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La révolution ouvrière de juin 1848 à Paris, une première expérience de lutte du prolétariat agissant comme force sociale et politique indépendante

mercredi 19 août 2015, par Robert Paris

Eugène Pottier :

Il faut mourir ! mourons ! c’est notre faute !
Courbons la tête et croisons-nous les bras !
Notre salaire est la vie, on nous l’ôte,
Nous n’avons plus droit de vivre ici-bas !
Allons nous-en ! mourons de bonne grâce,
Nous gênons ceux qui peuvent se nourrir.
A ce banquet nous n’avons pas de place.
Il faut mourir !
Frères, il faut mourir !

Il faut mourir ! plus de travail au monde.
Quoi ? l’atelier ? la machine à vapeur,
Les champs, la ville et le soleil et l’onde
Sont arrêtés ? l’argent vient d’avoir peur.
L’entraille chôme et la baisse ou la hausse
Glace la veine où le sang veut courir,
Sans un outil pour creuser notre fosse.
Il faut mourir !
Frères ! il faut mourir !

Il faut mourir ! mais les blés sont superbes !
Il faut mourir ! mais le raison mûrit.
Il faut mourir ! mais l’insecte des herbes
Trouble le gîte et le grain qui nourrit.
Le ciel s’étend sur toute créature,
En est-il donc qui naissent pour souffrir ?
Sous les scellés qui donc tient la nature ?
Il faut mourir !
Frères ! il faut mourir !

Le désespoir a vidé la mamelle.
Ne tette plus ! Meurs ! petit citoyen.
Ton père eut tort, ta mère est criminelle,
On ne fait pas d’enfant quand on n’a rien.
La fièvre gagne et le faubourg s’irrite !
Venez fusils, canons, venez guérir,
La mort de faim ne va pas assez vite !
Il faut mourir !
Frères ! il faut mourir !

Allons, misère, à tes rangs, bas les armes !
Qu’à pleine rue on nous achève enfin.
Femmes, venez, pas de cris, pas de larmes !
Enfants, venez, puisque vous avez faim.
Tueurs en chef, achevez la campagne,
Puisse avec nous notre race périr !
Au travailleurs ne léguons pas le bagne.
Il faut mourir !
Frères ! il faut mourir !

30 juin 1848.

"La fraternité des classes antagonistes dont l’une exploite l’autre, cette fraternité proclamée en Février, inscrite en grandes lettres au front de Paris, sur chaque prison, sur chaque caserne, - son expression véritable, authentique, prosaïque, c’est la guerre civile, la guerre civile sous sa forme ta plus effroyable, la guerre entre le travail et le Capital. Cette fraternité flamboyait à toutes les fenêtres de Paris, dans la soirée du 25 juin, quand le Paris de la bourgeoisie illuminait, alors que le Paris du prolétariat brûlait, saignait, râlait. La fraternité dura juste le temps où l’intérêt de la bourgeoisie était frère de l’intérêt du prolétariat. Pédants de la vieille tradition révolutionnaire de 1793, méthodiste socialistes, mendiant pour le peuple auprès de la bourgeoisie, et auxquels on permit de faire de longues homélies et de se compromettre aussi longtemps qu’il fut nécessaire d’endormir le lion prolétarien ; républicains qui réclamaient tout l’ancien ordre bourgeois, moins la tête couronnée ; gens de l’opposition dynastique auxquels le hasard substituait le renversement d’une dynastie au changement d’un ministère ; légitimistes qui voulaient non pas se débarrasser de leur livrée, mais en modifier la coupe, tels étaient les alliés avec lesquels le peuple fit son Février. La révolution de Février fut la belle révolution, la révolution de la sympathie générale parce que les antagonismes qui y éclatèrent contre la royauté sommeillaient, embryonnaires, paisiblement, côte à côte, parce que la lutte sociale qui formait son arrière-plan n’avait acquis qu’une existence vaporeuse, l’existence de la phrase, du verbe. La révolution de Juin est la révolution haïssable, la révolution répugnante, parce que la chose a pris la place de la phrase, parce que la République a mis à nu la tête du monstre, en abattant la couronne qui le protégeait et le dissimulait. Ordre ! Tel était le cri de guerre de Guizot. Ordre ! cria Sébastiani, ce Guizot au petit pied, quand Varsovie devint russe, Ordre ! crie Cavaignac, écho brutal de l’Assemblée nationale française et de la bourgeoisie républicaine. Ordre ! tonnaient ses coups de mitraille en déchiquetant le corps du prolétariat. Aucune des nombreuses révolutions de la bourgeoisie française depuis 1789 ne fut un attentat contre l’ordre, car chacune laissait subsister la domination de classe, laissait subsister l’esclavage des ouvriers, laissait subsister l’ordre bourgeois, aussi souvent que fut modifiée la forme politique de cette domination et de cet esclavage. Juin a porté atteinte à cet ordre. Malheur à Juin."

(Karl Marx, Neue Rheinische Zeitung, 29 juin 1848.)

La révolution ouvrière de juin 1848 à Paris, une première expérience de lutte du prolétariat agissant comme force sociale et politique indépendante

Le Paris révolutionnaire de 1848 a offert en juin 48 au prolétariat mondial sa première expérience de lutte indépendante des autres forces sociales dans laquelle il s’est battu pour ses propres objectifs et sous son propre drapeau. Les expériences suivantes d’organisation politique et de lutte indépendantes du prolétariat allaient être la Commune de Paris de 1871 et les révolutions russes de 1905 et 1917.

A chaque fois, c’est dans des révolutions que la capacité du prolétariat de s’organiser de manière indépendante s’est à nouveau révélée. Les suivantes allaient être les révolutions européennes, la révolution chinoise ou la révolution espagnole notamment.

L’indépendance politique du prolétariat et son auto-organisation lors de ses luttes n’a jamais été un acquis définitif, même lorsqu’il a pris le pouvoir, mais toujours un combat à mener pour la conscience ouvrière et socialiste.

Ce n’est pas un fait historique ancien mais une question qui conserve toute son actualité : lire ici

Même si bien des courants politiques affirment renoncer à la notion de prolétariat révolutionnaire agissant en tant que classe et de manière indépendante en vue du pouvoir politique et en détruisant le pouvoir bourgeois ainsi qu’en visant la suppression de la propriété privée des moyens de production, nous pensons le contraire : lire ici

"Qui arrête la révolution à mi-côte ? La bourgeoisie. Pourquoi ? Parce que la bourgeoisie est l’intérêt arrivé à satisfaction. (...) Il y en a qui disent qu’il faut me tirer un coup de fusil comme un chien. Pauvre bourgeoisie. Uniquement parce qu’elle a peur pour sa pièce de cent sous. (...) Ouvriers de Paris, vous faites votre devoir et c’est bien. Vous donnez là un bel exemple. La civilisation vous remercie."

"Désormais ce mot, Révolution, sera le nom de la civilisation."

"La Révolution, c’est la France sublimée. Il s’est trouvé, un jour, que la France a été dans la fournaise ; les fournaises à de certaines martyres guerrières font pousser des ailes, et de ces flammes cette géante est sortie archange. Aujourd’hui pour toute la terre de France s’appelle Révolution ; et désormais ce mot, Révolution, sera le nom de la civilisation jusqu’à ce qu’il soit remplacé par le mot Harmonie. Je le répète, ne cherchez pas ailleurs le point d’origine et le lieu de naissance de la littérature du dix-neuvième siècle. Oui, tous tant que nous sommes, grands et petits, puissants et méconnus, illustres et obscurs, dans toutes nos oeuvres, bonnes ou mauvaises, quelles qu’elles soient, poèmes, drames, romans, histoire, philosophie, à la tribune des assemblées comme devant les foules du théâtre, comme dans le recueillement des solitudes, oui, pour tout, oui, toujours, oui, pour combattre les violences et les impostures, oui, pour réhabiliter les lapidés et les accablés, oui, pour conclure logiquement et marcher droit, oui, pour consoler, oui, pour secourir, pour relever, pour encourager, pour enseigner, oui, pour panser en attendant qu’on guérisse, oui, pour transformer la charité en fraternité, l’aumône en assistance, la fainéantise en travail, l’oisiveté en utilité, la centralisation en famille, l’iniquité en justice, le bourgeois en citoyen, la populace en peuple, la canaille en nation, les nations en humanité, la guerre en amour, le préjugé en examen, les frontières en soudures, les limites en ouvertures, les ornières en rails, les sacristies en temples, l’instinct du mal en volonté du bien, la vie en droit, les rois en hommes, oui, pour ôter des religions l’enfer et des sociétés le bagne, oui, pour être frères du misérable, du serf, du fellah, du prolétaire, du déshérité, de l’exploité, du trahi, du vaincu, du vendu, de l’enchaîné, du sacrifié, de la prostituée, du forçat, de l’ignorant, du sauvage, de l’esclave, du nègre, du condamné et du damné, oui, nous sommes tes fils, Révolution !"

Victor Hugo

"Les ouvriers de Paris ont été écrasés par des forces supérieures ; ils n’ont pas succombé. Ils sont battus mais leurs adversaires sont vaincus. Le triomphe momentané de la force brutale est payé par l’anéantissement de toutes les illusions et chimères de la révolution de février, par la désagrégation de tout le parti des vieux républicains, par la scission de la nation française en deux nations, la nation des possédants et la nation des travailleurs. La république tricolore n’arbore plus qu’une seule couleur, la couleur des vaincus, la couleur du sang, elle est devenue la république rouge."

Karl Marx

En 1848, les "journées de juillet" tombaient en France au mois de juin et prirent un caractère incomparablement plus grandiose et plus tragique qu’à Petrograd en 1917. Ce que l’on appela les "journées de juin" du prolétariat parisien était sorti avec une force irrésistible de la révolution de février. Les ouvriers de Paris qui s’étaient saisis du fusil en février ne pouvaient s’empêcher de réagir devant le contraste existant entre un programme mirifique et la pitoyable réalité, contraste intolérable qui, tous les jours, les atteignait au cœur comme au ventre. Le prolétariat n’avait ni plan établi, ni programme, ni direction : aussi les journées de juin 1848 ressemblèrent-elles à un réflexe, puissant, inévitable. Les ouvriers insurgés furent impitoyablement écrasés. Ainsi les démocrates frayèrent-ils la voie au bonapartisme.

Léon Trotsky, dans « La révolution espagnole et les dangers qui la menacent », 28 mai 1931

23 juin : début de la révolte populaire de Juin par l’établissement des premières barricades, durement réprimée par l’armée menée par le général Cavaignac. Le général Hippolyte-Marie-Guillaume de Rosnyvinen de Piré a fourni le témoignage suivant, inattendu, de l’attitude des insurgés de la barricade de la rue Nationale-Saint-Martin ce jour-là :

« Citoyens représentants, entré le premier à la baïonnette, le 23 juin, dans la barricade de la rue Nationale-Saint-Martin, je me suis vu quelques instants seul au milieu des insurgés animés d’une exaspération indicible. Nous combattions à outrance de part et d’autre ; ils pouvaient me tuer, ils ne l’ont pas fait ! J’étais dans les rangs de la Garde nationale, en grande tenue d’officier général ; ils ont respecté le vétéran d’Austerlitz et de Waterloo ! Le souvenir de leur générosité ne s’effacera jamais de ma mémoire... Je les ai combattu à mort, je les ai vus braves Français qu’ils sont ; encore une fois, ils ont épargné ma vie ; ils sont vaincus, malheureux, je leur dois le partage de mon pain... Advienne que pourra ! »

Le nombre d’insurgés tués pendant les combats fut estimé entre 3 000 et 5 000 personnes auxquelles s’ajoutent environ 1 500 fusillés sans jugement. Il y a environ 25 000 arrestations et 11 000 condamnations à la prison ou à la déportation en Algérie.

Marx et Engels analysent cette révolution comme l’acte de naissance de l’indépendance politique du mouvement ouvrier.

Les journées révolutionnaires du prolétariat parisien en juin 1848

Les journées de Juin 1848 par Marx et Engels

La révolution de juin par Marx

Les journées de juin (23 juin) par Engels

Les journées de juin (24 juin) par Engels

Les journées de juin (25 juin) par Engels

La révolution de juin 1848 par Engels

Les révolutions de 1848 et le prolétariat de Marx

Les luttes de classes en France de février à juin 1848 de Marx

Les luttes de classes en France de juin 1848 à juin 1849 de Marx

Détails sur le 23 juin de Engels

Le 23 juin de Marx et Engels

The Class Struggles in France, 1848 to 1850

Writings of Marx and Engels upon 1848

Letters of Marx and Engels : 1848

The Bourgeoisie and the Counter-Revolution

Les révolutions de 1848 à 1871

Quelques récits et analyses d’amis, d’ennemis et d’observateurs de la révolution de juin :

24 juin 1848.

11 h. à l’assemblée.

Un représentant qu’il ne connaît pas, un certain Belley, ingénieur et "républicain rouge " vient de s’asseoir près de lui et lui dit : Monsieur Victor Hugo, la place Royale est brûlée ; on a mis le feu à votre maison ; les insurgés sont entrés par la petite porte sur le cul de sac Guéméné.

Sursaut de Hugo, impression que tout son sang reflue vers son cœur :

 Et ma famille ?

 En sûreté.

Le doute, tout à coup :

 Comment le savez-vous ?

 J’en arrive. J’ai pu, n’étant pas connu, franchir les barricades pour arriver jusqu’ici. Votre famille s’était réfugiée d’abord à la mairie. J’y étais aussi. Voyant le danger grossir, j’ai engagé Mme Victor Hugo à chercher quelque autre asile. Elle a trouvé abri, avec ses enfants, chez un fumiste appelé Martignoni qui demeure à côté de votre maison, sous les arcades. Hugo connaît cette famille Martignoni. Un peu rassuré, il interroge :

 Et où en est l’émeute ?

 C’est une révolution. L’insurrection est maîtresse de Paris en ce moment. Nous sommes perdus.

Hugo se lève en hâte, s’élance vers le cabinet où siège la Commission exécutive. Il pousse la porte :

" Je me trouvai brusquement face à face avec tous ces hommes qui étaient le pouvoir. Cela ressemblait plutôt à une cellule où des accusés entendaient leur condamnation qu’à un conseil de gouvernement. M. Ledru-Rollin, très rouge, était assis, une fesse sur la table. M. Garnier-Pagès, très pâle, et à demi couché sur un grand fauteuil, faisait une antithèse avec lui. Le contraste était complet, Garnier-Pagès et chevelu, Ledru-Rollin gras et tondu. Deux ou trois colonels dont était le représentant Charras causaient dans un coin, Je ne me rappelle Arago que vaguement. Je ne me souviens plus M. Marie était là. Il faisait le plus beau soleil du monde. M. de Lamartine, debout dans l’embrasure de la fenêtre de gauche, causait avec un général en grand uniforme, que je voyais pour la première et pour la dernière fois, et qui était Négrier. Négrier fut tué le soir même jour devant une barricade. "

Hugo va tout droit à Lamartine qui, de son côté, fait quelques pas vers lui. Il est "blême, défait, la barbe longue l’habit non brossé et tout poudreux ". Il lui tend la main :

 Ah ! bonjour Hugo.

Hugo dira que, du dialogue qui s’est engagé, les moindres mots sont restés présents à son souvenir.

 Où en sommes-nous, Lamartine ?

 Nous sommes foutus !

 Qu’est-ce que cela veut dire ?

 Cela veut dire que dans un quart d’heure l’Assemblée. sera envahie.

 Comment ! Et les troupes ?

 Il n’y en a pas,

Mais vous m’avez dit mercredi et répété hier, que vous aviez soixante mille hommes !

 Je le croyais.

 Comment, vous le croyiez ! Vous, vous êtes borné à le croire ! Vous ne vous en êtes pas assuré, vous, gouvernement !

La colère de Hugo monte. Sa voix s’enfle pour reprocher a Lamartine son inaction. Pourquoi n’a-t-il pas fait venir les garnisons dans un rayon de quarante lieues ? On disposerait, tout de suite de trente mille hommes. Quand Lamartine lui répond que des ordres ont été donnés et qu’ils n’ont pas été exécutés, Hugo - "indigné, hors de moi, injuste " s’écrie :

 Ah ça ! quelqu’un trahit ici !

On vient annoncer que l’Assemblée a voté l’état de siège. Un peu plus tard, l’Assemblée nommera le général Cavaignac chef du pouvoir exécutif, le chargeant de ramener Paris à la raison.

Le général Négrier paraît, reconnaît Hugo, vient à lui :

 Monsieur Victor Hugo, je viens vous rassurer, j’ai des nouvelles de la place Royale.

 Eh bien, général ?

 Votre famille est sauvée, mais votre maison est brûlée.

Hugo affirme qu’il a répondu : " Qu’est-ce que cela fait. Ce qui aurait provoqué cette noble réaction de Négrier :

 Je vous comprends. Ne songeons plus qu’à une chose. Sauvons le pays.

Que s’est-il passé place Royale ? Le représentant Belley comme le général Négrier ont été à la fois bien et mal informés. La vérité est que par les issues de la mairie et par le cul-de-sac Guéméné, deux colonnes d’insurgés ont occupé la place. Pour pouvoir mieux tirer sur la petite troupe qui y est, les révoltés ont envahi le premier étage de la mairie ainsi que, au numéro 6, l’appartement des Hugo, abandonné quelques instants plus tôt par Adèle et ses enfants. Des cris se sont élevés contre Hugo, cet ennemi du peuple, ce réactionnaire qui a réclamé la fermeture des Ateliers nationaux !

Un homme a crié qu’il fallait brûler la maison. On est allé couper des branches aux arbres de la place. Le 24 juin, c’est la Saint-Jean. Bonne occasion. avec la demeure de l’ancien pair de France, de faire un feu de joie ! On accumule le bois sous les fenêtres, on l’enflamme. C’est là ce qu’a vu le représentant Belley. Mais le bois est vert. il brûle mal. Malgré les efforts réitérés de plusieurs insurgés, le feu s’éteint. On renonce. Belley est déjà loin.

Les troupes de la ligne ont évacué la place. La colère des insurgés est tombée. Maintenant, chez Victor Hugo, ils visitent. ils sont armés de piques. de haches, de vieux fusils, de sabres. Leur chef, un ancien maître d’école du nom de Gobert, a donné des ordres rigoureux : on ne touche à rien ! En deux mois, il a expliqué aux autres qui était Victor Hugo. Silencieux, un peu gênés, vaguement admiratifs, les hommes vont de pièce en pièce. Pas un meuble n’est effleuré, à I’exception , dans la chambre d’Adèle, d’un berceau conservé comme une relique, celui où l’on a posé Adèle II le jour de sa naissance Un insurgé le pousse doucement du bout des doigts et le berceau reprend vie. Les hommes pénètrent dans le cabinet du poète. Tout y est épars, "dans le tranquille désordre du travail commencé ". Sur la table, Hugo a laissé des bijoux, cachet en cristal de roche, deux autres en argent, un en or ciselé par Froment-Meurice, et surtout cette boussole qui porte la date 1489 et l’inscription "la Pinta".

Gobert explique non sans solennité : " Cette boussole a découvert l’Amérique."

Sur le bureau, des feuilles en tas couvertes de la grande écriture de Hugo. Gobert le premier, les autres après lui se penchent. Sur l’un des feuillets, un titre : les Misères. Un instant, dans le silence revenu, les hommes ont médité sur ce titre : les Misères. Puis ils s’en sont allés sans rien dire. Hugo à Alphonse Karr : « Vous avez su par les journaux, cher ami, l’invasion de ma maison par les insurgés. Je leur dois cette justice et je la leur rends volontiers, qu’ils ont tout respecté chez moi ; ils en sont sortis comme ils y étaient entrés. "

Tout cela, il a fallu plus de trois jours à Hugo pour le savoir. Le 24, dans l’après-midi, il est dans la rue. Pour lui aucune hésitation possible. Son devoir est du côte du gouvernement légal, c’est-à-dire de l’ordre. L’insurrection jure qu’elle veut établir une république véritable ? Hugo répond que le moyen choisi a pour résultat le meurtre de cette république. L’insurrection tue ce qu’elle veut sauver : " Méprise

fatale ". Il ne reviendra pas sur ce jugement. Quatorze ans plus tard, publiant les Misérables, il dira encore que " cette émeute extraordinaire où l’on sentit la sainte anxiété du travail réclamant ses droits ", il fallait la combattre " et c’était le devoir, car elle attaquait la république ". Il définira l’insurrection de Juin : " Une révolte du peuple contre lui-même."

Mais quelle compréhension envers ceux qui se sont insurgés !

Accablé de tristesse, il médite devant la barricade qui barre l’entrée du faubourg Saint-Antoine. Il la voit monstrueuse, " ravinée, déchiquetée, dentelée, hachée, crénelée d’une immense déchirure. contrebutée de monceaux qui étaient eux-mêmes des bastions, poussant des caps ça et là, puissamment adossée aux deux grands promontoires de maisons du faubourg ". Il est saisi, meurtri :

" Rien qu’à la voir, on sentait dans le faubourg l’immense souffrance agonisante, arrivée à cette minute extrême où une détresse veut devenir une catastrophe... C’était la collaboration du pavé, du moellon, de la poudre, de la balle de fer, du chiffon, du carreau défoncé, de la chaise dépaillée, du trognon de chou, de la loque, de la guenille et de la malédiction. C’était grand et c’était petit. C’était l’abîme parodié sur place par le tohu-bohu. La masse près de l’atome ; le pan de mur arraché et l’écuelle cassée : une fraternisation menaçante de tous les débris : Sisyphe avait jeté là son rocher et Job son tesson. En somme, terrible, "

Fin de matinée

Observations de Victor Hugo et de Alexis de Tocqueville sur la révolution de 1848

La révolution de 1848 par Marie d’Agoult alias Daniel Stern (tome 1)

La révolution de 1848 par Marie d’Agoult alias Daniel Stern (tome 2)

Le peuple de juin 1848

Journées de l’insurrection

80 heures de guerre civile

Récit

Récits de témoins

Précis historique

Souvenirs personnels

Les événements de Paris

Récit d’un garde national

Un récit

Relation des principaux événements

L’insurrection

Un récit en faveur des massacreurs

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