la liberté et des terres. Soulèvement d’esclaves à Saint-Domingue.

 1685-1686 - Soulèvement d’esclaves en Jamaïque.

 1687 - Soulèvement d’esclaves à Antigua.

 1690 - Première révolte d’esclaves en Guyane hollandaise.
Soulèvement d’esclaves en Jamaïque.

 1691 - Soulèvement d’esclaves à La Española.

 1692 - Soulèvement d’esclaves à la Barbade.

 1695 - Destruction du quilombo de Palmares après trois semaines de siège par les troupes portugaises.

 1699 - Soulèvement d’esclaves en Martinique.

 1700 - Soulèvement d’esclaves à la Jamaïque.

 1701 - Soulèvement d’esclaves à Antigua.

 1704 - Soulèvement d’esclaves à la Jamaïque.

 1710 - Soulèvement d’esclaves en Guadeloupe et en Martinique.

 1713 - Soulèvement d’esclaves à Cuba.

 1720 - Soulèvement d’esclaves au Brésil et en Jamaïque.

 1725-1740 - Première Guerre des « Maroons » en Jamaïque.

 1730-1740 - Rébellions d’esclaves dans les Caraïbes orientales, notamment en Jamaïque, à la Dominique, à la Guadeloupe, à Antigua et à Saint-Jean. Soulèvements au Suriname.

 1731 - Les esclaves des mines de cuivre de Santiago del Prado, à Cuba, rejoignent le palenque voisin.

 1732 - Soulèvement d’esclaves au Venezuela.

 1733 - Révolte d’esclaves à Berbice, Guyane.

 1735 - Insurrection de plus de 1 000 esclaves dans la région de Veracruz au Mexique.

 1738 - Signature, en Jamaïque, d’un traité de paix avec les « maroons », à Trelawney Town.

 1730-1740 - Succession de révoltes d’esclaves en Virginie, en Caroline du Sud et en Louisiane. 1739 : révolte de Stono en Caroline du Sud ;

 1742 - Soulèvement d’esclaves en Jamaïque.

 1746 - Soulèvements d’esclaves à Sainte-Croix et en Jamaïque.

 1748 - Soulèvement d’esclaves en Martinique.

 1749 - Conspiration d’esclaves à Caracas au Venezuela. Guyane hollandaise : les nègres marrons établis le long des rivières obtiennent la reconnaissance de leur indépendance des autorités coloniales hollandaises (les Saramaka). Révolte d’esclaves à Berbice en Guyane.

 1750 - soulèvement d’esclaves à Curaçao. Soulèvement d’esclaves au Suriname/Guyane hollandaise.

 1751 - Révolte d’esclaves à Berbice.

 1752 - Soulèvements d’esclaves en Guadeloupe et en Martinique.

 1753-1757 - Rébellion menée par Makandal à Saint-Domingue.

 1754 - Soulèvement d’esclaves en Jamaïque.

 1757 - Soulèvement d’esclaves au Suriname/Guyane hollandaise.
 1759 - Tentative de rébellion des esclaves de Sainte-Croix, Iles Vierges danoises.

 1760 - Rébellion des Coromantins en Jamaïque. Les Djuka, établis en Guyane sur un affluent du Maroni, obtiennent la reconnaissance de leur indépendance par les autorités hollandaises en 1762.

 1761 - Soulèvement d’esclaves aux Bermudes.

 1762-1764 - Grande insurrection des esclaves de Berbice, Guyane hollandaise. Les chefs des rebelles Saramaka concluent des traités de paix avec les autorités hollandaises.

 1765-1784 - Révoltes à Westmoreland, Hanovre, St. James et Kingston en Jamaïque.

 1772 -Boni s’établit en territoire de Guyane française avec sa communauté. Une convention franco-hollandaise reconnaît leur établissement en 1860.

 1773 - Soulèvement d’esclaves au Honduras britannique (Belize).

 1776 - Soulèvement d’esclaves en Jamaïque et à Montserrat.

 1778 - Soulèvement d’esclaves à St.Kitts/Saint-Christophe.

 1779-1783 - Première Guerre des Karibs à Saint-Vincent.

 1789-1792 - Soulèvements d’esclaves au Brésil.

 1791 - 1793 - Rébellion des esclaves de Saint-Domingue.

 1795 - Conspiration d’esclaves à Coro, Venezuela. Révolte d’esclaves à Curaçao. Insurrection d’esclaves à Demerara en Guyane. Seconde Guerre des Karibs à Saint-Vincent.

 1795-1796 - Deuxième guerre des « maroons » en Jamaïque. Révolte d’esclaves à la Grenade, à Puerto Rico et en Colombie.

 1796 - 16 000 esclaves fugitifs sont capturés dans la région de La Havane à Cuba suite au nouveau « Réglement sur les nègres cimarrons ».

 1798 - Insurrections au Venezuela, en Jamaïque, et à Bahia, Brésil.

 1799 - Conspiration d’esclaves à Maracaïbo au Venezuela et dans les Iles Vierges britanniques.

 1795-1805 - Deuxième Guerre des Karibs à Saint-Vincent.
Négociations entre les Karibs et les Britanniques.

 1800 - Insurrection de Gabriel Prosser en Virginie, Etats-Unis.

 1802 - Insurrection contre le rétablissement de l’esclavage en Guadeloupe.

 1803 - Insurrections d’esclaves en Jamaïque et à Trinidad.

 1805 - Insurrection d’esclaves à Puerto Rico.

 1806 - Insurrection d’esclaves à Trinidad.

 1807 - Insurrections d’esclaves au Brésil, en Jamaïque, en Martinique.

 1810 - Insurrection d’esclaves à Cuba.

 1812 - Insurrection d’esclaves à Cuba, Puerto Rico, Dominique.

 1815 - Insurrection d’esclaves à la Jamaïque.

 1816 - Insurrection d’esclaves à la Barbade et au Brésil.

 1819 - Insurrection d’esclaves à Trinidad.

 1820 - Insurrection d’esclaves à Puerto Rico, Antigua, Tortola, Cuba, en Martinique et au Honduras britannique.

 1821 - Insurrection d’esclaves à Puerto Rico.

 1822 - Insurrection d’esclaves aux Etats-Unis (Denmark Vesey en Caroline du Nord), au Brésil et à Puerto Rico.

 1822-1823 - Insurrection d’esclaves en Martinique.

 1825 - Insurrection d’esclaves à Trinidad.

 1831 - Insurrection d’esclaves en Martinique, en Guadeloupe, en Jamaïque, aux Etats-Unis (Nat Turner en Virginie).

 1831-1832 - Insurrection d’esclaves en Jamaïque (plus de 20 000 insurgés).

 1832 - Insurrection d’esclaves à Puerto Rico.

 1833 - Insurrection d’esclaves en Martinique et à Puerto Rico.

 1835 - Insurrection d’esclaves au Brésil (Bahia).

 1839 - Affaire des captifs révoltés du navire Amistad entre Cuba, l’Espagne et les Etats-Unis. Insurrection d’esclaves au Brésil.

 1840 - Insurrection d’esclaves en Guadeloupe et à Puerto Rico.

 1841 - Insurrection d’esclaves en Louisiane et à Puerto Rico.

 1843 - Insurrection d’esclaves à Cuba, en Martinique, à Puerto Rico.
 1844 - Conspiration de La Escalera à Cuba.

 1848 - Insurrection d’esclaves en Martinique. Soulèvements en Guadeloupe. Insurrection d’esclaves à Sainte-Croix. et à Puerto Rico.

 1851 - Insurrections des esclaves des vallées de Chicama et de Cañete au Pérou.

 1859 - Rébellion de John Brown en Virginie, Etats-Unis.

 1874 - Soulèvement d’esclaves au Brésil.

La révolution des esclaves d’Haïti

Haïti

18 Novembre 1803, les esclaves remportent la bataille de Vertières

LES PRÉMISSES DE LA RÉVOLUTION ANTI-ESCLAVAGISTE

En Haïti, le 18 novembre est un jour férié qui célèbre la victoire de Vertières. C’est en ce lieu que le 18 novembre 1803, l’armée des esclaves remporta une victoire décisive sur les troupes envoyées par Napoléon pour rétablir l’esclavage sur l’île d’Haïti. La bataille de Vertières est pour les esclaves d’Haïti la fin d’une longue et sanglante guerre de libération. Cette guerre a commencé par une lutte des esclaves pour se libérer de l’exploitation des colons français.
En France la révolution se développait depuis 1789 et l’abolition de l’esclavage n’était pas acquise en 1791. Pour la bourgeoisie maritime, abolir l’esclavage équivalait à abolir la source de leurs richesses. Aux yeux de cette bourgeoisie qui se révoltait contre l’aristocratie, les esclaves n’étaient pas des hommes.

Le point de départ de cette révolution fut la révolte de 1791 avec Boukman. Les bandes d’esclaves armés se répandirent sur la plaine du Nord. Dans leurs rangs se détachèrent des hommes qui prirent la direction des bandes tels Biassou, Jean François, puis Toussaint Louverture qui organisa une véritable armée d’esclaves.

On assista alors à une succession de luttes armées qui en plus d’opposer entre eux Noirs, Mulâtres et colons, opposa également Français et Anglais pour le contrôle de l’île. Les colons n’hésitant d’ailleurs pas à s’allier aux Anglais pour recouvrer des droits que la Révolution avait abrogés.

Tirant profit des affrontements entre les bourgeoisies française, espagnole, anglaise pour la possession de l’île de Saint Domingue, Toussaint mena l’armée des esclaves à des victoires qui obligèrent les représentants de la révolution, les commissaires Sonthonax et Poverel à proclamer l’abolition de l’esclavage dans la partie française de Saint Domingue le 21 août 1793, sous peine de perdre cette colonie.

TOUSSAINT LOUVERTURE

Toussaint Louverture, général de « l’armée française », occupa toute la partie française et les généraux de l’armée mirent la main sur les terres laissées par les colons en fuite. Il essaya de relancer l’agriculture de l’île comme axe de l’économie en ramenant les anciens esclaves vers les grandes propriétés en tant que travailleurs libres. Il fit appliquer la militarisation du travail sous la forme du « caporalisme agraire » dans le but de relancer la production sucrière qui était plus rentable pour la classe dirigeante que la production vivrière qui était plus nécessaire aux travailleurs.

Malgré le prestige qui auréolait Toussaint, cette politique éloigna de lui les anciens esclaves, alors que dans le même temps Napoléon Bonaparte, qui avait tiré profit tant de la révolution que du recul de celle-ci pour asseoir son pouvoir, se préparait à rétablir l’esclavage à Saint Domingue.

LA GUERRE D’INDEPENDANCE

Le 1er février 1802, une expédition coloniale faite de 86 vaisseaux transportant une armée de 22.000 hommes débarquait à Saint Domingue, sous la direction du général Leclerc le beau frère de Napoléon. Malgré une résistance acharnée, l’armée des esclaves fut battue par une force mieux équipée. Toussaint fut capturé par traîtrise et déporté au fort de Joux où il mourut le 7 avril 1803. Mais les troupes de Leclerc étaient décimées par la fièvre jaune, alors il temporisa dans son action pour désarmer les troupes noires.

Il obtint que les généraux noirs comme Dessalines, Christophe ou mulâtres comme Pétion et Clervaux gardent le commandement de leurs troupes en les intégrant dans les troupes françaises. Ainsi pendant quelques mois ces généraux et les hommes sous leur commandement se battirent contre les bandes d’esclaves insurgés. Mais bien que ces généraux aient la possession de domaines, les colons esclavagistes les considéraient, malgré leur uniforme, comme des anciens esclaves qui devaient retourner sur les plantations.
La masses des anciens esclaves n’avait accédé à aucun privilège, elle n’était aveuglée par aucun uniforme, elle n’avait rien à perdre et était déterminée à lutter jusqu’au bout. Les esclaves insurgés redoublèrent leurs attaques quand la nouvelle se propagea que la mission de Leclerc était le rétablissement de l’esclavage. Dans le même temps parvint la nouvelle qu’en Guadeloupe le général Richepance avait rétabli l’esclavage au nom de Bonaparte.

Les paysans avaient gardé les armes qui leur avaient été données par Sonthonax. Ils rejoignirent les bandes armées. Les officiers, Dessalines, Christophe, Pétion, finalement, comprirent que le jeu de Leclerc était le rétablissement de l’esclavage. En février 1803, à la Petite Rivière de l’Artibonite, Dessalines, le chef des insurgés Noirs et Pétion, le leader des Mulâtres, décidèrent de ne plus combattre aux côtés des Français. Ils se rallièrent à l’insurrection avec les soldats qu’ils commandaient et en prirent la direction au nom de l’unité nationale contre l’envahisseur. Dessalines réussit à imposer l’unité de commandement et elle fut proclamée au congrès de l’Arcahaie le 18 mai 1803. Il présenta symboliquement le drapeau de l’union des Mulâtres et des Noirs dans la lutte pour leur liberté, deux bandes, bleu et rouge et y fit inscrire la devise « Liberté ou la Mort ». Dessalines fut alors nommé Général en chef de l’armée de l’insurrection, les différents chefs locaux qui avaient mené la guérilla prélude à l’insurrection devaient se soumettre ou disparaître. Les mots d’ordre de liberté, d’indépendance menaient les insurgés au combat. Aucun ne voulait le retour à l’esclavage. La guerre devint une guerre d’indépendance menée par une armée organisée bénéficiant de l’appui de la majorité de la population.

VICTOIRE DES ESCLAVES INSURGES

Le général Rochambeau remplaça Leclerc à sa mort et intensifia les attaques contre les insurgés, mais ses atrocités n’entamèrent pas leur détermination. La fièvre jaune et le harcèlement de l’armée des esclaves ravagèrent les troupes françaises et les armées insurgées s’emparèrent de grandes villes comme les Cayes et Port au prince. Dans sa progression vers la capitale, le Cap Haïtien, les armées noires affrontèrent celles de Rochambeau à Vertières le 18 novembre 1803.
L’histoire d’Haïti retient qu’à Vertières, ce 18 novembre 1803, les soldats noirs avec un équipement moindre, ont vaincu la meilleure armée d’Europe venue pour les remettre sous le joug.

La route de la capitale leur fut alors ouverte, et Rochambeau se rendit à Jean-Jacques Dessalines. Les garnisons françaises capitulèrent les unes après les autres. L’ancienne colonie proclama son indépendance le 1er janvier 1804, devenant la première république noire libre. Elle prit alors le nom d’Haïti que les premiers habitants amérindiens avaient donné à l’île.

DES « JACOBINS NOIRS » AUX « BOLCHEVIKS NOIRS » ?

Les esclaves ont été les moteurs de la victoire, les fers de lance de l’indépendance. Leur détermination a obligé même leur chef à ouvrir les yeux sur les colonialistes et leur armée. Mais au lendemain de l’indépendance ils ne reçurent pas la terre qu’ils désiraient et qui était le garant de leur liberté, ce sont les généraux qui se la partagèrent. Ils devinrent ainsi l’embryon d’une nouvelle et cruelle classe oppressive noire et mulâtre.

Les intérêts des esclaves n’ont pas été préservés par ceux en qui ils avaient confiance au nom de l’unité.

Cette même unité est resservie par le gouvernement Latortue, le 18 Novembre 2005 quand il se déplaça en grande pompe à l’Arcahaie, lieu historique. Flanqué d’un cortège de politiciens, de beaux parleurs, de comédiens, Latortue a recousu symboliquement le drapeau national en appelant à l’unité de tous les enfants du pays, riches pauvres, noirs, mulâtres, en leur demandant d’être tous derrière les élections. Dans la foulée, les patrons, les bourgeois présentèrent leur contrat social où ils détaillèrent les nouvelles bases de l’exploitation des travailleurs dans les entreprises, toujours au nom de l’unité et du salut national.

En 1803 les esclaves se sont battus pour leur liberté, en 2005 ce souvenir est utilisé par les politiciens pour semer l’illusion et pour mettre les travailleurs sous le joug des bourgeois au nom de la nation haïtienne. Les esclaves modernes que sont les travailleurs surexploités d’Haïti, avec le parti révolutionnaire prolétarien qu’ils construiront, retrouveront un jour l’héroïsme de leurs ancêtres pour se libérer définitivement du joug de l’oppression impérialiste et des classes dirigeantes noires qui les oppriment si cruellement. Alliés aux ouvriers de la Caraïbe ils pourront alors contribuer à l’émancipation de tous les travailleurs de la Caraïbe et peut être aussi des travailleurs du monde entier.

Commémorer les luttes d’hier pour renforcer les luttes d’aujourd’hui !
La fin du mois de mai 2005 a vu se multiplier les commémorations, les unes envers nos ancêtres esclaves et leurs luttes pour leur libération ; d’autres envers les répressions brutales et meurtrières des manifestations de fin mai 1967.

Cette année, dans les deux îles, en Guadeloupe et Martinique et dans l’émigration à Paris, on a largement honoré la mémoire des combattants de 1802 et 1848. Différentes manifestations furent suivies par des milliers de gens, descendants des esclaves africains qui furent les instruments d’enrichissement d’une classe békée locale et furent parfois exploités par des notables mulâtres ou noirs. Mais surtout c’est sur la base du trafic d’esclaves (traite négrière, pendant près de trois siècles), que des bourgeois des ports français s’enrichirent. C’est ainsi que la traite et l’esclavage des Noirs d’Afrique, aux Antilles et en Amérique, servit de base pour l’accumulation des capitaux qui permirent le développement capitaliste dans plusieurs pays d’Europe : France, Angleterre, Pays-Bas…

1802 -1848 : de l’échec à la victoire !

Rappelons que l’abolition a été décrétée le 26 avril 1848 en France. Ce décret aurait mis plus de huit semaines à parvenir sur place. Les esclaves des Antilles n’ont pas attendu ! La rumeur qu’une révolution avait bien eu lieu à Paris a provoqué une montée d’effervescence dans les ateliers, dans les champs, parmi la population noire esclave. Et c’est à partir de cette ébullition que des événements décisifs vont éclater en Martinique en fin mai 1848, qui à St Pierre qui à Fort de France, aussitôt suivis d’une mobilisation des esclaves dans Pointe-à-Pitre. Le gouverneur aura beau prêcher le calme et la patience, disant que cette libération des esclaves était en marche, qu’une loi allait arriver de France etc., rien n’y fit ! Les esclaves avaient deux objectifs, se libérer mais aussi laisser éclater leur colère contre ces gens – les Békés - qui les avaient opprimés, humiliés, exploités depuis tant d’années. La révolte fut inévitable, elle culmina dans les événements du 22 mai 1848 et elle prit fin uniquement lorsque le gouverneur prononça devant des milliers d’émeutiers et d’esclaves révoltés, l’abolition définitive de l’esclavage, sans attendre le décret qui devait, disait-on, venir de France !

Ceux de Guadeloupe mobilisés sur la place, dite aujourd’hui Place de la Victoire, obtinrent satisfaction quelques jours après. Le gouverneur de Martinique – le plus gradé – conseilla à son confrère de faire sans traîner une telle proclamation de l’abolition.

En 1848, les esclaves n’ont pas voulu attendre et ont arraché eux-mêmes leur libération, ils eurent bien raison de ne pas attendre les textes officiels. Car c’est cette mobilisation qui fit bien savoir aux propriétaires, aux politiciens de France et à tous les profiteurs du système esclavagiste que les esclaves n’accepteraient plus de délais, ni de demi mesures et encore moins de retour en arrière. Car tout ceci était déjà envisagé ! Ils ont eu raison de lutter et de garantir leur liberté nouvelle par leur mobilisation dans les rues des villes et dans les champs, dont ils brûlèrent un certain nombre pour bien montrer aux esclavagistes leur détermination.

Ils avaient d’autant plus de raisons d’agir ainsi que certains se rappelaient bien qu’il y eut une libération, abolition décrétée et apportée de France en 1794 en Guadeloupe et qu’elle fut supprimée par la force militaire en 1802. Le gouvernement de Napoléon Bonaparte tenta aussi de rétablir l’esclavage en Haïti, mais se heurta à une résistance importante qui aboutit à l’indépendance de cette île en 1804. En Guadeloupe, les Delgrès, Ignace, Massoteau et d’autres, officiers dans l’armée française, alors que des signes d’un rétablissement de l’esclavage se multipliaient, crurent longtemps que leur statut d’officiers allait les protéger. Mais quand ils se sentirent directement menacés, ils décidèrent de passer à la résistance. Les troupes françaises commandées par Richepance furent introduites par l’officier noir Pélage qui servit d’intermédiaire pour trahir ses frères d’armes et de couleur.

Mai 1802 connut donc surtout une héroïque résistance. Les troupes françaises ne firent pas de quartier, les troupes conduites par Delgrès furent vaincues et selon les historiens se firent sauter à trois cents sur le Matouba. Ignace, l’autre officier noir, qui cherchait à se rabattre sur la Grande Terre fut vaincu sur les Abymes. Les historiens racontent que la répression fut ensuite sanglante. Pendant des semaines et des mois on pourchassa les Noirs, soldats ou civils, qui refusaient de se rendre ou qui avaient combattu, des milliers de Noirs furent tués ou déportés ou remis dans les fers, eux et tous les anciens esclaves pour quarante-six longues années de nouveau !

Les luttes du passé doivent inspirer celles d’aujourd’hui : l’exploitation a changé de forme, il faut encore la vaincre

Nous qui sommes militants communistes, qui combattons la nouvelle forme capitaliste d’exploitation et de spoliation des travailleurs actuels, nous ne pouvons que nous sentir solidaires, des luttes menées par nos ancêtres, par tous nos devanciers, pour plus de libertés, moins d’oppression et pour échapper à la servitude. Nous sommes solidaires de toutes ces luttes du passé.

Mais nous ne nous contentons pas de « commémorations officielles » très à la mode, aujourd’hui ! Nous voulons que ces hommages rendus aux combattants, aux révoltés du passé inspirent nos combats d’aujourd’hui. Nous voulons justement que les exploités et opprimés d’aujourd’hui apprennent à se méfier des « Pélage » d’aujourd’hui, de ces notables qui cherchent toujours à régler leurs propres problèmes par des arrangements avec l’ennemi et non en combattant cet ennemi.

Nous avons ainsi vu de plus en plus apparaître dans ces commémorations des notables, maires, députés, et autres grands et petits chefs de partis politiques qui, hier encore, ne seraient jamais venus dans de telles commémorations ; car elles n’étaient pas admises, ou pas bien vues et parfois pas tolérées par les autorités coloniales. Participer à ces commémorations semblait alors presque un acte d’opposition anti-colonialiste. On a vu pendant des années, la municipalité de Pointe-à-Pitre mener une petite guerre aux nationalistes du Gong ou de l’UPLG qui voulaient commémorer sur la place de la Victoire, l’assassinat de Nestor et de plus de 80 autres manifestants en mai 1967. Ils étaient tombés sous les balles des CRS ou « Képis rouges ».

Aujourd’hui, on a même vu le journal France-Antilles parler de mai 67, donner la parole à une victime connue de 67, etc. Mais oublie-t-on que ce journal, de même que certains articles de l’Etincelle, et des déclarations du maire PCG de l’époque condamnaient surtout les gens qui avaient été victimes et ceux qui avaient résisté aux agressions des forces de répression coloniales, et rejetaient la responsabilité des événements sur les militants du Gong. De fait, ce sont des dizaines de jeunes et de militants anti-colonialistes, dont ceux du Gong, qui furent arrêtés et certains déportés en France pendant plusieurs mois, avant d’être jugés par une cour de sûreté de l’Etat.

Alors, il faut bien sûr exalter le souvenir de ceux qui ont lutté, ont souffert et se sont sacrifiés dans le passé ; mais il ne faut pas croire aux larmes ou aux déclarations hypocrites des notables de tous bords qui se faufilent dans ces manifestations pour les transformer en d’innocentes manifestions de « jour férié ».

Ces journées sont des journées où des hommes et des femmes courageux ont combattu, au péril de leur vie, pour plus de liberté, pour faire sauter leurs chaînes. Le meilleur hommage à leur rendre c’est de réaffirmer, à ces occasions, que nous continuons la lutte contre une exploitation qui, si elle n’a pas de chaîne visible, en comporte une qui contraint les salariés d’aujourd’hui à revenir sans cesse, chaque jour, se faire exploiter par les continuateurs des grands planteurs esclavagistes. Ce sont leurs familles, aujourd’hui capitalistes, qui continuent, parfois sous les mêmes noms, à recueillir le profit, fruit volé du travail des descendants d’esclaves, aujourd’hui appelés « travailleurs » ou « salariés ».

Oui, la lutte continue contre l’exploitation, pour bâtir un jour une meilleure société, débarrassée des exploiteurs, mais ce sera en se méfiant de tous ces cloportes des notabilités locales, toujours prêts à se courber devant la puissance et la richesse des gros exploiteurs.


1798 : La révolution des Jacobins Noirs au Brésil

Mário MAESTRI

Traduit par Gérard Jugant, révisé par Fausto Giudice

En 1794, la marée révolutionnaire française atteignait son point culminant, réclamant à l’Europe des rois que tous les hommes aient un droit égal au bonheur, sans se préoccuper si pour une telle entreprise il fallait mettre le monde sens dessus dessous.

Dans la colonie française sucrière la plus riche, les planteurs tentèrent d’obtenir leur autonomie et les hommes libres de couleur exigèrent la citoyenneté promise en 1789, facilitant l’insurrection des captifs en août 1791, qui fonda Haïti en 1804, premier territoire américain libre de l’esclavage.

Depuis 1789, l’État absolutiste lusitanien faisait tout pour que les idéaux révolutionnaires, démocratiques et libéraux français n’atteignent pas la ville et les colonies. Au Brésil on surveillait les inhabituels visiteurs étrangers et on contrôlait les bagages déchargés des bateaux, cherchant des livres et des pamphlets subversifs. La vigilance était extrême à Salvador, le principal port du Brésil colonial.
Ancienne capitale de la colonie, avec 60.000 habitants, aux rues étroites, irrégulières et sales, aux côtes escarpées, avec ses églises, ses monastères et ses maisons basses, Salvador était la seconde métropole de l’empire lusitanien, après Lisbonne. Deux tiers de la population était noire et métisse, un tiers blanche et indigène.

En 1789 la colonie connaissait des difficultés et Bahia un certain essor économique, avec des exportations de sucre, de coton, d’indigo, de tonneaux d’eau-de-vie, de tabac et d’autres produits. En dépit de la richesse commerciale, Salvador dépendait de la production rurale, qui ne produisait pratiquement plus rien. Les commandements de la métropole prohibaient toute production manufacturière dans les colonies luso-brésiliennes.

Des principales métropoles européennes, par le Portugal, arrivaient de multiples marchandises qui étaient consommées à Salvador ou réexportées vers l’intérieur et vers les autres capitaineries voisines : huile d’olive, armes, poivre, tissus, vêtements, vin, compléments domestiques, matériaux de construction, etc. Le principal produit importé était le travailleur africain. Le commerce bahianais était contrôlé par de riches commerçants, surtout de captifs, en général portugais.

Comme le reste de la colonie, la société bahianaise était disposée en strates. Au sommet de la pyramide on trouvait les grands propriétaires des plantations et les commerçants ; la base était formée par des milliers de captifs. Chaque année, des lots d’Africains étaient conduits jusqu’à Salvador. La communauté des esclaves était hétérogène, elle était divisée entre captifs nés au Brésil, de différentes couleurs et professions, et Africains de diverses cultures et langues.

Entre les esclavagistes et les esclaves il y avait la figure de l’homme libre pauvre, avec peu de possibilités d’ascension sociale, mais de « sang pur ». Ceux-ci travaillaient comme administrateurs, caissiers, fermiers, marins, vendeurs ou bien entraient dans le bas clergé, ou occupaient des charges civiles et militaires inférieures, ou encore se partageaient les activités artisanales avec les captifs de profit ou de location (voir note). Les postes de prestige étaient le semi-privilège des Portugais de naissance.

A Salvador, les hommes libres de couleur étaient contractés comme artisans, dans le petit commerce, comme soldats et sous-officiers de première ligne, toujours pour une solde de misère. Pour survivre les soldats avaient coutume d’avoir un second travail. Leur sort était déprimant. En plus des possibilités restreintes d’insertion économique, on les stigmatisait pour la couleur de leur peau, qui leur fermait l’accès aux postes civils, religieux et administratifs intermédiaires.

A la fin du XVIIIe siècle le Brésil était la grande source de revenus de la classe dominante. Le monopole commercial et les diverses taxes consommaient une partie des revenus et enchérissaient le coût de la vie au Brésil. La population pauvre de Salvador avait réellement faim et se voyait condamnée à mendier de la nourriture.

Chez les leaders locaux se renforçait l’idée du caractère parasitaire qu’impliquait le régime colonial, sentiment renforcé par l’indépendance des USA et par les idées libérales et révolutionnaires françaises. Dix années plus tôt avait été démantelée la conspiration pour l’indépendance de Minas Gerais.

En 1798, Salvador connut l’unique révolte coloniale et impériale du Brésil qui, avec des articulations traversant la société coloniale de bas en haut, proposa une réorganisation démocratique pour la région, en dehors de l’ordre esclavagiste.

Les captifs de location (cativos de aluguel) étaient loués à un privé ou à l’État par leur maître, qui recevait l’intégralité de leur “loyer”, à charge pour lui de nourrir l’esclave, les loueurs n’étant pas intéressés à entretenir sa force de reproduction. Les captifs de profit (cativos ganhadores) se déplaçaient librement, offrant leurs produits et services, à condition de payer un gain fixe –quotidien, hebdomadaire ou mensuel) à leur maître. Celui-ci investissait ce gain dans la nourriture, l’habillement, le logement et la constitution d’un petit pécule pour l’esclave.

II- Les pamphlets séditieux de Salvador de Bahia

Le 12 août 1798, Fernando José de Portugal, gouverneur de la capitainerie de Bahia, alors âgé de 43 ans, apprit que le matin avaient été trouvés dans différents lieux fréquentés de Salvador 12 bulletins « séditieux », appelant le peuple à constituer la République Bahianaise. Bien que peu de citoyens sussent lire, le contenu des manifestes eut une grande répercussion, se transmettant de bouche à oreille.

Un des pamphlets d’août 1798

L’agitation subversive n’était pas quelque chose de nouveau. Au début de 1797, on avait trouvé des « bulletins injurieux » sur le « gibet public », lequel avait été brûlé dans la quiétude de la nuit et on ne put ni découvrir ni punir les responsables. L’acte était constitutif du délit de lèse-majesté, vu que la macabre méthode avait une signification symbolique. En juillet de cette même année, d’autres manifestes avaient circulé dans la ville.

Dans les écrits on peut apprécier l’orientation politique, sociale et syndicale du mouvement. Dans ceux-ci on défendait l’égalité, la république, l’indépendance de Bahia, la liberté du commerce et de la production, on faisait l’éloge de la France révolutionnaire et on exigeait la fin de la discrimination sociale et raciale. On menaçait les cléricaux qui combattraient les idées nouvelles et on promettait une augmentation de soldes pour les soldats et officiers de première ligne.
Dans les déclarations de témoins qui avaient entendu parler des manifestes, sans les avoir lus, il se produisit une claire reformulation du contenu des textes, proposant des revendications des classes subalternes qui n’y étaient pas contenues, comme l’élaboration d’une table pour fixer le prix de la viande. Une telle reconstruction des contenus des messages des manifestes était normale dans une société en tension, dans laquelle le principal véhicule de transmission des informations était la communication orale.

Le gouverneur ordonna qu’on ouvre une enquête sur les faits. Avant que commencent les investigations la rumeur courait dans la ville que les pamphlets étaient l’oeuvre de soldats et officiers mulâtres de la cité. Comme dans la Bahia d’alors l’alphabétisation était une chose rare, surtout parmi la population pauvre, les autorités comparèrent l’écriture de l’auteur des manifestes avec celle des pétitions et réclamations des archives du Secrétariat du Gouvernement.
La recherche policière déboucha sur un suspect. Le 16 août on arrêta le mulâtre Domingos da Silva Lisboa, natif de Lisbonne, de parents inconnus, âgé de 43 ans, plaideur et auteur de lettres, aux idées anti-religieuses et libertaires, résidant à la ladeira da Misericordia (cote de la Miséricorde). Dans sa maison on trouva plus de 100 livres, ce qui pour l’époque était une bibliothèque énorme, surtout pour un homme aux faibles ressources.

Comme le 22 août apparurent deux autres lettres dans une église, de la même écriture, alors que Domingos da Silva Lisboa étant emprisonné, l’enquête fut reprise et elle conduisit à l’arrestation, le 23, de Luis Gonzaga das Virgens, également mulâtre, de 36 ans, natif de Salvador, soldat du 2e Régiment de Première Ligne. À son domicile on trouva de la littérature libérale. Peu de temps avant, Luis Gonzaga, petit-fils de Portugais et d’esclave africaine, avait réclamé que son ascension ne soit pas entravée par des questions de couleur de peau.
L’emprisonnement du soldat accéléra la conspiration et fit émerger, au centre des événements, João de Deus do Nascimento, marié, mulâtre, caporal de l’Escouade du 2e Régiment de la Milice, 27 ans, et tailleur installé dans la rue Direita. Craignant que Luis Gonzaga ne parle, les conspirateurs organisèrent une réunion précipitée des affiliés et sympathisants, avec pour objectif de débattre sur le développement de la révolte.

La rencontre de la nuit du 25 août, dans le champ du Dique (talus), dans la zone Desterro (Bannissement) à Salvador, fut un échec, étant donné qu’il n’y eut que quatorze participants sur les deux cents espérés, peut être du fait que la convocation avait été mal diffusée. Il s’en fallu de peu que les révolutionnaires ne soient arrêtés. Sur un terrain voisin, une centaine de soldats et d’esclaves veillaient armés de massues. Il est possible que quelques jacobins abandonnèrent le champ du Dique en constatant l’inadéquate structuration répressive organisée par le lieutenant-colonel Alexandre Teotônio de Souza, qui allait couvert d’une cape blanche.

La réunion fut dénoncée par le maréchal-ferrant affranchi Joaquim José da Veiga et par le barbier Joaquim José de Santana, capitaine du 3e Régiment de Milices des Homes de Coouleur Homen Pretos. Invités par la révolte, les indicateurs de la police choisirent de dénoncer pour ne pas encourir le crime de haute trahison et ainsi recevoir les récompenses espérées.

Dans des déclarations postérieures, Joaquim José de Santana fit part de son espoir d’être promu, car selon lui il le méritait grandement, pour l’important rôle qu’il jouait dans sa milice. Sur instruction des autorités, Joaquim José de Santana et Joaquim José da Veiga participèrent à la réunion du champ du Dique pour pouvoir mieux trahir leurs compagnons. Il y eut une troisième dénonciation, plus tardive.

III-La dure répression contre la République Sociale Bahianaise
La découverte des pamphlets à Salvador occasionna le début des investigations policières qui précipitèrent la conspiration en vue d’aboutir à un Bahia républicain et sans esclavage. Étant donné les dénonciations le mouvement fut réprimé avant de faire irruption. L’enquête sur les faits provoqua la dénonciation de 34 conspirateurs, bien qu’il est certain que le nombre d’hommes libres et d’esclaves impliqués était plus important. On inculpa surtout des « personnes insignifiantes », étant donné que le gouverneur s’efforça que les « hommes bons » de la capitainerie ne soient pas dénoncés.
L’exclusion de l’investigation des jacobins éminents fit que la solidarité sociale fut maintenue et que la porte resta ouverte à de futures négociations. À ce moment-là les secteurs éclairés (ilustrados) de l’administration lusitanienne se proposèrent d’empêcher l’indépendance coloniale en gagnant à eux les classes prolétariennes brésiliennes pour la proposition d’émancipation du Brésil au sein de l’empire lusitanien reconstruit, qui conserverait le Portugal comme centre politique et commercial.

Les conspirateurs s’identifiaient par des particularités externes comme la barbe longue, une boucle dans l’une des oreilles et une coquille d’Angola à leurs chaînes des montres. Le drapeau du soulèvement avait une frange blanche, entre deux bleues, parallèles jusqu’à la hampe. Sur la frange blanche, une grande étoile et cinq petites, avec la devise « nec mergitur » [« mais ne coule pas » (sous-entendu : « fluctuat » : elle flotte…, NdR].

Le gouverneur fut accusé de passivité, étant donné que bien qu’alors qu’il avait été avisé des françaiseries (francesias) en août 1797 par le commandant du 2e Régiment de Ligne, il avait seulement réprimandé le lieutenant Hermogenes Francisco de Aguilar Pantoja, qui était la tête propagandiste la plus visible des idées libérales. Selon certains historiens, son apathie était due à son manque de décision. Le fait que Fernando José de Portugal agissait de manière temporisatrice, attitude perçue par les absolutistes comme de la complaisance et par les libéraux comme de la sympathie, venait de ce qu’il se rendait compte de l’impossibilité de maintenir la domination sur le Brésil seulement à travers la répression.

Sa passivité face aux françaiseries était due aussi au résultat incertain de l’affrontement entre le libéralisme et l’absolutisme en Europe. Les conspirateurs bahianais attendaient que le gouverneur dirige le nouveau pouvoir et comptaient sur le débarquement français à Bahia. En août 1797, peut-être sur la suggestion des conspirateurs, un officier français présenta au Directoire une proposition d’attaque de Salvador.

Dix des accusés étaient blancs et les 24 autres étaient des hommes de couleur – brun clair, sombre, couleur maïs et foncés. Il n’y avait un seul esclave noir. Les révolutionnaires étaient des officiers et des soldats de troupe et des tailleurs. Il y avait un professeur, deux orfèvres, un brodeur, un maçon, un négociant, un charpentier et un chirurgien non diplômé. Onze accusés étaient des esclaves et 23 libres et affranchis. Les esclaves étaient surtout tailleurs, cordonniers, coiffeurs, etc. mis en location.

La conspiration fut durement réprimée. En plus des condamnations à l’exil, quatre leaders du mouvement furent pendus et écartelés sur la Praça da Piedade, le 8 novembre 1799, tandis que sonnaient les cloches des églises de Salvador. Les soldats Luis Gonzaga das Virgens et Lucas Dantas de Amorin, 24 ans, qui état aussi menuisier, qui résista courageusement à la prison ; les tailleurs João de Deus do Nascimento et Manuel Faustino dos Santos Lira, affranchis, tous mulâtres. Un esclave, Antônio José, se suicida en prison. Les corps des exécutés restèrent exposés écartelés comme exemple public. Leurs familles furent soumises à l’infamie durant trois générations. Un cinquième leader condamné à mort ne fut jamais trouvé. Des esclaves qui avaient participé à la conspiration furent condamnés à cinq cent coups de fouet, vendus et expédiés dans la redoutée capitainerie de Rio Grande do Sul.

Les quelques hommes blancs accusés furent en général condamnés à des peines légères. Parmi eux il y avait Cipriano José Barata de Almeida, chirurgien, propriétaire de 35 livres, et le lieutenant Hermogenes Pantoja, de 28 ans, possesseur de 26 livres, qui avait dit qu’à son mariage il suffirait, pour célébrer la cérémonie, que les fiancés confirment leur désir d ’union. En plus d’être libéral et républicain, il était athée ! D’autres membres éminents de la société bahianaise partisans des jacobins ou impliqués à leurs côtés ne furent jamais inquiétés.

IV- La conspiration des humbles

Dans Primeira revolução social brasileira, Alfonso Ruy mentionne comme dirigeants de la conspiration bahianaise le pharmacien João Ladislau de Figueiredo Melo, le curé Francisco Agostinho Gomes, l’intellectuel José da Silva Lisboa, le senhor de engenho [1] Inacio Siqueira Bulcão, le chirurgien Cipriano de Almeida Barata, le professeur de rhétorique Francisco Muniz Barreto.

Il est possible qu’il n’y ait pas eu de participation organique de la part de Bahianais éminents dans les faits d’août et dans l’agitation jacobine qui se développait depuis le début de 1798 à travers des actions directes comme l’incendie de la potence ou l’affichage des manifestes. Les liens entre les libéraux de la classe des propriétaires et les jacobins noirs n’ont pas encore été éclaircis.

Les idées démocratiques et révolutionnaires françaises exposées par des membres des classes possédantes bahianaises avaient été reçues par des artisans et soldats de couleur, libres et esclaves, surtout de Salvador, qui les adaptèrent à la réalité sociale d’alors, rédigeant le programme politique le plus avancé qui ait été proposé au Brésil, comparable avec celui de l’Abolition (de l’esclavage, NdR), en 1888.

Il est possible que le lieutenant Hermogenes Aguilar Pantoja ait servi de pont entre les membres éclairés et libéraux des classes possédantes et les jacobins des classes subalternes. La diffusion des manifestes peut avoir été une tentative de mettre fin à l’indécision des libéraux des élites, peut-être paralysés par les questions que leur posait l’abolition de l’esclavage. Ils rêvaient de l’indépendance de Bahia mais craignaient la libération des captifs.

Le manque d’intérêt de la part des idéologues nationaux pour la conspiration de 1798 tient à son caractère plébéien et à son radicalisme et non au fait qu’elle ne soit jamais passé à l’action. Un mouvement d’esclavagistes, cléricaux et intellectuels comme la Conjuration Minière [2] s’effondra, en 1789, comme un château de cartes, et elle a été pourtant beaucoup célébrée (elle a même droit à un musée à Ouro Prieto, NdR). A Bahia les hommes riches participèrent à la conspiration, mais l’hégémonie du mouvement appartenait dans ses moments aux soldats, artisans et captifs de Salvador.
A Minas Gerais, un seul conspirateur, le plus humble, fut exécuté. A Bahia, on pendit 4 leaders, avec la corde plus haute que d’habitude comme signe de la gravité du délit. En 1798 on réprima durement les hommes qui ne supportant pas « en paix la différence de condition et l’inégalité de fortunes qui compose l’admirable oeuvre de la société civile », prétendaient imposer les « principes anti-sociaux d’égalité absolue », « sans distinction de couleur et de formation » comme le rapportent les minutes du procès.

Étant donné qu’elle fut l’oeuvre d’humbles travailleurs de couleur, la conspiration réusit, fait unique dans l’histoire du Brésil, à incorporer les captifs et à proposer la fin de l’esclavage, sans doute sous l’inspiration de la décision de la Convention en 1794 d’abolir cette institution dans les colonies françaises. Jamais appliquée, cette mesure révolutionnaire fut annulée, en 1802, par Napoléon, dont les troupes furent défaites par les captifs de Saint-Domingue, où, en 1804, fut proclamée l’indépendance d’Haïti, libre de l’esclavage.

La participation d’esclaves et la proposition de l’abolition de l’esclavage assurèrent la caractère révolutionnaire au mouvement, dans une colonie où l’esclavage était la forme dominante d’exploitation du travail. La victoire du mouvement et la réussite de son programme auraient anticipé de presque un siècle, à Bahia, l’entrée en vigueur de relations de travail libre.

La Conspiration des Tailleurs de 1798 peut être rapprochée de la Conjuration des Égaux de Gracchus Babeuf, qui échoua en France deux années plus tôt, en 1796. La première proposait, à Bahia, la fin de la discrimination et de l’esclavage. La seconde marquait l’entrée indépendante des travailleurs dans les questions politiques et sociales, quand le capitalisme constituait déjà en France la forme de domination.

Le démantèlement de la Conspiration des Tailleurs ne signifia pas la fin de l’agitation sociale. A partir de 1807, la tension parmi les travailleurs esclaves de Salvador explosa périodiquement pour déboucher sur la grande révolte des esclaves de 1835. En dépit de la violence de la Révolte Malê, son programme représentait une régression par rapport aux idées antérieure, vu qu’elle proposait la mort et la réduction en esclavage pour les blancs et les mulâtres.

La répression du mouvement de 1798 posa une pierre lapidaire sur la lutte et son programme pour toute la société, éteignant la proposition de contenu démocratique et révolutionnaire des secteurs exploités d’une société démocratique et égalitaire. Il faudra attendre neuf décennies pour que des abolitionnistes radicalisés proposent un programme démocratique aussi vaste.

NdT

[1] Le senhor de engenho était le propriétaire de l’hacienda et du complexe de production de sucre.

[2] La Conjuração Mineira est le nom donné à une tentative de révolte à Minas Gerais, dans laquelle les leaders arrêtés furent accusés de manque de loyauté au roi.

Lire ensuite sur l’esclavage

Messages

  • Thomas Joseph Dunning cité par Karl Marx dans Le Capital

    « Le capital fuit le tumulte et les conflits. Il est peureux de nature. Cela est très vrai, mais n’est pourtant pas toute la vérité. Le capital a horreur de l’absence de profit ou des très petits profits comme la nature a horreur du vide. Quand le profit est adéquat, le capital devient audacieux. Garantissez-lui 10 pour cent, et on pourra l’employer partout ; à 20 pour cent, il s’anime, à 50 pour cent, il devient carrément téméraire ; à 100 pour cent il foulera aux pieds toutes les lois humaines ; à 300 pour cent, il n’est pas de crime qu’il n’osera commettre, même s’il encourt la potence. Si le tumulte et les conflits rapportent du profit, il les encouragera l’un et l’autre. La preuve : la contrebande et la traite des esclaves. »

  • "Aveugle serait le maître qui croit comprendre ses esclaves sous prétexte que ceux-ci obéissent à ses ordres."

    La fin des Certitudes

    Ilya Prigogine

  • Ce n’est qu’une très infime partie de l’histoire de l’esclavage et du servage dans le monde et ça existe encore de nos jours sous diverses formes.

  • Sur les grandes révoltes des esclaves noirs et sur les sociétés occidentales qui ont particulièrement profité de cet esclavage : lire ici

  • Le général Rochambeau chargé par Napoléon Ier de reconquérir Haïti écrit au général Ramel le 15 germinal 1803 :

    « Je vous envoie, mon cher commandant, un détachement de cent cinquante hommes de la garde nationale du Cap, commandés par M. Bari, il est suivi de vingt-huit chiens bouledogues. Ces renforts vous mettront à même de terminer entièrement vos opérations. Je ne dois pas vous laisser ignorer qu’il ne vous sera passé en compte aucune ration, ni dépense pour la nourriture de ces chiens. Vous devez leur donner des nègres à manger. Je vous salue affectueusement. »

    Réponse de Napoléon Bonaparte à Truguet hostile aux colons des îles et à l’esclavage :

    « Comment a-t-on pu donner la liberté à des Africains, à des hommes qui n’avaient aucune civilisation, qui ne savaient seulement pas ce que c’était que colonie, ce que c’était que la France ? Il est tout simple que ceux qui ont voulu la liberté des Noirs, veuillent encore l’esclavage des Blancs. Mais encore croyez-vous que, si la majorité de la Convention avait su ce qu’elle faisait, et connu les colonies, elle aurait donné la liberté aux Noirs ? Non sans doute : mais peu de personnes étaient en état d’en prévoir les résultats, et un sentiment d’humanité est toujours puissant sur l’imagination. Mais à présent tenir encore à ces principes, il n’y a pas de bonne foi, il n’y a que de l’amour-propre et de l’hypocrisie. »

  • Alejo Carpentier écrit dans « Le siècle des lumières » :

    « Maintenant les nègres d’Haïti veulent leur indépendance… De même qu’ils la veulent ici, en Guyane, rappelant qu’on y avait déjà maté deux conspirations d’esclaves… Etait affiché sur les murs de Cayenne : « Il n’y a plus de maîtres ni d’esclaves… Les citoyens connus jusqu’ici sous le nom de nègres marrons peuvent retourner aux côtés de leurs frères où ils trouveront sécurité et protection, et la joie que procure la jouissance des droits de l’homme. Ceux qui étaient esclaves peuvent traiter d’égal à égal avec leurs anciens maîtres dans les travaux à terminer ou à entreprendre. » (…) Il se mit à faire le décompte des soulèvements de Noirs qui, avec une terrifiante continuité, s’étaient succédé sur le continent… Le cycle avait été inauguré dans un roulement de tambours, au Venezuela, lorsque le nègre Miguel, se soulevant avec les mineurs de Buria, avait fondé un royaume sur des terres d’une si éblouissante blancheur qu’elles semblaient de cristal pilé…. Et puis ce fut le tour des tambours du Vallon des Nègres, à Mexico, et tout au long de la côte de Veracruz où le Vice-roi Martin Enriquez, voulant donner une leçon aux nègres marrons, ordonna de châtrer les fuyards « sans enquêter davantage sur leurs délits et leurs excès »… Ces tentatives avaient été éphémères, mais la solide Estacade des Palmeraies, fondée en pleine forêt brésilienne par le grand chef Ganga-Zumba, devait durer soixante-cinq ans. Sur ce fragile retranchement de bois et fibres se brisèrent plus de vingt expéditions militaires, hollandaises et portugaises, munies d’une artillerie inopérante contre des stratégies qui remettaient en honneur de vielles ruses de guerre numides, utilisant parfois des animaux pour semer la panique parmi les blancs. Invulnérable aux balles était Zumbi, neveu du roi Zumba, maréchal d’armée dont les hommes pouvaient marcher sur les toits de la forêt, pour tomber sur les colonnes ennemies comme des fruits mûrs… Et la guerre des Palmeraies devait durer quarante ans de plus, tandis que les nègres marrons de la Jamaïque fuyaient dans la brousse, et créaient un Etat libre qui devait durer presque un siècle. Il fallut que la couronne britannique fit des avances aux sauvages, pour traiter avec eux de gouvernement à gouvernement, promettant à leur chef, un robuste bossu appelé Old Cudjoe, la libération de tous ses gens, et la cession de mille cinq cents acres de terre… Dix ans plus tard, le tonnerre des tambours retentissait à Haïti : dans la région du Cap, le mahométan Mackandal, manchot à qui l’on attribuait des pouvoirs lycanthropiques, entreprenait une révolution par le poison, introduisant dans les maisons et les élevages des virus inconnus qui foudroyaient les hommes et les animaux domestiques. Le mandingue venait à peine d’être brûlé sur la place publique, que la Hollande dut réunir une armée de mercenaires européens pour combattre, dans les forêts vierges du Surinam, les terribles bandes de nègres marrons commandées par trois chefs populaires, Zan-zan, Boston et Araby, qui menaçaient de ruiner la colonie. Quatre campagnes épuisantes n’avaient pu venir complètement à but d’un monde secret, qui comprenait le langage des arbres, des peaux et des fibres, et qui s’éclipsa dans ses villages dissimulés au milieu de forêts enchevêtrées où l’on retourna à l’adoration des dieux ancestraux… Il semblait que l’ordre des Blancs fût rétabli sur le continent ; et cependant sept ans à peine auparavant, un autre nègre mahométan, Bouckman, s’était révolté dans le bois Caïman de Saint-Domingue, brûlant les maisons et ravageant les campagnes. Et il n’y avait pas trois ans que les nègres de la Jamaïque s’étaient soulevés à nouveau pour venger la condamnation de deux voleurs suppliciés à Trelawney-Town. Il avait fallu mobiliser les troupes de Fort-Royal et amener des meutes dressées à chasser l’homme, de Cuba à Montejo-Bay, pour étouffer cette révolte récente. En ce moment même les gens de couleur de Bahia faisaient retentir de nouveaux tambours, ceux de la « Rébellion des Tailleurs » qui réclamaient sur un rythme de macumba l’égalité et la fraternité : ainsi les tambours-Djuka se joignaient-ils à la révolution française elle-même… »

  • La lutte des esclaves s’est organisée dès le 16ème siècle, parfois. D’abord dans le refus d’intégrer la culture européenne qu’on tente de leur imposer : ils continuent de pratiquer leurs rites religieux et la première résistance se fait dans les chants, la danse, les traditions orales. Ils résistent aussi par le suicide, ou chez les femmes l’avortement. Puis vient le marronage : ils fuient les plantations pour se réfugier dans les hauteurs des colonies. Les "marrons" (ou "maroons" en anglais) se réunissent dans des camps où certains restent pendant plusieurs années. Les colons organisent des patrouilles armées avec des chiens dressés à les retrouver, et ceux qui sont pris sont torturés, mutilés ou tués selon la durée du marronnage. Des textes officiels sont prévus en ce sens, comme le code noir.

    Au Nord-Ouest de la Jamaïque, dans la région inaccessible de "Cockpit Country", ainsi qu’à l’est dans la région des "blue montains", se trouvent d’importants camps de marrons. Parmi leur leader Grandy Nanny est considérée comme la "mère des marrons" et fait aujourd’hui figure d’héroïne nationale en Jamaïque.

    Les marrons de Cockpit Country organisent une guérilla afin d’obtenir leur autonomie. Ils signent en 1738 un traité de paix avec les autorités britanniques, en contre-partie duquel ils s’engagent à leur livrer tout nouvel esclave fugitif et à les aider à mater les révoltes.
    Une autre forme de résistance, hantise des planteurs, est en effet la révolte des esclaves. Elles ont eu lieu dès le début du 16ème siècle dans toutes les colonies d’Amérique.
    Parmi les insurrections d’esclaves, certaines se sont démarquées par leur ampleur et leurs conséquences.

    En mai 1760, sous les ordres de Tacky, chef de tribu de Guinée, des centaines d’esclaves jamaïcains attaquent plusieurs habitations en tuant les colons. La révolte prenant de l’ampleur, les autorités britanniques demandent l’aide des marrons selon le traité de 1738. Tacky est tué, et des centaines d’esclaves préfèrent se suicider plutôt que de rejoindre les habitations.

    Dans la nuit du 22 au 23 août 1791 éclate une violente insurrection à Saint-Domingue, colonie française des Antilles. Esclaves noirs et affranchis revendiquent la liberté et l’égalité des droits avec les citoyens blancs.

    C’est le début d’une longue et meurtrière guerre qui mènera à l’indépendance de l’île ; la plus grande révolte servile de l’Histoire... et la seule qui ait réussi.

    En 1791 la révolte des esclaves de Saint-Domingue débute en effet, menée par Toussaint Louverture. Au pied du mur, les commissaires de la République envoyés pour rétablir l’ordre libèrent les esclaves en 1793. La convention se soumet à cette décision et abolit l’esclavage dans toutes les colonies françaises en 1794. La Martinique, qui vient d’être prise par les anglais, n’applique pas le décret. En Guadeloupe il est appliqué, mais le travail forcé remplace l’esclavage. La Réunion et l’île de France (île Maurice) refusent d’appliquer le décret...

    L’Espagne est encore loin de penser à l’abolition. La révolution de Saint-Domingue a profité à Cuba, qui est en passe de devenir le premier producteur mondial de sucre grâce à l’introduction massive d’esclaves. Les camps de marrons se développent et en 1796, les autorités coloniales mettent en place un règlement afin de combattre le marronage.
    Dans les colonies françaises, l’esclavage est rétabli par Napoléon Bonaparte devenu consul en 1802. Des commissaires civils sont chargés de se rendre dans les colonies pour faire appliquer ce décret.

    En Guadeloupe, le métis Louis Delgrès organise la résistance.

    A Saint-Domingue, Toussaint Louverture est fait prisonnier, et le combat est repris par Jean-Jacques Dessalines. Après la défaite de l’armée napoléonienne, la colonie devient la première république noire en 1804.

    En 1822, une révolte éclate au Carbet, en Martinique. Des dizaines d’esclaves armés tuent et blessent plusieurs colons avant de s’enfuir. Parmi les 60 esclaves retrouvés par les autorités, une vingtaine aura la tête tranchée.

    Certaines révoltes se sont transformées en véritables guerres, comme la "Baptist war" en Jamaïque en 1831, où 60.000 des 300.0000 esclaves se soulèvent pendant 10 jours avant d’être matés par les forces britanniques.

    En Martinique, le libre de couleur Cyrille Bissette fait circuler en 1823 une brochure dénonçant les inégalités entre les libres de couleur et les Blancs. Arrêté, la cour royale le fait marquer au fer rouge et le condamne aux galères à perpétuité. Après avoir obtenu un allègement de sa peine, il fonde en 1834 La Revue des Colonies et se lance dans la lutte contre l’esclavage.

  • Sur la révolution haïtienne, lire « Le Royaume de ce monde » de Alejo Carpentier !!

  • Esclavage, colonisation : pas de "repentance" pour François Fillon, pas plus que pour Sarkozy, Valls ou Le Pen ! La bourgeoisie fière de ses oeuvres passées et de ses massacres actuels !!!

    • Il faut publier cette seconde version, s’il vous plaît.
      J’ai toujours pensé que les gauchistes "français" sont pétris de morale chrétienne. Et ce n’est pas par hasard que le socialisme "français" soit né au lendemain de la putréfaction du christianisme. Avec leur morale misérabiliste, ils n’ont jamais rien compris au Marxisme. Ils sont tombés dans le maxime comme on tombe en amour, par accident et avec émotion. Il suffit de lire les correspondances épistolaires de Marx et d’Engles pour s’en convaincre. En effet, ils ne cessent de railler les dérailleurs socialistes français qui n’ont jamais rien compris au marxisme ( même le propre gendre de Marx, Paul Lafargue pourtant réputé pour sa rigueur n’échappe pas à leurs critiques). D’ailleurs, ce n’est pas de manière innocente que Marx a intitulé son livre "Misère de la philosophie" (il aurait pu ajouter française à son titre). Il a toujours manqué au marxisme français la force de la Raison. Qu’ils ont compensé par la raison de la Force. Ce sont des bâtisseurs de barricades. Ils adorent se battre à coups de pavés. En revanche, ils n’ont jamais su bâtir des barricades de théories marxistes solides comme du roc, comme les générations de marxistes allemands, italiens, hollandais, russes, en ont construit. Ils sont incapables d’offrir au prolétariat des pavés de théories de luttes à l’exemple des grands marxistes russes, allemands, hollandais, italiens. Comme des curés d’églises, ils se contentent de psalmodier les mêmes litanies ouvriéristes fétichées à outrance. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard s’ils sont les champions des manifestations marquées par les sempiternelles processions liturgiques, les défilés mortuaires. La mort du combat est déjà d’emblée inscrite dans leurs marches éternelles et leurs démarches politique. La défaite a toujours succédé à la fête de la lutte menée à coups de banderoles (bandes-drôles) et au son de trompette (tromperie). Ainsi, ,aujourd’hui, les pauvres prolétaires français doivent se repentir des crimes commis par leurs aïeux... On croirait entendre le pape.

  • La France fête "la fin de l’esclavage" sans reconnaître que son acte légal de "fin" n’est que le résultat des révolutions et sans admettre qu’elle n’a fait alors que remplacer dans ses colonies l’esclavage par le travail forcé colonial, un nouvel esclavage !!!

  • Les oursons d’Haribo seraient produits par des esclaves !

    Une récente enquête de la chaîne allemande ARD a montré que les conditions de vie des Brésiliens qui produisent la cire de carnauba utilisée dans ces bonbons étaient dramatiques.
    Payés l’équivalent de 12 dollars par jour, ils n’ont pas accès à une eau filtrée, ne peuvent pas aller aux toilettes, et certains dorment dans des camions sur leur lieu de travail.

    Un responsable du ministère du Travail brésilien a expliqué à la chaîne allemande Deutsche Welle que de nombreux travailleurs de l’industrie de la cire de carnauba travaillaient dans des conditions "qui peuvent être considérées comme de l’esclavage".

    Le capitalisme n’exclue pas l’esclavage ! On le voit aux produits du goulag chinois, le laogaï, commercialisés partout dans le monde, à des prix défiant toute concurrence !!!!

  • L’époque de la Terreur révolutionnaire de la révolution française est connue pour avoir été un épisode de massacres politiques et on se garde bien de rappeler qu’en face, dans la guerre civile contre la révolution sociale, il y avait les massacres menés par les armées de la contre-révolution, des nobles, des rois et des princes, des possédants, des réactionnaires, des armées étrangères. Un exemple montrant que la Terreur n’était pas que sanguinaire : c’est elle qui a aboli l’esclavage dans les colonies !!!

  • Ni les Français ni les Britanniques n’ont été les premiers à abolir l’esclavage. Cet honneur revient plutôt à Haïti, la première nation à interdire définitivement l’esclavage et la traite des esclaves dès le premier jour de l’existence de cette Nation. Les actes audacieux des Haïtiens pour renverser l’esclavage et le colonialisme se sont répercutés dans le monde entier, forçant les pays esclavagistes comme la Grande-Bretagne et la France à se retrouver face à face avec les contradictions de leur propre « illumination ». Beaucoup aimeraient maintenant oublier ce calcul.

    https://lenouvelliste.com/article/219361/haiti-a-ete-la-premiere-nation-a-interdire-definitivement-lesclavage

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