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Le 1er Congrès de la Fédération des syndicats (Lyon, 1886), future CGT, vu par Léon Blum

dimanche 10 décembre 2023

Le Congrès de Lyon de 1886 vit la fondation d’une Fédération syndicale nationale dont le 7ème Congrès à Limoges (1895) se transforma en premier de la CGT. Cet épisode souvent peu connu marque une étape fondamentale dans le mouvement ouvrier français, à comprendre comme aboutissement de la série de congrès inaugurée en 1876. Léon Blum, réformiste bourgeois qui entra au gouvernement en 1914 pour appeler les ouvriers de tous les pays à s’entretuer au profit de la bourgeoisie, fit en 1901 un résumé intéressant de ce congrès, parmi d’autres, dans son ouvrage "Les Congrès ouvriers et socialistes français"

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Le Congrès de Lyon excita d’abord la méfiance des révolutionnaires, tut comme les Congrès ouvriers de 1876-77.

Et, en effet, dans une certaine mesure, il les rappelait par sa tendance et par son programme.

Mais l’expérience devait dissiper bientôt cette trompeuse analogie. Les temps avaient changé ; les circonstances étaient autres. Les congressistes de 1886 n’étaient pas, comme ceux de 1876, des syndicaux désabusés n’attendant rien de l’action politique ou de l’effort révolutionnaire. Ils cherchaient à organiser, en dehors de l’action politique, mais parallèlement avec elle, une action économique à laquelle ils se sentaient mieux adaptés, et qu’ils croyaient aussi plus efficace.

Mais ils n’étaient plus coopérateurs, ils étaient collectivistes.

En même temps qu’ils travaillaient à la concentration syndicale, presque tous appartenaient à l’un des partis socialistes nationaux. Le progrès de la propagande socialiste était acquis, et ses effets n’appartenaient plus à personne. Cette organisation nouvelle pouvait donc être féconde, et elle le fut tant qu’elle opposa sa concentration à la dispersion excessive des partis et son union à leurs luttes.

Le programme du Congrès de Lyon comprenait six articles :

1) Projet de fédération de tous les syndicats ouvriers.
2) Discussion de la loi sur les syndicats.
3) Etude du projet e Lockroy (sur la prud’homie).
4) Utilité d’un Conseil supérieur du travail.
5) Heures de travail.
6) Raports du capital et du travail

C’était bien un programme de Congrès modéré.

Et, en effet, les groupements modérés—qui depuis le Congrès du Havre, avaient disparu des Congrès ouvriers—firent tous leurs efforts, aidés en cela par les subventions officielles, pour accaparer le Congrès de Lyon à leur profit. Mais c’était un effort perdu d’avance. Il ne dépendait plus d’eux d’annuler l’oeuvre accomplie depuis dix ans.

Les modérés soutinrent qu’il n’était pas possible de réunir en une fédération unique la masse hétérogène des syndicats. Mais la majorité rejeta cette opinion trop prudente. Ce n’était pas une action économique immédiate que les ouvriers attendaient alors des syndicats, mais un effort concerté d’organisation et de recrutement. Il s’agissait avant tout de concentrer les forces prolétariennes.

Conformément à l’avis de sa commission, le Congrès vota la résolution suivante, qui créait la Fédération nationale des syndicats :

"Considérant qu’en face de la puissante organisation bourgeoise, faite sans et contre le prolétariat, il appartient non seulement à ce dernier, mais qu’il est de son devoir de créer, par tous les moyens possibles, des groupements et des organisations ouvrières pour les mettre en face de ceux de la bourgeoisie, à titre défensif et, nous l’espérons, bientôt offensif.

"Considérant que toute organisation ouvrière qui n’est pas pénétrée du fait de la discussion des classes (...) ne peut être considérée comme faisant partie des diverses armées ouvrières marchand à la conquête de leurs droits :

"il est créé une Fédération nationale".

L’organisation comprenait : un conseil général, des conseils régionaux (par dix départements), des conseils locaux. Un congrès devait se tenir chaque année dans une ville différente. Le siège du conseil général était la ville où s’était tenu le dernier Congrès national.

Chaque syndicat conservait "son autonomie pleine et entière pour tout ce qui concerne son administration".

Des cinq autres questions portées au programme, la loi Waldeck-Rousseau sur les syndicats fit seule l’objet d’une longue discussion. Par une grosse majorité, le Congrès refusa de l’admettre.

Sur la cinquième question, le Congrès vota la journée de huit heures ; sur la dernière, il vota l’appropriation collective des moyens de production.

Mais le Congrès avait dès le début accompli son oeuvre capitale. Il avait créé une institution qui certes, n’avait pas encore de forme bien définie, mais qui devait peu à peu compléter l’organisation des forces ouvrières en France.

L’assemblée se sépara, sur un discours chaleureux du citoyen Lavaud aux cris de : Vive la révolution sociale ! On déchira les drapeaux tricolores pour en faire des drapeaux rouges.

En dépit des appréhensions premières, on avait donc pu voir qu’un congrès corporatif n’était plus nécessairement un congrès modéré et opportuniste. C’est en qui l’expérience de Lyon fut décisive. A comparer le Congrès de Lyon aux Congrès possibilistes contemporains, c’est à Rennes, par exemple, qu’on retrouverait le souvenir des anciennes réunions syndicales, c’est à Lyon qu’on retrouverait le ton, un peu oublié, des congrès révolutionnaires. Non seulement le nouveau mouvement corporatif était lié au mouvement politique, mais il empruntait alors aux organisations rivales leurs éléments les plus actifs, leurs militants les plus énergiques.

Dans leur évolution compliquée, les Congrès syndicaux devaient donc représenter, au même titre que les groupements politiques, la véritable activité révolutionnaire du prolétariat.

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