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Qu’est-ce que l’équilibre et le non équilibre ?

samedi 17 avril 2010

Qu’est-ce que l’équilibre et le non-équilibre ?

La notion d’équilibre signifie qu’un système atteint un niveau où l’un de ses paramètres ne change plus.

L’exemple de l’hélicoptère en position stationnaire en l’air nous montre que l’objet peut être en équilibre dynamique, c’est-à-dire que l’équilibre global est obtenu par un mouvement et une agitation. C’est le cas de l’équilibre thermique qui n’est pas une inaction des molécules. Mais on peut pousser plus loin et concevoir un état d’équilibre et une structure ordonnée qui ne soit pas fondée sur un objet fixe et même qui ne soit nullement fondée sur un objet mais sur de multiples objets qui ne soient jamais les mêmes, qui soit seulement fondé sur leurs interactions.

En effet, les structures peuvent être celles des interactions et non celles d’objets, même si dans de telles dynamiques des objets sont en mouvement. Cela signifie qu’il n’y a aucun équilibre concernant des objets mais un équilibre dynamique des interactions.

On en vient à la notion développée par Prigogine des structures dynamiques loin de l’équilibre. Des interactions non-linéaires loin de l’équilibre sont ainsi capables de produire l’émergence de structures, d’un ordre d’un type particulier. L’exemple classique est celui des structures issues de la convection, ou cellules de Bénard.

Les systèmes fondés sur le non équilibre sont des systèmes ouverts qui reçoivent de l’énergie de l’extérieur. Les systèmes du vivant sont dans ce cas. Cela explique qu’ils produisent de l’ordre émergent. L’homéostasie est un des domaines d’étude des interactions ordre/désordre loin de l’équilibre ou, plus exactement, de cas où le désordre produit l’ordre et l’équilibre. Mais la nature « morte » n’est indemne pas de tels processus. Elle connaît de nombreuses émergences d’ordre. La particule dite matérielle en est un cas particulier de même que la particule d’énergie. Elles ne sont pas des objets mais des structures émergentes des interactions.

Le résultat de ces ordres émergents est la production de rythmes qui ne sont pas périodiques au sens strict mais sont capables de sauter d’un rythme à un autre, très différent, et aussi capables de s’accrocher à d’autres rythmes.

Dans tous ces cas, nous sommes en présence d’un phénomène dans lequel le désordre à une échelle produit l’ordre à un autre, de phénomènes très contradictoires au sens dialectique…

Dans la nature on distingue deux types de structures spontanées : les structures d’équilibre, comme les cristaux, et les structures de non-équilibre qui impliquent une dissipation permanente d’énergie, à l’exemple des tourbillons derrière les piles d’un pont. Pour se former ces dernières nécessitent l’intervention de processus non-linéaires.

Notre équipe étudie le développement de telles structures lorsque la source de non-équilibre est une réaction chimique. Elles sont alors qualifiées de dissipatives. La concentration des espèces mises en jeu peut alors s’organiser dans le temps sous forme d’oscillations périodiques ou chaotiques. Par association avec les mécanismes de transport diffusif, elle peut aussi s’organiser dans l’espace sous la forme d’ondes propagatives ou de réseaux géométriques stationnaires (« structures de Turing »). Les processus chimiques qui sont à leur origine constituent des archétypes de mécanismes et de conditions de fonctionnement des systèmes biologiques. Ces derniers, gouvernés par des réactions (bio)chimiques entretenues, présentent ainsi fréquemment des rythmes plus ou moins périodiques, et des ondes d’excitation (influx nerveux, pulsations cardiaques). Enfin, les structures de réaction-diffusion sont impliquées dans certains aspects de la morphogénèse des êtres vivants.

Qu’est-ce que l’auto-organisation loin de l’équilibre ?

Ilya Prigogine et Isabelle Stengers dans « La nouvelle alliance » :

« La thermodynamique des processus irréversibles a découvert que les flux qui traversent certains systèmes physico-chimiques et les éloignent de l’équilibre, peuvent nourrir des phénomènes d’auto-organisation spontanée, des ruptures de symétrie, des évolutions vers une complexité et une diversité croissantes. »

Ilya Prigogine dans « Temps à devenir » :

« On a découvert que quand vous allez loin de l’équilibre, par exemple, en considérant une réaction chimique, que vous empêchez d’arriver à l’équilibre, se produisent des phénomènes extraordinaires que personne n’aurait cru possibles ; par exemple, des horloges chimiques. Une horloge chimique, qu’est-ce que c’est ? Prenons un exemple : vous avez des molécules qui de rouges peuvent devenir bleues. Comment imaginez-vous voir ce phénomène ? Si vous pensez que les molécules vont au hasard, vous allez voir des flashes de bleu, puis de flashes de rouge. Mais il se produit, loin de l’équilibre, dans d’importantes classes de réactions chimiques, des phénomènes rythmiques. Tout devient bleu, puis tout devient rouge, puis tout devient bleu, c’est-à-dire qu’une cohérence naît, qui n’existe que loin de l’équilibre. (…) Donc, loin de l’équilibre, se produisent des phénomènes ordonnés qui n’existent pas près de l’équilibre. Si vous chauffez un liquide par en-dessous, il se produit des tourbillons dans lesquels des milliards de milliards de molécules se suivent l’une l’autre. De même, un être vivant, vous le savez bien, est un ensemble de rythmes, tels le rythme cardiaque, le rythme hormonal, le rythme des ondes cérébrales, de division cellulaire, etc. Tous ces rythmes ne sont possibles que parce que l’être vivant est loin de l’équilibre. Le non-équilibre, ce n’est pas du tout les tasses qui se cassent ; le non-équilibre, c’est la voie la plus extraordinaire que la nature ait inventée pour coordonner les phénomènes, pour rendre possibles des phénomènes complexes.

Donc, loin d’être simplement un effet du hasard, les phénomènes de non-équilibre sont notre accès vers la complexité. Et des concepts comme l’auto-organisation loin de l’équilibre, ou de structure dissipative, sont aujourd’hui des lieux communs qui sont appliqués dans des domaines nombreux, non seulement de la physique, mais de la sociologie, de l’économie, et jusqu’à l’anthropologie et la linguistique. »

Qu’est-ce que la criticalité auto-organisée ?

Bernard Sapoval répond dans "Universalité et fractales" :

"Les phénomènes qu’il s’agit de caractériser comme criticalité auto-organisée sont tous des phénomènes qui se produisent dans des systèmes en déséquilibre dynamique, c’est-à-dire en présence d’échange avec l’extérieur. par exemple, la percolation d’invasion (...) Il suffit du déplacement d’une particule pour que la géométrie subisse une variation importante. L’apparition de ces instabilités a constitué une surprise pour nous. par exemple, un contact électrique, constitué d’une soudure diffuse, peut présenter des fluctuations liées au mouvement de quelques atomes seulement qui, en connectant ou déconnectant un grand amas, peuvent modifier les propriétés des contacts de façon sensible. Un tas de sable peut être en équilibre (précaire) si on n’ajoute pas de sable. Par contre, si on ajoute du sable, même très lentement, le tas devient instable. Il présente des fluctuations de toutes tailles, des "avalanches". le flux est dans ce cas un flux d’énergie apporté par le sable ajouté par en haut du tas. (...) L’auto-organisation est l’apparition spontanée d’une forme ou d’une structure qui ne résulte pas d’un programme codé comme un algorithme. (...) Jusqu’au début des années 80, on considérait que les phénomènes dits critiques étaient des phénomènes qui apparaissaient dans des circonstances exceptionnelles contrôlées par un paramètre extérieur. par exemple, les phénomènes critiques autour des transitions de phase ne sont observables que si la température est proche de la température critique : pour faire bouillir de l’eau, il faut la porter exactement à 100 degrés. Un autre exemple de phénomène critique est la percolation où il existe un paramètre, la concentration, dont la valeur nous indique si le système est près ou loin de la situation critique. Ce sont des situations dites "à l’équilibre", dans lesquelles même si des fluctuations existent le système garde au cours du temps des propriétés moyennes constantes. Qu’en est-il des systèmes très loin de l’équilibre, c’est-à-dire ceux qui sont placés dans des circonstances qui maintiennent l’existence d’un flux global d’échange avec l’extérieur ? Il n’y a guère plus d’une dizaine d’années qu’on été découverts des phénomènes qui possèdent spontanément certaines caractéristiques des phénomènes critiques sans qu’apparemment il y ait besoin d’ajuster les conditions extérieures. C’est pour cette raison qu’ils ont été appelés phénomènes critiques auto-organisés. Cette génralisation et ce vocable ont été proposés par Per Bak et ses collaborateurs en 1987, mais certains cas particuliers étaient connus depuis quelques années. Le premier de ces phénomènes est la percolation d’invasion, qui cherche à représenter la pénétration de fluides dans des milieux poreux. le second phénomène de ce type est la géométrie des soudures. Cette géométrie est aussi celle que vous obtiendriez en lançant une poignée de confettis et en étudiant la figure formée par les confettis tombés sur le sol. (...) L’exemple princeps de criticalité auto-organisée développée par Bak et ses collaborateurs est la physique du tas de sable."

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