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Les femmes révolutionnaires dans la Révolution française
vendredi 4 avril 2014, par
DANS UN ÉLAN SPONTANÉ DE RÉVOLTE, LES FEMMES DU PARIS RÉVOLUTIONNAIRE PRENNENT D’ASSAUT LE PALAIS DU ROI A VERSAILLES
Les femmes dans la révolution française
Les femmes révolutionnaires dans la Révolution française
Olympe de Gouges et les femmes révolutionnaires
Quand les femmes s’y mettent, c’est la révolution sociale
Pour feuilleter les ouvrages de Gallica qui suivent, entrer dans le document puis cliquer sur la grosse flèche verte de droite.
La société des citoyennes républicaines révolutionnaires
Rapport de la citoyenne Lacombe à la société des citoyennes républicaines révolutionnaires
Discours à la société des citoyennes républicaines révolutionnaires
Les femmes dans la révolution française de Michelet
Les femmes pendant la révolution
Doléances des femmes aux Etats-Généraux
Les héroïnes de Paris ou la liberté par les femmes
Les femmes de Paris manifestent à Versailles
L’arrivée des femmes à Versailles
Une manifestation de femmes à Paris en 1789
Les femmes ramènent triomphalement le roi à Paris pour être gardé par le peuple
Les femmes revendiquant d’être représentées aux Etats-Généraux
Lettre d’une citoyenne sur le patriotisme des femmes
L’assemblée des citoyennes de Lyon
Sur l’interdiction des clubs de femmes le 9 Brumaire, an II
Discours de Théroigne de Méricourt
Extrait de "Bourgeois et bras-nus" de Daniel Guérin :
"Les premiers symptômes d’une scission entre bourgeois et bras-nus apparurent dès le début de 1792. En janvier, une agitation assez étendue se produisit dans les quartiers populaires de la capitale contre la hausse du prix du sucre. Des délégations de sections firent entendre leurs protestations à l’Asssemblée, dénoncèrent les « vils accapareurs et leurs infâmes capitalistes ». Au début de 1793, l’antagonisme se précisa. A Paris et à Lyon, des mouvements d’un genre nouveau se produisirent, d’ordre purement économique, dirigés non plus contre l’Ancien Régime, mais contre la vie chère et la disette. Mais ils ne prirent que très rarement la forme de grèves, parce qu’à cette époque beaucoup de travailleurs n’étaient pas salariés (le nombre d’artisans l’emportait sur celui des ouvriers payés à la journée), et aussi parce que les salariés dispersés dans une multitude de petites entreprises, privés, en outre, par la loi Le Chapelier (14 juin 1791) du droit de coalition, ne pouvaient guère se concerter pour faire triompher des revendications de salaires.
Au surplus, les sans-culottes ne comprenaient pas bien le mécanisme, nouveau pour eux, de l’inflation ; ils ne saisissaient pas que la hausse des prix était la conséquence directe de la multiplication du signe monétaire et non pas seulement le résultat de la conspiration de quelques contre-révolutionnaires, spéculateurs ou accapareurs. Ils croyaient qu’il était relativement facile d’agir sur les prix, par la loi et par quelques mesures de police. C’est pourquoi ils demandèrent moins le relèvement du tarif des « journées » que la taxation des denrées. Pourtant quelques grèves se produisirent. Au début d’avril, les garçons boulangers se coalisèrent, exigeant 50 sols par jour et une bouteille de vin. Au début de mai, les compagnons charpentiers, tailleurs de pierre, etc…, réclamèrent une augmentation de salaires, justifiée par la hausse des denrées. En mars et en juin, la Convention dut prendre des mesures pour réprimer l’agitation gréviste dans les fabriques de papier. Mais, à la fin de 1792 et au début de 1793, les bras-nus luttèrent moins sur le plan de l’entreprise que sur celui de la section locale, qui rassemblait tous les citoyens. Les sections parisiennes se concertèrent pour faire pression sur la Convention et lui arracher des mesures contre la vie chère. Leurs députations sans cesse renouvelées portèrent à la barre de l’assemblée des pétitions qu’appuyait la foule massée au-dehors ou pénétrant dans la salle.
La bourgeoisie ne se trompa pas sur le caractère de classe que prirent ces manifestations. Sa réaction fut très vive et –le point mérite d’être souligné – elle fut unanime. Oubliant leurs querelles fratricides, l’aile droite girondine et l’aile gauche montagnarde se retrouvèrent d’accord contre l’avant-garde populaire. Les jacobins, plus directement en contact avec les sans-culottes, menacés, en outre, de perdre leur clientèle et d’être débordés par les extrémistes, ne se montrèrent pas les moins acharnés. (…) A Paris, au début de février 1793, une délégation des 48 sections de Paris présenta à la barre de la Convention une pétition demandant une loi sur les subsistances et un prix maximum pour le blé. Une violente rumeur s’élevé dans toutes les parties de la salle. On réclama l’expulsion d’un des orateurs. Marat, l’« Ami du peuple », se fit, en cette occasion, le défenseur des possédants effrayés. (…) Au lendemain de cette journée, les députés du département de Paris éprouvèrent le besoin de désavouer par une « Lettre à leurs commettants » les auteurs de la pétition. Parmi les signataires de cette lettre, on retrouve les principaux chefs jacobins : Robespierre, Danton, Marat, Billaud-Varenne, Collot d’Herbois, Robespierre et le jeune David. (…)
Le 25, les sans-culottes passèrent à l’action directe. A la stupeur indignée de la bourgeoisie qui parla de « pillages », ils envahirent les boutiques et obligèrent les commerçants à céder leurs marchandises à des prix qu’ils avaient eux-mêmes fixés ; parmi eux, de nombreuses femmes, des blanchisseuses notamment qui se plaignaient de la cherté du savon. Le soir même, aux Jacobins, Robespierre exhala sa colère : « Quand le peuple se lève, ne doit-il pas avoir un but digne de lui ? De chétives marchandises doivent-elles l’occuper ? » (…)
Mais les bras-nus ne se laissèrent pas faire la leçon par les jacobins. (...) Le 1er mai, le ton monta encore. Les sections du faubourg Saint-Antoine envoyèrent une députation à la barre de l’Assemblée. (...) le peuple n’obtenant toujours pas satisfaction, passa à l’action directe. Les 26, 27 et 28 juin, il y eût à Paris de graves troubles. Les bras-nus, comme en février, obligèrent les commerçants à vendre leurs denrées, le savon notamment, à plus bas prix. (...) Pendant les mois de juillet et d’août, il y eu une fermentation permanente dans les faubourgs. Les sans-culottes ne s’indignaient pas seulement de la cherté des subsistances, ils souffraient aussi de leur rareté. Paris était mal ravitaillé, le pain manquait, les queues ne cessaient pas aux portes des boulangeries. A la fin de juillet, l’approvisionnement de la capitale en farine devenant de plus en plus précaire, une vive émotion s’empara des sections. (...) Le 6 août, il y eut une séance houleuse au Conseil général de la Commune. (...) Robespierre se plaignit que l’on fomentât des troubles. (...) Au cours de la seconde quinzaine d’août, à Paris, les attaques se firent de plus en plus vives contre la municipalité et son administration des subsistances. (...) Cette effervescence longtemps contenue devait aboutir au début de septembre à une explosion. (...) Le 4, dès l’aube, les ouvriers désertèrent leurs lieux de travail, se rassemblèrent au nombre de plusieurs milliers, place de l’Hôtel-de-ville. Il y avait là des ouvriers du bâtiment, maçons et serruriers notamment, des travailleurs des manufactures de guerre, des typographes, etc. Pour la première fois, le prolétariat se dégageait de la masse hétérogène des sans-culottes.
Une table fut posée au milieu de la place noire de monde. Un bureau fut formé. L’assemblée s’organisa. Une pétition fut rédigée et soumise aux assistants. Une députation fut nommée (…) et fut réclamé que fussent prises un certain nombre de mesures énergiques pour assurer l’approvisionnement de Paris en pain. Un colloque s’établi alors entre le Maire et les ouvriers, les seconds assaillant le premier de questions pressantes. (…) La foule restée dehors s’impatienta. (…) Chaumette, débordé, courut à la Convention prévenir de ce qui se passait. (…) La discussion recommença. (…) Du pain ! Du pain ! Enfin Chaumette revint de la Convention, en rapporta un décret au terme duquel le maximum des objets de première nécessité serait fixé dans les huit jours. Mais les ouvriers ne croyaient plus à la parole des autorités. « Ce ne sont pas des promesses qu’il nous faut, c’est du pain et tout de suite. » se récrièrent-ils. Le lendemain 5, Tiger (parlant au nom des ouvriers) ayant harcelé Chaumette fut arrêté. (…)
Ceux que leurs adversaires affublèrent du nom d’ « enragés » : Jacques Roux, Théophile Leclerc, Jean Varlet, furent en 1793 les interprètes directs et authentiques du mouvement des masses ; ils furent, comme n’hésita pas à l’écrire Karl Marx, « les représentants principaux du mouvement révolutionnaire ».
A ces trois noms doit être attaché celui de Gracchus Babeuf. Il ne s’associe certes que partiellement au mouvement des enragés. Il devait être davantage leur continuateur qu’il ne fut leur compagnon de lutte. Mais il appartient à la même espèce d’hommes (…) Tous quatre étaient des révoltés (…) Tous quatre avaient partagé la grande misère des masses. (…) Au nom de ce peuple qu’ils côtoyaient tous les jours, les enragés élevèrent une protestation qui va beaucoup plus loin que les doléances des modestes délégations populaires. Ils osèrent attaquer la bourgeoisie de front. Ils entrevirent que la guerre – la guerre bourgeoise, la guerre pour la suprématie commerciale – aggravait la condition des bras-nus ; ils aperçurent l’escroquerie de l’inflation, source de profit pour le riche, ruineuse pour le pauvre. Le 25 juin 1793, Jacques Roux vint lire une pétition à la barre de la Convention : « (…) La liberté n’est qu’un vain fantôme quand une classe d’hommes peut affamer l’autre impunément. (…) La république n’est qu’un vain fantôme quand la contre-révolution s’opère de jour en jour par le prix des denrées auquel les trois quarts des citoyens ne peuvent atteindre sans verser des larmes. » (…)
Les enragés eurent le mérite incontestable, face aux montagnards enfermés dans le légalisme parlementaire, de proclamer la nécessité de l’action directe. Ils eurent aussi le courage de s’attaquer aux réputations établies, à la plus haute, à celle à laquelle il était le plus dangereux de toucher. Ils osèrent s’en prendre à l’idole populaire qu’était Robespierre. Théophile Leclerc rangeait ce dernier parmi les « quelques despotes insolents de l’opinion publique ». Jacques Roux dénonçait prophétiquement « les hommes mielleux en apparence, mais sanguinaires en réalité ». (…) La Société des Femmes Révolutionnaires de Claire Lacombe poussa la témérité jusqu’à appeler Robespierre : « Monsieur Robespierre », injure impardonnable à l’époque. »
(...) Les enragés n’avaient pas seulement attiré les plus révolutionnaires des sans-culottes parisiens. Ils avaient entraîné dans leur sillage les plus révolutionnaires des femmes. Responsables de l’approvisionnement du foyer, elles ressentaient plus directement encore que les hommes les souffrances consécutives à la vie chère, à la disette. Les émeutes contre la vie chère, en février, en juin 1793, avaient été surtout l’œuvre des femmes. La Société des Républicaines révolutionnaires fut en quelque sorte la section féminine du mouvement des enragés. Elle avait été créée le 10 mai, dans le feu de la lutte contre la Gironde, par un jeune artiste, Claire Lacombe. Dès le début, la société avait conjugué étroitement l’action économique avec l’action politique, celle contre la hausse des prix et celle pour la liberté.
Mais, les girondins vaincus, les jacobine eurent moins besoin du concours des femmes, surtout lorsqu’ils virent les Républicaines révolutionnaires faire cause commune avec les enragés. A leur séance du 16 septembre, Claire Lacombe fut injuriée et mise dans l’impossibilité de se défendre. (...) Quelques instants plus tard, Claire lacombe était sous les verrous ; elle devait cependant être remise en liberté le lendemain.
Les Républicaines révolutionnaires ne se laissèrent pas intimider pour autant. Elles redoublèrent au contraire d’activité. (...) Le 30, elles se présentèrent au Conseil général de la Commune et Claire lacombe réclama en leur nom des visites domiciliaires chez les marchands, seul moyen de faire appliquer le maximum. (...)
Claire Lacombe et ses soeurs étaient en butte à l’hostilité toute particulière des femmes de la halle. Leur campagne en faveur du maximum et de sa rigoureuse application avait indisposé ces dernières dont la disette réduisait considérablement les affaires. (...) Elles insultèrent et menacèrent les militantes. Les adversaires des Républicaines révolutionnaires tirèrent parti de ces incidents. (...) Anas, le rapporteur de l’Assemblée, osa soutenir que les Républicaines révolutionnaires avaient voulu troubler Paris dans l’intérêt des Girondins. Puis, élargissant le débat, il se livra à une violente diatribe antiféministe. Les femmes devaient rester au foyer et étaient impropres à la vie publique. "Il n’est pas possible que les femmes exercent les droits politiques." Les bourgeois de la Convention applaudirent à tout rompre ce langage réactionnaire et décrétèrent la suppression des clubs et sociétés populaires de femmes, sous quelque dénomination que ce fût.
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DANS UN ÉLAN SPONTANÉ DE RÉVOLTE, LES FEMMES DU PARIS RÉVOLUTIONNAIRE PRENNENT D’ASSAUT LE PALAIS DU ROI A VERSAILLES
Les femmes dans la Révolution française
Dans "Le peuple et le révolution française", l’historien Gwynne Lewis écrit :
« Exclues du vote et de la majorité des sociétés populaires, les femmes pouvaient jouer, et ont effectivement joué un rôle de premier plan dans les insurrections, en particulier celles d’octobre 1789, du 10 août 1792 et du printemps de 1795. Mêmes les femmes les plus radicales demandaient rarement qu’on leur accorde le droit de vote, conditionnées qu’elles étaient par la distinction qui plaçait l’homme dans la "sphère publique" et la femme dans la "sphère privée". Elles ont constitué des sociétés populaires de femmes, dont la plus connue était la Société des Citoyennes Républicaines Révolutionnaires. Mais ce club n’a duré que de mai à octobre 1793. Cependant, cela ne signifie pas que les femmes ne partageaient pas le programme économique et politique des hommes. Les femmes soutenaient les hommes, et les poussaient même à l’action. Elles prenaient place dans les galeries des sociétés populaires ; elles créaient leur propre espace politique à la sortie des boulangeries, sur les marchés, dans les rues. »
George Rudé, dans "La foule dans la révolution française" :
« Les femmes ont commencé à prendre les choses en main. La crise du pain les affectait tout particulièrement, et ce sont elles, plus que les hommes, qui ont joué le rôle dirigeant dans le mouvement. Le 16 septembre, Hardy rapporte que des femmes ont arrêté, à Chaillot, cinq charrues chargées de blé et les ont amenées à l’Hôtel de Ville de Paris. Le 17, à midi, l’Hôtel de Ville était assiégé par des femmes en colère qui fustigeaient l’attitude des boulangers ; elles ont été reçues par Bailly, au Conseil Municipal. "Ces femmes, notait Hardy, disaient hautement que les hommes n’y entendaient rien et qu’elles voulaient se mêler des affaires". Le jour suivant, l’Hôtel de Ville était de nouveau assiégé, et les femmes reçurent des promesses. Le soir même, Hardy rapporte avoir vu des femmes saisir un chargement de blé, Place des Trois Maries, et l’escorter jusqu’au quartier général le plus proche. Ce mouvement devait se poursuivre jusqu’à la manifestation politique du 5 octobre, et au-delà. (...) Les femmes convergèrent vers l’Hotel de Ville. En premier lieu, elles réclamaient du pain, et en deuxième lieu des armes et des munitions pour leurs hommes. Un marchand passant par le vieux marché, vers 8 h 30, dit avoir aperçu des groupes de femmes qui arrêtaient des passants et les forçaient à les suivre jusqu’à l’Hôtel de Ville, "où l’on devait aller pour se faire donner du pain". Les gardes étaient alors désarmés et leurs armes livrées aux hommes qui suivaient les femmes en les encourageant. Un autre témoin, caissier de l’Hôtel de Ville, rapporte comment, vers 9 h 30, un grand nombre de femmes, parmi lesquelles se trouvaient également des hommes, ont dévalé les escaliers et pénétré de force dans tous les bureaux du bâtiment. Un témoin dit qu’elles étaient armées de bâtons et de piques, et un autre qu’elles avaient des haches, des pieds-de-biche, des matraques et des mousquets. Un caissier de la Mairie qui avait eu la témérité de protester s’est entendu dire "qu’ils étaient les maîtres et les maîtresses de l’Hôtel de Ville". A la recherche d’armes et de poudre, elles déchiraient des documents et des livres de compte. Une liasse de billets de la Caisse des Comptes disparût de l’un des bureaux. Mais leur but n’était pas de piller ou de voler de l’argent. Le trésorier municipal rapporta à la police que les femmes n’avaient pas touché aux 3,5 millions de livres en billets qui se trouvaient sur les lieux, et, quelques semaines plus tard, la liasse de billets manquante a été intégralement restituée. Après avoir sonné le tocsin, les manifestants se retrouvèrent Place de la Grève, vers 11 heures. (...) C’est à ce moment que Maillard et ses Volontaires arrivèrent. D’après son témoignage, les femmes menaçaient de mort Bailly et Lafayette. Soit pour les empêcher de mettre leur menace à exécution, soit pour promouvoir les objectifs politiques des "patriotes", Maillard s’est persuadé de la nécessité de prendre la tête de la longue marche sur Versailles, où une pétition réclamant du pain devait être remise au roi et à l’Assemblée. En partant, dans l’après-midi, elles enlevèrent les canons du Châtelet et obligèrent les femmes de toutes conditions – "même des femmes à chapeau"– à se joindre à elles. »
"Les militantes de 1789 sont pour l’essentiel tricoteuses, marchandes de halles, pauvresses, révoltées contre la misère, l’insolence et les privilèges. Peu d’entre elles ont conscience d’un combat pour les droits de leur sexe. Seules quelques marginales, vite persécutées, donnent à leurs actes une dimension proprement féministe.
Parmi ces militantes, on peut se pencher plus longuement sur une personnage marquant, Olympe de Gouges, vouée à un destin tragique. Née en 1748, sous le nom de Marie Gouze à Montauban, elle était connue comme la fille du boucher de la ville mais était en réalité la fille du puissant Lefranc de Pompignan, noble influent. Elle s’éduque seule, vite et mal, ne saura jamais ni bien parler ni bien écrire le français. Mariée à seize ans, elle devient presque aussitôt veuve. Elle conservera dès lors sa liberté. Montée à Paris, elle devient une femme galante. Elle se lance malgré son parler approximatif dans la littérature et entreprend la rédaction de pièces de théâtre, qui seront longtemps boudées par la Comédie Française, théâtre officiel sans l’aval duquel le dramaturge n’existe guère. Sans doute aussi parce qu’en plus d’être une femme, elle se positionne comme anticolonialiste et donc comme adversaire du racisme plus largement. Sensible aux injustices, elle ne peut que mener, à côté de ses combats politiques, économiques et sociaux un combat spécifique relatif à l’égalité des sexes. Elle choisit une voie pacifiste pour mener son combat, loin des Enragées de la Révolution auxquelles adhérent Claire Lacombe et Pauline Léon. Elle parodie le style de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dans une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne.
Article 1
La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits
...
Article 3
Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation qui n’est que la réunion de la Femme et de l’Homme.
Mais la société n’évoluera pas immédiatement de concert avec Olympe et celle ci, ayant dénoncé avec hargne Philippe d’Orléans, cousin du Roi, après l’avoir admiré, sera traînée dans la rue par des hommes envoyés par Philippe d’Orléans lui même. Elle sera par le suite guillotinée sous la Terreur pour avoir réclamé le droit de monter à la tribune.
Les femmes attendent beaucoup de la Révolution et expriment leurs revendications par le biais de pétitions, adresses et cahiers de doléances. Leurs revendications portent sur des problèmes auxquelles elles sont traditionnellement confrontées : absence d’instruction, mortalité en couches, droit d’exercer un métier, protection des travaux féminins (couturière, brodeuse…)
Les revendications touchant aux droits politiques sont rares car rares sont celles qui ont conscience de leur importance. Les femmes de Provence protestent en 1789 contre la composition des Etats Généraux dont elles sont exclues. Les députés répondent alors à ces revendications : ne sont-ils pas, eux, les députés de tous et donc des femmes ? Par le biais d’un cahier de doléance, une madame B.B. du pays de Caux rétorque " Etant démontré avec raison qu’un noble ne peut représenter un roturier, […] les femmes ne pourraient donc être représentées que par des femmes "
En plus de revendications écrites, les femmes revendiquent par l’action : le 5 octobre 1789 elles constituent l’essentiel du cortège de Versailles et pénètrent dans le château. Jules Michelet dira : " Ce qu’il y a dans le peuple de plus instinctif, de plus inspiré, ce sont les femmes. […] Les hommes ont pris la Bastille, et les femmes ont pris le Roi "
Durant l’ensemble de la période révolutionnaire, elles occupent la rue dans les semaines précédent les insurrections, et appellent les hommes à l’action, en les traitant de lâches. De cette façon, les femmes pénètrent la sphère du politique et y jouent un rôle actif. Mais dès que les associations révolutionnaires dirigent l’événement, les femmes sont exclues du peuple délibérant, du corps du peuple armé (garde nationale), des comités locaux et des associations politiques.
Ne pouvant prendre part aux délibérations des assemblées politiques, les femmes prennent place dans les tribunes ouvertes au public. Elles y acquièrent le surnom de " tricoteuses " (1795) : " postées dans les tribunes, elles influencent de leurs voix enrouées les législateurs assemblés ". Dans la mentalité populaire, ces tribunes ont une fonction politique capitale et y prendre place signifie exercer une part de souveraineté.
Les femmes se regroupent également en clubs à Paris et en province. Elles y tiennent des séances régulières ponctuées par la lecture des lois et des journaux, discutent des problèmes politiques et s’occupent des tâches philanthropiques. A partir de 1792, l’activité des clubs se radicalise, et aux côtés de Jacobins ces clubs prennent part à la vie politique de leur région. Parmi les plus réputés à Paris on peut citer la Société Patriotique et de Bienfaisance des Amis de la Vérité (1791-1792). Fondé par Etta Palm d’Aedlers, ce club de femmes plaide pour l’éducation des petites filles pauvres puis réclame le divorce et les droits politiques.
Enfin, les salons, tenus par les femmes des milieux dirigeants, tels ceux de Mme Roland et de Mme de Condorcet, ont également joué un rôle important sous la Révolution. Le salon est à la fois un espace privé et un espace public, lieu d’échange entre les sexes.
Note sur Claire Lacombe :
« Avant la Révolution, elle avait commencé une assez bonne carrière d’actrice, notamment à Lyon et à Marseille. Au début de 1792, elle monta à Paris et fréquenta les Cordeliers. Le 10 août, elle participa à l’assaut des Tuileries avec un bataillon de Fédérés, ce qui lui valut une couronne civique. Pendant l’hiver 92-93, proche des Enragés (elle fut un temps la compagne de Leclerc), elle milita contre l’accaparement et le chômage. En février 93, elle fonda avec Pauline Léon la Société des Républicaines Révolutionnaires, société exclusivement féminine et très engagée sur le plan social. Le 12 mai, des femmes de cette société demandèrent le droit de porter des armes pour aller combattre en Vendée. Claire Lacombe joua un rôle important pendant les journées du 31 mai et du 2 juin. Elle participa aux délibérations de la Commune et poussa fortement à l’insurrection. En août, elle demanda dans une pétition à la Convention la destitution de tous les nobles de l’armée. Le 5 septembre, elle réclama carrément l’épuration du gouvernement... Les Jacobins s’en prirent alors à elle avec violence, l’accusant de toute sortes de délits : elle aurait volé des armes, caché des aristocrates, etc.
Ces accusations n’étaient pas très crédibles, mais elles étaient dangereuses à cette période, et Lacombe se défendit avec force. Elle se présenta le 7 octobre à la barre de la Convention et réfuta les arguments de ses adversaires. Elle osa dénoncer l’oppression dont les femmes étaient victimes, et ajouta : « Nos droits sont ceux du peuple, et si l’on nous opprime, nous saurons opposer la résistance à l’oppression. » Le gouvernement n’apprécia guère, et elle se retrouva quelques jours plus tard impliquée dans une curieuse affaire. Une rixe eut lieu entre des femmes de la Halle et des Républicaines Révolutionnaires. Les premières prétendirent, par la voix d’une députation à la Convention, que les secondes les avaient forcées de prendre le bonnet rouge. Prudhomme, dans les Révolutions de Paris, assura que c’était l’habit masculin que les Républicaines, qui le portaient parfois, avaient voulu forcer les « honnêtes » femmes de la Halle à revêtir. Ces dernières se seraient défendues avec succès, et auraient même fouetté Claire Lacombe, qui participait à l’incident.
Le gouvernement révolutionnaire saisit aussitôt le prétexte : les Républicaines Révolutionnaires furent interdites, ainsi que tous les clubs féminins. Lacombe dut se cacher, et la chute des Hébertistes, après celle des Enragés, la mit dans une position inconfortable. Elle fut finalement arrêtée, le 31 mars 1794. Elle demeura un an en prison. Elle reprit ensuite son métier de comédienne, joua en province, puis revint à Paris. On n’a plus de traces d’elle après 1798. »
Note sur Olympes de Gouges (tiré de Wikipedia)
En 1788, elle se fait remarquer en publiant deux brochures politiques qui ont été très remarquées et discutées en leur temps, notamment dans le « Journal général de France » ainsi que dans d’autres journaux. Elle développe alors un projet d’impôt patriotique dans sa célèbre Lettre au Peuple et a proposé un vaste programme de réformes sociales et sociétales dans ses Remarques patriotiques. Ces écrits sont suivis de nouvelles brochures qu’elle adresse sans discontinuer aux représentants des trois premières législatures de la Révolution, aux Clubs patriotiques et à diverses personnalités dont Mirabeau, La Fayette et Necker qu’elle admirait particulièrement. Ses positions sont toujours très proches de celles des hôtes de Mme Helvétius, qui tenait salon à Auteuil, et où l’on défendait le principe d’une monarchie constitutionnelle. En relation avec le marquis de Condorcet et son épouse née Sophie de Grouchy, elle rejoint les Girondins en 1792. Elle fréquente les Talma, le marquis de Villette et son épouse, également Louis-Sébastien Mercier et Michel de Cubières, secrétaire général de la Commune après le 10 août, qui vivait maritalement avec la comtesse de Beauharnais, auteur dramatique et femme d’esprit. Avec eux, elle devient républicaine comme d’ailleurs beaucoup de membres de la société d’Auteuil qui pratiquement tous s’opposèrent à la mort de Louis XVI. Le 16 décembre 1792, Mme de Gouges s’offre pour assister Malesherbes dans la défense du roi devant la Convention, mais sa demande est rejetée avec mépris. Elle considérait que les femmes étaient capables d’assumer des tâches traditionnellement confiées aux hommes et régulièrement, pratiquement dans tous ses écrits, elle demandait que les femmes soient associées aux débats politiques et aux débats de société. Ainsi, elle écrit : « La femme a le droit de monter à l’échafaud ; elle devrait aussi avoir le droit de monter à la tribune. » La première, elle obtient que les femmes soient admises dans une cérémonie à caractère national, « la fête de la loi » du 3 juin 1792 puis à la commémoration de la prise de la Bastille le 14 juillet 1792.
Olympe de Gouges défend avec ardeur les droits des femmes. S’étant adressée à Marie-Antoinette pour protéger « son sexe » qu’elle disait malheureux, elle rédige la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, calquée sur la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, dans laquelle elle affirme l’égalité des droits civils et politiques des deux sexes, insistant pour qu’on rende à la femme des droits naturels que la force du préjugé lui avait retiré. À cette époque, le suffrage est censitaire car il faut payer trois journées de travail pour voter. Seuls les privilégiés peuvent voter : la majorité du peuple français, dont les hommes, ne vote donc pas. Elle demande la suppression du mariage et l’instauration du divorce qui est adopté quelques mois plus tard. Elle émet à la place l’idée d’un contrat signé entre concubins et milite pour la libre recherche de la paternité et la reconnaissance des enfants nés hors mariage.
Elle est aussi une des premières à théoriser, dans ses grandes lignes, le système de protection maternelle et infantile que nous connaissons aujourd’hui par la création de maternités. De plus, elle recommande la création d’ateliers nationaux pour les chômeurs et de foyers pour mendiants qui se rapprochent des foyers d’hébergements actuel.
En 1793, elle s’en prend vivement à ceux qu’elle tenait pour responsables des atrocités des 2 et 3 septembre 1792 (« le sang, même des coupables, souille éternellement les Révolutions », disait-elle), désignant particulièrement Marat. Soupçonnant Robespierre d’aspirer à la dictature, elle l’interpelle dans plusieurs écrits ce qui lui vaut une dénonciation de Bourdon de l’Oise au club des Jacobins. Après la mise en accusation du parti girondin tout entier à la convention, le 2 juin 1793, elle adresse une lettre pleine d’énergie et de courage, s’indignant de cette mesure attentatoire aux principes démocratiques (9 juin 1793). Ce courrier est censuré en cours de lecture. S’étant mise en contravention avec la loi de mars 1793 sur la répression des écrits remettant en cause le principe républicain (elle avait rédigé une affiche à caractère fédéraliste ou girondin sous le titre « Les Trois urnes ou le Salut de la patrie, par un voyageur aérien »), elle est arrêtée et déférée au tribunal révolutionnaire le 6 août 1793 qui l’inculpe.
Malade à la prison de l’abbaye de Saint-Germain-des-Près, réclamant des soins, elle est envoyée à l’infirmerie de la petite Force, rue Pavée dans le Marais, partageant la cellule d’une condamnée à mort, Madame de Kolly, qui se prétendait enceinte. En octobre suivant, elle obtient son transfert dans la pension de Marie-Catherine Mahay, sorte de prison pour riches où le régime était plus libéral et où elle eut semble-t-il une liaison avec un des prisonniers. Il lui aurait alors été facile de s’évader mais, désirant se justifier des accusations pesant contre elle, elle réclame publiquement son jugement dans deux affiches très courageuses qu’elle réussit à faire sortir clandestinement de prison et imprimer pour qu’elles soient largement diffusées (« Olympe de Gouges au Tribunal révolutionnaire » et « Une patriote persécutée », son dernier texte, très émouvant). Traduite au Tribunal au matin du 2 novembre, soit quarante-huit heures après l’exécution de ses amis Girondins, elle est condamnée à la peine de mort pour avoir tenté de rétablir un gouvernement autre que un et indivisible. D’après un inspecteur de police en civil, le citoyen Prévost présent à l’exécution, et d’après le Journal de Perlet ainsi que d’autres témoignages, elle est montée sur l’échafaud avec infiniment de courage et de dignité contrairement à ce que raconte au XIXe siècle l’auteur des mémoires apocryphes de Sanson et quelques historiens dont Jules Michelet.
Sa dernière lettre est pour son fils, l’adjudant général Aubry de Gouges, qui, par crainte d’être inquiété, la renia dans une « profession de foi civique »[1]. Dans sa Déclaration des Droits de la Femme, elle avait écrit de façon prémonitoire « la femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune ». Le procureur de la Commune de Paris, l’homosexuel misogyne Pierre-Gaspard Chaumette, s’est ouvertement réjoui de ce meurtre légal, fustigeant, dans un discours aux républicaines, la mémoire et applaudissant à l’exécution de « l’impudente Olympe de Gouges qui abandonna les soins de son ménage pour se mêler de la République, et dont la tête est tombée sous les fers vengeurs des lois. Est-ce aux femmes à faire des motions ? Est-ce aux femmes de se mettre à la tête de nos armées ? ».
Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, écrite par Olympe de Gouges en 1791
Les droits de la femme …
par Marie Gouze, dite Olympe de Gouges
Homme, est-tu capable d’être juste ? C’est une femme qui t’en fait la question ; tu ne lui ôteras pas du moins ce droit. Dis-moi ? Qui t’a donné le souverain empire d’opprimer mon sexe ? Ta force ? Tes talents ? Observe le créateur dans sa sagesse ; parcours la nature dans toute sa grandeur, dont tu sembles vouloir te rapprocher, et donne-moi, si tu l’oses, l’exemple de cet empire tyrannique. Remonte aux animaux, consulte les éléments, étudie les végétaux, jette enfin un coup d’œil sur toutes les modifications de la matière organisée ; et rends-toi à l’évidence quand je t’en offre les moyens ; cherche, fouille et distingue, si tu peux, les sexes dans l’administration de la nature. Partout tu les trouveras confondus, partout ils coopèrent avec un ensemble harmonieux à ce chef -d’œuvre immortel.
L’homme seul s’est fagoté un principe de cette exception. Bizarre, aveugle, boursouflé de sciences et dégénéré, dans ce siècle lumières et de sagacité, dans l’ignorance la plus crasse, il veut commander en despote sur un sexe qui a reçu toutes les facultés intellectuelles ; il prétend jouir de la révolution, et réclamer ses droits à l’égalité, pour ne rien dire de plus.
Déclaration des droits
de la femme
et de la citoyenne
Préambule
Les mères, les filles, les sœurs, représentantes de la nation, demandent d’être constituées en assemblée nationale. Considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de la femme, sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d’exposer dans une déclaration solennelle, les droits naturels inaliénables et sacrés de la femme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs devoirs, afin que les actes du pouvoir des femmes, et ceux du pouvoir des hommes pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés, afin que les réclamations des citoyennes, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la constitution, des bonnes mœurs, et au bonheur de tous.
En conséquence, le sexe supérieur en beauté comme en courage, dans les souffrances maternelles, reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Etre suprême, les Droits suivants de la Femme et de la Citoyenne.
A décréter par l’assemblée nationale dans ses dernières séances ou dans celle de la prochaine législature.
Article premier.
La Femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.
II.
Le but de toute association politique est la imprescriptible de la Femme et de l’Homme : ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et surtout la résistance à l’oppression.
III.
Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation, qui n’est que la réunion de la Femme et de l’Homme : nul corps, nul individu, ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément.
IV.
La liberté et la justice consistent à rendre tout ce qui appartient à autrui ; ainsi l’exercice des droits naturels de la femme n’a de bornes que la tyrannie perpétuelle que l’homme lui oppose ; ces bornes doivent être réformées par les lois de la nature et de la raison.
V.
Les lois de la nature et de la raison défendent toutes actions nuisibles à la société : tout ce qui n’est pas défendu pas ces lois, sages et divines, ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elles n’ordonnent pas.
VI.
La Loi doit être l’expression de la volonté générale ; toutes les Citoyennes et Citoyens doivent concourir personnellement ou par leurs représentants, à sa formation ; elle doit être la même pour tous : toutes les Citoyennes et tous les Citoyens, étant égaux à ses yeux, doivent être également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités, et sans autres distinctions que celles de leurs vertus et de leurs talents.
VII.
Nulle femme n’est exceptée ; elle est accusée, arrêtée, et détenue dans les cas déterminés par la Loi. Les femmes obéissent comme les hommes à cette Loi rigoureuse.
VIII.
La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée aux femmes.
IX.
Toute femme étant déclarée coupable ; toute rigueur est exercée par la Loi.
X.
Nul ne doit être inquiété pour ses opinions mêmes fondamentales, la femme a le droit de monter sur l ’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune ; pourvu que ses manifestations ne troublent pas l’ordre public établi par la Loi.
XI.
La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de la femme, puisque cette liberté assure la légitimité des pères envers les enfants. Toute Citoyenne peut donc dire librement, je suis mère d’un enfant qui vous appartient, sans qu’un préjugé barbare la force à dissimuler la vérité ; sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.
XII.
La garantie des droits de la femme et de la Citoyenne nécessite une utilité majeure ; cette garantie doit être instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de celles à qui elle est confiée.
XIII.
Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, les contributions de la femme et de l’homme sont égales ; elle a part à toutes les corvées, à toutes les tâches pénibles ; elle doit donc avoir de même part à la distribution des places, des emplois, des charges, des dignités et de l’industrie.
XIV.
Les Citoyennes et Citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique. Les Citoyennes ne peuvent y adhérer que par l’admission d’un partage égal, non seulement dans la fortune, mais encore dans l’administration publique, et de déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée de l’impôts.
XV.
La masse des femmes, coalisée pour la contribution à celle des hommes, a le droit de demander compte, à tout agent public, de son administration.
XVI.
Toute société, dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution ; la constitution est nulle, si la majorité des individus qui composent la Nation, n’a pas coopéré à sa rédaction.
XVII.
Les propriétés sont à tous les sexes réunis ou séparés ; elles ont pour chacun un droit lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.
POSTAMBULE.
Femme, réveille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l’univers ; reconnais tes droits. Le puissant empire de la nature n’est plus environné de préjugés, de fanatisme, de superstition et de mensonges. Le flambeau de la vérité a dissipé tous les nuages de la sottise et de l’usurpation. L’homme esclave a multiplié ses forces, a eu besoin de recourir aux tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne. O femmes ! Femmes, quand cesserez-vous d’être aveugles ? Quels sont les avantages que vous recueillis dans la révolution ? Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé. Dans les siècles de corruption vous n’avez régné que sur la faiblesse des hommes. Votre empire est détruit ; que vous reste t-il donc ? La conviction des injustices de l’homme. La réclamation de votre patrimoine, fondée sur les sages décrets de la nature ; qu’auriez-vous à redouter pour une si belle entreprise ? Le bon mot du Législateur des noces de Cana ? Craignez-vous que nos Législateurs français, correcteurs de cette morale, longtemps accrochée aux branches de la politique, mais qui n’est plus de saison, ne vous répètent : femmes, qu’y a-t-il de commun entre vous et nous ? Tout, auriez vous à répondre. S’ils s’obstinent, dans leur faiblesse, à mettre cette inconséquence en contradiction avec leurs principes ; opposez courageusement la force de la raison aux vaines prétentions de supériorité ; réunissez-vous sous les étendards de la philosophie ; déployez toute l’énergie de votre caractère, et vous verrez bientôt ces orgueilleux, non serviles adorateurs rampants à vos pieds, mais fiers de partager avec vous les trésors de l’Etre Suprême. Quelles que soient les barrières que l’on vous oppose, il est en votre pouvoir de les affranchir ; vous n’avez qu’à le vouloir. Passons maintenant à l’effroyable tableau de ce que vous avez été dans la société ; et puisqu’il est question, en ce moment, d’une éducation nationale, voyons si nos sages Législateurs penseront sainement sur l’éducation des femmes.
Les femmes ont fait plus de mal que de bien. La contrainte et la dissimulation ont été leur partage. Ce que la force leur avait ravi, la ruse leur a rendu ; elles ont eu recours à toutes les ressources de leurs charmes, et le plus irréprochable ne leur résistait pas. Le poison, le fer, tout leur était soumis ; elles commandaient au crime comme à la vertu. Le gouvernement français, surtout, a dépendu, pendant des siècles, de l’administration nocturne des femmes ; le cabinet n’avait point de secret pour leur indiscrétion ; ambassade, commandement, ministère, présidence, pontificat, cardinalat ; enfin tout ce qui caractérise la sottise des hommes, profane et sacré, tout a été soumis à la cupidité et à l’ambition de ce sexe autrefois méprisable et respecté, et depuis la révolution, respectable et méprisé.
Les femmes dans la Révolution française de 1789
par Anne Marie Granger le samedi 01 septembre 2007
"La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits", jette Olympe de Gouges à la face des citoyens. Paradoxe majeur d’une Révolution française fondée sur l’universalité du droit naturel : la moitié de la société reste exclue des droits politiques et du suffrage dit universel.
Les femmes jouèrent un rôle important, et même souvent un rôle moteur, dans le processus révolutionnaire. Rappelons ainsi la marche de milliers de femmes sur Versailles, les 5 et 6 octobre 1789, qui ramena le roi à Paris et l’obligea à ratifier les décrets du 4 août. Remémorons-nous l’engagement actif des "tricoteuses" parisiennes aux côtés des Montagnards dans le conflit qui les opposa, en 1793, aux Girondins. Ou évoquons encore les manifestations de femmes qui, en avril et mai 1795, marquèrent le déclenchement des grandes insurrections de l’an III.
Contrairement à une vision répandue, la revendication du pain ne fut jamais l’unique étendard des foules féminines.
Présentes à chaque étape
On retrouve la présence des femmes à chacune des étapes qui marquèrent la radicalisation de la Révolution : dans le rassemblement du Champ-de-Mars, le 17 juillet 1791 ; parmi les initiateurs de la pétition pour l’abolition de la royauté ; au sein du mouvement des sans-culottes parisiens, en 1793, et souvent sur les positions politiques les plus avancées. Ce sont elles encore qui peuplèrent les tribunes des grands clubs Jacobins et Cordeliers et de l’Assemblée nationale, d’où elles n’hésitèrent pas à interrompre les orateurs pour manifester leur approbation ou leurs désaccords.
Leur exclusion des droits politiques ne suscita pas la naissance d’un mouvement féministe tel qu’en connut le XXe siècle. Mais la tonalité féministe de nombre de déclarations et d’écrits de ces femmes semble indéniable. Leur action mit souvent en cause concrètement le statut traditionnel que la société, même révolutionnaire, leur réservait alors.
Cette dimension féministe, on en trouve des traces dès les débuts de la Révolution, dans cette floraison de brochures, motions et pétitions à laquelle donne lieu la préparation des états généraux. Quelques femmes, de milieu aisé, prennent elles aussi la plume pour dénoncer la situation de mineures à vie qui est le lot de la moitié de la société. "La devise des femmes est travailler, obéir et se taire, écrit ainsi M.B. dans son « Cahier de doléances et réclamations des femmes », en 1789. « Voilà certes un système digne de ces siècles d’ignorance, où les plus forts ont fait les lois et soumis les plus faibles. »
Les principales revendications alors mises en avant portent sur les droits civils (la fin du privilège de masculinité en matière d’héritage, le divorce) et sur l’instruction. "Ne nous élevez plus comme si nous étions destinées à faire les plaisirs du sérail", proteste encore M.B.
Mais cette période reste avant tout marquée par deux grands textes de portée plus théorique : celui d’un homme, Condorcet ("Sur l’admission des femmes au droit de cité", paru dans la presse en juillet 1790), et la « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne », d’Olympe de Gouges, en septembre 1791. Tous deux se placent d’emblée sur le terrain de l’égalité. Pour Condorcet, "ou aucun individu de l’espèce humaine n’a de véritables droits, ou tous ont les mêmes" ; si les femmes restent exclues des droits politiques, c’est une violation des principes de 1789, un "acte de tyrannie".
L’égalité ou la tyrannie
De son côté, l’article premier de la Déclaration d’Olympe de Gouges proclame : "La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits." Ce qui inclut les droits politiques (article VI) : "La loi doit être l’expression de la volonté générale ; toutes les citoyennes et tous les citoyens doivent concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous." Anticipation véritablement révolutionnaire, la Constitution du 3 septembre 1791, adoptée au même moment, instaure le suffrage censitaire masculin...
Beaucoup plus modérée sur le plan politique, Olympe de Gouges dénonce à plusieurs reprises la politique des Montagnards : elle meurt sur l’échafaud le 3 novembre 1793. Mais le commentaire publié quelques jours plus tard dans le Moniteur montre bien quel est son principal crime : "Elle voulut être homme d’Etat. Il semble que la loi ait puni cette conspiratrice d’avoir oublié les vertus qui conviennent à son sexe."
D’autres voix s’élèvent également pour dénoncer l’exclusion des femmes des droits naturels. Celle de M. Jodin, qui écrit en 1790, dans ses Vues législatives pour les femmes : "Et nous aussi nous sommes citoyennes." Ou encore, la même année, celle d’Etta Palm, avec son Discours sur l’injustice des lois en faveur des hommes, au dépend des femmes.
Un changement va toutefois se produire à partir de 1792 : les femmes ne vont pas rester en dehors du mouvement qui pousse le peuple à intervenir de plus en plus directement dans le cours d’une histoire en train de s’accélérer (menaces de guerre aux frontières, menées contre-révolutionnaires des "ennemis de l’intérieur", difficultés économiques croissantes, etc.). Et, ainsi, aux prises de position individuelles des premières années succèdent des formes d’action plus collectives et portées par des femmes d’origine plus populaire, qui vont inscrire dans les faits cette aspiration égalitaire.
De la rhétorique à la pratique
Cette évolution est manifeste, par exemple, dans l’histoire des clubs de femmes, qui font leur apparition dès 1790-1791 dans plusieurs villes de province (une trentaine sont actuellement connus). Constitués au début essentiellement de bourgeoises, épouses ou filles de membres des clubs masculins, et principalement tournés vers des activités philanthropiques d’éducation et d’assistance publiques - activités traditionnelles qui traduisent toutefois la volonté de leurs adhérentes de contribuer directement au "service de la patrie" -, la plupart de ces clubs se radicalisent rapidement sous la pression des événements. Ils participent activement à la vie politique de leur ville, en même temps que leur recrutement se démocratise (parallèlement, de nombreuses femmes, et parfois les mêmes, entrent dans les sociétés populaires qui acceptent plus facilement leur participation).
La question de l’armement des femmes est une des revendications les plus souvent mises en avant. Au-delà de la volonté patriotique, il s’agit, pour celles qui avancent cette revendication, de s’affirmer comme citoyennes à part entière. "La société ne peut nous ôter ce droit que la nature nous donne, à moins que l’on ne prétende que la Déclaration des droits n ’a point d’application pour les femmes" : de cette façon s’expriment trois cent dix-neuf Parisiennes en mars 1792 dans une pétition à l’Assemblée nationale.
Quelques jours plus tard, Théroigne de Méricourt, devant la Société fraternelle des minimes, appelle les femmes à s’organiser en corps armé : "Il est temps enfin que les femmes sortent de leur honteuse nullité où l’ignorance, l’orgueil et l’injustice des hommes les tiennent asservies depuis si longtemps." Comme on peut s’en douter, toutes ces demandes sont refusées : "Gardons-nous d’intervertir l’ordre de la nature", réplique un député aux signataires de la pétition...
Dans la rue et les clubs
La volonté des femmes de participer pleinement à la vie politique et de peser directement sur la marche des événements se manifeste aussi par de nombreuses pétitions ou adresses portant sur des thèmes généraux, non spécifiques. Celles de Nantes demandent, par exemple, l’arrestation des nobles ; à Besançon, elles réclament l’arrestation de la reine ; d’autres dénoncent le clergé réfractaire ou exigent "la punition de tous les conspirateurs".
Le même souci anime celles qui, le 10 mai 1793, fondent à Paris le Club des citoyennes républicaines révolutionnaires. Estimant qu’elles ne pouvaient s’exprimer pleinement au sein des clubs et sociétés populaires, elles décident de se regrouper à part afin, expliquent-elles, de "délibérer sur les moyens de déjouer les projets des ennemis de la République".
Elles vont ainsi se mobiliser pleinement, en mai-juin 1793, contre les Girondins, demandant leur mise en accusation et l’épuration des administrations. Elles participent directement à l’insurrection des 31 mai et 2 juin, qui pousse la Convention à décréter l’arrestation de vingt-neuf députés girondins. Durant toute cette période, leur club constitue l’une des principales forces du mouvement révolutionnaire, à l’origine directe de nombreuses initiatives.
L’écrasante majorité des députés n’en continue pas moins à ne pas se poser le problème des droits politiques des femmes (à de rares exceptions près comme Guyomar ou Romme). La Constitution adoptée le 24 juin 1793 ne leur accorde toujours pas le droit de vote. Ce qui n’empêche pas un grand nombre de femmes, lors du référendum de ratification de la Constitution, de venir voter et prêter serment, elles aussi, manifestant dans les faits, une nouvelle fois, leur refus d’être exclues de la nation.
Elles se regroupent donc, dans plusieurs villes, pour voter l’acceptation de la Constitution et rédiger des déclarations à l’adresse de la Convention : "Les citoyennes ont aussi le droit de ratifier un acte auquel elles ont si efficacement concouru. Les droits de l’homme sont aussi les nôtres", affirment les républicaines de Beaumont. Tandis que les citoyennes de la section du faubourg Montmartre regrettent que "la loi les prive du droit précieux de voter".
Un sentiment d’injustice
Ces femmes ont le sentiment légitime d’avoir contribué à la victoire du mouvement révolutionnaire et de représenter une force importante. Ce sentiment de leur force rend l’injustice d’autant plus flagrante. Cela éveille des interrogations, suscite des remises en cause... Cette prise de conscience, si elle reste encore minoritaire, n’est plus limitée, comme au début, à quelques individus isolés. Il ne s’agit pas d’un mouvement organisé, mais d’un débat diffus qui traverse la plupart des clubs et nombre de sociétés populaires.
Début juillet 1793, des citoyennes de la section des Droits de l’homme affirment par exemple qu’elles ne veulent plus être considérées comme des "êtres passifs et isolés", relégués dans la "sphère étroite de leur ménage".
Durant tout l’été et l’automne 1793, les militantes des clubs vont continuer à intervenir directement dans le champ politique. Mais ceux qui viennent de s’assurer le pouvoir grâce à l’appui du mouvement populaire cherchent maintenant à endiguer celui-ci...
Sous l’impulsion de ses dirigeantes, Claire Lacombe et Pauline Léon, le Club des citoyennes républicaines révolutionnaires se rapproche des positions des Enragés. Dans une pétition, le 26 août, ce club dénonce "les prévarications sans nombre qui ont lieu dans les ministères", l’"anarchie et le règne des Intrigants", les "scélérats qui sont à la tête de nos armées". Les signataires demandent aux députés de destituer tous les nobles et les administrateurs coupables et de créer des tribunaux révolutionnaires. Un peu plus tard, le Club se prononce pour le contrôle et la responsabilité des agents de l’Etat, et pour un exécutif placé sous le contrôle direct du peuple organisé dans les sections. Cette conception de la démocratie directe va susciter l’hostilité croissante du gouvernement et des grands clubs masculins.
Auto préservation masculine
A partir de septembre 1793. des députés dénoncent devant la Convention ces "prétendues révolutionnaires". Elles sont désormais considérées comme suspectes, et à double titre : du fait de leurs positions politiques avancées, et parce qu’elles remettent directement en cause la suprématie masculine. La citoyenne Dubreuil l’a bien compris : "Les hommes s’aperçoivent qu’à mesure que les femmes s’éclaireront leur despotisme marital disparaîtra, comme celui du ci-devant roi."
La Convention va se saisir du premier prétexte venu – une rixe entre des membres du Club et des marchandes des Halles au sujet du port du bonnet rouge - pour déclencher l’offensive. Le député Fabre d’Eglantine se fait l’écho des angoisses et des fantasmes masculins devant ces "filles émancipées", ces "grenadiers femelles" qui, prédit-il, après avoir obtenu, peu de temps auparavant, l’extension aux femmes de l’obligation de porter la cocarde, ne vont pas tarder à "demander la ceinture, puis les deux pistolets à la ceinture".
Le lendemain, le 30 octobre, après avoir rappelé dans un long discours que "les fonctions privées auxquelles sont destinées les femmes par la nature même tiennent à l’ordre général de la société", Amar, le rapporteur du Comité de sûreté générale, conclut : "Il n’est pas possible que les femmes exercent des droits politiques." En conséquence, la Convention décrète l’interdiction des clubs et sociétés populaires de femmes, "sous quelque dénomination que ce soit". Un seul député proteste.
Le coup du 9 brumaire
C’est ainsi que le problème des droits politiques des femmes est, pour la première fois, débattu à l’Assemblée nationale... et rapidement tranché ! De ce 9 brumaire an 1 (30 octobre 1793) date la première grande mesure contre-révolutionnaire de la Convention. Ce décret renvoie officiellement les femmes au domaine du privé - que selon beaucoup de gens, elles n’auraient jamais dû quitter.
Reste que, à travers les Citoyennes révolutionnaires, cette mesure vise aussi tous les courants politiques radicaux. Le deuxième article du décret (toutes les séances des sociétés populaires doivent dès ce moment être publiques) annonce déjà l’offensive suivante, contre les sociétés sectionnaires.
Celles qui se veulent des "femmes libres" trouvent bien peu de défenseurs, même parmi les révolutionnaires politiquement les plus avancés. Le rapport Amar exorcise sans doute des peurs masculines largement partagées !
Le décret du 9 brumaire ne met pas un terme à l’intervention politique des femmes, qui continuent à jouer un rôle de premier plan dans toutes les manifestations de mécontentement général, jusqu’à l’insurrection du 1er prairial an III (20 mai 1795). L’échec de ce dernier signe la fin du mouvement féminin de masse : les décrets des 1er et 4 prairial interdisent aux femmes d’assister aux assemblées politiques et de s’attrouper dans la rue à plus de cinq.
En revanche, le 9 brumaire met bien fin à ce mouvement d’idées qui s’est développé depuis le début de la Révolution, pour lequel l’avènement d’une société réellement nouvelle devait signifier aussi l’avènement d’une femme nouvelle, une femme libre. Après le rapport Amar, personne n’élèvera la voix pour défendre les droits des femmes.
Paru dans un supplément à "Rouge", journal de la LCR
Messages
1. Les femmes révolutionnaires dans la Révolution française, 19 février 2013, 21:04, par abraham
"Elles vont ainsi se mobiliser pleinement, en mai-juin 1793, contre les Girondins, demandant leur mise en accusation et l’épuration des administrations. Elles participent directement à l’insurrection des 31 mai et 2 juin, qui pousse la Convention à décréter l’arrestation de vingt-neuf députés girondins. Durant toute cette période, leur club constitue l’une des principales forces du mouvement révolutionnaire, à l’origine directe de nombreuses initiatives.
L’écrasante majorité des députés n’en continue pas moins à ne pas se poser le problème des droits politiques des femmes (à de rares exceptions près comme Guyomar ou Romme). La Constitution adoptée le 24 juin 1793 ne leur accorde toujours pas le droit de vote. Ce qui n’empêche pas un grand nombre de femmes, lors du référendum de ratification de la Constitution, de venir voter et prêter serment, elles aussi, manifestant dans les faits, une nouvelle fois, leur refus d’être exclues de la nation.
Elles se regroupent donc, dans plusieurs villes, pour voter l’acceptation de la Constitution et rédiger des déclarations à l’adresse de la Convention : "Les citoyennes ont aussi le droit de ratifier un acte auquel elles ont si efficacement concouru. Les droits de l’homme sont aussi les nôtres", affirment les républicaines de Beaumont. Tandis que les citoyennes de la section du faubourg Montmartre regrettent que "la loi les prive du droit précieux de voter".
Un sentiment d’injustice
Ces femmes ont le sentiment légitime d’avoir contribué à la victoire du mouvement révolutionnaire et de représenter une force importante. Ce sentiment de leur force rend l’injustice d’autant plus flagrante. Cela éveille des interrogations, suscite des remises en cause... Cette prise de conscience, si elle reste encore minoritaire, n’est plus limitée, comme au début, à quelques individus isolés. Il ne s’agit pas d’un mouvement organisé, mais d’un débat diffus qui traverse la plupart des clubs et nombre de sociétés populaires.
Début juillet 1793, des citoyennes de la section des Droits de l’homme affirment par exemple qu’elles ne veulent plus être considérées comme des "êtres passifs et isolés", relégués dans la "sphère étroite de leur ménage".
Durant tout l’été et l’automne 1793, les militantes des clubs vont continuer à intervenir directement dans le champ politique. Mais ceux qui viennent de s’assurer le pouvoir grâce à l’appui du mouvement populaire cherchent maintenant à endiguer celui-ci...
Sous l’impulsion de ses dirigeantes, Claire Lacombe et Pauline Léon, le Club des citoyennes républicaines révolutionnaires se rapproche des positions des Enragés. Dans une pétition, le 26 août, ce club dénonce "les prévarications sans nombre qui ont lieu dans les ministères", l’"anarchie et le règne des Intrigants", les "scélérats qui sont à la tête de nos armées". Les signataires demandent aux députés de destituer tous les nobles et les administrateurs coupables et de créer des tribunaux révolutionnaires. Un peu plus tard, le Club se prononce pour le contrôle et la responsabilité des agents de l’Etat, et pour un exécutif placé sous le contrôle direct du peuple organisé dans les sections. Cette conception de la démocratie directe va susciter l’hostilité croissante du gouvernement et des grands clubs masculins."
La lutte contre toutes les oppressions sociales et l’exploitation capitaliste constitue l’alliance entre les forces les plus révolutionnaires de la société et les perspectives du prolétariat révolutionnaire