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Fascisme et capitalisme

dimanche 9 août 2009

Ford, patron américain et pro-fasciste

Foncièrement antisémite et furieux de découvrir que son entreprise pourrait être affectée par ce qu’il considère indigne de forces politiques[55], il n’hésite pas à accuser les Juifs d’avoir déclenché la Première Guerre Mondiale[56]. Nombreux sont les mouvements américains qui reprennent ses théories antisémites pour raviver une haine latente[57].Son antisémitisme s’exprime également dans ses mémoires. Dans le chapitre XVII de My Life and Work, Ford s’exprime sur les juifs américains : « Notre travail n’a pas la prétention d’avoir le dernier mot sur les juifs en Amérique.[...] Si les juifs sont si sages qu’ils le disent, ils feraient mieux de travailler à devenir des juifs américains, plutôt que travailler à construire une Amérique juive[58] ».

Se justifiant à ce sujet, il explique dans son livre Le juif international, que pour lui l’antisémitisme n’est que le pendant de l’ antigoyisme de la communauté juive[59].

Henry Ford a publié un ouvrage en quatre volumes, The International Jew, qui rassemble des articles parus dans le journal The Dearborn Independent. Une phrase dans un texte dédié à la salutaire « réaction de l’Allemagne contre le Juif » illustre cet esprit soi-disant "scientifique" et dont le langage est chargé de métaphores médicales : il s’agit d’une question d’« hygiène politique », parce que « la principale source de la maladie du corps national allemand [...], c’est l’influence des Juifs »[60],[61].

Dans plusieurs autres passages, les Juifs sont présentés comme un « germe » qui doit faire l’objet d’un « nettoyage »[62]. Adolf Hitler et ses collaborateurs reprendront cette terminologie pour justifier leurs crimes. Le Juif n’est plus défini par sa religion mais par sa « race », « une race dont la persistance a vaincu tous les efforts faits en vue de son extermination[63] ». Il faut donc réveiller chez les jeunes la « fierté de la race »[64].

Ford s’inspire des Protocoles des Sages de Sion, un ouvrage qui serait « trop terriblement vrai pour être une fiction, trop profond dans sa connaissance des rouages secrets de la vie pour être un faux », cité et commenté abondamment, comme preuve ultime et irréfutable de la conspiration juive pour s’emparer du pouvoir à l’échelle mondiale[61]. Cet ouvrage est par ailleurs vivement critiqué par le Times de Londres. Il y est souvent fait référence à l’Allemagne qui est décrite comme dominée par les Juifs malgré le fait qu’il « n’y a pas dans le monde de contraste plus fort que celui entre la pure race germanique et la pure race sémite[60] ».

Le thème de la complicité entre le judéo-bolchevisme et la finance capitaliste juive, dans une conspiration pour imposer à la planète un gouvernement mondial juif est abondamment repris par le nazisme. Trois volumes ont pour objet la place des Juifs aux États-Unis[61]. Selon Ford, leur émigration massive d’Europe de l’Est en Amérique du Nord n’a rien à voir avec de prétendues persécutions : les pogroms ne sont que de la propagande ; il s’agit bel et bien d’une véritable invasion : le « Juif international » peut déplacer un million de personnes de la Pologne vers l’Amérique « comme un général déplace son armée[65] ». Les Juifs sont responsables de l’introduction dans les arts de la scène aux États-Unis d’une « sensualité orientale » sale et indécente, « instillant un poison moral insidieux[66] ».

La contribution de Ford à la propagation de l’antisémitisme va au-delà de l’imprimé. Il travaille activement à former une communauté. Au départ, réunis autour du Dearborn Independent, ces hommes constituent une force importante dans l’évolution américaine de l’antisémitisme, et inclus un grand nombre de profascistes[55].

Anti-communiste convaincu, Henry Ford crée, dans les années 1930, la première usine automobile moderne d’Union Soviétique, à Gorki. Antimarxiste, Ford met en place avec sa Ford Motor Company une idéologie industrielle fondée sur les principes d’ordre et d’autorité. Dans les années 1950 et 60, soit après la mort de Ford, les usines Ford fabriquent les camions utilisés par les Nord-Vietnamiens pour acheminer armes et munitions dans le cadre de leur guerre contre les Américains.

À peu près à la même époque, Henry Ford est aussi le plus célèbre des bailleurs de fonds étrangers d’Adolf Hitler, et il a été récompensé dans les années 1930 pour ce soutien durable avec la plus haute décoration nazie pour les étrangers[67].

Cette faveur accordée par les nazis engendre une importante controverse aux États-Unis et finit par un échange de notes diplomatiques entre le gouvernement allemand et le Département d’État. Ford s’exprime à propos de cette polémique en clamant que « [son] acceptation d’une médaille du peuple allemand ne [le fait] pas, comme certains semblent le penser, entraîner aucune sympathie de [sa] part avec le nazisme ». Alors que Ford clame publiquement qu’il n’aime pas les gouvernements militaristes, il tire profit de la Seconde Guerre mondiale, en alimentant l’industrie de guerre des deux camps : il produit, via ses filiales allemandes, des véhicules pour la Wehrmacht, mais aussi pour l’armée américaine[67].

Henry Ford participe à l’effort de guerre allemand avec Opel, filiale de General Motors. Des succursales de Ford implantées en Allemagne demandent réparation pour les bombardements subis. Un million de dollars est réclamé aux Américains pour les dégâts provoqués dans l’usine de Cologne. Ford demande aussi des réparations au gouvernement français. 38 millions de Francs sont versés après le bombardement de son usine de Poissy[56].

En 1918, l’aide secrétaire privé et proche ami de Ford, Ernest G. Liebold, achète un obscur hebdomadaire, le Dearborn Independent, pour Ford. Le journal dure huit ans, de 1920 à 1927, édité par Liebold, et atteint au maximum environ 700 000 lecteurs[68]. Le journal publie Protocols of the Learned Elders of Zion (Protocoles des Sages de Sion), qui est discrédité par le Times de Londres. L’American Jewish Historical Society décrit les idées présentées dans le magazine comme « anti-immigrés, anti-travail, anti-alcool, et antisémite ». Au cours de cette période, Ford apparait comme « un porte-parole respecté de l’extrémisme de droite ».

Vincent Curcio, auteur anglais, écrit de ces publications qu’« ils ont été largement distribués et ont une grande influence, en particulier dans l’Allemagne nazie, où pas moins qu’un personnage comme Adolf Hitler était très lu et admiré. » Hitler, fasciné par les automobiles, accroche même, sur son mur, une photo de Ford ; Ford étant le seul américain mentionné dans Mein Kampf. Steven Watts mentionne que Hitler « vénérait » Ford, en proclamant que « [il] ferai[t] de [son] mieux pour mettre ses théories en pratique en Allemagne, en modélisant la Volkswagen, la voiture du peuple, sur le modèle T »[69].

Dénoncée par l’Anti-Defamation League (ADL), les articles du Deaborn Independent sont explicitement condamnés pour leur violence contre les Juifs[70]. Cependant, selon le rapport des témoignages du procès, Ford n’écrit presque rien dans ces articles. Des amis et des associés d’affaires déclarent qu’ils ont mis Ford en garde sur le contenu du journal mais que Ford ne lit probablement jamais les articles[Note 3],[69].

Un procès en diffamation intentée par un avocat de San Francisco et une coopération agricole juive en réponse à des articles antisémites conduisent Ford à fermer le journal en décembre 1927. Des reportages tournés au moment cité ci-dessus le montrent comme étant choqué par le contenu et qu’il n’est pas au courant de sa nature. Pendant le procès, le rédacteur en chef de Ford, William Cameron, témoigne en faveur de Ford, indiquant qu’il n’a rien à voir avec les éditoriaux, même s’ils sont sous son nom. Cameron signifie au procès en diffamation qu’il ne discute jamais du contenu des pages ou qu’il ne les envoie à Ford pour son approbation[71].

En 1927, les excuses[72] de Ford, suite à la pression conjuguée des consommateurs juifs américains et même de Hollywood qui menaça d’employer des voitures Ford pour les besoins des scènes de crash, sont bien accueillies : 4/5ème des centaines de lettres adressées à Ford en juillet de 1927 furent de Juifs, et presque tous sans exception, ils saluent l’industriel[71]. En janvier 1937, une déclaration de Ford dans le Détroit Jewish Chronicle désavoue « quelconque lien avec la publication en Allemagne d’un ouvrage connu sous le nom de Juif international »[73]. Le Juif international est une figure mythique qu’on critique pour financer la guerre[6].

Cependant, lors du procès de Nuremberg, Baldur von Schirach, le chef des Jeunesses hitlériennes déclare avoir été influencé par la lecture de Ford. Après ses excuses en 1927, Ford ne fait plus de déclarations publiques sur la question juive[72]. Sur ce point, l’historien Pierre Abramovici, dans l’article Comment les firmes US ont travaillé pour le Reich »[74] porte un jugement sévère sur les positions d’Henry Ford.

« Henry Ford, le plus que septuagénaire milliardaire américain, est un antisémite maladif. Il accuse les Juifs d’avoir déclenché la grande Guerre et commence à les attaquer dès 1916. En 1920, il achète un hebdomadaire, le Dearborn Independant, qui lui fournit une tribune. Il entretient des relations privilégiées avec l’Allemagne nazie. Henry Ford est décoré, à Détroit le 30 juillet 1938, de l’ordre allemand de l’Aigle. Cette distinction, réservée aux étrangers, lui est remise par le consul allemand à Détroit, Karl Capp et par son homologue à Cleveland, Fritz Heiler[Note 4]. Il participe le 26 juin 1940 à un dîner de gala au Waldorf Astoria de New York, destiné à célébrer la victoire allemande sur la France, après que cette dernière lui eut déclaré la guerre. »
— Pierre Abramovici, septembre 2002[74]

* Henry Ford, sur Wikimedia Commons (ressources multimédia)

1. ↑ La mécanisation, l’amélioration des conditions de travail et le développement de l’économie
2. ↑ , le « bloc punitif », où les conditions de travail étaient à la limite du supportable
3. ↑ Ford ne porta son attention que sur les gros titres du journal
4. ↑ En Juillet 1938, avant le déclenchement de la guerre, le consul allemand à Cleveland décerna à Ford, pour son 75ème anniversaire, une Grand-Croix de l’Aigle allemand, la plus haute médaille de l’Allemagne nazie sur l’honneur que peut recevoir un étranger.


Hitler et Thyssen

Extraits de "Fascisme et grand capital" de Daniel Guérin

En Italie, "(…) non seulement l’industrie lourde, mais aussi la Banca Commerciale, poussent Mussolini vers le pouvoir : et c’est ensemble qu’en octobre 1922, les magnats de la "Confédération de l’Industrie" et Toeplitz [4] fournissent les millions nécessaires à la "Marche sur Rome". Le 28 octobre, à Milan, (…) des pourparlers actifs ont lieu entre Mussolini (…) et les chefs de la Confédération générale de l’Industrie, les députés A. Stefano Benni et Gino Olivetti. Les dirigeants de l’Association Bancaire, qui avaient versé vingt millions pour financer la "’Marche sur Rome", les dirigeants de la Confédération de l’Industrie (…), télégraphient à Rome pour donner (…) l’avis que la situation ne comporte pas d’autre issue qu’un gouvernement Mussolini".

En résumé : "L’ensemble du capitalisme italien subventionne la "Marche sur Rome"" des fascistes.

De la même façon, à quelques encablures de là, et dix ans plus tard - je vais te la faire courte : "C’est l’ensemble du capitalisme allemand qui tient sur les fonts baptismaux le Troisième Reich".

En Italie et en Allemagne, "les magnats capitalistes (…) disposent enfin de l’"Etat fort" souhaité", qui, "par une série de mesures d’ordre social et économique, (…) va s’appliquer à enrayer la chute de leurs profits, à rendre "rentables" leurs entreprises" .

D’autres extraits de "Fascisme et grand capital

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