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Jung contre Freud, le débat

samedi 21 septembre 2013, par Robert Paris

Jung contre Freud, le débat

Préambule

On assiste ces dernières années à une offensive idéologique en règle contre la psychanalyse de Freud. Elle est attaquées sur plusieurs fronts : de la part des classes dirigeantes, des chercheurs en sciences, des philosophes, des intellectuels, des psychologues de diverses écoles. Une des manières de combattre Freud consiste à lui opposer Jung en prétendant qu’il aurait davantage pris en compte l’homme dans sa diversité culturelle et idéologique. Il est vrai que Freud menait un combat idéologique qui est peu connu aujourd’hui et encore moins à la mode parmi les scientifiques : un combat philosophique matérialiste contre les spiritualismes, les religions, les mystiques et les conceptions magiques. Il est fort rare aujourd’hui de se souvenir que des auteurs comme Darwin, Freud, Einstein, Langevin, Pasteur, Prigogine ou Gould se sont battus non seulement pour leur thèse scientifique mais pour une philosophie matérialiste scientifique et contre toutes les conceptions philosophiques magiques et religieuses. Et c’est en grande partie ces prises de position publiques qui leur ont valu un grand nombre d’inimitiés, non seulement parmi les scientifiques mais dans la société établie….

Lorsque Freud a commencé ses recherches, tous les domaines du rêve à la « folie », de la névrose au fantasme, de l’inhibition psychologique à l’obsession appartenaient pour l’immense majorité des auteurs au spirituel, aux esprits, à l’âme, à l’immatériel. Le plus grand progrès que l’on doit à Freud est d’avoir sorti ce domaine de recherche au spiritualisme. Le principal « apport » de Jung consiste à l’y avoir rejeté !

Freud cherchait une base matérialiste aux névroses et au fonctionnement des rêves, des inhibitions, de l’ensemble du psychisme humain. A l’inverse, Jung va redonner un caractère mystique à tous ces phénomènes, ce qui le réconcilie avec toutes les autorités sociales et permet de développer une psychanalyse réactionnaire alors que celle de Freud se heurtait à toutes les institutions idéologiques de la société.

Pour Freud, il n’y a pas deux domaines matière et esprit mais un seul et ce sont des phénomènes réels qui sont à la racine des phénomènes imaginaires produits par le cerveau humain : phantasmes, rêves, névroses, imaginaire, peurs, etc… Pour Freud, le monde des idées issues du cerveau n’a rien de magique, d’évanescent, de spirituel et d’immatériel.

Dans le texte qui suit, notre problématique n’est pas la défense de Freud en tant que pensée ne devant pas évoluer, ne devant pas être critiquée. Freud lui-même n’a cessé de se critiquer durement en fonction de son expérience psychanalytique, pour la faire discuter et évoluer. S’il a rejeté les propositions de Jung, ce n’est nullement par réaction protectrice de sa thèse ou de son pouvoir au sein du petit monde psychanalyste de son temps face à une idée novatrice, mais parce qu’il combattait ce type d’idéologie idéaliste et ethnique qui était plutôt celle des penseurs du Moyen Age ou de l’Antiquité, la croyance à l’âme, aux forces magiques, aux actions des esprits, des « mythes créateurs des peuples ».

Une légende accrédite l’idée que la psychanalyse de Jung serait beaucoup plus ouverte (Jung disait que celle de Freud était « réductive »), moins obsédée par l’oedipe, moins tournée vers l’interprétation des névroses par les chocs de l’enfance et particulièrement par les tendances sexuelles inhibées. Selon Christian Delacampagne, le succès de la théorie de Jung, auprès du public, est dû au fait que celle-ci centre moins la « prédominance du sexualisme au sein de l’explication psychique » ; ce faisant, elle soulèverait moins de résistance. Cela est faux à de multiples égards. S’il est exact que sa vision de la libido, en particulier, est moins sexuelle, « une énergie psychique sans pulsion sexuelle : une libido originaire qui peut être sexualisée ou désexualisée », sa véritable « ouverture » se tourne essentiellement vers tous les idéalismes philosophiques dont les religions, le mysticisme, le spiritualisme et les croyances antiques ou féodales, alors que la psychanalyse de Freud est ouvertement matérialiste. Jung défend le spiritualisme dans l’interprétation de la folie alors que Freud a fait faire un bond à la compréhension de la névrose en lui attribuant une base réelle, matérielle...

D’autre part, Jung considère que la psychanalyse doit avoir un caractère ethnique, c’est-à-dire qu’il conteste qu’on puisse psychanalyser de la même manière un Juif et un Allemand, qu’il appelle un aryen… Il conteste donc que Freud puisse psychanalyser les Allemands et les Suisses pour la raison que l’âme (c’est son expression) de ceux-ci est marquée par les mythes féodaux du Grâal ( !) et il fonde une école concurrente de psychanalyse en Allemagne et en Suisse, opposée publiquement à celle de Freud qu’il affirme ne pouvoir qu’être viennoise et juive...

Les déclarations raciales, racistes ou nazies de Jung sont diverses et multiples :

« La race juive, dans son ensemble, possède - c’est du moins mon expérience - un inconscient qui ne peut être comparé à l’inconscient "aryen" ... »

« Les Juifs ont en commun avec les femmes cette particularité .- étant physiquement plus faibles, ils doivent chercher les défauts de l’armure de leurs adversaires, et grâce à cette technique qui leur a été imposée tout au long des siècles, ils sont mieux protégés là où les autres sont plus vulnérables. En sa qualité de membre d’une race dont la culture est vieille de plus de trois mille ans, le Juif est psychologiquement plus conscient de lui-même que nous ne le sommes. C’est pourquoi, d’une manière générale, il est moins dangereux pour le Juif de déprécier son inconscient. En revanche, l’inconscient "aryen" contient des forces explosives et la semence d’un avenir encore à naître. Étant encore jeunes, les peuples germaniques sont parfaitement capables de produire de nouvelles formes de culture et cet avenir a son siège dans l’obscurité de l’inconscient de chaque individu où reposent des semences gorgées d’énergie et capables d’un éclat puissant. Le Juif, qui a quelque chose du nomade, n’a jamais produit et ne produira jamais une culture qui lui soit propre, car tous ses instincts et ses dons exigent pour se développer un peuple hôte, plus ou moins civilisé.

La race juive, dans son ensemble, possède - c’est du moins mon expérience - un inconscient qui ne peut être comparé à l’inconscient "aryen" que sous certaines réserves. À l’exception de quelques individus créateurs, le Juif moyen est déjà bien trop conscient et différencié pour porter en lui les tensions d’un avenir encore à naître. L’inconscient "aryen" a un potentiel supérieur à l’inconscient juif ; tel est l’avantage et le désavantage d’une jeunesse pas encore complètement sevrée de la barbarie. À mon avis, cela a été une grande erreur de la psychologie médicale d’appliquer sans discrimination des catégories juives- qui ne sont même pas valables pour tous les Juifs - à la chrétienté allemande et slave. »

« Du coup, on est venu à qualifier le secret le plus précieux des peuples germaniques - leur profondeur d’âme créatrice et intuitive - de marécages banals et puérils tandis que mes avertissements se voyaient soupçonnés d’antisémitisme. Ce soupçon émanait de Freud. Or Freud ne comprenait pas la psyché allemande, pas plus d’ailleurs que ses épigones germaniques. Le grandiose phénomène du national-socialisme que le monde entier contemple étonné les a-t-il éclairés ? »

« ... C’est une erreur assez impardonnable d’accepter les conclusions d’une psychologie juive comme généralement valables. »

Voici ce qu’écrivaient ses adeptes :

« Jung apporta une importante contribution à la science avec sa théorie selon laquelle il n’existe pas seulement un inconscient individuel mais aussi un inconscient collectif, incluant un inconscient racial et ethnique, qui a un impact important et qui détermine l’Etre profond et l’identité [de cette race ou de cette ethnie]. Ce fut un développement scientifique et une élaboration du concept soutenu par des philosophes allemands tels que Herder, postulant que chaque peuple, ou chaque nation, possède sa propre « âme ». »

Jung affirma : « Il n’y a pas de doute qu’à un niveau antérieur et plus profond du développement psychique, où il est encore impossible de distinguer entre une mentalité aryenne, sémitique, chamitique ou mongole, toutes les races humaines ont une psyché collective commune. Mais avec le début de la différenciation raciale, des différences essentielles se sont aussi développées dans la psyché collective. »

Jung indique ce que cela signifie en termes pratiques, comme par exemple quand des politiciens et des leaders religieux essayent d’imposer une société multiraciale. Jung écrivit : « Pour cette raison, nous ne pouvons pas transplanter en bloc l’esprit d’une race étrangère dans notre propre mentalité sans dommage important pour cette dernière, un fait qui cependant ne dissuade pas les natures faibles d’être émues par la philosophie hindoue et par ce genre de choses. »

Sans même la question des amitiés nazies de Jung (puisque le Goering copain de Jung était le cousin de l’autre, nommé à ce poste par l’autre), celle de l’avancée de Freud (le fondement matériel réel des névroses) est entièrement reculé par Jung et ce n’est pas la moindre des reculades de Jung qui prétendait que la mythologie antique allemande était le fondement spirituel des névroses des Allemands et qu’un Juif n’avait pas les mêmes névroses que les autres êtres humains...

La thèse de Jung moins sexualiste est son propre plaidoyer mais cela aussi est faux. Freud écrivait ainsi dans « Cinq psychanalyses », toujours dans la psychanalyse de Dora : « j’ai tenu à montrer que la sexualité n’intervient pas d’une façon isolée, comme un deux ex machina, dans l’ensemble des phénomènes caractéristiques de l’hystérie, mais qu’elle est la force motrice de chacun des symptômes et de chacune des manifestations d’un symptôme. » Expliquant que la psychanalyse ne devait pas être assimilée à un pansexualisme du type de celui de Jung, Freud écrit : « C’est Jung et non pas moi qui fait de la libido l’équivalent de la poussée instinctive de toutes les facultés psychiques et qui combat la nature sexuelle de la libido. » (Lettre de Freud du 16-6-1873).

Freud est d’abord neurologue. Il étudie la structure du cerveau, ou système nerveux central, et l’utilise afin d’expliquer les conduites. Dans plusieurs textes, Freud se révèle matérialiste ; bien loin d’opposer âme et corps, il étudie le cerveau comme lui révélant le fonctionnement psychique.

Le projet de psychologie scientifique, œuvre inachevée, s’attachait à décrire le fonctionnement du neurone, tendant à se décharger (selon le principe d’inertie neuronique), comme un modèle du fonctionnement psychique : l’activité neuronale peut entraîner une décharge motrice (par le biais d’un neurone moteur) ou entraîner l’activité d’un neurone voisin.

Freud distingue des neurones liés à cette activité de représentation consciente, de neurones qui seraient responsables de la mémoire.
Il faut remarquer que Freud n’avait cependant pas publié le projet de psychologie scientifique.

Le concept d’appareil psychique selon Freud se situe entre l’esprit et le cerveau. Le concept d’appareil renvoie chez Freud au mécanisme de l’inertie. Freud transforme ce principe général de la physique en créant un principe spécifique d’inertie et de constance.

Dans cette théorie Freud explique que la quantité d’énergie psychique doit nécessairement rester constante en trouvant des modes de décharges.

L’appareil traite donc ces excitations, sources d’informations, et s’en sert afin de maintenir l’homéostasie. L’appareil doit gérer ces excitations, qui peuvent être trop fortes, déclenchant le traumatisme et la névrose. Pour cela, l’appareil psychique est muni d’un pare-excitation.

La métapsychologie traitant du fonctionnement et de l’évolution de l’esprit, de la pulsion, de ses représentants psychiques et de ses possibles destins, il s’agit ici de considérer pleinement la métaphore de l’appareil quant aux modalités de son fonctionnement.

Puisqu’il s’agit des premiers efforts théoriques de Freud, mais qui annoncent bien des développements ultérieurs, il est sans doute éclairant de noter dans quelles conditions Freud se met à théoriser cet appareil. Freud part de ses expériences avec l’hystérie, et de cet état pathologique il en viendra à théoriser le fonctionnement normal.
Il y a dans l’hystérie le symptôme de conversion : une difficulté du psychique ressurgit et s’exprime dans le corps - mais cette difficulté est bien liée à une histoire psychique.

La conversion hystérique semblerait d’abord un raté dans la mise en place de l’appareillage. Il est vrai que cette représentation s’appliquera par la suite bien mieux aux troubles psychosomatiques non hystériques, puisque dans l’hystérie il y a un travail psychique riche, préservant de la psychose.

Mais Freud, encore en 1915, exprime nettement l’hystérie comme un raté du refoulement, explosant dans le soma. Il y a peut-être une petite réussite, puisque l’affect est effacé et qu’on peut décrire une belle indifférence hystérique - le fait de ne pas se préoccuper de ses symptômes. Pourtant le refoulement est un échec puisque la représentation ressurgit. Le refoulement ne parvient pas à l’éliminer.
Freud parle de traumatisme. Le traumatisme indique un moment dans lequel l’appareil psychique fait défaut, est pris en défaut. L’appareil psychique, responsables de fonctions parfois descriptibles en termes de survie et de reproduction (du moins chez Freud), déraille et faillit à ses fonctions.

Partout dans la métapsychologie se retravaille cette notion d’un appareil faisant face à des stimulations, à des quantités, des afflux énergétiques. La représentation n’en sera qu’une délégation dans le psychique, un porte-parole. Certaines représentations sont insupportables et déclenchent des défenses visant à les éliminer, mais elles resteront inscrites dans l’inconscient (dans le cas de la névrose). Mais les défenses visent originellement à éliminer les représentations inconciliables.

Si l’idée d’une réalité psychique dégage un champ d’étude clairement différencié de la réalité factuelle, le terme d’appareil psychique et la conceptualisation qui l’entoure révèle mieux que tout autre ce modèle d’un outil pour faire face à l’excitation. Le psychique est tentative de traiter la perception, qui traversera différents systèmes : depuis les organes sensoriels, au système inconscient, puis au système mnésique qu’est le préconscient, et atteignant enfin la conscience.

Il y a là une réelle opposition entre les deux topiques de Freud, et cette première topique décrivant des systèmes collant plus complètement au modèle d’un appareil dans lequel le conflit provient de ce à quoi l’appareil a à faire. La deuxième topique, présentant des instances du psychiques, entités en partie différentes, assume bien plus l’idée d’un conflit interne, théâtre psychique, et non simplement d’un conflit face à des stimulations surgissant d’ailleurs. Si, dans la première topique, tout l’appareil psychique fait face à l’excitation dont la source est organique, dans la seconde topique l’essentiel est de montrer la difficulté face à la partie de la psyché qu’est le ça.

Rappelons cependant que ces deux topiques se complètent, et que la deuxième ne vient pas contredire l’aspect organique de la pulsion, sans cesse réaffirmé à travers l’ensemble des œuvres de Freud.
Il y a certes eu débat sur la nature de la libido entre Freud et Jung mais il faut préciser que c’est Freud qui a commencé à contredire sa propre thèse, d’écrire à tous les psychanalystes qu’il la jugeait insuffisante.

Dans sa correspondance avec Wilhelm Fliess, il évoque ce renoncement, en 1897 : Il faut que je te confie tout de suite le grand secret, (...) je ne crois plus à ma neurotica.[44] Sur le point de rejeter la réalité de la scène de séduction, il franchit alors le pas de reconnaître au fantasme une fonction et un statut prépondérants, et par conséquent en vient à supposer que ce qui lui semble en jeu à ce niveau dans la névrose n’opère pas de même dans la psychose : J’ai été amené à constater que dans les psychoses les plus profondes, le souvenir inconscient ne jaillit pas , de sorte que le secret de l’incident de jeunesse, même dans les états les plus délirants, ne se révèle pas."

Sur le point de rejeter la réalité de la scène de séduction, il franchit alors le pas de reconnaître au fantasme une fonction et un statut prépondérants, et par conséquent en vient à supposer que ce qui lui semble en jeu à ce niveau dans la névrose n’opère pas de même dans la psychose : J’ai été amené à constater que dans les psychoses les plus profondes, le souvenir inconscient ne jaillit pas , de sorte que le secret de l’incident de jeunesse, même dans les états les plus délirants, ne se révèle pas."

En 1907, il présente en effet à Jung la psychose comme l’effet d’un retrait de la libido de l’objet : il devient probable que l’investissement retiré à l’objet est retourné dans le moi, ie est devenu auto-érotique.Aussi le moi paranoïde est-il surinvesti." L’hypothèse précédente, basée depuis 1895 sur l’axiome essentiel du principe de plaisir, stipulait l’existence d’un clivage entre Lust-ich et Real-ich avec passage des pulsions sexuelles de l’auto-érotisme initial à l’amour d’objet qui est au service de la reproduction", d’où l’idée dans la psychose d’une régression à l’auto-érotisme avec retour à la domination des processus primaires.

Et Jung de lui répondre : " Quand vous dites que la libido se retire de l’objet, vous voulez sans doute dire qu’elle se retire de l’objet réel pour des raisons normales de refoulement (...) et qu’elle se tourne vers un démarquage fantasmatique du réel, avec lequel elle commence alors son jeu auto-érotique classique.", car pour lui l’auto-érotisme dans la psychose se supporte de l’activité fantasmatique, et c’est de libido d’objet réel qu’il s’agit.

Mais Freud, la semaine suivante, rectifie aussitôt : ce ne serait pas de l’objet réel que la libido se retire mais de la représentation d’objet. Celle-ci, une fois désinvestie, soit dénuée de l’investissement qui la désignait comme intérieure, serait alors traitée comme une perception, pouvant être projetée à l’extérieur.

Lorsque Jung s’appuie sur cette hypothèse de Freud du retrait de la libido des objets sur le moi, ce qui revient pour lui à la désexualiser en la situant dans un registre dit fantasmatique, il ne parvient pas à la notion de libido du moi.

C’est ce pas que Freud franchit avec le narcissisme primaire, qu’il introduit de fait corrélativement à cette notion de libido du moi : en 1907, quand il évoquait l’auto-érotisme à propos du retour de la libido sur le moi, lui échappait encore ce point d’articulation qu’il amène en situant cette libido dans la dimension de l’ordre signifiant, soit en introduisant le rapport à l’Autre.

A cette étape, il ne parvient pas - dans ce second temps en quelque sorte de sa théorie des pulsions - à nettement poser le Ich, le Moi selon l’acception de la seconde topique - comme objet, dans la mesure où il maintient la séparation entre pulsions du moi/ pulsions de l’objet ; mais de fait cette hypothèse est déjà là, implicite dans ce texte, avec l’introduction de cette notion de narcissisme primaire : là, Freud touche à une problématique essentielle, - nouveau réel qu’il a fait surgir et contre lequel il vient buter - ce concept de narcissisme primaire, en tant qu’il met en jeu un rapport de complétude du sujet à l’Autre, amène en fait la question de la division du sujet ; avancée de la théorie qui touche à un point de béance d’où probablement le rejet de ce concept, difficile à maintenir, par certains courants d’analystes.
C’est autour du Ich que réside ici la problématique à laquelle Freud se trouve confronté, ce qu’il désigne lui-même en 1909 quand il considère ce moi que je n’ai pas suffisamment étudié : il a nettement précisé au début de ce texte (1914) que le narcissisme tel qu’il l’entend n’est pas à rapporter à l’image du corps propre, à un amour porté à cette image, comme cette perversion désignée selon le mythe de Narcisse, mais à l’univers du discours, - actes psychiques, pensées, mots, etc.- comme il l’indique en s’appuyant sur une référence à son Totem et Tabou, paru l’année d’avant.

La remarquable avancée de Freud en 1914 est de percevoir plus nettement la fonction du fantasme dans l’économie de l’appareil psychique, et surtout de dévoiler derrière ce concept de narcissisme primaire que le moi puisse être le premier objet libidinal, fait jusque là méconnu en raison même de cette fonction fantasmatique à l’oeuvre dans les névroses.

Dans ce même article, il distingue ensuite foncièrement ce destin que trouve la pulsion dans le fantasme d’un autre destin possible, la sublimation, sans refoulement à l’origine : La sublimation est un processus qui concerne la libido d’objet et consiste en ce que la pulsion se dirige vers un autre but, éloigné de la satisfaction sexuelle. (...) La sublimation représente l’issue qui permet de satisfaire à ces exigences sans amener le refoulement".

Ainsi dans la névrose la perte de la réalité s’effectuerait sous une modalité selon laquelle le monde fantasmatique s’instaurant pour pallier aux exigences pulsionnelles deviendrait le lieu non d’une nouvelle réalité sans lien avec le monde extérieur comme dans les affections dites narcissiques par Freud, mais le lieu d’où se réagencerait en quelque sorte la réalité, le lieu ou le cadre d’où pourrait se réordonner le rapport à la pulsion, d’où une distinction, une division rendue possible pour un sujet entre de l’intérieur et de l’extérieur. Dès qu’il existe ainsi de la césure, à la suite d’une première opération logique, étape par laquelle le procès symbolique psychique est appelé à se constituer, étape où vient à opérer cette fonction de l’unarité sans laquelle nulle subjectivation de la réalité ne peut advenir, étape de l’incorporation, Einverleibung, de cette fonction unaire, qui renvoie en d’autres termes à la fonction paternelle....

Précédemment, s’est trouvée évoquée cette lettre de Freud à Jung de mai 1907 dans laquelle il rappelle que le retrait ou désinvestissement de la libido ne se fait pas de l’objet réel mais de sa représentation : il s’agit donc de ce qu’il nomme "investissement" dans ses écrits métapsychologiques de 1915, et qui correspond à la fonction de Repräsentanz dans la Vorstellungsrepräsentanz, ou représentance, soit la dimension unaire du signifiant qui seule permet l’articulation, le renvoi d’un signifiant à un autre, unarité sans l’opération de laquelle toute la chaîne signifiante ne pourrait s’ordonner, pour un sujet bien entendu.

C’est du ratage de cette opération symbolique inaugurale désignée l’année d’avant dans le mythe de son " Totem et Tabou" par le terme d’Einverleibung, ou incorporation signifiante, que la perte de la réalité dans la psychose s’ensuivrait, sous la forme d’une absence de borne, de contien, hors de tout processus de refoulement/retour du refoulé, comme si rien ne pouvait soutenir une division entre de l’intérieur et de l’extérieur, équivalente à celle que rend possible le fantasme dans la névrose.

Une des « ouvertures » de Jung, par rapport à la psychanalyse de Freud, consiste à considérer que l’individu reçoit un mythe personnel issu des mythes collectifs de l’ethnie, qu’il y a là un processus religieux, mystique et alchimique, magique en somme.

Le postulat fondamental de la psychologie analytique de Jung est que la psyché est dans son essence « naturaliter religiosa » (en latin : « naturellement religieuse ». La psychologie analytique se propose ainsi de donner du sens à la psyché, qu’elle nomme l’« âme » et propose une forme de développement de soi menant à la découverte de sa propre totalité : « La psychologie analytique nous sert seulement à trouver le chemin de l’expérience religieuse qui conduit à la complétude. Elle n’est pas cette expérience même, et elle ne la produit pas. Mais nous savons par expérience que sur ce chemin de la psychologie analytique nous apprenons l’« attitude », précisément, en réponse à laquelle une réalité transcendante peut venir à nous ». Charles Baudouin défendant Jung expose que : « Il a réintégré, dans la psychanalyse matérialiste d’hier, l’« âme » naguère refoulée ; mais s’il a pu le faire efficacement, sainement, c’est bien parce que nul, plus que lui, n’a su conserver ce que Nietzsche appelait « le sens de la terre » ». Et effectivement Jung se rapproche de Nietsche : individualisme exacerbé, recherche de la glorification à la fois de l’individu et du collectif mythifié. Ferrier, lui aussi favorable à Jung, considère que « le postulat de la psyché est en sympathie avec le cosmos, comme pierre de touche du système théorique jungien ».
Les inhibitions ne sont plus le point central contrairement à Freud et c’est la dissociation entre l’individu et son origine ethnique et mystique qui devient le point central dans la psychanalyse de Jung : « Le but du processus thérapeutique est de permettre d’assimiler les éléments inconscients de sa psyché et réussir ainsi finalement l’intégration de sa personnalité et la guérison de sa dissociation névrotique. » Le concept d’« inconscient » diverge de celui de Freud et Jung y adjoint une partie collective, qu’il nomme l’« inconscient collectif ». En font partie des structures mentales innées, les « archétypes psychologiques », déterminés à partir de ses études de la mythologie, de l’alchimie et à partir d’un rapprochement entre pensée orientale (le yoga Kundalinî notamment) et théorie psychanalytique.

L’idée psychanalytique n’est pas simplement plus ouverte mais complètement modifiée en particulier la notion d’inconscient qui devient à la fois individuelle et collective et aussi mystique, mythologique, religieuse et magique...

En fait, Jung aborde souvent lui-même la question de la mystique, celle de Maître Eckhart en particulier, dont il dit qu’il est « le plus grand penseur de [son] époque ». Dans l’ouvrage Jung et la mystique, Steve Melanson explique en effet que « c’est spécifiquement dans l’héritage d’Eckhart que Jung considère la possibilité d’un renouvellement de l’attitude religieuse en Occident ». Car, pour Jung, un tel vécu de l’expérience mystique permet à l’individu de trouver son sens intérieur et, ainsi, de développer une attitude religieuse propre à lui, une plus grande force d’âme et une autonomie spirituelle. « Et de même s’est fortifié [pour Jung] l’idée que par l’addition d’un nombre suffisant de consciences ayant développé un tel sens propre, pourraient être évitées de nouvelles folies collectives modernes ». Enfin, Jung s’est focalisé dès ses premiers travaux (avec sa thèse de psychiatrie) sur le paranormal. Son concept de synchronicité est le point culminant de cet intérêt ésotérique, ce qui a contribué à le décrédibiliser au sein de la communauté des psychanalystes et des psychiatres.

"Dans la psychologie analytique développée par le psychiatre suisse Carl Gustav Jung, la synchronicité est l’occurrence simultanée d’au moins deux événements qui ne présentent pas de lien de causalité, mais dont l’association prend un sens pour la personne qui les perçoit. Cette notion s’articule avec d’autres notions de la psychologie jungienne, comme ceux d’archétype et d’inconscient collectif."

Historique de la divergence de Jung

Selon le biographe de Freud, Ernest Jones, la dégradation de leur relation commence réellement en 1911, au congrès de Weimar et à la fondation de la Société Internationale de Psychanalyse, mais elle ne porte pas sur le concept de libido ou sur l’utilisation des mythes comme souvent on a pu le penser. La critique de Freud porte sur le fait que Jung s’appuie sur trop de sources extérieures, du domaine religieux ou mythologique. Jung réplique en expliquant qu’il trouve « trop inquiétant de laisser de côté de larges domaines du savoir humain ». Freud écrit que « c’est le désir d’éliminer ce qu’il y a de choquant dans les complexes familiaux, afin de ne pas retrouver ces éléments choquants dans la religion et la morale, qui a dicté à Jung toutes les modifications qu’il a fait subir à la psychanalyse ». En 1913 Jung rédige spontanément (en trois nuits), dans un événement extatique, Les Sept sermons aux morts, son écrit le plus mystique dans lequel il se perçoit sous les traits du gnostique Basilide, créateur de l’abraxas. Ses expériences de régression sont compilées dans Le Livre noir, intitulé peu après Le Livre rouge, qu’il garde à sa discrétion seule et qui n’est publié qu’en 2009.

Il se tourne alors vers le gnosticisme qui est un mouvement religieux regroupant des doctrines variées du bassin méditerranéen et du Moyen-Orient qui se caractérisent généralement par la croyance que les hommes sont des âmes divines emprisonnées dans un monde matériel créé par un dieu mauvais ou imparfait appelé le Démiurge.
Il se tourne alors vers la chiromancie, la théologie, l’astrologie, …

Dans un un essai de 1918, De l’inconscient (Über das Unbewusste), Jung soutient une différence d’inconscient entre les Aryens et les Juifs notamment qui procure de fait un fondement scientifique à l’idéologie allemande.

Dès les années 1920 Jung découvre, grâce à son ami le sinologue allemand Richard Wilhelm et sa traduction du texte ancien du Traité du Mystère de la Fleur d’Or (Das Geheimnis der goldenen Blüte), la riche tradition de l’« alchimie des souffles » et l’alchimie des taoïstes. Ses recherches l’emmènent ensuite vers la tradition alchimique européenne, de l’Antiquité tardive jusqu’à la Renaissance. Il y découvre un fondement à sa psychologie analytique : « Il nous apparaît aujourd’hui avec évidence que ce serait une impardonnable erreur de ne voir dans le courant de pensée alchimique que des opérations de cornues et de fourneaux. Certes, l’alchimie a aussi ce côté, et c’est dans cet aspect qu’elle constitua les débuts tâtonnants de la chimie exacte. Mais l’alchimie a aussi un côté vie de l’esprit qu’il faut se garder de sous-estimer, un côté psychologique dont on est loin d’avoir tiré tout ce que l’on peut tirer : il existait une « philosophie alchimique », précurseur titubant de la psychologie la plus moderne. Le secret de cette philosophie alchimique, et sa clé ignorée pendant des siècles, c’est précisément le fait, l’existence de la fonction transcendante, de la métamorphose de la personnalité, grâce au mélange et à la synthèse de ses facteurs nobles et de ses constituants grossiers, de l’alliage des fonctions différenciées et de celles qui ne le sont pas, en bref, des épousailles, dans l’être, de son conscient et de son inconscient »E 11, une mise en image et une parabole de l’évolution de l’individu sur le chemin de l’individuation : « J’ai vu très rapidement que la psychologie analytique se recoupait singulièrement avec l’alchimie. Les expériences des alchimistes étaient mes expériences et leur monde était, en un certain sens, mon monde. Pour moi, cela fut naturellement une découverte idéale, puisque, ainsi, j’avais trouvé le pendant historique de la psychologie de l’inconscient. Celle-ci reposait dorénavant sur une base historique. »
Jung voit dans la figure de Paracelse un psychologue d’avant la psychologie, un medicine-man lui ressemblant en bien des points. Paracelse l’initie par ailleurs au rapport ténu qui existe entre l’alchimie et la religion comme problème moral de l’âme. Ses recherches sur l’alchimie aboutissent à plusieurs ouvrages : Synchronicité et Paracelsica (1929), Psychologie et alchimie (1944), Psychologie du transfert (1946) et enfin les deux tomes de Mysterium conjunctionis (1955 et 1956). C’est à partir des œuvres alchimiques du Moyen Âge et de la Renaissance (les traités de Michael Maier comme Atalante fugens, ceux de Johann Valentin Andreae, Les Noces Chymiques de Christian Rosenkreutz, et les écrits de Gérard Dorn, surtout) mais aussi des époques antérieures (Pythagore et le célèbre traité fondateur de la Table d’émeraude attribuée à Hermès Trismégiste) et contemporaines (Fulcanelli notamment) que Jung trouve la justification de ses modèles psychologiques. En effet, il voit dans la recherche de la « lapis philosophicae », la Pierre philosophale, la métaphore du cheminement de l’esprit vers davantage d’équilibre, vers une réalisation pleine et complète, le « Soi ». Pour Jung toute la recherche de la transmutation du plomb en or n’a servi, au cours de l’histoire, qu’à représenter ce besoin psychique humain, et à en préserver les règles et processus, et la connaissance des menaces de la société de l’époque (l’Inquisition notamment). Jung est ainsi connu pour être un des rares psychothérapeutes à s’être appuyé sur l’alchimie pour en déterminer les parallèles avec la psychologie, celle de la recherche de l’« anthropos » ou « homme total », auquel Jung donne le nom de « Soi »).

En 1925, Jung et quelques amis proches se rendent de nouveau aux États-Unis, pour un séjour de découverte du pays. Ils visitent ainsi Chicago, Santa Fe et Taos, le Grand Canyon, le nord-ouest de l’Arizona, le Nouveau-Mexique et le Texas, puis la Nouvelle-Orléans et Washington DC. Il en profite également pour rassembler des matériaux de recherche sur la pensée indienne d’Amérique. À ce titre, il rencontre, par l’intermédiaire de Jaime de Angulo, un psychologue et linguiste travaillant sur les cultures indigènes, l’Indien Antonio Mirabal, surnommé « Lac des Montagnes », chef de la tribu Hopi. Jung a avec ce dernier de nombreuses discussions concernant le système religieux des Hopis, fondé sur la prédominance du soleil. En fait, il se tourne vers tous les matériaux éthnologiques pour développer des thèses sur l’ « inconscient collectif » et sur la psychanalyse ethnique. En 1933, il se tourne vers les textes alchimiques anciens qu’il fait traduire du latin, du grec, de l’ancien français et aussi des vieux textes chinois…
Dès lors, Jung voit dans l’alchimie un terreau pertinent permettant de comparer les archétypes, et illustrant le concept d’individuation. Jung développe aussi la pratique de la double thérapie : les patients sont en analyse avec Jung mais aussi avec l’un de ses associés, du sexe opposé au leur, en raison des biais provoqués, selon lui, par l’anima chez l’homme ou par l’animus chez la femme.

Se déroule alors son évolution liée au régime nazi.

Depuis les années 1926 et 1927, Jung est affilié à un groupe d’analystes berlinois, dirigé par Robert Sommer et Wladimir Eliasberg, nommé Société médicale allemande de psychothérapie (Deutsche Psychoanalystiche Gesellschaft). Il est nommé en 1930 membre d’honneur. Parmi les membres, siège Matthias Heinrich Göring, cousin du leader nazi Hermann Göring, futur Reichsmarschall du parti fasciste allemand. La particularité de Jung est que, contrairement à Freud, la psychologie analytique est bien perçue en Allemagne, et ce, bien avant l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Cette société est ensuite, en 1933, récupérée par le mouvement völkisch, prônant la supériorité de la culture germanique, notamment par le moyen de la Deutsche Glaubensbewegung (le « Mouvement de la foi allemande ») fondée par Jakob Wilhelm Hauer qui fréquente très tôt les conférences et le cercle jungien des années 1930. Il utilise notamment le concept d’inconscient collectif dans un sens plus politique que scientifique, principalement pour suggérer l’existence d’un inconscient racial justifiant le lebensraum des nazis. Matthias Göring tente alors d’utiliser la renommée de Jung, mais, selon Deirdre Bair, « Il n’existe cependant aucun document prouvant son éventuelle adhésion » à ce mouvement, dont il a rencontré le chef de file chez le comte Hermann von Keyserling.

De 1933 à 1937, Jung est à la tête de la Société de psychanalyse allemande. Son premier éditorial déclare : « the society expects all members who work as writers or speakers to work through Adolf Hitler’s Mein Kampf with all scientific efforts and accept it as a basis ».

En 1933, le président de l’époque de la Société médicale allemande générale de psychothérapie (Deutsches Institut für psychologische Forschung und Psychotherapie), Ernst Kretschmer, doit démissionner parce qu’il est juif et qu’il refuse d’aider les nazis à subvertir la psychothérapie. Il devient rédacteur en chef de l’organe de cette association, la Zentralblatt für Psychotherapie und ihre Grenzgebiete édité par Hirzel à Leipzig. En 1933 et 1934, vingt-quatre des trente-six membres juifs de la Société se sont déjà exilés. Peu à peu, en Allemagne, la psychanalyse freudienne, stigmatisée comme une « science juive », disparaît.

Le 21 juin 1933, Jung devient le nouveau vice-président de la Société médicale générale de psychothérapie, six mois après l’arrivée d’Hitler au pouvoir. À ce moment, et en dépit de l’accord unilatéral de Jung, le psychiatre suisse est considéré en Allemagne nazie comme « le chercheur germanique le plus important de la psychologie des profondeurs dans le monde aryen anglo-saxon ».

Ainsi dans une lettre du 1er décembre 1934 jointe au Zentralblatt für Psychotherapie und ihre Grenzgebiete, Jung invite les médecins à adhérer à titre personnel à la Société générale de psychothérapie. La même année, un article du psychanalyste allemand réfugié en Suisse Gustav Bally dans la Neue Zürcher Zeitung l’accuse de collusion avec le régime allemand et lui demande de préciser sa position vis-à-vis de ce qu’il nomme la « psychologie et psychothérapie de souche allemande ». Jung répond que l’alignement est obligatoire sur le régime allemand. Les conférences et articles de Jung sont cependant vite récupérés par le pouvoir nazi, l’opposant toujours à la « science juive » de Freud.

En 1935, Jung évoque également l’importance de la religiosité du patient dans le cadre de la cure, avançant même que le système de la confession est une psychanalyse avant l’heure. Il conclut quant au danger de la « bête blonde », l’Allemagne nazie, qui témoigne, selon lui, du fait que « l’image archétypique que l’époque ou le moment produit prend alors vie et s’empare de tout le monde », thèse qu’il développe l’année suivante, dans son essai Wotan, dans lequel il annonce « le réveil de l’inconscient allemand ».

Qu’est-ce que le wotanisme ? Dans la Walkyrie, Wagner met en scène un personnage appelé WOTAN, père de la Walkyrie qui se révolte et sorte de créateur tout puissant. Le professeur Jung prédit que la race aryenne entrerait bientôt dans une époque de résurgence wotanique, qui grandirait dans la conscience de son peuple, comme « un volcan éteint qui se réveille. »

... La mythologie apparaît aussi attractive que la vie elle-même du point de vue des obsessions et des besoins de l’individu, de la race, de l’époque. (...) Il est donc parfaitement naturel que le Wotanisme puisse exprimer la renaissance tribale en ces temps de péril pour la race blanche. L’archétype dominant fonctionne toujours mieux dans les époques de grande crise. (...) Les doctrines étrangères du christianisme furent imposées à l’Europe païenne à la pointe de l’épée, par une forte pression politique. Si le christianisme n’avait pas incorporé une grande partie des vieilles traditions aryennes, païennes, il aurait difficilement pu durer jusqu’à l’époque actuelle. Sans aucun doute, l’entreprise la plus insidieuse pour infecter les instincts naturels de l’homme aryen fut la doctrine anti-naturelle et universaliste du christianisme.

En 1936, suite à un article de Jung intitulé « Différences indéniables dans la psychologie des nations et des races », il est accusé de sympathies nazies.

Dans une interview au quotidien anglais The Observer, Jung assimile Hitler à un « médium » et affirme que « la politique allemande ne se fait pas, elle se révèle à travers Hitler. Il est le porte-parole des dieux comme jadis ».

En 1936, en effet, et une fois le pouvoir nazi en place, la Société médicale générale de psychothérapie devient l’Institut Göring, fer de lance de la Neue Deutsch Seelenheilkunde, la nouvelle science psychothérapeutique officielle du régime. Dès lors, Jung refuse d’y adhérer mais Göring tente de le convaincre et y parvient, faisant croire au reste de la communauté qu’il approuve son rôle. En 1936, Jung donne donc sa démission mais, peu après, une manœuvre de Göring le fait revenir à la tête de la Société. Afin de se justifier, Jung décide de publier ce qui demeure son essai le plus controversé : Wotan. Le dieu païen de la mythologie allemande Wotan représente selon lui Adolf Hitler, le leader nationaliste qui guide le monde.

En 1937, après un séjour en Inde, il bascule dans l’orientalisme, découvre la spiritualité indienne, le yoga, le culte de Kâli. Jung est ensuite touché par une violente dysenterie amibienne qui le cloue au lit. Il est alors assailli par des rêves pénétrants qui tous renvoient à l’image du Saint Graal. Jung affirme qu’il fait ainsi connaissance avec l’image du Soi à travers la notion de « ātman » ; il comprend dès lors le sens de ce rêve qui lui imprime l’ordre, selon lui, d’« aller au-delà du monde chrétien »

Göring finit par accepter la démission de Jung le 12 juillet 1940.
Après la guerre, Jung reçoit son septième titre honorifique de l’Université de Genève, remis par le psychologue Jean Piaget. Il publie ensuite un nouvel essai, Après la catastrophe (Nach der Katastrosphe), publié en 1945 dans la Neue Schweizer Rundschau, dans lequel il s’interroge sur « le drame du génie allemand » et dans « le travail moral de reconstruction » d’après-guerre qui reste à accomplir par le peuple allemand.

Cette même année, les accusations contre Jung commencent avec, notamment, un article de S. Feldman dans l’American Journal of Psychiatry intitulé « Dr. C. G. Jung and National Socialism » le citant :« l’inconscient aryen a un potentiel plus important que celui des juifs ».

A partir de 1947, il se consacre à un rapprochement entre psychanalyse et religion avec notamment « Psychologie et alchimie » et « Aïon », ainsi que « Réponse à Job ». Il se tourne également vers l’astrologie et la mythologie. En 1955, il se passionne pour les soucoupes volantes.

Par rapport au « phénomène ovni », Jung est un des premiers auteurs, dans Un mythe moderne (1958), à s’y intéresser d’un point de vue psychologique et sociologique. Il y suggère l’importance qu’il y a à étudier autant le témoin qui rapporte l’observation que l’observation per se. L’explication du phénomène se situerait tout autant dans la psyché que dans le monde extérieur. Sa prise de position dans un article intitulé « Le Dr Jung dit que les « disques volants » suggèrent des pilotes quasi-humains » publié dans le journal le New York Herald Tribune, le 30 juillet 1958 montre qu’il envisage également l’existence physique du phénomène. De ce fait, il est un des précurseurs de ce que l’on nomme aujourd’hui le « modèle sociopsychologique du phénomène ovni ». Comme matériel, il propose des études de cas de rêves à thématique ovni de ses patients. Son hypothèse principale est que les ovnis ont une forme de soucoupe par analogie avec les mandalas et qu’ils sont une reconduction de l’archétype du salut, au sein d’une société dénuée de relation avec son inconscient.

Le point de vue des spiritualistes

Messages

  • La façon dont Jung oppose "psychologie aryenne" et ’psychologie juive", n’est pas de l’antisémitisme le plus virulent de l’époque, mais pas non plus d’un intellectuel ouvert ni d’un fin psychanalyste, ni d’un grand scientifique !!!

    La façon dont Freud aborde la névrose, déclare Jung, se caractérise par un « rationalisme sans âme renforcé par un étroit point de vue matérialiste ».

    Le point de vue de Jung est donc anti-rationaliste, anti-matérialiste, donc anti-scientifique…
    Jung écrit en 1934 :

    « Sur la situation présente de la psychothérapie »
    « Freud et Adler ont contemplé très distinctement le côté sombre qui nous accompagne tous. Les Juifs ont en commun avec les femmes cette particularité : étant physiquement plus faibles, ils doivent chercher les défauts de l’armure de leurs adversaires, et grâce à cette technique qui leur a été imposée tout au long des siècles, ils sont mieux protégés là ou les autres sont plus vulnérables... En sa qualité de membre d’une race dont la culture est vieille de plus de trois mille ans, le Juif est psychologiquement plus conscient de lui-même que nous le sommes. C’est pourquoi, d’une manière générale, il est moins dangereux pour le Juif de déprécier son inconscient. En revanche, l’inconscient aryen contient des forces explosives et la semence d’un avenir encore à naître... Etant encore jeunes, les peuples germaniques sont parfaitement capables de reproduire de nouvelles formes de culture, et cet avenir a son siège dans l’obscurité de l’inconscient de chaque individu, où reposent des semences gorgées d’énergie et capables d’un éclat puissant. Le Juif, qui a quelque chose de nomade, n’a jamais produit et sans doute ne produira jamais une culture qui lui soit propre, car tous ses instincts et dons exigent pour se développer un peuple-hôte plus ou moins civilisé »

    « La race juive, dans son ensemble, possède - c’est du moins mon expérience - un inconscient qui ne peut être comparé à l’inconscient aryen que sous certaines réserves. A l’exception de quelques individus créateurs, le Juif moyen est déjà bien trop conscient et différencié pour porter en lui les tensions d’un avenir encore à naître. L’inconscient aryen a un potentiel supérieur à l’inconscient juif ; tel est l’avantage et le désavantage d’une jeunesse pas encore complètement sevrée de la barbarie. A mon avis, cela a été une grande erreur de la psychologie médicale d’appliquer sans discrimination des catégories juives - qui ne sont même pas valables pour tous les Juifs - à la chrétienté allemande et slave. Du coup, on en est venu à qualifier le secret le plus précieux des peuples germaniques - leur profondeur d’âme créatrice et intuitive - de marécages banals et puérils, tandis que mes avertissements se voyaient soupçonnés d’être teintés d’antisémitisme. Ce soupçon émanait de Freud. Or, Freud ne comprenait pas la psyché allemande, pas plus d’ailleurs que ses épigones germaniques. Le grandiose phénomène du national-socialisme, que le monde entier contemple les yeux étonnés, les a-t-il éclairés ? »

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