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La physique n’est pas seulement un calcul mais une pensée, et même une pensée matérialiste dialectique
lundi 10 octobre 2016, par
La physique n’est pas seulement un calcul mais une pensée, et même une pensée matérialiste dialectique
La physique n’est pas seulement un calcul mais une pensée, et même une pensée matérialiste dialectique même si tous les physiciens sont loin d’en avoir été mis au courant !
Vous me direz, voilà une affirmation bien dangereuse : quelqu’un qui dicte aux physiciens ce qu’ils ne veulent pas dire, qui veut leur faire penser ce qu’ils ne pensent pas et faire dire à leur science ce qu’elle ne dit pas !
D’autant qu’avec la physique moderne, la plupart des auteurs, qu’ils soient physiciens, chimistes, vulgarisateurs, philosophes, sont convaincus que la physique n’est rien d’autre qu’une branche spécifique des mathématiques ! Et la preuve qu’ils ont raison, c’est que ça marche ! Jamais on n’a eu une science aussi précise et aussi efficace !
Et la physique décrit le monde entier. La matière y obéit à toutes les échelles, y compris la matière microscopique, y compris la matière cosmique et y compris la matière vivante !
Ces auteurs sont souvent persuadés que, sur la nature de matière et de l’univers, on ne peut rien dire, on peut seulement faire des calculs sur des probabilités mais pas décrire ce qui se passe dans la nature. Et certains affirment que la matière n’existe que dans l’esprit des hommes et parce que la conscience humaine se penche sur elle ! C’est dire qu’ils sont très loin d’être matérialistes ! Quant à la dialectique, que la plupart ne connaissent pas (Hegel est si compliqué !), ils ne voient certainement pas le rapport avec la physique et encore moins le besoin qu’ils auraient de se pencher sur des questions philosophiques pour résoudre des questions scientifiques. Bien sûr, les philosophes sont nécessairement effrayés par les pages de calculs mathématiques qui remplissent les ouvrages scientifiques. Ils pensent que la physique est inaccessible au non-mathématicien tout comme le physicien pense souvent que la philosophie est tout aussi inacessible au scientifique. Les mathématiques étant présentées comme pure construction libre de l’homme, on est en plein idéalisme scientifique ! Donc le fossé est large entre la physique et la philosophie matérialiste dialectique. Du moins en apparence.
Mais que cela ne nous empêche pas d’aller au-delà de ces apparences…
Pourquoi vouloir à tout prix imposer la dialectique à la physique ?
Parce que la physique se heurte à des contradictions irréductibles qui ne font que changer de forme et qui sont inhérentes à cette physique et non une limite de celle-ci.
Par exemple, tous les physiciens admettent que la relativité suppose la continuité et la physique quantique suppose la discontinuité. Pourtant, ils admettent tous qu’à toutes les échelles, la matière est à la fois quantique et relativiste (même si à certaines échelles, on peut le négliger dans les calculs mais pas dans les fondements). Voyez-vous, une contradiction dialectique, ce n’est rien d’autre que cela ! D’autant que le caractère relativiste et le caractére quantique interagissent sans cesse à toutes les échelles ! Et on ne peut pas réduire la quantique à la relativité ni l’inverse.
Ça y est, vous êtes en pleine philosophie de Hegel, sans être jamais sorti de simples considérations de physique tout ce qu’il y a d’élémentaires !
Personne n’est parvenu à rendre discontinue la relativité ni à rendre continue la quantique et personne n’est parvenu à plonger la quantique dans la relativité ni l’inverse. Personne n’est parvenu à affirmer qu’il y aurait un domaine quantique (la petite échelle) et un autre relativiste (la grande échelle).
Personne ne peut développer une théorie quantique qui ne soit pas relativiste ni l’inverse !!!
Ces remarques sont vraies aussi bien pour la matière, pour la lumière, pour l’énergie, pour les interactions, pour le vide, pour la matière vivante, pour tout, à toutes les échelles !
Passons sur cette question relativité/quantique et venons en à la relation quantique/classique…
Vous allez certainement nous dire encore que c’est une relation fondée sur des contradictions dialectique, dira le lecteur attentif !
Et il aura raison !
Le quantique et le classique s’opposent sur nombre de points. On a d’abord pensé que c’était une question d’échelle : le quantique concernerait seulement le microscopique (particules, atomes, molécules) et le classique seulement le macroscopique (à notre échelle en somme). Mais cela n’est pas vrai. Le quantique est en fait partout. L’apparence classique provient des nombreuses interactions entre éléments quantiques (théorie de la décohérence).
Donc, me direz-vous, pas de problème dialectique, pas de contradiction irréductible !
Vous n’y êtes pas ! La physique quantique n’a pas simplement absorbé toute la physique. Toute description physique est contrainte d’employer des expressions classiques. Tout appareillage physique est nécessairement classique. Les simples expressions « particule », « corpuscule », « photon », « électron », « vitesse », « position », « trajectoire », « énergie », « atome », « molécule » et bien d’autres sont classiques, c’est-à-dire contraires à la physique quantique.
Et cette dernière s’oppose bel et bien radicalement à la physique classique sur de nombreux points.
Elle affiche des propriétés fondamentales qui n’existent absolument pas au niveau classique : la superposition d’états, le caractère probabiliste des positions et des énergies, l’indiscernabilité des particules qui interagissent, la possibilité des sauts quantiques, l’effet tunnel permettant de sauter des barrières de potentiel, la non-localité, la corrélation des paramètres qui empêche toute précision absolue d’une mesure et la dualité onde/corpuscule.
Prenons cette dernière propriété et démontrons qu’elle est tout ce qu’il y a de plus… dialectique !
La matière, l’énergie, la lumière et le vide sont à la fois onde et corpuscule. Le corpuscule est localisé. L’onde occupe l’espace ou une partie importante de celui-ci. Pourtant toute particule est aussi onde et toute onde est aussi particule. Cela signifie que la matière est aussi onde et que la lumière est aussi particule et que le vide… est aussi à la fois onde et particule !!!
On n’est pas à une contradiction dialectique près en physique, même si on n’en a pas toujours conscience, ne sachant même pas ce qu’est la philosophie dialectique tant la société bourgeoise en a horreur !!! Hegel n’a-t-il pas affirmé que « tout ce qui existe mérite de mourir » et il ne parlait pas seulement de la nature mais aussi de la société, du vieux monde qu’il connaissait et dont il souhaitait la mort révolutionnaire, étant un partisan ardent de la Révolution française !!
Depuis belle lurette, la bourgeoisie n’a plus rien de révolutionnaire, n’est plus capable d’assumer même les révolutions qu’elle a menées, et encore moins les penseurs révolutionnaires qui l’ont alors accompagnée… Pas plus Diderot qu’Hegel !
La matière n’est pas ce que nous en pensions. Cela ne signifie ni qu’elle n’existe pas, ni qu’on ne peut pas la penser, ni qu’elle n’est que mathématique, ni qu’elle n’existe que si l’homme y pense. Comme le disait Einstein, la lune existe toujours même quand je me retourne !
La physique quantique, la physique probabiliste, la physique du chaos déterministe, la physique cosmologique, la physique-chimie, ni aucune sorte de physique n’a détruit l’idée d’une matière existant objectivement, en dehors de notre conscience, obéissant à des lois qui ne sont pas faites pour les seuls humains, donc des lois qui ne sont pas que mathématiques, à des interactions entre des éléments matériels et pas entre des équations et autres calculs. Ce ne sont pas de nombres qui interagissent dans la physique. Un laboratoire n’émet pas des équations mais des photons, des électrons, des neutrons ou des protons et il ne les envoie pas sur des équations mais sur des écrans, sur des capteurs, sur des atomes, sur des particules…
En somme, la physique a été contrainte de maintenir, dans ses observations, dans la mise en place de ses expériences, dans son langage, dans ses descriptions, le matérialisme scientifique.
En même temps, la physique a été contrainte dans tous les problèmes fondamentaux à vivre avec des contradictions dialectiques, c’est-à-dire des éléments contradictoires qui ne s’éliminent pas mutuellement, qui coexistent, qui ne font que se transformer en d’autres contractions dialectiques, dont les éléments contradictoires sont réellement opposés mais mutuellement attachés et indispensables l’un à l’autre, comme particule et onde, chaos et déterminisme, ordre et désordre, matière et énergie, matière et lumière, matière et vide, boson et fermion, quantique et classique, stable et instable, continu et discontinu, probabiliste et non probabiliste, causal et non causal, matière et antimatière, déterministe et non déterministe et on en passe…
Et ces contraires ne font pas que coexister, qu’interagir sans cesse, d’en tirer de nouvelles formes et de nouvelles structures, ils se transforment sans cesse l’un dans l’autre comme la matière en énergie, le vide en matière, la lumière en matière, l’onde en corpuscule et inversement. Car ces opposés obéissent à des lois dialectiques et notamment celle-ci : la négation de la négation est affirmation !
Ce ne sont pas des lois idéalistes suspendues au dessus de la réalité. Ce sont des lois qui découlent de la réalité de la matière. La pensée capable de les saisir est le matérialisme dialectique. Si la physique se retrouve contrainte de s’en tenir aux équations, c’est uniquement parce qu’elle ignore complètement ce qu’est la pensée matérialiste dialectique ou ne veut surtout pas y penser, vu l’odeur de soufre (de marxisme révolutionnaire) qui y est, avec justesse, attachée !
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Le monde matériel existe-t-il objectivement, en dehors de nos pensées ?
Physique et mathématiques
Bernard Diu dans « Les atomes existent-ils vraiment ? » :
« Il serait temps de nous interroger sur les relations qu’entretiennent la physique avec la mathématique. On se souvient de la fameuse phrase de Galilée : « Le livre de la Nature est écrit en langage mathématique ». (…) La différence, toutefois essentielle, vient de ce que la mathématique recherche uniquement la cohérence interne et l’articulation (éventuelle) avec d’autres théories mathématiques, mais que la sanction de l’expérimentation, c’est-à-dire de l’adéquation avec le réel, n’y est jamais prise en compte. (…) Mais ni les physiciens ni les mathématiciens ne s’y trompent pas : la mathématique n’est pas une science annexe, chargée de fournir des outils à la physique (ou à toute autre discipline). On est amenés à se poser des questions aussi troublantes que profondes. Pourquoi la mathématique s’applique-t-elle à la physique ? Cette question peut être formulée de façon plus métaphysique : pourquoi la structure de l’intelligence humaine, qui s’exprime dans la mathématique, sans contrainte apparente, permet-elle de comprendre, au sens fort de ce terme, les phénomènes physiques qui se présentent dans le réel ? « La chose la plus incompréhensible du monde, aimait à dire Einstein, c’est que le monde est compréhensible »… il ne faudrait pourtant pas croire que ce lien entre les théories physiques et la mathématique, pour étroit qu’il soit et surprenant qu’il paraisse, atteigne une parfaite adéquation. Au contraire. En schématisant, on pourrait même parler de mathématiques de et pour la physique, qui ont été développées pour et souvent par les physiciens, et dont les concepts et les méthodes s’adaptent sans difficulté à l’expression des théories physiques ; d’autre part, la mathématique pure qui se veut et se vit sans contrainte extérieure. On ne sera pas surpris d’apprendre que le premier type de mathématique est enseigné à l’université par des physiciens… L’immense majorité des physiciens, qui manipulent et utilisent quotidiennement les probabilités, ne connaissent pas la théorie mathématique des probabilités, fondée sur les idées de Kolmogorov (1933)… Il y a pire : les différentielles ne sont pas définies de façon identique par la mathématique et par les physiciens, alors que ces derniers en font un usage extrêmement courant. On pourrait multiplier ces exemples : les vecteurs ne sont pas les mêmes objets en physique et en mathématique, etc. »