mercredi 17 novembre 2010
Cela signifie que la soi-disant victoire sur le fascisme obéissait à des objectifs... fascistes : écraser le prolétariat !!!
Rappelons que la thèse des vainqueurs a tellement cours encore qu’il n’y a pas en France de monument aux morts du bombardement anglo-américain de 1944-1945... Mais, des morts, il y en a eu !!!!
Un exemple : Le Portel
Consigne aux pilotes anglais : "Il s’agit bien de bombarder les quartiers civils"
QUARTIERS POPULAIRES DES VILLES BOMBARDES ...
C’était la ville du Havre et elle a été détruite en 1944 par les forces anglo-américaines !
Brest n’est plus ...
Saint-Lö détruit
Cherbourg, ville martyr
Le Portel détruit
Vire rasée
Bombardements du Pas de Calais
Juvisy - Athis Mons
Bois-Colombes en juin 1944
Cibles de Nîmes : tout sauf des objectifs militaires, économiques ou stratégiques
ruines de Nîmes
Strasbourg bombardée
Marseille sous les bombes
Marseille ... ensuite Caen ...
Puis Paris 18 ème : encore des quartiers d’habitation !
La « libération » a été précédée en Italie, en France, en Belgique, en Allemagne par des bombardements massifs dont les plus intenses et les plus meurtriers se sont déroulés les deux derniers mois de la guerre contre l’Allemagne, lorsque les Alliés ont choisi de faire traîner un peu la guerre contre Hitler. En effet, à ce stade, ils craignaient plutôt de ne pas pouvoir maîtriser les sentiments populaires à la fin de la guerre et ne voulaient surtout pas d’un sentiment populaire massif anti-impérialiste qui risquait de se tourner non seulement contre le fascisme mais contre le capitalisme.
Pour éviter une vague révolutionnaire à la fin de la guerre mondiale, il fallait écraser par avance le prolétariat. Il ne s’agissait pas de casser un potentiel industriel ou militaire, mais de détruire une classe dangereuse et d’annihiler toute réaction de sa part. Il s’agissait de détruire la population civile de quartiers pauvres capables de devenir des centres de la révolte. « Une des plus fortes et des plus tragiques illustrations de cette théorie fut la destruction de Dresde le 13 février 1945. Il n’y avait à Dresde aucune usine comparable à celles d’Essen ou de Hambourg, son importance stratégique était à peu près nulle, sa population était alourdie de milliers de prisonniers de guerre et de réfugiés de l’Est : aux 630 000 résidents permanents s’ajoutaient 26 620 prisonniers de guerre et plus de 500 000 réfugiés. (…) La destruction de Dresde par des bombes incendiaires causa ainsi plus de morts que ne devait en causer les bombardements d’Hiroshima et Nagasaki. Selon l’analyse effectuée par l’United States Strategic Bombing Survey, le bombardement stratégique de 61 villes allemandes de 100 000 habitants ou plus, sur lesquelles furent jetées 500 000 tonnes de bombes (dont 80% par des bombardements britanniques de nuit) se montra efficace. 3 600 000 habitations (70% du total) furent détruites, 500 000 civils furent tués, 7 500 000 sinistrés. Il n’est pas possible de préciser le nombre des tués au cours des bombardements des villes et celui des tués au cours des bombardements des autres objectifs mais il est sûr que l’effet sur la production industrielle fut faible. (…) Les bombardements stratégiques n’ont pas provoqué la défaite de l’Allemagne. "
Extraits de « 1945, la mémoire du siècle » de Claude Delmas
Cela commence en 1943.
En mars 1943, l’usine Renault de Boulogne-Billancourt (Paris) est touchée et l’on dénombre 620 morts et 1 500 blessés, le même mois c’est autour de Rennes (472 morts) Rouen et Sotteville (200 morts). Les usines du Creusot et Sochaux (15 juillet : 94 morts) mais aussi Nantes (16 septembre : 712 morts). La banlieue parisienne n’est pas épargnée : Colombes et Nanterre (9 septembre : 94 morts), Ivry, Bois-Colombes, Courbevoie et Asnières (15 septembre et 31 décembre : 563 morts).
Les bombardements de 1944
Ils sont massifs, touchent l’essentiel des grandes villes et n’ont aucun objectif stratégique, ni politique, mais social : ni les usines, ni les noeuds ferroviaires, ni les casernes, ni les centres politiques les quartiers populaires de villes. De nombreuses villes, surtout s’il s’agit de ports, sont littéralement détruites comme Caen, Saint-Lô, Vire, Saint-Malo, Brest, Le Havre, Lorient, Saint-Nazaire tandis que d’autres, comme Nantes, Rennes ou Rouen, sont sévèrement touchées.
Au départ les Alliés considèrent que la France est une puissance vaincue puisque la bourgeoisie française, son chef Pétain et son Etat ont choisi le camp de l’Allemagne. Du coup, ce qui était programmé au départ dans les négociations entre dirigeants anglais et américains était une occupation militaire. Le pays a été bombardé comme les autres pays vaincus et ce sont les travailleurs qui en sont les premières victimes. Ce n’est pas à cause d’erreur de tir, comme la population le disait souvent. Il s’agit d’écraser les travailleurs qui risquent de se révolter.
« Calais, Boulogne, Dieppe, Rouen, Le Havre, Cherbourg, Nantes, Marseille, Toulon, écrasés par les bombardements britanniques et américains » De Gaulle dans « Mémoire de guerre »
Les bombardements anglo-saxons, qui ont fait entre 80.000 et 100.000 victimes, ont été particulièrement meurtriers dans le printemps de 1944. Ils frappent les ports (Nantes, Saint Nazaire, Brest, Le Havre, etc… ), mais aussi des cités du Nord de la France ( Rouen, Orléans, Paris .. ), puis du Sud ( Lyon notamment ). Ils visent les quartiers et particulièrement les cités ouvrières.
Du 7 au 12 mars 1944, bombardements aériens alliés sur Le Mans, Chartres et Tours. Le 21 avril, bombardement de Paris. Du 26 au 31 mai : Bombardements aériens alliés sur de nombreuses villes françaises. Certaines villes sont bombardées plusieurs fois comme Givors (Environ 220 Morts le 1er juin 1940, 25 mai, 6 août, 12 août, et 23 août). Civils fusillés ou tués (bombardements, etc.) : 150.000.
« Le bombardement du 23 mai à Argenteuil n’a atteint que les quartiers d’habitation »
Quelques témoignages sur le bombardement allié :
« Le Portel est l’une des rares villes françaises où la Libération n’est jamais fêtée. En Septembre 1944, les armées alliées sont passées à travers cette cité sans libérer de population car la ville était rasée, ses habitants étaient évacués et dispersés. En effet, les 8 et 9 Septembre 1943, des bombardements successifs d’avions en provenance d’Angleterre avaient effectué des destructions. Les raisons officielles ou officieuses de cet acte ont été recherchées sans que la vérité soit découverte Nous ne nous expliquons pas ces bombardements. Personne en Angleterre ne les revendique. La seule raison parfois avancée est la manoeuvre de diversion à l’occasion d’une tentative de débarquement en Italie du Sud. »
« Bombardement de Nice
« Cette opération entrait dans le cadre du Transportation Plan, plan d’attaque des voies de communication, destiné à préparer le débarquement en Normandie, arrêté le 25 mars 1944. Il s’agissait de détruire les infrastructures de chemin de fer, notamment les gares de triage, afin d’empêcher les Allemands d’acheminer des troupes et du matériel vers l’ouest de la France. La méthode était celle des Américains : bombarder de jour, en volant à haute altitude, pour éviter la DCA, cette méthode étant jugée plus précise que celle des Britanniques, qui consistait à bombarder de nuit. Entre 6 et 7 heures du matin, environ 900 avions américains de la 15th USAAF partirent de trois aérodromes de la région de Foggia, dans le sud de l’Italie : San Giovanni, Giulia et Stornara. Les bombardements eurent lieu entre 10 et 11 heures du matin, par un ciel clair. Les objectifs militaires furent fortement touchés, mais l’imprécision du bombardement à haute altitude fit de nombreuses victimes civiles. Les avions rentrèrent à leur base, avec très peu de pertes, entre 14 et 15 heures. Une centaine de bombardiers B24 Liberator de l’US Air Force, ayant décollé des aérodromes des Pouilles, attaquent en plusieurs vagues, entre 10h25 et 10h40, les objectifs considérés comme stratégiques (gare de marchandises Saint Roch, établissements Michel travaillant pour l’effort de guerre allemand, pont du Var), semant la destruction et la panique. La première vague détruisit la rotonde de la gare et plusieurs dizaines de wagons de la SNCF : la seconde bouleversa la gare et toucha aussi les Abattoirs, la route de Turin et la rue de la République ; la troisième, gênée par les fumées, confondit le vélodrome de Pasteur avec la rotonde, lâchant ses bombes du lit du Paillon au pied de Cimiez ; la quatrième attaqua le pont-rail du Var au moment où s’engage un train de voyageurs. Le bilan est très lourd : 384 tués et disparus, 480 blessés, 5 600 sinistrés, 438 immeubles détruits ou endommagés (dont les Abattoirs et le dépôt TNL), 5 locomotives et 160 wagons détruits, 50 % des voies de la gare de marchandises hors d’usage. Les obsèques solennelles de 208 victimes eurent lieu le dimanche 28 mai devant l’église du Vœu. Des plaques évoquent le souvenir de ce drame, demeuré vivace au sein de la mémoire collective des Niçois, se trouvent au dépôt SNCF-Saint Roch, avenue Denis Séméria, place de la Brigue, à l’école Jean Macé et au monument aux morts de Riquier. C’est au pied de ces monuments que nous déposons chaque année au petit matin (à partir de 7h 45, ce qui est très tôt pour une cérémonie officielle) des gerbes en mémoire de ces victimes. » Patrick Allemand
"Un été sous les bombes"
de Evelyne Py :
"Terribles ont été ces derniers mois de l’Occupation où la peur des avions alliés s’est mêlée à la joie de voir approcher enfin l’heure de la Libération. Comme au Havre ou à Rouen, comme à Nantes ou à Avignon, les bombardements de l’été 1944 sur la région lyonnaise ont laissé dans les mémoires des traces encore vives, des souffrances teintées d’incompréhension et de rancœur devant les destructions et le sang versé. Autant de sentiments contradictoires qui ont besoin de recul et d’une approche dépassionnée pour que puisse se démêler l’écheveau des témoignages et des archives. Les bombes, pour libératrices qu’elles fussent, ont engendré le deuil et, de fausses alertes en alertes absentes, de cibles manquées en objectifs mal perçus, la douleur s’est muée souvent en colère dirigée, selon les cas, contre les aviateurs alliés ou les autorités. Y avait-il une alternative entre les actions terrestres de la Résistance et les raids aériens alliés ? La rigueur de l’histoire tord parfois le cou à quelques idées durablement enracinées dans la mémoire. Cet ouvrage, qui ne se limite pas à une simple évocation des bombardements sur le noeud ferroviaire de Givors, Grigny et Chasse, est le fruit d’un travail de plusieurs années, méticuleux et sans concession, ne cédant à aucune idée préconçue, mais où les hommes restent au centre des préoccupations. La même opération militaire a touché d’autres villes. Chambéry : 200 morts/300 blessés/300 sans abris Grenoble : nb de victimes indéterminé Lyon : 1000 morts Saint Etienne : 1000 mort dont une école primaire… »
Eh non ! Ce n’est pas une réflexion dépassionnée qui va éclaircir ce que faisaient les grandes puissances à la fin de la guerre. C’est une politique révolutionnaire car il faut comprendre ces grandes puissances "démocratiques" comme tout aussi hostiles au risque révolutionnaire que représentait le prolétariat des pays vaincus que l’était le fascisme...
Bombardements alliés anglo-américain ! Pourquoi cibler les travailleurs ?
« Les difficultés avec lesquelles [les ouvriers français] mènent leurs existences malheureuses sont bien connues et ont toujours été reconnues. Attaquer les zones dans lesquelles des ouvriers vivant sous la domination de l’Allemagne exécutent leur tâche est déplaisant. Personne ne réalise cela mieux que les équipages du Bomber Command. Qu’ils effectuent leur mission sans faille est la preuve de leur sens élevé du devoir, même si ce devoir peut entraîner la mort ou la souffrance de citoyens de puissances amies mais esclaves », peut-on lire dans le rapport du Bomber Command sur le raid du 3 mars (Air Ministry, 1942 : 38-39). À la différence des victimes allemandes, les victimes civiles françaises étaient déplorées et le caractère meurtrier des attaques devait être justifié. Mais, loin d’être simplement considérées comme des dégâts accidentels, ces victimes ont été intégrées à la rhétorique de légitimation des raids aériens. L’objectif de telles attaques était certes de détruire une cible précise, mais aussi de créer un effet psychologique délicat à catégoriser. Une série de discussions entre Archibald Sinclair et Winston Churchill renseigne sur l’impact psychologique attendu des attaques sur l’industrie française, attente qui, outre l’importance de l’usine Renault, explique en partie le choix de bombarder Paris. « L’effet psychologique d’une attaque serait plus important si celle-ci était dirigée contre des usines situées dans une zone densément peuplée, où la destruction pouvait être vue par un grand nombre de personnes »9. Il s’agissait ainsi d’attaquer des zones habitées pour frapper les esprits tout en minimisant le nombre de victimes civiles. Quelle était alors la nature de cet effet attendu ? Au début du mois de janvier, au moment où le Cabinet de guerre décidait de considérer officiellement la possibilité de bombarder des cibles industrielles françaises et se déclarait « fortement en faveur de cette solution », il précisait que « notre échec à bombarder ces usines est considéré comme un signe de faiblesse [et que] le moral de ceux qui en France attendent une victoire alliée sera renforcé par une telle action, même si elle provoquera des victimes parmi la population civile. » Le principal objectif « psychologique » du bombardement était donc à l’évidence de rappeler aux Français que les Britanniques étaient toujours capables de se battre. Au début du mois de décembre 1941, selon un document du Foreign Office, « de nombreux rapports reçus de sources secrètes [indiquaient] que la population de la France occupée accueillerait avec bienveillance l’intensification des bombardements d’objectifs militaires », notamment une source qui mentionnait le 7 novembre le fait que « globalement, la population se réjouirait du bombardement de cibles en France dont la destruction entraverait l’effort de guerre allemand. » Cette source précisait qu’à Paris, « les ouvriers des banlieues industrielles, pour la plupart communistes, étaient très déçus que [les Britanniques] n’aient pas encore bombardé les usines qui y travaillent pour les Allemands : de telles attaques seraient accueillies comme des preuves que [les Britanniques] aidaient la Russie non seulement en paroles mais aussi en actes ». Et une autre source faisait état du « désir répandu d’une attaque aérienne à Paris, même si celle-ci devait provoquer des victimes civiles. » Enfin, d’autres sources évoquaient le fait que « l’absence d’attaques aériennes britanniques entraînait une baisse du moral dans la zone occupée et faisait naître des doutes concernant [la] puissance aérienne [britannique]. » Des rumeurs commençaient même à circuler sur le fait que les Britanniques ne bombardaient pas certaines usines parce qu’ils y détenaient des parts. Tout concourait donc à souligner l’importance d’un bombardement sur la France occupée, non seulement pour entraver l’effort de guerre allemand mais aussi et surtout dans sa dimension symbolique, comme signe du fait que les Britanniques n’avaient pas abandonné les Français et allaient continuer à se battre. Une grande partie de la population française semblait même appeler de ces vœux une telle attaque. Un bombardement pourrait donc agir comme un encouragement à l’égard de « ceux des Français qui risquaient leurs vies chaque jour par des sabotages » – il s’agissait explicitement de ne pas désespérer Billancourt… Au contraire des civils allemands, considérés comme des ennemis à abattre, les Français demeuraient des alliés potentiels. Dans cette perspective, attaquer les zones industrielles françaises constituait une opération à double-tranchant, qui pouvait encourager ceux qui étaient favorables à la cause britannique, mais risquait aussi d’attiser la haine de ceux qui perdraient des amis ou des parents dans l’attaque, et plus généralement de ceux qui étaient sensibles à la propagande de l’Allemagne ou de Vichy. Ainsi, le bombardement était un moyen – le seul viable à ce moment du conflit – d’affaiblir l’Allemagne, mais c’était aussi une manière de s’adresser au peuple français. Au moment où ces arguments étaient exprimés, d’autres voix se faisaient cependant entendre. De son côté, en janvier, le Comité des Chefs d’État-Major britannique rappelait que « notre objectif principal est de bombarder l’Allemagne, et par conséquent de démoraliser les Allemands » [« lower German morale »]. Il ajoutait : « Il n’est pas évident que bombarder les usines françaises et remonter le moral des Français [« raising French morale »] constitue une diversion judicieuse. » Un des responsables de la RAF répondit alors que « l’objectif de telles opérations était d’empêcher les ouvriers français de participer à l’effort de guerre allemand », et non de « remonter le moral des Français ». Ainsi, le 5 février, au moment où le Cabinet de guerre avisait le Bomber Command de la décision prise de bombarder les usines françaises connues pour participer à la production de guerre allemande, l’objectif déclaré était « non seulement leur destruction » mais aussi de « décourager les ouvriers français de contribuer à l’effort de guerre allemand et de démontrer au peuple français la puissance offensive de notre force de bombardement. » La « destruction totale » des usines était présentée comme « une indication du destin qui attend ces industries situées en territoire occupé qui continuent à travailler pour l’ennemi » – et qui seraient alors châtiées… Il était cependant précisé que l’attaque se devait de détruire la cible choisie, car la mort inévitable de nombreux civils français risquait de remettre en cause le « prestige » des Britanniques parmi la population française, et la « bienveillance » dont ils bénéficiaient. On voit ici poindre l’idée d’un modèle de bombardement proche de celui qui allait gouverner les opérations massives menées contre l’Allemagne ; un modèle qui prend la forme d’une menace ou d’un avertissement envers les ouvriers français travaillant, même malgré eux, pour le compte de l’ennemi. Il ne s’agissait plus seulement de ralentir ou de détruire la production allemande, mais aussi d’intimer aux Français, par la terreur, d’arrêter toute forme de collaboration militaire et industrielle. On rejoint ici encore la conception d’un bombardement « moral » ou « psychologique » qui, même si elle n’était pas censée s’appliquer officiellement à la France, était incontestablement celle de certains stratèges britanniques. Quoi qu’il en soit, on savait, en allant bombarder Renault, qu’il y aurait des victimes françaises et, même si l’on pouvait le déplorer comme tout ce qui relève du dommage collatéral, on s’accommodait de cette idée. Les hommes chargés d’élaborer la politique militaire britannique ont donc exprimé des motivations contradictoires au moment de justifier les attaques aériennes sur le territoire français. Apparaît ici toute l’ambiguïté qui préside dès son origine au bombardement de la France occupée. Se fait jour un consensus autour de la décision de bombarder les villes françaises, mais sans accord précis sur la signification à donner à ces bombardements : s’agissait-il de « punir » les ouvriers français travaillant pour l’Allemagne, et de les en empêcher – dans la perspective d’une « menace », sinon d’un « châtiment » ? Ou bien était-il question d’encourager les Français, de leur montrer que la lutte n’était pas finie ? Probablement un peu des deux, et de toutes façons l’effet produit par de telles attaques ne pouvait se réduire à l’intention des stratèges et au sens qu’ils leur donnaient. Qu’il se soit agi d’« encourager » ou de « décourager » les Français, ces contorsions rhétoriques (et bientôt diplomatiques) ne doivent pas masquer qu’il était surtout question d’agir, de faire quelque chose, de se rappeler au souvenir des populations de l’Europe occupée. Au point de vue tant géographique (la situation du pays, entre l’Angleterre et l’Allemagne, en faisait une cible majeure) que technique (les avions britanniques n’avaient pas encore les moyens de bombarder massivement le territoire allemand), le bombardement de la France s’était finalement imposé aux Alliés comme le seul moyen de faire acte de guerre.
Les massacres de la population allemande a anéanti « 80 pourcent de toutes les villes allemandes comptant plus de 100 000 habitants ». Les attaques aériennes alliées déversèrent, sur ces populations civiles, « 40 000 tonnes de bombes en 1942, 120 000 tonnes en 1943, 650 000 tonnes en 1944 et, dans les quatre derniers mois de la guerre en 1945, de nouveau 500 000 tonnes », dixit le Welt du 11.2.1995.
Winston Churchill : « Je ne vous demande pas de faire des propositions sur comment on peut détruire les objectifs vitaux pour la guerre dans la région de Dresde, je veux qu’on me donne les moyens de griller les 600 000 réfugiés venant de Breslau qui se trouvent à Dresde. » (cité par David Irving)
Au lendemain des bombardements, Churchill envoyait ses avions rase-mottes faucher les femmes et enfants survivants qui fuyaient sur les berges de l’Elbe.
« S’il le faut, nous espérons que chaque maison pourra être détruite dans chaque ville allemande. »
« Vous devez comprendre que cette guerre n’est pas dirigée contre Hitler ni contre le national-socialisme, mais contre la force du peuple allemand, que nous voulons briser à tout jamais. Peu importe qu’elle soit dans les mains d’Hitler ou d’un prêtre jésuite ! », propos de Churchill rapportés par Emrys Hugues.
Les principales villes martyres sont : Kiel, Lübeck, Neumünster, Stralsund, Bremerhaven, Emden, Wilhelmshaven, Hambourg, Neubrandenburg, Neustrelitz, Prenzlau, Brême, Hanovre, Rheine, Osnabrück, Hildesheim, Braunschweig, Magdebourg, Berlin, Potsdam, Francfort-sur-l’Oder, Bocholt, Munster, Wesel, Dortmund, Hamm, Soest, Krefeld, Mönchengladbach, Düsseldorf, Aix-la-Chapelle, Düren, Clèves, Emmerich, Bonn, Cologne, Siegen, Coblence, Trêve, Bingen, Bad Kreuznach, Mayence, Worms, Kaiserslautern, Pirmasens, Karlsruhe, Pforzheim, Stuttgart, Fribourg, Friedrichshafen, Ulm, Munich, Augsbourg, Straubing, Heilbronn, Nuremberg, Ingolstadt, Bayreuth, Mannheim, Ludwigshafen, Darmstadt, Offenbach, Hanau, Francfort, Gießen, Schweinfurt, Wurtzbourg, Gießen, Kassel, Nordhausen, Mersebourg, Leipzig, Chemnitz, Dresde, Eilenburg, Halberstadt, Gelsenkirchen, Oberhausen, Witten, Essen, Duisbourg, Hagen, Wuppertal, Solingen, Neuß, Remscheid, Brilon, Aschaffenbourg, Swinemünde.
La France − et la Normandie en particulier − a également subi la stratégie des bombardements intensifs meurtrière pour les populations civiles et destructrice du patrimoine architectural et artistique. Stratégie mise en œuvre dès 1942.
Avec environ 75 000 victimes – dont 50 000 pour la seule Normandie – et 550 000 tonnes de bombes déversées (soit 20 % des bombardements alliés), la France a été, après l’Allemagne, le deuxième pays le plus touché par les bombardements alliés de 1940 à 1945 sur le Front de l’Ouest. C’est donc une France en partie détruite par leur aviation que les Alliés vont libérer.
La France vaincue est occupée par les armées allemandes qui mettent la main sur les points stratégiques, usines, centrales électriques, centres administratifs, réseaux ferroviaires, nœuds de communication et bases navales qui deviennent alors des objectifs des bombardements alliés.
Les ports comme Lorient, Brest, Saint-Nazaire ou Le Havre, qui abritent des bases des sous-marins allemands utilisés dans la Bataille de l’Atlantique, constituent les premières cibles. L’objectif est non seulement de détruire ces bases, mais aussi la ville pour les isoler. Puis sont visées des usines travaillant pour l’armée allemande comme les usines Renault de Boulogne-Billancourt, bombardées en mars 1942, puis en avril 1943. Les gares de triage deviennent également des objectifs cruciaux pour les Alliés qui cherchent à empêcher les Allemands d’utiliser le réseau ferroviaire pour leurs transports de troupes. 350 missions de bombardements auront lieu visant des objectifs sur le sol français de 1942 à 1943.
Les quartiers ou villes aux alentours des objectifs ne sont pas épargnés. Ainsi lors du bombardement de Boulogne Billancourt, Le Vésinet situé à 10 km est touché, le centre historique de Rouen est détruit lors de l’attaque visant la gare de Sotteville-lès-Rouen. La préparation des débarquements (Normandie et Provence) va provoquer une intensification considérable des bombardements visant les gares de triage, les nœuds routiers sur presque tout le territoire français. Ainsi Saint-Étienne, Nantes, Marseille, Cambrai, Tours, Lisieux, Lille, Nîmes, etc. vont subir les bombardements alliés provoquant de nombreux morts civils et la destruction de quartiers entiers. La Normandie, en particulier, va connaître le sort des villes allemandes, avant le débarquement et pendant la bataille de Normandie entre le printemps et la fin de l’été 1944. Elle a été la région française le plus durement éprouvée par la Seconde Guerre mondiale. Caen, Saint-Lô, Le Havre sont des champs de ruines. De nombreux villages ont été rasés.
Caen est la cible des bombardements alliés à partir de 1942, en raison de la présence de l’usine de la Société métallurgique de Normandie. Les premiers grands bombardements commencent sur Caen à partir du mois de mars 1944, s’intensifiant à mesure que la date du débarquement approche.
Les centres-villes historiques ont été dévastés. Ils ont détruit 96 % de Tilly-la-Campagne (Calvados), 95 % de Vire (Calvados), 88 % de Villers-Bocage (Calvados), 82 % du Havre (Seine-Maritime), 77 % de Saint-Lô (Manche), 76 % de Falaise (Calvados), 75 % de Lisieux (Calvados), 75 % de Caen (Calvados) et ses trésors romans, une grande partie de Rouen et d’Évreux. Le bourg d’Aunay-sur-Odon a été entièrement rasé et Évrecy, détruit à 86 %, perd un tiers de ses habitants.
Dans le cadre de l’opération Fortitude consistant à faire croire que le Nord sera la zone de débarquement, de nombreux bombardements touchent cette région et des villes sans importance militaire comme Le Portel dans le Pas-de-Calais sont écrasées sous les bombes faisant plus de 500 morts.
Focus sur quelques villes normandes. A Rouen, les bombardements des 19 avril 1944 (900 morts), 30 mai 1944 au 9 juin 1944 (1 600 morts) et 24 juin 1944 ont fait 3 500 morts, dont aucun Allemand, 30 000 sans-abris et 9 500 immeubles détruits. Celui d’Evreux, le 13 juin 1944, détruisit tout le centre-ville ancien. Celui de Caen, perpétré pendant soixant-dix-huit jours d’affilée en juin 1944, a anéanti plus de 75 % de la ville. Le bombardement du Havre, le 5 septembre 1944, est emblématique de la barbarie anglo-américaine : le colonel Bruckhart Wildermuth, commandant allemand d’une garnison assiégée depuis douze jours, avait demandé que soit évacuée toute la population civile de la ville, mais les Britanniques ont refusé. Il a fait rassembler les 40 000 civils dans le centre historique du Havre, et garanti aux Alliés qu’il n’y aurait pas de soldats dans cette zone, ses troupes étant stationnées sur les hauteurs de la ville et à la périphérie. Ce qui n’empêcha pas l’aviation britannique de bombarder la ville pendant cinq jours consécutifs, en opérant quelque 2 000 sorties de 500 bombardiers qui ont largué 5 000 tonnes de bombes explosives et 200 000 bombes au phosphore !
Les traumatismes ont été grands chez les Normands. Le général Dietrich von Choltitz, commandant du 84e corps allemand en Normandie, qualifia la bataille d’« immense bain de sang ».
Vidéos :
Septembre 1944, le bombardement de Paris