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Les débuts de la culture en Europe
mardi 10 décembre 2019, par
« A l’été 2008, nous avons découvert une flûte entière dans la grotte de Hohle Fels. Façonnée dans l’os d’une aile de gypaète barbu (le plus grand des vautours), elle était juste à une longueur de bras de l’endroit où avait été trouvée la Vénus du Hohle Fels. Après l’assemblage des fragments, l’objet, de 22 centimètres de long, s’est avéré comprendre cinq trous et un bec complet. Il date de quelque 40.000 ans, ce qui en fait le plus vieil instrument de musique du monde. Sa finition technique et acoustique est remarquable. (…) Les découvertes du Jura souabe indiquent que l’homme anatomiquement moderne de l’époque aurignacienne avait développé une diversité culturelle comparable à celle des sociétés ultérieures. »
Nicolas Bolus et Nicolas Conard dans « Pour la Science » n°407
Les débuts de la culture en Europe
Des chercheurs britanniques et allemands ont daté des vestiges préhistoriques provenant d’une grotte du sud-ouest de l’Allemagne à plus de 40.000 ans, prouvant l’ancienneté de la culture dite aurignacienne, apportée par Homo sapiens lorsqu’il a colonisé l’Europe.
La grotte de Geissenklösterle fait partie du vaste complexe de cavernes aurignaciennes du Jura souabe, qui a produit d’importants exemples d’outils de pierre, de parures (telles que des dents percées), d’instruments de musique (comme ces flûtes en ivoire de mammouth ou en os d’oiseaux, trouvées dans la même couche que celle récemment datée), ainsi que la plus ancienne statuette humaine (datant de -35 000 ans et découverte en 2008, elle est en ivoire). Ces nouvelles datations, cohérentes avec d’autres effectuées antérieurement grâce à la thermoluminescence, font de cette partie de l’Allemagne une sorte de ‘berceau’ de la culture aurignacienne, plus ancien que les sites aurignaciens d’Italie, de France ou d’Angleterre.
À l’aide des techniques les plus modernes, des chercheurs des universités d’Oxford (Royaume-Uni) et de Tübingen (Allemagne) ont procédé à une radiodatation au carbone d’ossements fossilisés. Appartenant à des animaux, ceux-ci ont été trouvés dans la grotte de Geissenklösterle, dans le Jura Souabe (sud-ouest de l’Allemagne), dans une couche sédimentaire recelant également des objets de la culture paléolithique dite aurignacienne.
D’après les résultats publiés dans le Journal of Human Evolution, les scientifiques ont découvert que les ossements dataient de jusqu’à près de -43.000 ans. Une date qui fait d’eux les plus anciennes traces jamais révélées pour cette culture. Mais ce n’est pas tout puisque celles-ci appuient également l’hypothèse d’une expansion de l’homme anatomiquement moderne en Europe dès cette époque, via le bassin du Danube, à la faveur d’un épisode climatique plus clément lors du dernier âge glaciaire.
Outre ces ossements, la grotte de Geissenklösterle a déjà fourni d’importants éléments de parures, d’art figuratif, d’imagerie mythique et même des instruments de musique fabriqués à partir d’os d’oiseaux et d’ivoire de mammouth. "Ces résultats sont cohérents avec l’hypothèse que nous avions faite il y a plusieurs années évoquant que le fleuve Danube a été un corridor crucial dans le mouvement des humains et des innovations technologiques au sein de l’Europe centrale il y a entre 40.000 et 45.000 ans", explique le professeur Nick Conard de l’Université de Tubingen en Allemagne.
Les grottes du Jura souabe, en Allemagne, ont livré des œuvres vieilles de 40 000 ans qui attestent d’une culture élaborée chez les premiers Européens anatomiquement modernes.
L’histoire de l’arrivée des premiers Hommes modernes en Europe se précise un peu plus. La vallée du Danube aurait servi de couloir de migration et favorisé le développement de la culture aurignacienne dans des grottes du Jura Souabe (sud-ouest de l’Allemagne). Les plus vieux instruments de musique européens, âgés d’environ 42.500 ans, viendraient d’ailleurs d’y être trouvés.
Plusieurs cultures se sont succédé dans l’histoire d’Homo sapiens. L’Aurignacien, entre -40.000 et -25.000 ans, serait la première à avoir laissé des traces durables d’art figuratif sous la forme de statuettes d’ivoire, de divers éléments de parure ou de blocs de pierre sculptés ou peints. Des œuvres d’art et des objets vieux de 40.000 à 38.000 ans, datant donc du Paléolithique supérieur, ont déjà été trouvés en Allemagne, en Bulgarie, en Espagne, en France ou en Italie. Les plus vieilles peintures du monde produites par des Aurignaciens auraient été peintes il y a 29.000 à 32.000 ans dans la grotte Chauvet en Ardèche. Elles représentent très bien ce dont étaient capables les Hommes modernes de l’époque.
En Allemagne, la grotte de Geiβenklösterle dans le Jura Souabe a abrité certains des premiers Homo sapiens lors de leur arrivée en Europe, comme en témoignent de nombreux objets (pierres taillées, bijoux, statuettes, etc.) trouvés à l’intérieur. Pour en être sûrs, des chercheurs de l’université d’Oxford (Royaume-Uni) et de Tübingen (Allemagne) viennent de redater la couche archéologique qui les abritait en appliquant une technique de datation à haute résolution sur des ossements. Les nouvelles données, présentées par Tom Higham dans le Journal of Human Evolution, bouleversent quelque peu les connaissances déjà acquises sur cette culture.
Les os d’animaux analysés, dont certains portent des traces de coupures et de morsures humaines, seraient en effet âgés de 42.000 à 43.000 ans, repoussant ainsi de 2.000 à 3.000 ans l’âge de l’apparition de la culture aurignacienne. Ce résultat a plusieurs implications majeures.
De très nombreux bijoux, tels des pendentifs, de la culture aurignacienne ont été trouvés dans la grotte de Geiβenklösterl, à proximité des instruments de musique et des ossements ayant fait l’objet d’une datation à haute résolution.
La méthode de datation repose sur l’analyse de radiocarbone mais, contrairement à d’autres, elle aurait été améliorée grâce à une meilleure élimination des fibres de collagène, sources de biais dans les mesures, présentes au sein des échantillons. Les datations sont donc plus précises qu’auparavant. Les os se trouvaient dans la même couche archéologique que des instruments de musique. Ainsi, les flûtes faites d’ivoire de mammouth ou d’os d’oiseau (naturellement creux) de la grotte de Geiβenklösterle correspondraient toujours aux plus vieux instruments trouvés en Europe, mais seraient plus vieilles de 7.500 ans par rapport aux résultats obtenus avec les première datations.
Certains aspects de l’expansion des Hommes en Europe peuvent également être revus puisque l’une des premières traces de la culture aurignacienne se trouve dorénavant en Allemagne. Une hypothèse avancée par des chercheurs de l’université de Tübingen voici plusieurs années se voit confirmée. Le Danube aurait pu servir de couloir de migration lors de l’arrivée des premiers Hommes modernes voici 45.000 ans. Leur migration aurait, contrairement aux anciennes théories, précédé le refroidissement climatique européen H4, ou « événement Heinrich 4 », survenu il y a 40.000 ans. L’ancienne théorie plaçait l’arrivée des premiers Hommes modernes dans la partie supérieure de la vallée du Danube tout de suite après la disparition du H4.
Homo sapiens serait entré en Allemagne pendant une période de redoux du dernier âge glaciaire, dans des conditions climatiques particulièrement défavorables à la présence de l’Homme de Néandertal. Malgré tous les efforts entrepris, aucune trace de cohabitation ou d’hybridation entre ces deux espèces n’a été trouvée dans cette région allemande jusqu’à présent, mais les efforts de recherche se poursuivent.
La vallée du Danube et les grottes du Jura Souabe sont dorénavant vues comme un nouveau berceau possible de la culture aurignacienne. Il est cependant nécessaire de préciser que des traces de dispersion d’Hommes modernes préaurignaciens vieilles de 45.000 ans ont été découvertes dernièrement en Italie.
C’est dans la grotte d’Hohle Fels, à quelques dizaines de centimètres de l’endroit où a été découverte une figurine de femme aux formes suggestives, que Nicholas Conrad et ses collègues de l’Université de Tübingen (Allemagne) ont trouvé les 12 fragments de la flûte en os. Presque entière, cette flûte de 22 cm de long et de 8 mm de diamètre est percée de cinq trous et possède deux encoches en forme de V à l’endroit où le joueur devait souffler.
L’instrument de musique a été extrait d’une couche datant des débuts de l’Aurignacien (Paléolithique supérieur). Il daterait donc de 35.000 ans avant notre ère, comme la statuette féminine, précisent les chercheurs dans la revue Nature publiée aujourd’hui. Cette flûte a été taillée dans un os de vautour fauve (Gyps fulvus) dont la grande taille se prête bien à la fabrication de ce type d’instrument.
Les fragments d’ivoire retrouvés dans des couches de la même période, à Hohle Fels et à Vogelherd, dans la même région, révèlent la maîtrise d’une technique de confection plus complexe, puisque l’ivoire doit être taillé, fendu et assemblé, contrairement à l’os de vautour, précisent les chercheurs.
Lors de la découverte des premières flûtes de l’Aurignacien dans les grottes du Jura souabe, en 1995, ces objets paraissaient exceptionnels, commentent Conard et ses collègues. Aujourd’hui, les paléontologues ont sorti au total quatre flûtes en os et quatre flûtes en ivoire de ces grottes et considèrent désormais que la musique était un élément important de la vie des hommes modernes il y a 30 à 40.000 ans. (extrait de musique jouée à partir d’une flûte reconstituée / Wulf Hein, Université de Tübingen).
A quand remonte cette tradition musicale ? Une flûte taillée dans un fémur d’ours a été retrouvée en Slovénie dans la grotte de Divje Babe en 1995 : elle daterait de 45.000 ans avant notre ère et aurait été entre les mains des Néandertaliens –une hypothèse qui n’est pas admise par tous les spécialistes.
La vénus du Hohle Fels, une figurine féminine de six centimètres de haut en ivoire de mammouth, a été découverte en 2008 dans la grotte du Hohle Fels. Particulièrement soulignées, les représentations de ses organes génitaux suggèrent qu’elle symbolisait la sexualité et la fertilité. Équipée en haut d’un anneau, elle constituait sans doute une sorte d’amulette qui se portait en pendentif. Datée entre 40 000 et 35 000 ans, elle est la plus ancienne œuvre anthropomorphe de l’humanité.
Que nous reste-t-il des hommes préhistoriques ? Des pierres taillées et quelques os ? Pas seulement, car les cultures aussi laissent des fossiles. Il y a entre 30 000 et 40 000 ans, une culture avancée s’est épanouie dans la petite chaîne de montagnes entourant la ville d’Ulm, que l’on nomme le Jura souabe. Les grottes de ce massif du Sud-Ouest de l’Allemagne ont en effet livré plusieurs dizaines d’objets prouvant que les porteurs de cette première culture souabe ont utilisé durant une très longue période des techniques et un système symbolique complexes. Ils constituent ensemble le fossile d’une culture, que seul un haut niveau de cognition a pu rendre possible. Quelle est cette culture ? Difficile à dire, mais nous pouvons au moins illustrer certains de ses traits les plus frappants et ressentir leur proximité avec la nôtre.
La culture que nous allons présenter remonte à l’Aurignacien. Première culture du Paléolithique supérieur, l’Aurignacien se caractérise par un certain type d’outils de pierre et, plus rarement, en matière organique. Elle est apparue en Europe il y a quelque 40 000 ans. Définie d’après le site éponyme d’Aurignac, en Haute-Garonne, cette culture est associée à l’arrivée des hommes anatomiquement modernes en Europe. Elle a disparu il y a environ 28 000 ans pour être remplacée par le Gravettien. Sans doute originaires du Proche-Orient, les ancêtres des Aurignaciens ont notamment remonté le couloir danubien jusqu’à l’Europe de l’Ouest, encore...