Un général allemand de l’OTAN annonce des plans pour des manœuvres militaires visant la Russie
Par Johannes Stern
Soixante-quinze ans après le début de la Seconde Guerre mondiale qui est allée vers une guerre d’annihilation contre l’Union soviétique, l’état-major allemand est une fois de plus en train de préparer une guerre avec la Russie. C’est ce qui ressort clairement d’un article publié vendredi dernier dans le quotidien Die Welt et dans lequel le général allemand de l’OTAN Hans Lothar Domröse exprime ses opinions.
Les remarques faites par ce général quatre étoiles, commandant suprême du Commandement des forces alliées interarmées de l’OTAN à Brunssum (Pays-Bas), l’une des trois composantes de l’OTAN en Europe au sein de la direction opérationnelle, reviennent à une menace de guerre ouverte contre la Russie.
Dans cet article, Domröse dit que l’alliance occidentale prépare pour la première fois des manœuvres à grande échelle dans des régions frontalières de la Russie. « Jusque-là, nous n’avons mené des manœuvres de grande envergure comportant 25.000 à 40.000 hommes que dans des pays occidentaux de l’OTAN, » a-t-il dit. Il a ensuite ajouté, « Je suis tout à fait certain qu’à l’avenir nous le ferons en Europe de l’Est et dans la région de la Baltique. »
Près de 25 ans après la dissolution de l’Union soviétique, l’OTAN envisage de masser des dizaines de milliers de soldats près des frontières de la Russie.
En février dernier, Washington et Berlin ont orchestré un coup d’Etat dirigé par des fascistes à Kiev afin de mettre en place un régime pro-occidental et viscéralement antirusse. A présent, les puissances de l’OTAN poursuivent l’encerclement militaire de la Russie, une politique qui comporte un réel danger de conflit militaire avec une puissance disposant de l’arme nucléaire. Même ceux qui, parmi la presse bourgeoise, ont fait des mois durant de la propagande anti-russe, ont décrit ce plan comme une « décision provocatrice contre Moscou » (Spiegel Online).
« Nous mettrons en place une force de réaction rapide de l’OTAN comptant entre 5.000 et 7.000 soldats et qui pourra être déployée dans une région dans les deux à cinq jours », a dit le général Domröse. « Conformément à nos plans, la force de réaction rapide participera aux exercices de grande ampleur ‘Trident Juncture’ qui se dérouleront en septembre 2015 en Italie, en Espagne et au Portugal. Si tout se passe comme prévu, la force d’intervention rapide pourrait être prête à être déployée fin 2015. »
Seuls les pays de l’OTAN disposant de suffisamment d’équipements militaires de haute technologie et de soldats bien entraînés peuvent participer à cette force fer de lance, aux dires de Domröse. L’Allemagne assumera un rôle de premier plan.
« Nous projetons, » a-t-il dit, « que chacune des six à dix nations forme le fer de lance pendant un an pour être ensuite remplacée. D’après les plans actuels, chaque cycle aura une nation cadre qui inclura certainement l’Allemagne à un moment donné. Mais cette force hautement mobile doit avoir accès à une force aérienne de grande envergure et pouvoir atteindre rapidement les zones opérationnelles. » Le plus grand défi des Etats de l’OTAN est la fourniture des moyens de transport nécessaires, a fait remarqué le général.
Domröse et la direction de l’OTAN sont en train de planifier une nouvelle forme de guerre éclair (Blitzkrieg). La conférence de l’OTAN qui avait eu lieu au Pays de Galles au début de l’année avait approuvé un projet visant à accroître la volonté de déployer des forces militaires.
« L’OTAN a reconnu que nous devions être plus rapides et plus flexibles, mais aussi mieux équipés, » a dit Domröse. La précédente force de réaction rapide était trop lente.
« Il nous faut bien trop de temps pour atteindre une zone de déploiement au sein des frontières de l’OTAN, » a précisé le général. « Il s’agit de rassembler rapidement à un moment donné une force bien entraînée issue de plusieurs pays et prête à être déployée. »
Le général a parlé sans ménagement. Les plans de guerre nécessitaient une augmentation des budgets militaires et coûteraient beaucoup d’argent.
« La force doit être bien armée et bien entraînée », a-t-il dit. « Elle doit en permanence être prête au déploiement, même les week-ends. Cela ne sera pas donné. Un plus grand effort d’investissement dans la préparation de la défense de l’OTAN est requis. »
Il a ajouté que l’OTAN avait un besoin urgent de modernisation. « L’OTAN doit être prête pour une guerre potentielle au 21ème siècle. Ceci inclut la défense contre des attaques conventionnelles mais aussi la capacité de repousser des cyber-attaques et la capacité de contrôler des déstabilisations locales par des forces ennemies subversives difficilement identifiables. »
Domröse mentionna la réaction de la Russie au coup d’Etat provoqué par l’Occident en Ukraine comme justification pour de nouveaux préparatifs de guerre. « L’annexion de la Crimée et la rupture d’avec toutes les normes internationales nous a tous surpris, » a-t-il dit. « Nous ne nous y attendions pas. Nous avons vu comment le président Poutine a rendu l’armée russe encore plus combative et les troupes russes sont incroyablement rapides. »
Ces déclarations faites par l’un des généraux allemands les plus gradés soulignent le fait que l’armée allemande actuelle s’inscrit dans la tradition de l’état-major et de la Wehrmacht durant la Seconde Guerre mondiale. Sous le nom de code « Opération Barbarossa, » le Troisième Reich avait attaqué l’Union soviétique le 22 juin 1941, lançant une terrifiante guerre de destruction qui a coûté la vie à 27 millions de citoyens soviétiques. Après la défaite de l’Allemagne nazie, l’impérialisme allemand a été contraint pendant plusieurs décennies d’adopter une attitude plus pacifiste. A présent politiciens, journalistes, universitaires et hauts responsables militaires allemands lancent des diatribes bellicistes contre la Russie.
Les antécédents familiaux de Domröse rendent ses déclarations encore plus sinistres. Son père, Lothar Domröse, avait combattu dans la Seconde Guerre mondiale en tant que commandant d’une unité de la Wehrmacht sur le front Est. Dans le cadre du réarmement de l’armée allemande, il lui fut permis de réintégrer l’armée allemande en 1956 et de faire une belle carrière dans l’armée.
En 1973, il fut promu major général et commandant du Groupe d’Armée Nord. En 1975, il prit les fonctions de chef des commandants divisionnaires des forces armées. Son fils s’est à présent donné pour tâche d’accomplir ce que son père n’avait pu faire au cours de la Seconde Guerre mondiale et de la Guerre froide – l’assujettissement militaire de la Russie.
Le gouvernement allemand est conscient de la signification historique des déclarations de Domröse. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Martin Schäfer, a tenté de désamorcer la situation en affirmant que des exercices de cette envergure en Europe de l’Est n’étaient pas planifiés pour un avenir proche. Il a dit, « Nous prenons très au sérieux le maintien de relations bonnes et constructives avec la Russie. »
Quelle hypocrisie ! Le fait est que les déclarations de Domröse correspondent à la nouvelle politique étrangère agressive du gouvernement allemand et qu’elles ont été discutées au plus haut niveau.
Domröse a des liens étroits avec le président allemand Joachim Gauck qui a joué un rôle de premier plan dans la relance du militarisme allemand. Lors de la dernière fête officielle du Nouvel An, le général était apparu de façon démonstrative devant les médias aux côtés de Gauck et de sa compagne, Daniela Schadt, à la résidence officielle du président à Berlin.
Quelques semaines plus tard à peine, lors de la Conférence sur la sécurité à Munich, Gauck, le ministre des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, et la ministre de la Défense, Ursula von der Leyen, avaient annoncé la fin de la ‘retenue militaire’ allemande. Depuis lors, les événements ont évolué rapidement. Le coup d’Etat en Ukraine fut suivi de la participation allemande à l’intervention militaire au Moyen-Orient et maintenant on procède de plus en plus ouvertement à des préparatifs de guerre contre la Russie.
Si les élites allemandes parviennent à leurs fins, le militarisme, la dictature et la guerre deviendront la norme, tout comme lors de la période de la Première et de la Seconde Guerre mondiale. Dans une récente interview accordée au magazine Die Zeit sous le titre « Rester à l’écart n’est pas une option, » le ministre des Affaires étrangères Steinmeier a fait cette mise en garde : « Nous devons planifier le fait que des crises vont devenir chose courante dans les prochaines années. »
Lorsque Die Zeit l’interpella en disant que « contrairement à l’élite politique, les citoyens allemands n’étaient pas intéressés à entendre parler de davantage d’engagements internationaux, et encore moins d’interventions militaires, le ministre des Affaires étrangères a déclaré de manière provocatrice : « Et quand bien même, l’abstention n’est pas une option. La conviction que nous pouvons vivre sur une île tranquille en Europe et que nous serons laissés en paix par le monde ne fonctionnera pas. »
Les entretiens entre Obama et Xi soulignent la menace de guerre américaine en Asie
Par Patrick Kelly
Hier à Pékin, le président américain Barack Obama s’est vanté que les accords qu’il avait signés avec son homologue chinois, Xi Jinping, dans les domaines militaire, commercial, et écologique avaient amené leur « coopération bilatérale, régionale et mondiale à un nouveau niveau. ». En fait, les deux jours de discussions entre Obama et Xi ont souligné les tensions géostratégiques et les risques de guerre engendrés par le « pivot vers l’Asie » de Washington.
Depuis son entrée en fonction, Obama a dirigé un effort pour maintenir la domination impérialiste américaine de la région Asie-Pacifique en encerclant la Chine avec des alliés diplomatiques et militaires des Etats-Unis. Le « pivot », officiellement annoncé en novembre 2011, a aussi vu Washington attiser les contentieux territoriaux entre la Chine et ses voisins, y compris le Japon au sujet des îles Senkaku/Diaoyu et plusieurs Etats d’Asie du Sud-Est au sujet de la Mer de Chine méridionale.
Pendant les 18 mois depuis l’accueil de Xi Jinping en Caroline du Sud par Obama pour leur première rencontre, une série d’incidents ont menacé de déclencher un conflit régional susceptible de dégénérer en une guerre ouverte entre les Etats-Unis et la Chine.
L’impérialisme américain se prépare activement à mener une guerre contre la grande puissance asiatique, en recentrant 60 pour cent de ses ressources aériennes et navales dans la région et en développant sa stratégie « Air-Sea Battle », qui prévoit un bombardement aérien dévastateur ainsi qu’un blocus naval de la Chine.
Cependant, le gouvernement Obama veut pouvoir choisir le moment qu’il lancera la guerre, et aussi le prétexte qu’il citera. C’est pourquoi Washington a exhorté le premier ministre japonais Shinzo Abe, qui a rencontré Xi pour la première fois lundi, d’apaiser les tensions avec Pékin au sujet des petites îles Senkaku/Diaoyu, revendiquées par les deux pays.
Ces calculs sont à la base des nouveaux protocoles entre les armées américaine et chinoise entérinés cette semaine. Ben Rhodes, un conseiller à la sécurité nationale américain, a dit aux journalistes avant le sommet : « Il est extrêmement important que nous évitions une escalade intempestive et une situation où des circonstances accidentelles déboucheraient à nouveau sur quelque chose susceptible de provoquer un conflit. »
Ces remarques constituent une condamnation accablante des provocations irresponsables de la part du gouvernement Obama en Asie de l’Est au cours de ces deux dernières années, qui menacent de déclencher une guerre ouverte entre deux puissances nucléaires.
Le Wall Street Journal a écrit que Pékin s’était « longtemps opposé à un accord sur les conflits militaires avec les Etats-Unis, au motif que ceci impliquait une relation antagoniste comme celle entre les Etats-Unis et l’ancienne Union soviétique. » Le Journal a toutefois précisé que ceci avait « changé depuis l’année dernière, car les deux camps ont reconnu ne pas pouvoir concilier leurs interprétations de la loi internationale sur les questions maritimes, et qu’ils ne pouvaient pas non plus permettre que des affrontements militaires imprévus fassent dérailler leurs relations générales. »
Le nouveau « mécanisme pour développer la confiance » ne résout aucun des problèmes qui sous-tendent les confrontations sino-américaines. L’une des mesures comporte une notification mutuelle d’« activités militaires majeures » ; une autre couvre les « règles de comportement pour la sécurité en cas de rencontres maritimes ou aériennes. » Un communiqué de la Maison Blanche a ajouté que les deux parties s’engageaient à développer davantage de « mécanismes pour développer la confiance, » Washington donnant la priorité à la transmission d’informations relatives aux lancements de missile balistique.
Les accords impliquent une concession significative de la part de Pékin à l’appel incessant de Washington pour « plus de transparence » sur les affaires militaires chinoises. Par cette demande qui gonfle la propagande américaine contre la « menace chinoise, » le Pentagone veut particulièrement obtenir plus de connaissances des capacités de son ennemi potentiel.
A Pékin, Rhodes a réitéré l’insistance de longue date du gouvernement Obama que Pékin se soumette totalement au cadre géostratégique de la domination américaine de l’Asie développé après la Seconde Guerre mondiale, ou du moins ce qui en reste. « Nous serons très clairs lors d’incidents où nous estimerons que les actions de la Chine dépassent les limites de ce que nous pensons être les normes internationales indispensables pour régir les relations entre des nations et la façon avec laquelle nous réglons les conflits, » a-t-il dit.
Lorsd’une conférence de presse avec Xi, Obama a tenté de minimiser les tensions sino-américaines en déclarant qu’ « alors même que nous sommes en concurrence et en désaccord dans certains domaines, je crois que nous pouvons continuer de faire progresser la sécurité et la prospérité de nos peuples et des populations de par le monde. »
Obama a proposé de nouveaux accords sur diverses questions. Un accord commercial supprimera des tarifs évalués à 1 millier de milliards de dollars de ventes annuelles de semi-conducteurs et autres produits technologiques. Selon le Washington Post, l’accord « profiterait aux entreprises américaines en quête d’un accès plus grand vers la Chine ainsi qu’aux usines en Chine destinées à produire pour le marché américain. » Un autre accord élabore de nouveaux visas touristiques et d’affaires pour les ressortissants américains en Chine.
Les nouvelles promesses de réductions d’émission de gaz à effet de serre furent tout particulièrement promues par la Maison Blanche et les médias américains. Obama a annoncé un « accord historique » qui engagerait les Etats-Unis à diminuer leurs émissions de 26 à 28 pour cent pour 2025. La Chine a promis de se donner « jusqu’autour de 2030 » pour atteindre le pic de ses émissions nets et de tirer éventuellement 20 pour cent de l’énergie du pays de source sans émission de CO2.
L’idée que ces nouveaux objectifs atténueront la crise climatique est un mensonge. Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE, United Nation’s Intergovernmental Panel on Climate Change) avait précédemment conclu que les émissions des économies avancées devaient d’ici 2020 être inférieures de 25 à 40 pour cent par rapport à leurs niveaux de 1999 et de 80 à 95 pour cent d’ici 2050. Ces chiffres ont de plus été contestés par de nombreux scientifiques spécialistes du climat comme étant une sous-estimation de ce qui serait nécessaire pour empêcher des niveaux dangereux et éventuellement irréversibles du réchauffement mondial.
Pékin a égalé la modicité de la promesse tout à fait insuffisante d’Obama de réduire les émissions de 26 à 28 pour cent d’ici 2025 par rapport à leur niveau de 2005. Plusieurs rapports ont montré que les émissions de gaz carbonique de la Chine devaient déjà atteindre leur pic autour de 2030 et l’engagement de Xi ne prévoyait que peu ou pas du tout d’action supplémentaire pour réduire la pollution résultant des émissions de gaz à effet de serre.
Après une série de fiascos lors de sommets internationaux pour élaborer un traité sur le climat prenant suite au protocole de Kyoto, dont le sommet de Copenhague de 2009, une autre série de pourparlers doit se dérouler à Paris l’année prochaine. Loin d’ouvrir la voie lors de ce sommet à un accord efficace, l’accord sur les émissions de gaz carbonique entre Obama et Xi souligne l’impossibilité de résoudre la crise du changement climatique au sein du cadre du système capitaliste d’Etat-nation.
L’impérialisme australien joue le rôle de chien d’attaque politique dans la marche des Etats-Unis vers la guerre.
Par Nick Beams
Les récents propos tenus par le premier ministre australien Tony Abbott selon lesquels il avait l’intention de « tomber sur » (« shirtfront ») le président russe Vladimir Poutine lors du prochain sommet des dirigeants du G20 à Brisbane le mois prochain (au sujet de la destruction en vol de l’avion MH17 de Malaysia Airlines) pourrait paraître à première vue un peu étrange.
Mais loin d’être un étrange accès de colère des antipodes, les remarques d’Abbott sont l’expression de tensions géopolitiques grandissantes, en particulier des pressions exercées par les Etats-Unis contre la Russie et de la substitution de plus en plus fréquente de la diplomatie par le militarisme et les bruits de bottes.
Le terme « shirtfront » est tiré des règles du football australien. Il s’applique à un joueur qui fonce tête baissée sur son adversaire dans le but de le plaquer au sol en le blessant éventuellement.
Il se peut qu’Abbott ait fait le choix de se servir de cette expression et que dans ce sens elle soit accidentelle, mais l’agressivité de sa remarque elle, ne l’est pas. C’est là l’expression du rôle de plus en plus en vue joué au niveau mondial par l’impérialisme australien en tant que fer de lance d’une politique guerrière américaine qui vise tant la Russie que la Chine. Le gouvernement russe a clairement dit avoir compris que si la voix était celle d’Abbott, le message lui, venait de Washington.
L’Australie est déjà totalement intégrée dans le « pivot vers l’Asie » des Etats-Unis contre la Chine. Cette intégration fut préparée par le renversement de l’ancien premier ministre travailliste Kevin Rudd lors d’un coup de main politique interne au Parti travailliste en juin 2010, orchestré par des éléments factionnels entretenant des liens étroits avec l’ambassade américaine. L’éviction de Rudd, qui jugeait nécessaire de s’adapter au pouvoir économique croissant de la Chine en Asie orientale, faisait suite à l’éviction du premier ministre japonais Yukio Hatoyama quelques semaines plus tôt, après que ce dernier eut signalé qu’il voulait une politique étrangère orientée vers la Chine.
Depuis les événements de juin 2010, la politique étrangère australienne se fait de concert avec les Etats-Unis. Le pivot vers l’Asie, qui fut annoncé par le président américain Obama devant le parlement australien en novembre 2011, a été suivi par une intégration toujours plus grande de l’Australie dans l’offensive militaire et politique à l’encontre de la Chine. En novembre dernier, après la déclaration faite par la Chine sur une Zone d’identification de défense aérienne (ADIZ) comprenant le pourtour des îles Senkadu/Diaoyu, au sujet desquelles elle est en litige avec le Japon, la ministre australienne des Affaires étrangères, Julie Bishop, avait dénoncé de la façon la plus véhémente les actions de Beijing.
En janvier, Bishop, contrairement à la sagesse politique conventionnelle prévalente qui constate que l’Australie dépend économiquement de la Chine, avait insisté pour dire que, vu l’étroitesse des liens financiers et le niveau d’investissement américain, les Etats-Unis étaient non seulement le plus important partenaire stratégique de l’Australie mais encore son plus important partenaire économique.
On a assisté cette année à la recrudescence d’une activité politique, diplomatique et militaire de l’Australie conforme aux intérêts américains et qui prend un caractère de plus en plus belliqueux.
Lorsque le vol MH17 fut abattu le 17 juillet, la première réaction d’Abbott avait été relativement prudente en indiquant que l’origine de la catastrophe n’était pas claire. Mais quelques heures plus tard, suite à une discussion avec Washington et sans qu’aucun changement ne soit intervenu quant aux faits établis, Abbott publia des communiqués dénonçant la Russie – une position défendue par l’ensemble de l’establishment politique australien au cours des trois derniers mois.
La question fut posée quasiment dès le début de savoir si l’Australie, le pays hôte du prochain sommet du G20, devait annuler l’invitation envoyée au président russe. Cette question fut réglée en marge du Fonds monétaire International durant le week-end du 11 au 12 octobre où les Etats-Unis ont clairement fait savoir qu’ils n’étaient pas en faveur d’une exclusion de Poutine. Le facteur de leur motivation avait été l’opposition claire et nette des autres membres du groupe des BRICS (Brésil, Inde, Chine et Afrique du Sud) à l’encontre d’une telle décision. Précédemment, la Russie avait été écartée des réunions du G8 mais les Etats-Unis ont décidé que ceci n’était pas possible pour le G20.
Washington est toutefois déterminé à ce que le discours antirusse soit intensifié chaque fois que l’occasion s’en présente. L’Australie joue un rôle unique à cet effet. En qualité de puissance de taille moyenne, totalement tributaire sur le plan stratégique des Etats-Unis et sans liens, économiques ou autres, avec la Russie, elle est libre d’agir en chien d’attaque pour Washington dans sa marche pour établir une domination mondiale des Etats-Unis. Le seul domaine où il pouvait y avoir un conflit c’était à propos de la Chine. Mais cette question fut réglée il y a quatre ans par le coup politique mené contre Rudd.
Le nouveau rôle mondial joué par l’impérialisme australien fut également illustré par son plein appui d’une nouvelle intervention militaire américaine au Moyen-Orient. L’Australie fut l’un des premiers pays à signer la nouvelle « coalition des volontaires » d’Obama et s’engagea à fournir des avions militaires pour les opérations de bombardement en Irak et à utiliser des forces spéciales de l’armée australienne dans ce pays.
Conformément à son rôle sur le front politique et militaire, l’Australie est aussi aux avant-postes pour ce qui est d’étouffer toute opposition antiguerre et de fabriquer en série des alertes à la terreur pour gonfler la prétendue menace émanant de l’Etat islamique (EI). La plus vaste opération policière de l’histoire de l’Australie, menée le 18 septembre soi-disant pour déjouer un complot de l’EI visant à organiser une décapitation publique fut volontiers saisie par le secrétaire d’Etat américain John Kerry au moment où celui-ci cherchait à obtenir le soutien du congrès et sur le plan international pour une action militaire américaine. Les raids conduisirent à l’arrestation de tout juste une personne pour des motifs hautement douteux, liés au terrorisme.
Il existe un autre aspect clé du militarisme croissant du gouvernement australien, qui exprime aussi avec force les processus mondiaux : la tentative de projeter vers l’extérieur des tensions sociales grandissantes.
En raison de ses liens économiques avec l’économie chinoise, le capitalisme australien avait, dans une certaine mesure, été à l’abri de l’impact initial de l’effondrement financier de 2008. Mais maintenant, les effets de la crise mondiale se font sentir dans toute leur intensité et dans certains cas, avec une force redoublée en raison du retard.
Le boom du secteur minier, d’importance cruciale pour soutenir l’économie australienne, est bel et bien révolu. Des licenciements de masse ont lieu dans les mines de charbon et les recettes, provenant de la vente du minerai de fer qui constitue un cinquième des exportations du pays et sont un élément clé de l’impôt sur le revenu du gouvernement, ont été touchées cette année par une chute des prix de l’ordre de 40 pour cent.
L’inégalité sociale est en hausse, les salaires réels continuent de stagner ou sont réduits tandis que la pauvreté ne cesse de croître. Conformément à la situation générale que connaissent les principales puissances capitalistes, l’establishment politique officiel est considéré d’une façon de plus en plus hostile par une partie de plus en plus grande de la population.
Placée dans ce contexte, la confrontation genre « shirtfront » d’Abbott avec Poutine est une nouvelle expression de la montée du militarisme à l’échelle internationale, qui conduira à une nouvelle guerre mondiale à moins d’être stoppée par une intervention politique de la classe ouvrière internationale.