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Le monde est-il transcendant, immanent ou émergent ?

jeudi 19 mars 2015, par Robert Paris

Transcendance et immanence sont des discussions issues des religions mais qui les dépassent largement de nos jours... La physique est maintenant le témoin de créations et de disparitions de particules de matière et de lumière qui n’ont rien de magique ni de mystique ou de religieux. La flèche dans un sens indique un électron qui apparaît ou disparaît et celle dans l’autre sens un antiélectron (antimatière) qui apparaît ou disparait...

Le monde est-il transcendant, immanent ou émergent ?

Tout d’abord une brève définition de ces conceptions philosophiques, définition que l’on approfondira ensuite….

Transcendant : son principe directeur est en dehors de son propre corps et en dehors de tous les corps matériels, c’est un principe d’origine spirituelle.

Immanent : son principe directeur est situé dans son corps.

Emergent : son principe directeur est issu de l’auto-organisation d’un grand nombre d’interactions entre divers corps dont chacun ne possède nullement un tel principe de manière individuelle ni définitive.

En somme, le transcendant est le surnaturel permettant des créations, l’immanent est le naturel sans création et l’émergent est le naturel avec créations multiples et permanentes.

La pensée transcendante est souvent assimilée à la pensée des religions révélées, la pensée immanente à la pensée du matérialisme de l’ancienne science et la pensée émergentiste à la conception de la brisure de symétrie qui produit des paramètres nouveaux, de l’auto-organisation et du chaos déterministe qui produisent des structures nouvelles, du vide quantique qui fait apparaitre et disparaitre la matière, de la matière vivante qui construit des propriétés, des structures et des espèces nouvelles, de l’étude de la psychologie qui fait apparaitre des idées nouvelles, de l’étude des sociétés qui fait apparaitre de nouveaux modes de production et d’organisation sociale.

Pour la pensée transcendante, la matière a généralement été créée une fois pour toute mais on ne peut pas trouver sa règle en elle-même. La règle est aux mains d’un créateur qui n’est pas matière.

Pour la pensée immanente aussi, la matière a été créée une fois pour toutes mais par un processus naturel issu de l’énergie du big bang et n’a fait que se transformer ensuite en vertu de l’adage : « Rien ne se perd, rien ne se créée, tout se transforme ».

Pour la pensée émergentiste, la matière est sans cesse détruite et récréée. Elle ne change pas seulement de forme en se « transformant ». Elle change d’être. Elle créée de nouveaux êtres aussi bien qu’elle transmet d’anciennes structures à ces nouveaux êtres.

On peut dire que la pensée transcendante est celle de la métaphysique, la pensée immanente est celle de l’ancienne physique et la pensée émergentiste est celle de la nouvelle physique.

La dernière, la pensée émergentiste, est la moins connue car la classe dirigeante n’a diffusé que les deux premières, choisissant plutôt, aux époques récentes et pour des raisons sociales et politiques tenant à son rôle désormais contre-révolutionnaire, de ne plus diffuser aucune pensée philosophique moderne s’appuyant sur les sciences.

Prenons un exemple bien connu : celui des constantes dites universelles comme la vitesse de la lumière, la charge de l’électron, la constante de Planck, la constante de Boltzmann notamment. Ces constantes sont toujours les mêmes dans toutes les expériences qui les concernent. Elles sont dites universelles. Personne ne peut les faire dépendre d’un phénomène ni découler d’autres lois de la nature. Elles semblent préexister au point que les métaphysiciens en font une preuve de la transcendance du monde qui aurait été pensé avec ces constantes dans le but de construire ce monde et ils affirment que, si on changeait ces constantes, ce monde ne serait plus possible. C’est ce qu’on appelle l’hypothèse anthropique car elle explique aussi que ce monde a été fait pour l’homme. Mais les mêmes constantes universelles servent tout autant à justifier la conception immanente, ces constantes étant attachés selon ces dernières aux objets que seraient le vide quantique, la matière, les forces matérielles qui les relient. La conception émergentiste est tout aussi attachée à tirer argument de ces mêmes constantes universelles et de montrer qu’elles découlent non du contenu matériel mais des interactions entre échelles hiérarchiques des différents niveaux d’existence de la matière, niveaux qui émergent les uns des autres. Par exemple, la constance de structure fine alpha qui est un rapport d’échelle de la microphysique. La constante pi, d’une précision extrêmement grande, est obtenue par un rapport entre rayon et circonférence, rapport entre tout ce qui est droit et tout ce qui est circulaire, est aussi un rapport lié à la dualité onde/corpuscule caractéristique du niveau quantique ou, plus exactement, du rapport entre deux niveaux : celui d’un corpuscule et de l’onde sous-jacente et celui d’une onde et du corpuscule virtuel sous-jacent. La vitesse de la lumière, ordinairement compris comme un rapport de distance et de temps d’un déplacement, est caractéristique du rapport physique entre deux niveaux d’organisation émergent l’un de l’autre : celui des photons (ou bosons) et celui de leurs composants : particule et antiparticule virtuels du vide quantique.

L’émergence ne regarde pas le monde comme la transcendance, c’est-à-dire en affirmant que ce n’est pas le vrai monde, qu’il y aurait, au dessus ou ailleurs, un monde bien plus important, le monde spirituel.

L’émergence ne regarde pas le monde, à la manière de l’immanence, comme un composé d’objets fixes qui produisent les interactions mais, au contraire, comme une interaction de niveaux de structure qui produit ces structures.

Elle conçoit le dynamisme du monde sans avoir besoin de faire appel à un esprit extérieur au monde.

L’émergence ne conçoit pas le monde matériel comme une série d’objet contrairement à la chosification qui a cours dans la thèse immanente. Considérer la matière comme une chose, considérer l’espèce vivante comme une chose, considérer l’homme ou la société humaine comme une chose sont des conceptions extrêmement courantes. De même, une classe sociale, un Etat, un mode de production, un art ne sont pas des choses. Ce ne sont pas non plus de pures pensées, des concepts abstraits en balade…

L’univers ne déroule jamais ses phénomènes à une seule échelle et tout ce que nous observons est le produit d’un rapport d’échelle entre deux niveaux de structures de la hiérarchie de la matière. Nous vivons notre vie d’hommes à la fois comme individus et comme classe, comme personne et comme membre d’un groupe social. La particule quantique (de matière ou de lumière) est à la fois membre du vide et de la matière. La molécule d’ADN, d’ARN ou la protéine sont à la fois membre du vivant et de l’inerte. La molécule d’un gaz est à la fois molécule individuelle et comme telle relation entre des atomes et membre d’un groupe de molécules et obéissant aux lois des gaz. Etc, etc…

La frontière entre ces domaines, c’est cela qui produit la structure.

La matière naît ainsi dans l’Univers à la frontière des immenses bulles du vide.

L’homme apparaît à la frontière de l’animalité et de l’humanité.

La matière ou l’homme émergent comme émergent une société, une culture, une civilisation, un mode de production, un niveau nouveau de la lutte des classes, etc.

L’émergence ne se contente pas de s’opposer à la métaphysique transcendante et à l’immanence non créatrice, elle les compose dialectiquement, c’est-à-dire qu’elle intègre les contraires, les rend mutuellement dépendants et indispensables, reconstruit leur interaction comme fondement du mécanisme dynamique.

Le transcendant et l’immanent s’opposent en ce qui concerne le connaissable. Pour le premier, il existe des mondes inconnaissables car appartenant au domaine de l’esprit ou des esprits. Pour le second, le monde est entièrement connaissable. Pour l’émergence, certains niveaux du monde matériel peuvent être logiquement déconnectés d’autres niveaux sans pour autant que cela nécessite une intervention d’autre chose que des lois de la matière. Ainsi, à notre échelle, nous ne percevons pas ce qui se passe au niveau du vide quantique et nous n’en avons pas besoin dans notre vie quotidienne. Cela ne fait pas du vide quantique un domaine livré à toutes les spéculations et impénétrable à la science. On peut faire des raisonnements sur le vide quantique, on peut même faire des expériences à son propos. On a la preuve de bien des choses parce qu’on peut faire agir sur le vide quantique un niveau intermédiaire entre notre niveau, macroscopique, et le niveau du vide : le niveau microscopique des particules qui, elles, perçoivent les agitations du vide quantique et peuvent nous les décrire indirectement. Il n’y a donc pas une frontière infranchissable entre perceptible et connaissable d’un côté et imperceptible et inconnaissable de l’autre, contrairement à ce que pensent à la fois la transcendance et l’immanence…

La pensée des anciennes sciences s’est battue sans cesse contre la métaphysique, affirmant soit de pouvoir complètement se passer de philosophie en sciences, soit de développer une science dans laquelle la création est complètement bannie, afin de détruire définitivement le créationnisme. Dans le premier cas, elle s’est fait purement observatrice de la matière et dans l’autre cas, elle a affirmé que la matière était toujours identique à elle-même, du moins au niveau fondamental et ne pouvait que changer de forme sans changer son substrat.

Cependant, il reste que, dans l’univers de la matière inerte, vivante, animale, humaine, sociale et politique, on trouve sans cesse des créations, c’est-à-dire de la nouveauté qui ne trouve pas ses racines dans l’univers précédent. L’immanence en est perturbée sans nécessairement devoir revenir à la transcendance….

Pas d’apparition et de disparition, pas de création, juste des modifications progressives, affirme l’immanence pour combattre la transcendance. Mais dans quel domaine constate-t-on cela ? Les sociétés disparaissent et d’autres apparaissent. Des espèces vivantes disparaissent et d’autres apparaissent. Des maladies disparaissent et d’autres apparaissent. Au cours de l’histoire de l’univers, des galaxies, des étoiles, des planètes apparaissent et d’autres disparaissent. Au cours de la transformation de la matière des structures disparaissent et d’autres apparaissent. Dans des temps extrêmement cours, au sein de toute matière, au niveau quantique, des particules apparaissent et d’autres disparaissent. Il faut donc un autre point de vue que le transformisme : c’est l’émergentisme.

La science doit donc changer ses principes philosophiques. Elle doit renoncer aux conceptions immanentes selon lesquelles la création est impossible, non pas pour retourner à l’idée de création divine, de transcendance, mais pour parvenir à celles de nature auto-créée en permanence, celle de l’émergence de structure auto-organisée à partir du chaos.

Dans la science moderne, même si elle n’a pas vraiment développé une pensée sur elle-même, l’ordre n’est plus ni figé, ni préétabli ni même prédictible. Il est émergent, issu du désordre. L’opposition diamétrale entre ordre et désordre, structure et agitation, stable et instable doit céder la place à des catégories intégrant la contradiction et son dépassement.

Pourquoi les principes auxquels obéit la matière ne seraient pas immanents et plutôt émergents ?

Prenons des exemples connus : la matière à notre échelle a une température. Celle-ci est-elle immanente ? Non, elle est émergente.

Qu’est-ce que cela signifie ? Eh bien, immanente, elle proviendrait de la température de ses éléments, les particules ou les atomes ou encore les molécules ou même un petit nombre de molécules. Mais à tous ces niveaux, aucune fonction de température n’a encore émergé ! Ce n’est qu’avec un grand nombre de molécules, grâce aux interactions entre elles, du fait des chocs, que la température apparaît. C’est donc un paramètre émergent.

Prenons une autre propriété : la masse. Celle-ci n’est pas du tout inhérente à la matière car la particule dont on pourrait croire qu’elle possède une masse va, dans un temps très court, la céder à une particule sans masse voisine, une particule du vide dite virtuelle et qui va devenir, très provisoirement elle aussi, une particule réelle possédant une masse. Donc ce n’est toujours pas une propriété inhérente à la matière.

La pression, voilà une autre propriété émergente qui nécessite, là aussi, un grand nombre de molécules pour apparaître.

Choisissons alors de prendre la particule elle-même, une particule sans masse. Eh bien, elle apparaît et disparaît dans le vide quantique ! Elle apparait par décomposition d’un photon lumineux en couple particule et antiparticule virtuels et elle disparaît par recomposition de la particule et de l’antiparticule.

Donc on ne peut nullement dire que les particules sont éternelles ni immanentes.

On ne peut pas non plus dire qu’elles apportent de l’eau au moulin de la transcendance puisque ces phénomènes sont parfaitement naturels, propres aux lois matérialistes et ne nécessitent aucune intervention d’un quelconque esprit extérieur et supérieur…

Qui plus est, la théorie de l’émergence qui est une création de structures matérielles, ne fait nullement appel à un principe spirituel ou situé en dehors des lois de la matière.

Par contre, elle pose une difficulté philosophique pour tous pour qui la science débute au fameux adage « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». En effet, dans l’émergence on ne peut nullement dire « rien ne se perd, rien ne se crée ».

Les particules, les noyaux, les atomes d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’hier ni d’avant-hier. Ils changent sans cesse, même quand le nombre et le type de ceux-ci ne changeaient pas

De même, nombre d’auteurs pensent que la civilisation humaine est dans la continuité, chaque type de société découlant de la précédente de manière linéaire. C’est tout à fait faux. La plupart des civilisations disparaissent sans donner naissance à rien d’autre, sans quasiment laisser de trace, sans transmettre son mode de pensée, son mode de vie et en laissant tout juste quelques ruines en pierre… Des civilisations se succèdent dans un même pays sans découler l’une de l’autre comme, par exemple, les diverses civilisations de l’Inde. Le passage d’une société à une autre ne peut pas être qualifié simplement de transformation comme si on reprenait les mêmes éléments en les rangeant seulement d’une nouvelle manière. Des vieilles sociétés ont été absorbées ou détruites mais leurs éléments ne sont pas intégrés à la nouvelle société. Ils peuvent parfois subsister sous des formes complètement identiques mais ne signifient plus du tout la même chose qu’autrefois, comme les anciennes religions.

L’Histoire des sociétés comme l’histoire de la matière, inerte ou vivante, est sujette à des ruptures brutales et qualitatives.

C’est en physique que le changement de conception, avec l’émergence, est peut-être le plus impressionnant et perturbant. Le réductionnisme, un tant triomphant, affirmait que la matière à grande échelle était bâtie comme un jeu de construction avec des éléments additionnés, éléments obéissant aux mêmes lois que ceux à l’échelle de l’édifice. En somme, les particules devaient avoir une identité individuelle, posséder une position déterminée, une vitesse déterminée, suivre une trajectoire, en somme être un objet comme ceux qui nous entourent. La physique quantique a démontré que tout cela est faux et pourtant nombre de gens continuent à raisonner de manière réductionniste, comme si le tout était la somme des parties, comme si les contradictions n’étaient pas intérieures à la matière elle-même, et celle-ci n’était pas sujette à la fois à l’apparition et à la disparition. Mais quiconque cherche à suivre en continu une particule découvre que la particule disparaît, qu’elle saute sans cesse d’une position à une autre, sans qu’on puisse dire, si la particule est captée dans une position, si elle l’aurait été si on ne l’y avait pas détectée.

La matière dite inerte est aussi productrice de nouveauté que la matière vivante ou que la pensée ou la société humaine. C’est le monde qui est un tout et qui obéit aux lois de l’émergence.

Cela signifie que l’espace-temps ne préexiste pas mais émerge, que la particule ne préexiste pas mais émerge, que la structure atomique ne préexiste pas mais émerge, que la structure moléculaire ne préexiste pas mais émerge, que les propriétés de la matière à notre échelle (fondée sur des quantités considérables de molécules) ne préexiste pas mais émergent.

Sans cesse des nouveautés sont produites, qui possèdent des propriétés qui n’existaient pas dans l’état précédent, qui ne sont pas de simples transformations de l’état précédent. Sans cesse, la lumière se change en matière et la matière en lumière. Pourtant, lumière et matière ont des propriétés contradictoires. Sans cesse, le niveau quantique fait émerger le niveau classique et sans cesse le classique revient au quantique. Sans cesse, le vide quantique fait émerger la matière et la matière retourne au vide.

La dynamique de l’univers n’est pas le progrès continu, régulier, lent, s’appuyant sur une base matérielle toujours conservée, immanente, mais, au contraire, fondée sur un processus intégré de destruction-construction, avec des sauts, des discontinuités, des non-linéarités provenant des lois de l’émergence.

Qu’est-ce qui distingue l’émergence d’une simple transformation ?

C’est l’apparition de nouveauté qualitative, de nouvelles propriétés, de nouveaux paramètres, de nouvelles lois qui n’existaient pas, même de manière embryonnaire, à l’échelon inférieur. C’est la production d’un monde nouveau et qui pourtant ne supprime pas l’ancien monde. La particule ne supprime pas les particules virtuelles. Les atomes ne suppriment pas les particules. De même que les classes sociales ne suppriment pas les individus ou le système social ne supprime pas les classes. Les espèces ne suppriment pas non plus les individus, pas plus que les groupements d’espèces ne suppriment les espèces. Cependant à l’échelon supérieur, on trouve des règles différentes de celles au niveau inférieur. Le réductionnisme est en échec car le niveau inférieur n’explique pas, pour l’essentiel, le niveau supérieur. Les individus ne suffisent pas à expliquer les classes sociales. Pas plus que les particules suffisent à expliquer l’atome ni l’atome ne peut suffire à expliquer ce qui se passe à notre échelle, celle d’un très grand nombre d’atomes. Pas davantage les gènes n’expliquent les interactions d’un grand nombre de gènes dans l’ADN ou l’ARN interagissant avec des protéines.

Ce qui se passe à l’échelon supérieur est du domaine d’un principe d’auto-organisation d’un grand nombre d’interactions et pas de simples propriétés du substrat matériel, ce qui est très différent. Un très grand nombre ne fonctionne pas comme quelques individus. Les lois ne sont plus les mêmes. Un grand nombre d’êtres vivants ne se comportent pas comme quelques individus. Un très grand nombre de particules obéissent à de tout autres lois que quelques particules. Les tas de sable n’obéissent pas aux lois des grains de sable. L’ADN ne dépend pas seulement du contenu de chacun des gènes qui le composent. Le cerveau humain n’obéit pas aux lois d’un neurone mais à l’auto-organisation des interactions d’un très grand nombre de neurones. Une ville n’est pas le total des individus qui la composent mais le résultat d’interactions de grands groupes, qui donne des lois bien différentes de celles à l’échelon individuel.

La classe sociale n’est pas une somme d’individus. La matière n’est pas une somme de particules. La société n’est pas une somme d’individus. L’ADN n’est pas une somme de gènes. Il faut tenir compte d’un point bien plus important que les éléments qui composent l’ensemble : de leurs interactions et du mode d’organisation de celles-ci. Lorsqu’il y a un très grand nombre d’individus, le mode d’organisation prime sur les propriétés individuelles. Il produit d’autres lois que celles auxquelles obéissent ces individus. Les agitations individuelles, loin de nuire à l’établissement de lois au niveau d’un grand groupe, favorisent l’établissement de lois strictes.

Robert B. Laughlin l’expose dans « Un univers différent, ou la fin du réductionnisme » :

« Notre vision conflictuelle de la nature reflète un conflit interne à la nature : elle se compose simultanément d’éléments primitifs et de structures organisationnelles stables, complexes, qui se constituent à partir d’eux….

La fiabilité des rapports de cause à effet dans le monde naturel nous apprend quelque chose sur nous-mêmes, car elle est due à des principes d’organisation, pas à des règles au niveau microscopique. Autrement dit, les lois de la nature qui sont importantes pour nous émergent par un processus collectif d’auto-organisation, et pour les comprendre et les exploiter il n’est pas nécessaire de connaître les constituants élémentaires… On pensait auparavant que c’étaient les lois qui causaient l’organisation et non l’inverse… Autrement dit, nous pouvons prouver, dans ces cas simples, que l’organisation peut acquérir un sens et une vie bien à elle, et commencer à émerger au-delà des éléments dont elle est faite.

« Le tout est plus que la somme des parties » n’est pas seulement une idée, mais un phénomène physique : voilà le message que nous adresse la science physique. La nature n’est pas uniquement régie par une règle fondamentale microscopique, mais aussi par de puissants principes généraux d’organisation. Si certains sont connus, l’immense majorité ne l’est pas. On en découvre constamment de nouveaux… Donc, si un phénomène physique simple peut devenir indépendant des lois fondamentales dont il descend, nous le pouvons aussi. Je suis du carbone, mais peu importe. J’ai un sens qui dépasse les atomes dont je suis fait.

Les éléments fondamentaux de ce message sont formulés dans les très nombreux écrits d’Ilya Prigogien, et avec plus d’originalité encore, dans un célèbre essai de P.W. Anderson, publié il y a trente ans sous le titre « More is different »… Je suis de plus en plus persuadé que toutes les lois de la physique que nous connaissons – pas seulement certaines – sont d’origine collective… On pourrait baptiser cette thèse « la fin du réductionnisme » (du principe : « divisons en composantes de plus en plus petites et nous finirons forcément par comprendre »)… Pour défendre ma position, il me faudra avancer franchement quelques idées « choquantes » : la « matérialité » du vide de l’espace-temps, l’hypothèse selon laquelle la relativité n’est pas fondamentale, la nature collective de la possibilité même du calcul informatique, les barrières épistémologiques au savoir théorique, les entraves du même ordre à la falsification de l’expérience, et le caractère mythologique d’importantes composantes de la physique théorique moderne. ..

Les lois importantes que nous connaissons, sans aucune exception, sont d’heureuses découvertes et non des déductions... Le monde est riche en régularités complexes et en relations de causalité quantifiables, et c’est grâce à elles que nous pouvons comprendre les phénomènes et exploiter la nature à nos propres fins. Mais la découverte de ces relations est regrettablement inattendue… Il s’avère que notre maîtrise de l’univers relève essentiellement du bluff… La thèse selon laquelle toutes les lois importantes de la nature sont connues n’est qu’une composante de ce bluff…

La solution de la contradiction logique entre la frontière ouverte et l’ensemble des règles suprêmes, c’est le phénomène de l’émergence. On se sert malheureusement du mot « émergence » pour désigner beaucoup de choses, dont des phénomènes surnaturels non soumis à la loi physique. Ce n’est pas de cela que je veux parler. C’est d’un principe physique d’organisation. Il est clair que les sociétés humaines ont des règles d’organisation qui dépassent l’individu. Une compagnie automobile ne va pas cesser d’exister si l’un de ses ingénieurs est écrasé par un camion. Le gouvernement du Japon ne change pas beaucoup après des élections. Mais le monde inanimé aussi a des règles d’organisation, et elles aussi expliquent beaucoup de choses qui sont importantes pour nous, dont la plupart des lois physiques de macroniveau dont nous nous servons dans notre vie quotidienne. Des réalités banales comme la cohésion de l’eau ou la rigidité de l’acier sont des exemples simples mais il y en a bien d’autres, innombrables…

Puisque les principes d’organisation – ou plus exactement leurs conséquences – peuvent être des lois, celles-ci peuvent elles-mêmes s’organiser en lois nouvelles, et ces dernières en lois encore plus neuves, etc. Les lois du mouvement des électrons engendrent les lois de la cristallisation, qui engendrent les lois de la rigidité et de la plasticité, qui engendrent les lois de la science de l’ingénieur. Le monde naturel est donc une hiérarchie de descendance interdépendante…

Si nous savons que les atomes ne sont pas fondamentaux, c’est uniquement parce qu’ils se divisent quand on les fait entrer en collision à très grande vitesse. Ce principe s’applique à des échelles de plus en plus petites. Les noyaux dont sont faits les atomes se divisent quand on les fait entrer en collision à plus grande vitesse encore. Les composantes du noyau ainsi libérées se divisent à des vitesses encore supérieures, etc. La tendance de la nature à constituer une société hiérarchique de lois physiques est donc bien plus qu’une thèse scientifique à discuter. C’est la raison pour laquelle nous pouvons connaître le monde. C’est grâce à elle que nous pouvons vivre sans comprendre les secrets ultimes de l’univers…

Depuis trois siècles, l’attention obsessionnelle portée aux détails a lentement révélé que certaines quantités physiques ne sont pas seulement reproductibles avec exactitude d’une expérience à l’autre, mais complètement universelles. On ne saurait trop souligner à quel point c’est ahurissant et troublant. En raison de son extrême fiabilité, de son exactitude parfaite, une quantité de ce genre n’est plus perçue comme un simple fait une certitude morale… Le sens profond de ces découvertes fait encore débat, mais leur importance ne fait de doute pour personne : un tel degré de certitude est peu commun dans la nature et demande explication. Un exemple familier de ce type de quantité universelle est la vitesse de la lumière…

L’existence de quantités universelles qu’on peut mesurer avec certitude est l’ancre de la physique. Cette vérité essentielle est parfois facile à oublier, car les principes fondamentaux de la physique sont connus depuis si longtemps qu’ils se sont ossifiés en clichés.

Le tout petit groupe d’expériences qui sont d’une extrême exactitude a en physique une importance considérablement supérieure à sa taille. (…) Il y a la constante de Rydberg, le nombre qui définit la quantification des longueurs d’onde de la lumière émise par des gaz atomiques dilués et responsable de la fiabilité stupéfiante des horloges atomiques : on la connaît au cent millième de milliardième près. Autre exemple, la constante de Josephson, le nombre qui indique le rapport entre la tension qu’on applique à un type précis de « sandwich » métallique et la fréquence des ondes radio qu’il émet : on la connaît à un degré d’exactitude d’un cent millionième. Ou encore la résistance de Von Klitzing, le nombre qui indique le rapport entre le courant électrique qu’on fait passer à travers un semi-conducteur de conception spéciale et la tension induite perpendiculairement au moyen d’un aimant : on la connaît à un degré d’exactitude d’un dix milliardième. Paradoxalement, l’existence de ces expériences très reproductibles nous inspire deux points de vue incompatibles sur ce qui est fondamental. Selon le premier, cette exactitude nous fait toucher du doigt certains des éléments primitifs les plus simples dont est fait notre monde complexe et incertain. Nous disons que la vitesse de la lumière est constante parce qu’elle l’est vraiment, et parce que la lumière n’est pas constituée de composantes plus élémentaires. Avec ce mode de pensée, nous réduisons ces expériences extrêmement précises à une poignée de constantes dites « fondamentales ». L’autre point de vue, c’est que l’exactitude est un effet collectif, qui se produit en raison d’un principe d’organisation. (…) Un bel exemple d’effet collectif déguisé en effet réductionniste est la quantification des spectres atomiques. (…) Donc même la constance du spectre atomique a en réalité des origines collectives – le phénomène collectif, en l’occurrence, étant l’univers lui-même.

Autre cas de « collectivisme », bien plus immédiat et troublant : la détermination de la charge de l’électron et de la constance de Planck par des mesures macroscopiques. La charge de l’électron est l’unité indivisible de l’électricité. La constance de Planck est la relation universelle entre le moment et la longueur qui définit la nature ondulatoire de la matière. Il s’agit de deux concepts résolument réductionnistes et, pour déterminer leur valeur, on recourt traditionnellement à de gigantesques machines qui mesurent les propriétés d’électrons individuels arrachés à des atomes. Or, il s’avère que le chiffre le plus précis ne vient pas de ces machines, mais simplement d’une combinaison des constantes de Josephson et de Von Klitzing, dont la mesure n’exige rien de plus compliqué qu’un cryoréfrigérateur et un voltmère. Cette découverte a été une immense surprise, car les échantillons sur lesquels on mesure les effets Josephson et Von Klitzing sont extrêmement imparfaits : ils regorgent d’impuretés chimiques, d’atomes déplacés et de structures atomiques complexes comme les frontières des grains et les morphologies de surface, autant de facteurs qui auraient dû perturber les mesures au niveau d’exactitude rapporté. Le fait même qu’ils ne le font pas prouve que de puissants principes d’organisation sont à l’œuvre. (…) Nous avons pris l’habitude de penser l’électron (et sa charge) comme un élément de base, un « cube de construction » de la nature, qui n’exige aucun contexte collectif pour avoir un sens. (…) L’énigme de la charge de l’électron, en fait, n’est pas unique. Toutes les constantes fondamentales exigent un contexte environnemental pour faire sens. (…) Il s’avère que les légendaires lois de Newton sont émergentes. Elles n’ont rien de fondamental, mais résultent de l’agrégation de la matière quantique en fluides et en solides macroscopiques – un phénomène organisationnel collectif. (…) Le comportement supraconducteur nous révèle, par son exactitude, que la réalité quotidienne est un phénomène d’organisation collective. (…)

Les états de la matière – dont les plus connus sont le liquide, le gazeux et le solide – sont des phénomènes organisationnels. Beaucoup sont surpris de l’apprendre puisqu’ils apparaissent si fondamentaux et familiers, mais c’est la pure vérité. (…) Les états sont un cas d’émergence élémentaire et bien étudié, qui démontre de façon convaincante que la nature a des murs d’échelle : les règles microscopiques peuvent être parfaitement vraies mais sans aucune pertinence pour les phénomènes macroscopiques, car ce que nous mesurons leur est insensible ou au contraire trop sensible. (…) Enfin, nous savons que les lois élémentaires ont en principe la capacité d’engendrer des états et des transitions d’états en tant que phénomènes organisationnels. (…)

L’aspect le plus stupéfiant de l’ordre cristallin, c’est qu’il reste exact quand la température monte. (…) L’exactitude du réseau sur longue distance explique la soudaineté de la fonte. (…) La forme et l’élasticité ne peuvent être perdues que sur le mode de la « catastrophe ». (…) Les transitions de la glace, fonte et sublimation, signalent la destruction de l’ordre cristallin et son remplacement par un autre ensemble de comportements exacts collectivement baptisé « hydrodynamique ». (…) L’émergence de la loi hydrodynamique aux longueurs d’onde élevées explique pourquoi l’onde de compression du son se propage universellement dans les fluides, et pourquoi la force de cisaillement d’un fluide est presque exactement de zéro. (…)

Le phénomène émergent qui distingue les états liquide et gazeux n’est donc pas le développement de l’ordre (…) Les états cristallins et superfluides, et les comportements exacts qui leur sont propres, sont des exemples particuliers d’une idée abstraite importante en physique, qu’on appelle la brisure de symétrie spontanée. (…) L’idée de brisure de symétrie est simple : la matière acquiert collectivement et spontanément une propriété ou une préférence qui n’existait pas dans les règles antérieures. Par exemple, lorsque des atomes s’ordonnent en cristal, ils acquièrent des positions privilégiées, mais ces positions n’avaient rien de privilégié avant la constitution du cristal. Quand un morceau de fer devient aimanté, le magnétisme choisit spontanément une direction dans laquelle il va orienter.(…) Nous disons que la matière décide « au hasard » (…) mais cette formule ne saisit pas vraiment ce qui se passe. (…)

L’émergence des principes traditionnels de protection prend un tour intéressant quand le système se trouve à l’équilibre, à une transition d’état, car il a du mal à décider comment s’auto-organiser. Il peut alors arriver que tout soit non pertinent sauf une seule quantité caractéristique qui grandit sans limite quand la taille de l’échantillon augmente, par exemple la quantité de magnétisme dans un matériau magnétique. (…) La protection équilibrée se produit couramment dans la nature, mais moins qu’on pourrait s’y attendre, car la plupart des transitions d’état, l’évaporation de l’eau par exemple, ont une chaleur latente qui force les états à coexister. (…)

Le refus obstiné de l’establishment scientifique d’envisager la présence potentielle de principes émergents dans le vivant est évidemment un symptôme flagrant de son intoxication aux croyances réductionnistes - ardemment encouragées par l’industrie pharmaceutique, qui apprécie énormément de faire élucider aux frais du contribuable des petits détails importants pour ses affaires.

« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. »

Qu’est-ce que l’émergence ?

Pourquoi la notion d’émergence d’organisation nous semble indispensable pour comprendre celle de structure en sciences ?

La matière issue d’une « brique élémentaire » de type atome qui sert de base à un jeu de construction, ou structure qui émerge sans cesse de l’agitation, ou les deux à la fois ?

La matière, émergence de structure au sein du vide

Le cœur ou l’émergence de rythmes

L’émergence de rythmes dans le cerveau

L’émergence de l’homme

L’émergence de la vie

Qu’est-ce que des structures issues du non-équilibre ?

Qu’est-ce qu’un système dynamique ?

Comment les interactions physiques font-elles émerger les niveaux hiérarchiques des structures matérielles ?

Auto-organisation, auto-régulation, auto-activation, auto-rythmicité, auto-mouvement, auto-structuration, ou la dialectique de la dynamique

Le vide émergent, collectif, dynamique, agité et contradictoire

Comment le réel émerge du virtuel

L’auto-organisation ou l’ordre spontanément issu du désordre

La brisure de symétrie

POUR CONCLURE :

L’émergence est donc la recomposition des contraires dialectiques, transcendance et immanence, artificiellement séparés et opposés : entre intérieur et extérieur, entre l’individu et le groupe, entre le stable et l’instable, et l’ordre et le désordre, entre le figé et le dynamique, entre la matière et le vide, entre le réel et le virtuel….

« La loi ne va pas au-delà du phénomène. Au contraire, le royaume des lois est l’image "calme" du monde existant ou émergeant. »

« Le fonds de la chose n’est pas épuisé dans la fin, mais dans tout son accomplissement. Le "résultat" atteint n’est pas le tout concret ; il ne l’est qu’avec le processus dont il est le terme. La fin prise indépendamment du reste est l’universel mort, tout comme la tendance n’est qu’un simple effort, encore privé de réalisation ; et le résultat nu est le cadavre que la tendance a laissé derrière elle. (...) Saisir la chose, c’est l’exposer dans son développement. (...) Le phénomène est un processus d’avènement et de disparition, qui lui-même n’advient ni ne disparaît, mais est en soi et constitue l’actualité et le mouvement de la vérité vivante. »

« Ce qui se meut, c’est la contradiction. (...) C’est uniquement parce que le concret se suicide qu’il est ce qui se meut. »

« Plusieurs choses sont en interaction par leurs propriétés. (...) Le phénomène est dans l’unité de l’apparence et de l’existence. Cette unité est la loi du phénomène. La loi est donc le positif dans la médiation de ce qui apparaît. C’est le reflet du phénomène dans son identité avec lui-même. Cette identité, le fondement du phénomène qui constitue la loi, est un moment propre du phénomène... La loi est donc non au-delà du phénomène, mais présente en lui immédiatement. Le royaume des lois est le reflet tranquille du monde existant ou phénoménal. »

« Ce qui se contredit ne se résout pas en zéro, en néant abstrait, mais essentiellement en la négation de son contenu particulier ; autrement dit encore, une telle négation n’est pas complète négation, mais négation de la chose déterminée (...) le résultant, la négation, étant négation déterminée, a un contenu. (...) Elle s’est enrichie de sa négation, (...) elle est l’unité d’elle-même et de son opposé. » « Une chose n’est donc vivante que pour autant qu’elle renferme une contradiction et possède la force de la saisir et de la soutenir. Mais, lorsqu’un existant est incapable, dans sa détermination positive, de passer à la détermination négative et de les conserver l’une dans l’autre, autrement dit lorsqu’il est incapable de supporter à l’intérieur de lui-même la contradiction, il n’est pas une unité vivante, ... mais s’effondre et succombe à la contradiction. (...) Il résulte de l’examen de la nature de la contradiction que lorsqu’on dit d’une chose qu’elle renferme une contradiction, on ne signifie pas par là qu’elle est endommagée, défectueuse ou fautive. Toute détermination, tout concret, tout concept constituent essentiellement une unité des moments différents et différenciables, qui deviennent contradictoires par la différence déterminée essentielle qui les sépare. »

« L’on accordera sans difficulté que l’esprit trouve des contradictions dans le monde phénoménal, c’est-à-dire que l’esprit trouve des contradictions dans le monde phénoménal, c’est-à-dire dans le monde tel qu’il apparaît à la pensée subjective, à la sensibilité et à l’entendement… On peut établir comme fait que toute connaissance et tout principe immédiat contient une médiation, et la doctrine de la science immédiate demanderait en vain des objections à l’entendement pour la détruire. C’est, en effet, le propre de l’entendement vulgaire de séparer l’élément immédiat et l’élément médiat de la connaissance, et de leur attribuer à chacun une existence indépendante et absolue, ce qui fait qu’il se trouve en présence d’une difficulté insurmontable lorsqu’il veut les unir…. »

« La loi n’est pas au-delà du phénomène, mais présente en lui directement ; le domaine des lois est le reflet tranquille du monde existant ou phénoménal. Mieux, les deux sont une totalité, et le monde existant est lui-même le domaine des lois qui, en tant qu’être posé ou dans l’indépendance qui se résout elle-même de l’existence. L’existence retourne dans la loi, en tant que son fondement ; le phénomène contient les deux, la raison simple et le processus dissolvant de l’univers phénoménal, dont le fondement est l’essentialité… Le domaine des lois est, il est vrai, la vérité de l’entendement, vérité dont le contenu est la distinction qui se trouve dans la loi ; mais le domaine des lois n’est en même temps que sa première vérité, et elle n’épuise pas le phénomène... La loi du phénomène est son reflet tranquille, général. Elle est un rapport médiateur des déterminations générales permanentes dont les distinctions sont extérieures à la loi. La généralité et la permanence de ce rapport médiateur conduisent à la nécessité de la loi ; mais sans que la distinction soit déterminée en elle-même ou en interne, de façon qu’une détermination soit immédiatement dans le concept de l’autre. »

Friedrich Hegel

Messages

  • La philosophie moderne n’a pas intégré que la science admette l’émergence, l’apparition et la disparition, la naissance et la mort (celle des êtres vivants comme celle des galaxies, des étoiles, des atomes et des particules. Cela se voit au caractère demeuré mystique, malgré les progrès des sciences, pour tout ce qui concerne la naissance et la mort.

  • «  Pour la pensée émergentiste, la matière est sans cesse détruite et récréée. Elle ne change pas seulement de forme en se « transformant ». Elle change d’être. Elle créée de nouveaux êtres aussi bien qu’elle transmet d’anciennes structures à ces nouveaux êtres. »

  • « La conception émergentiste est tout aussi attachée à tirer argument de ces mêmes constantes universelles et de montrer qu’elles découlent non du contenu matériel mais des interactions entre échelles hiérarchiques des différents niveaux d’existence de la matière, niveaux qui émergent les uns des autres. »

  • « La science doit donc changer ses principes philosophiques. Elle doit renoncer aux conceptions immanentes selon lesquelles la création est impossible, non pas pour retourner à l’idée de création divine, de transcendance, mais pour parvenir à celles de nature auto-créée en permanence, celle de l’émergence de structure auto-organisée à partir du chaos. »

  • Peux-tu donner quelques exemples simples et concrets de l’émergence. Ce n’est pas une notion évidente. On a tendance plutôt à penser que la matière est toujours la même et qu’elle change seulement de forme ou d’agencement et pas qu’elle émerge d’on ne sait où ?

  • Tu peux bien sûr dire que c’est un changement de forme mais dans la nouvelle structure il faut que tu aie conscience qu’il n’y a pas les mêmes lois et cela signifie que ce n’est pas la même chose. C’est vrai qu’il s’agisse de lois de la matière, de la vie, de l’homme ou de la société.

    Ainsi, si tu dis que le monde des villes n’est rien d’autre que le monde des villages et aussi que ce sont les mêmes hommes dans la vie sédentaire que dans celle avant les habitats permanents, tu oublies et effaces une discontinuité radicale, une émergence de quelque chose de totalement nouveau. Oui, la ville émerge, la civilisation des villes émerge tout comme émergent des sociétés fondées sur des nouveaux moyens de production qui font eux-mêmes émerger de nouvelles classes sociales et de nouveaux rapports de production.

    Il faut également parler d’émergence lors de la mise en place par un grand nombre d’oscillateurs rythmiques, du type des cellules nerveuses du cœur ou du cerveau, d’un nouveau rythme ainsi que dans toute autostructuration d’un très grand nombre d’interactions.

    Il faut également parler d’émergence pour la formation d’une structure durable du nuage.

    Il y a également émergence d’une structure de la glace ou d’un volcan, pour ne citer que quelques exemples simples.

  • « La tâche centrale de la physique théorique de nos jours n’est plus de tenter de décrire les équations ultimes, mais bien plutôt de cataloguer et de comprendre les comportements émergents dans toutes leurs manifestations, y compris peut-être le phénomène de la vie. »

    Robert Laughlin, « Un univers différent »

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