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Afghanistan 2001 : les raisons et les buts d’une intervention militaire

lundi 14 novembre 2005, par Robert Paris

Afghanistan, crimes et méfaits capitalistes

Les raisons et les buts de l’intervention militaire

Les Etats-Unis ne pouvaient laisser passer les attentats du 11 septembre, cette gifle magistrale à la première puissance mondiale, cette « première attaque étrangère sur le sol américain depuis deux siècles », sans punir le ou les coupables. Au besoin ces coupables, faute de les trouver ou de les connaître, ils les auraient désignés arbitrairement, comme il en fut question un moment quand l’administration américaine envisagea sérieusement semble-t-il d’attaquer l’Irak, plutôt que l’Afghanistan ou en même temps que l’Afghanistan.

Mais cela fait des années que les avions américains et anglais bombardent l’Irak. L’Afghanistan, cible nouvelle, avait donc plus de chance de frapper les imaginations. Le pays était censé abriter Oussama Ben Laden et son état-major, dénoncés tout de suite comme les responsables des attentats. Le pays donnait l’occasion de remettre les pieds au Pakistan voisin avec qui les Etats-Unis étaient en froid depuis quelques temps, ou de se poser enfin dans ces Etats asiatiques issus de l’effondrement de l’URSS et toujours plus ou moins protectorats russes.
Pour terrifier le monde

Pour restaurer l’image de la super-puissance américaine et le mythe de son invulnérabilité, sérieusement mis à mal par les attentats du 11 septembre, il y avait urgence à effacer cette impression détestable. Les talibans ont donc payé la note. Non pour le régime abominable qu’ils avaient instauré en Afghanistan, non pour leur invraisemblable oppression des femmes et des hommes de ce pays, mais parce qu’il fallait bien qu’un rebelle quelconque au nouvel ordre mondial, réel ou supposé, soit châtié. Pour servir de leçon à tous ceux à qui pourrait venir l’idée de ne pas accepter cet ordre, peuple, gouvernement ou classe dirigeante. L’Afghanistan a été bombardé pour l’exemple comme en d’autre temps d’autres furent fusillés pour l’exemple.

Le pire évidemment, c’est que la population compte ses morts et voit ses maisons détruites, tout autant que le mollah Omar et ses compagnons. Mais la leçon qu’entend donner l’impérialisme américain vaut encore plus pour les peuples que pour leurs gouvernants.

L’ironie de l’histoire, et ce que les talibans eux-mêmes ont dû trouver saumâtre, c’est qu’ils ne se comptaient pas parmi les plus farouches ennemis des Etats-Unis. Non seulement ils avaient été mis en selle par les services secrets pakistanais avec la bénédiction de l’impérialisme, mais pendant les six ans de leur règne sur la majeure partie du pays, ils ont négocié soit directement avec l’administration américaine soit avec les trusts pétroliers américains. A côté de l’appui qu’ils étaient prêts à fournir à ces derniers pour l’exploitation et l’exportation du pétrole de la Caspienne, ils pouvaient penser qu’aux yeux de Washington la lapidation de quelques dizaines de femmes adultères ou la destruction des bouddhas de Bamiyan, ou même l’hospitalité accordée à Ben Laden, n’étaient que peccadilles. Et c’était bien pris pour tel, en effet ! Jusqu’à ce que le gouvernement des Etats-Unis ait besoin de trouver quelqu’un sur qui frapper.

Jusqu’au dernier moment d’ailleurs les talibans se sont montrés bien conciliants. Car après tout, leur demande de preuves (jamais fournies par les autorités américaines) de la culpabilité de Ben Laden n’avait rien d’exorbitant. En d’autres lieux et pour d’autres partenaires, c’est admis comme règle normale. Appliquée par tous les Etats, y compris les Etats-Unis dans les relations internationales. Mais appliquer en l’occurrence le sacro-saint droit international, aussi injuste soit-il pourtant, aurait été de la part des Etats-Unis une preuve de faiblesse. Et c’est de leur force qu’ils voulaient faire preuve. Que personne n’en doute et que le monde entier la redoute !
Ou le mettre à sa botte

Passés les premiers moments de panique de leur président, apparue sur tous les écrans du monde, les gouvernants américains n’ont pas été longs à comprendre le parti qu’ils pouvaient - pourquoi pas ? - tirer des destructions du World Trade Center et l’extraordinaire prétexte que Ben Laden leur fournissait. Puisque c’était donc lui ! Tellement évident que même aux Etats-Unis, certains se sont demandés si l’administration ou des services comme la CIA ou le FBI, indépendamment de leur visible incompétence, n’auraient pas laissé faire volontairement.

Prétexte, sur le plan intérieur, pour donner colonne vertébrale sinon cerveau au président Bush, jusque-là déconsidéré par une élection « à la sauvette » et des qualités intellectuelles bien cachées. Prétexte surtout pour ressouder la population derrière lui, fouetter le patriotisme et faire passer plus facilement une politique de sacrifices pour les travailleurs et les pauvres, de subventions colossales pour les capitalistes. Dans une période où la récession économique faisait durement ressentir ses effets sur le plan social, notamment au travers de plans de licenciements massifs.

Prétexte sur le plan international, pour sommer le monde entier de choisir son camp, ou plutôt de ne donner à personne d’autre choix que celui du camp des Etats-Unis. Ce que le monde entier à fait d’ailleurs, des impérialismes européens de seconde zone à tous les Etats (à l’exception de l’Irak) qualifiés de « voyous » par les Etats-Unis. En passant par la Chine et la Russie. Sans oublier tous les Etats du monde musulman, y compris ceux qui se réclament de près ou de loin de l’islamisme, Pakistan, Soudan, Arabie Saoudite enfin dont, semble-t-il, bon nombre de membres de la classe régnante gardaient et gardent encore des liens politiques et financiers, non seulement avec les talibans mais avec Ben Laden lui-même.

Bon gré, mal gré, avec ou sans réserves exprimées, parfois en rechignant et en maugréant, le ralliement a donc été quasi-général. Sa durée dépend maintenant sans doute du succès de l’opération, et du fait que les Américains infligent ou non une punition exemplaire et terrifiante à Ben Laden, aux talibans (même s’ils ne sont peut-être pas pour grand chose dans les agissements de celui-ci) et au peuple afghan (qui lui n’y est pour rien du tout mais est de toute manière le plus durement touché).

Autant de raisons, en plus de notre solidarité avec la population afghane, de souhaiter (à défaut d’y contribuer) l’échec de l’intervention impérialiste et même sa défaite. Certes celle-ci aurait toutes les chances, en l’absence de mouvements révolutionnaires, de profiter à d’autres forces réactionnaires - partis islamistes dans le monde musulman, dictatures nationalistes ailleurs, extrême droite dans les pays occidentaux - tout aussi ennemies des pauvres et des travailleurs que les représentants actuels de l’impérialisme. Mais un succès de celui-ci qui semblerait démontrer sa toute puissance et sa capacité à imposer sa police partout et sur tous serait quand même encore pire que la survie de Ben Laden ou du régime taliban.

Le 20 novembre 2001

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