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Le front social en ébullition Grèves en vue dans plusieurs secteurs publics
Augmentation des salaires, primes, indemnités, retraite, accès au logement, conditions de travail... Le mois de février s’annonce celui de toutes les protestations socioprofessionnelles.
L’intersyndicale, regroupant les syndicats de l’éducation (Cnapest, CLA, Satef, SNTE et Ceca), de l’administration (Snapap) et des paramédicaux (SNPEPM), appelle à la grève les 10, 11 et 12 du mois en cours. Insatisfaits des statuts particuliers qui devraient être bientôt adoptés, dont le chapitre concernant les salaires, les indemnités et la retraite, ces syndicats autonomes persistent et signent dans leur franche volonté de faire aboutir leur plateforme revendicative. Outre l’augmentation conséquente des salaires, le CLA et le Cnapest, par exemple, réclament au nom des enseignants de l’éducation une retraite au bout de la vingt-cinquième année de service. La Coordination nationale des syndicats autonomes prévoit, pour sa part, une grève nationale les 24 et 25 de ce mois-ci. Elle regroupe douze syndicats autonomes, à savoir le Cnes, le SNCP, le SNPDSM, le SNMAM, l’Unpef, le Snapest, le SNTE, le SNPSP, le SNVPAF, le SNPSSP, le SNAPAP et le SATEF, qui sont plus que jamais déterminés à ne pas fléchir et à aller jusqu’au bout de leurs revendications. Des secteurs entiers, dont celui de l’éducation nationale, de l’enseignant supérieur, de la santé et de l’administration publique, risquent d’être paralysés lors de ces journées de grève. Le secteur économique public est également en ébullition. Les sections syndicales des différentes entreprises de la zone industrielle de Rouiba menacent de sortir dans la rue, si les responsables des entreprises ne leur versent pas les dernières augmentations des salaires. La tension gagne également les chauffeurs de taxi qui envisagent de recourir à la grève dans les prochains jours. Ils réclament, eux aussi, un statut particulier organisant leur profession. Les travailleurs des hôtels de l’Est ont observé hier une journée de grève à travers laquelle ils ont exprimé leur refus de la privatisation des établissements hôteliers. Ces mouvements de protestation répétitifs prouvent on ne peut plus mieux que le gouvernement a échoué dans sa tentative d’« acheter » la paix sociale à travers sa signature, en 2006, d’un pacte économique et social avec l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA). Au lieu d’ouvrir des négociations et de tendre l’oreille aux revendications de ces millions de travailleurs, le gouvernement se complaît dans un silence qui en dit long sur ses capacités à faire face à de pareilles situations. Cela au moment où le pays s’engouffre dans une véritable crise sociale. Malgré les importantes recettes pétrolières qui ont atteint 59 milliards de dollars en 2007, l’Etat refuse de délier ses caisses et de donner des salaires décents à ses différents employés, tous secteurs confondus. Les dernières revalorisations salariales décidées en fin 2006, en ramenant notamment le salaire minimum garanti (SNMG) à 12 000 DA, sont devenues insignifiantes devant la hausse vertigineuse des prix de tous les produits sur le marché. Même les augmentations envisagées dans le cadre de l’approbation prochaine des statuts particuliers (une cinquantaine) sont jugées « insuffisantes » par les syndicats représentant les travailleurs de divers secteurs. La décision prise par le gouvernement en janvier dernier de subventionner, outre le lait et la semoule, les légumes secs, et l’huile devenue excessivement chère, est loin de constituer une réponse satisfaisante aux revendications des travailleurs, confrontés à des problèmes multiples et inextricables. En l’absence de volonté de la part du gouvernement d’ouvrir de véritables négociations avec les représentants des travailleurs, le conflit social semble s’inscrire dans la durée. Et la crise est bien loin de s’estomper. A moins que le gouvernement apporte des solutions adéquates aux nombreux problèmes et revendications posés par les travailleurs.
La décrue de la peur
Force est de relever le courage de ces fonctionnaires qui n’ont pas hésité à revêtir l’habit de syndicalistes indépendants pour affronter les pouvoirs publics historiquement hostiles à tout ce qui ne baigne pas dans la culture du syndicalisme unique. Ils n’ont pas craint les représailles de leur administration, comme les travailleurs qui ont suivi leurs mots d’ordre et observé les grèves. Collectivement ou individuellement, les Algériens ne sont plus tétanisés par l’autorité. Ils affrontent celle-ci, sans hésitation, dès lors qu’ils sont convaincus qu’elle est porteuse d’injustice et de violence gratuite et contraignante. La hogra est ce mot bien algérien, presque intraduisible, inscrit au cœur de toutes les révoltes. Celle d’émeutiers barrant une route pour protester contre une liste douteuse de bénéficiaires de logements sociaux, ou de lycéens courroucés par des programmes inutiles et surchargés risquant de compromettre leurs examens. Ou encore de jeunes et moins jeunes, la tête sur les épaules mais ne pouvant plus supporter leur condition de chômeurs ou de hittistes : en harraga, ils bravent les autorités de leur pays ainsi que celles de l’Etat où ils rêvent de vivre. En s’accélérant, la décrue de la peur forge une autre Algérie. Octobre 88 avait été le signal le plus fort en mettant fin à l’ère de la glaciation incarnée par le FLN et en ouvrant l’Algérie à la politique. Le prix a été fort : des milliers de poitrines nues face aux armes du régime de l’époque adossé à des forces répressives possédant déjà à leur actif la répression du printemps berbère et la chasse à tous les progressistes plaidant ou œuvrant pour une alternative au parti-Etat. Lorsque la terreur intégriste s’abattit sur l’Algérie avec son lot de victimes, la peur et le désespoir finirent par laisser la place à la rage de vivre. La résistance populaire fit reculer la barbarie et le pays, bien qu’isolé et boycotté par le monde entier, sortit de l’ombre offrant en exemple ses résistants, ses patriotes, ses soldats et de grands hommes du monde politique et intellectuel. Mais la vitalité et l’avancée de la société algérienne n’arrêtèrent pas d’être contrariées par la tentation des puissants de toujours réinstaller un pouvoir fort fonctionnant par lui-même et pour lui-même. Bravant la peur, le « mouvement citoyen » de Kabylie cria sa colère mais il paya le prix du sang à ce qu’il portait comme revendications culturelles des plus légitimes. En tendant la main aux intégristes et en pardonnant leurs crimes aux assassins, les autorités réintroduisirent une peur ancienne, celle de la décennie de la terreur. Coup de grâce enfin, la volonté de refuser à l’Algérie un principe sacro saint des pays démocratiques : l’alternance au pouvoir. En dépit d’un bilan politique et social fortement contesté et des rendez-vous électoraux massivement boycottés, le régime entend s’installer durablement par le biais d’une grave infraction constitutionnelle. Mais la société saura, cette fois-ci encore, dire son mot.
Ali Bahmane
Algérie : Des manifestants bastonnés par la police Le rassemblement des syndicats autonomes empêché de manifester
Les cris fusent de partout : « Barakat », « y en a marre », « à bas la répression ». Les manifestants arrivent à la rue Larbi Ben M’hidi. Mais les services de sécurité sont sur place et ont déjà bloqué les accès qui mènent vers le Palais du gouvernement qui devait « accueillir » en cette matinée de mardi le rassemblement auquel ont appelé les syndicats autonomes de la Fonction publique.
Organisés en petits groupes, les manifestants tentent, tant bien que mal, de forcer le dispositif de sécurité mis en place. Sans y parvenir. Les policiers antiémeute, qui contrôlent les alentours du palais, ne leur laissent aucune chance. « Reculez ! Faites demi-tour, ne restez pas là, aya bougez-vous ! », ordonne un officier de police. Nous sommes venus faire un rassemblement pacifique », lui réplique un syndicaliste, qui finit par être bousculé, avant que l’officier lui précise : « Nous suivons les ordres. » Des renforts des forces de maintien de l’ordre arrivent. En quelques minutes, ils dispersent les syndicalistes par la force. Aucun des manifestants n’a pu rejoindre le lieu du rassemblement prévu à 11h. Face à cette mobilisation policière impressionnante, ils résistent. Certains retirent de leur sac des banderoles qu’ils exhibent en pleine rue avant que des policiers ne les leur arrachent à coups de poing. D’autres réussissent à échapper à la vigilance des policiers et montent les escaliers donnant sur la rue Docteur Saâdane longeant le palais. Mais l’accès est fermé par des haies de sécurité. Ils se rassemblent donc sur les escaliers, exhibant quelques banderoles sur lesquelles est écrit « Halte à la misère sociale » ou encore « Arrêtez le pourrissement » et scandant quelques slogans comme « Libertés syndicales » ou « Vives les syndicats autonomes ». Cela dure seulement quelques minutes, car les manifestants ont été vite roués de coups de matraque. De telles scènes défilent durant plus de 40 minutes. Les services de sécurité emploient tous les moyens pour disperser les manifestants, lesquels luttent cahin-caha contre la « répression » qui s’abat sur eux. N’arrivant plus à distinguer les manifestants des passants, les services de sécurité s’en prennent à tout le monde : femmes, enfants, vieilles et vieillards... « on est prêt à aller en prison » Au bout d’une quinzaine de minutes, ils repoussent les syndicalistes jusqu’à la Grande Poste, opérant au passage quelques arrestations. Sept en tout, affirme un syndicaliste. Les manifestants réclament ainsi leur libération. Un officier de police les rassure que toutes les personnes arrêtées seront libérées dès que tout le monde rentrera chez-soi, les sommant ainsi de quitter les lieux, sous prétexte qu’ils obstruent la voie publique. Les menaces de cet officier n’ont pas dissuadé les manifestants qui tentent toujours de se rassembler, cette fois-ci, devant la Grande Poste. En vain. Trois policiers entrent au milieu de la foule et traînent Nouar Larbi du Cnapest par sa veste. La tension monte. Ses collègues le suivent et exigent qu’il soit immédiatement libéré. Réclamation entendue : M.Nouar a été relâché. Et il reprend sa place parmi les manifestants qui exhibent à nouveau des pancartes sur lesquelles on peut lire entre autres : « Nous réclamons l’intégration des vacataires ». Mais encore une fois, des policiers en civil interviennent et arrachent les pancartes aux manifestants qui ne peuvent plus rien face à ce bouclier antiémeute. « On a réussi à briser le mur de la peur », lâche Smaïn Hadjih, secrétaire général du Syndicat national des professeurs de l’enseignement paramédical (SNPEM). Rappelant les revendications légitimes des travailleurs ainsi que leur droit à la grève constitutionnellement reconnu, il indique n’avoir pas peur de la matraque ni même de la prison. « On est prêt à aller en prison, s’il le faut, pour arracher nos droits », soutient-il, remerciant tous ceux qui leur ont apporté leur soutien dont des militants des droits de l’homme et des partis politiques de l’opposition comme le FFS et le RCD. M. A. O., pour El Watan
Sur leur chemin vers le palais du gouvernement Des enseignants « chargés » par la police Posté par khaled le 16/4/2008 12:36:09 Plusieurs enseignants ont été embarqués hier, à 11 heures , par les forces de l’ordre sur l’avenue Pasteur, à proximité de la grande poste d’Alger pour avoir refusé de se disperser.
En effet, à l’ appel de l’intersyndical autonome, quelques dizaines d’enseignants et de travailleurs de l’ éducation ont fait le pied de grue au niveau de la grande poste dans l’espoir d’être autorisés à accéder au palais du gouvernement pour remettre leurs doléances aux autorités concernées, mais en vain. Les accès, menant vers la chefferie du gouvernement, ont tous été bouclés pour empêcher les « manifestants » de s’y approcher. Devant le refus des « grévistes » d’évacuer la rue, les forces anti- émeutes ont chargé la foule. D’après le secrétaire national du CNAPEST, Ali Lamdani, plusieurs enseignants ont été « matraqués » et certains embarqués au commissariat , avant d’être relâchés vers 14 heures. « Nous avons été dispersés avec violence » nous a dit, hier, M. Lamdani en soulignant que le seul tort de l’intersyndical est de revendiquer l’ ouverture d’un dialogue avec le gouvernement, et qui n’a cessé justement, dit-il, d’appeler à cela. « Nous sommes étonnés de voir, qu’après trois jours de grève, le gouvernement fait la sourde oreille et feint d’ignorer notre mouvement » fait savoir le responsable du CNAPEST en notant que « les négociations avec le gouvernement semblent se résumer à la matraque ». Ceci étant, M. Lamdani a déclaré, hier, que « malgré la répression d’hier, les fonctionnaires sont déterminés à poursuivre leur contestation. »
« Nous sommes optimistes car il existe une nouvelle culture syndicale qui prend racine en Algérie » dira le secrétaire national du CNAPEST qui n’écarte pas, cependant, d’aller vers d’ autres actions après concertation de la base.
Il faut noter que les manifestants arrêtés ont été auditionnés par la police puis conduits à l’hôpital pour être auscultés avant d’être enfin libérés pour rejoindre leurs camarades et leurs familles.Dans un communiqué parvenu à notre rédaction , la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’ homme (LADDH) a tenu à exprimer son « soutien total aux syndicats autonomes pour l’exercice de leurs droits » et exhorte les pouvoirs publics pour ouvrir le dialogue social avec les syndicats en question. « La LADDH rappelle que les libertés syndicales, notamment le droit de grève, les libertés de réunions et de manifestations sont consacrées par la constitution et les conventions internationales ratifiées par l’Algérie » lit -on dans le communiqué qui dénonce la dispersion brutale ainsi que l’interpellation des syndicalistes par les brigades anti-émeutes.