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Chronologie de la révolution et de la contre-révolution au Soudan

mardi 16 janvier 2024, par Robert Paris

Chronologie de la révolution et de la contre-révolution au Soudan

Fin 2018, le peuple soudanais se soulève contre ses classes dirigeantes et contre l’armée. Les femmes et la jeunesse jouent un rôle central mais aussi le peuple travailleur. C’est un des mouvements révolutionnaires les plus massifs et entousiastes de toute la vague internatioanle. Ce mouvement de protestation aboutit à la destitution d’Omar al-Bachir en avril 2019. Le processus de transition qui s’enclenche ne peut aboutir, le pouvoir civil ne parvenant pas à prendre l’ascendant sur les militaires. Ces derniers reprennent complètement le contrôle des institutions après le coup d’État d’octobre 2021. Les Comités de résistance poursuivent la contestation, tandis que les conservateurs remontent en puissance.

Les éléments déclencheurs de ce bouleversement politique sont bien connus : l’annonce du triplement du prix du pain provoqué par l’arrêt des subventions de la part de l’État et l’introduction de nouvelles mesures d’austérité ; une pénurie massive de devises étrangères et, en même temps, l’effondrement de la devise soudanaise, avec un taux d’inflation qui, en 2018, avait atteint le seuil officiel de 70 %  du fait d’une balance commerciale largement déficitaire. L’argent liquide se fait rare et des limites de retraits d’argent aux guichets sont imposées, entraînant une aggravation de la situation dans un contexte de hausse exponentielle des prix. L’ampleur de l’impasse économique et son incidence sur le quotidien de toutes les classes sociales ont été sans précédent, alors même que la grande majorité des Soudanais vivent depuis des décennies dans des situations de détresse économique : doubles ou triples emplois, économies journalières sur la qualité et la quantité de nourriture, problèmes de logement, impossibilité d’accumuler une épargne sont le lot commun, y compris pour les fonctionnaires et les travailleurs du secteur formel.

Les événements débutent avec l’organisation de quelques petites manifestations à Khartoum et Damazin entre le 12 et le 15 décembre 2018, suite auxquelles des appels sont relayés pour des manifestations dans d’autres villes de province le mercredi 19 décembre. Ce jour-là marque le début « officiel » de la révolte soudanaise. Des manifestations d’ampleur se déroulent à Port-Soudan, Atbara, Ed Damer, Wad Medani et El Nuhud. Les manifestations à Atbara marquent les esprits par leur caractère insurrectionnel et par les images de mise à feu d’un bâtiment du National Congress Party (NCP). Dès le lendemain, des manifestations du même type se déroulent également à Gedaref, Berber, Dongola et Shendi. Des bâtiments officiels et du parti au pouvoir sont attaqués, et parfois brûlés. Les slogans sont explicites, avec notamment la reprise du slogan rendu célèbre par les révolutions arabes : « Le peuple veut la chute du régime » (Ash-shaab yurid isqat an-nizam). Les premiers jours, la réponse du régime est sanglante. Les services de sécurité tirent sur la foule provoquant au moins une vingtaine de morts, principalement à Gedaref . Pourtant à certains endroits, comme à Atbara par exemple, l’armée s’interpose et pactise avec la foule, dans un schéma qui se répétera lors de l’occupation de la place devant le quartier général de l’armée suite à la manifestation du 6 avril. La mobilisation s’accroît à Khartoum qui est le théâtre de nombreuses petites manifestations, mais occasionnellement aussi de manifestations plus massives, comme celle de supporters de football suite à un match de leur équipe, El Hilal, le 22 décembre. Les manifestants, qui au début semblent ne pas avoir de leader, trouvent progressivement des meneurs dans l’APS.

Alors qu’une partie de l’armée a exprimé très tôt son refus de tirer sur la foule, les services de sécurité et certaines milices, directement ou indirectement liées au National Congress Party de al-Bashir, ont continué à protéger le régime et sont responsables des opérations de répression, dont certaines particulièrement brutales, qui ont amené des centaines, voir des milliers, de protestataires à être emprisonnés par vagues dans le pays. Les récits de cette répression, largement documentée sur les réseaux sociaux, ont eu pour effet d’indigner la population et ont nourri la contestation. Dans les mosquées, des imams habituellement dociles critiquent le pouvoir ouvertement ; des témoins racontent que les fidèles les attaquent durement lorsqu’ils affichent leur soutien au régime. Omar al-Bashir a dû quitter précipitamment une mosquée sous les slogans hostiles des fidèles.

https://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2019-2-page-149.htm

Le soulèvement, visant la fin du régime du président Omar el-Béchir, a commencé en décembre dernier, déclenché par la hausse du prix du pain.

Il a consisté en un rassemblement de plus en plus massif bloquant le quartier général de l’armée et appelant les soldats à les rejoindre. Plus les forces de police ont employé la violence pour les déloger, plus la population a commencé à rejoindre le mouvement, campant en masse face à l’armée.

Ils ont obtenu le départ du dictateur El Béchir mais pas le soulèvement de l’armée ni le départ de la hiérarchie militaire du pouvoir.

Les revendications politiques ont maintenant pris le pas sur les demandes économiques. Et pourtant c’est bien cette crise économique et monétaire installée depuis de longues années qui a poussé la population à bout.

Le mouvement dépasse largement la capitale du pays, Khartoum. Il a d’ailleurs commencé en province et a embrasé toutes les régions favorisées du Soudan. Les manifestations se sont rapidement propagées dans les principales villes du Soudan, y compris dans la région riveraine du nord – réputée être le bastion du régime – et dans la capitale, Khartoum, où des manifestants ont incendié les locaux du parti, à Dongola. Ceux qui ont connu une relative prospérité il y a dix ans ne supportent plus la déliquescence de l’économie dont le symptôme le plus criant et le plus douloureux est l’inflation. Elle est aujourd’hui à 70%.

À Khartoum, la population était surtout exaspérée des pénuries d’argent cash dans les distributeurs qui l’empêchait de recevoir les salaires pour en vivre.

Les manifestations avaient commencé le 19 décembre, suite au triplement du prix du pain et des pénuries de carburant dans la ville d’Atbara (nord-est) où des manifestants ont incendié les locaux du parti au pouvoir, le Parti national du Congrès. Atbara est connue comme la « ville de l’acier et du feu » en raison de son importance historique pour le réseau ferroviaire et de la présence d’un syndicat combatif de travailleurs des chemins de fer, démantelé sous le régime militaire dans les années 1980.

La fin du régime militaire apparaît comme la première nécessité politique afin d’en finir avec le pillage des richesses par une minorité de corrompus liés au pouvoir et qui détournent l’argent tiré de l’or, du pétrole, des activités agricoles et autres.

Si des porte-paroles autoproclamés du mouvement ont commencé à négocier avec la dictature militaire pour un compromis, le mouvement lui-même ne les a pas cautionnés et a même plusieurs fois manifesté pour les désapprouver.

Ces prétendus représentants du mouvement sont des partis et associations réformistes regroupés au sein d’un front appelé « les Forces pour la Déclaration de liberté ».

Ces forces ont signé un accord avec le Conseil Militaire de Transition qui a remplacé El Béchir au pouvoir. L’accord prévoit la mise en place d’une façade civile du pouvoir avec des ministres technocrates et le maintien de la hiérarchie militaire au sein du pouvoir.
Mais, en fait, c’est la petite clique de milliardaires qu’il faut dégommer et pas seulement l’armée et c’est aux exploités qu’il revient d’être la force capable d’en finir avec les exploiteurs et leurs défenseurs de la hiérarchie militaire.

La jeunesse et la population travailleuse sont descendues dans la rue pour en finir avec tout l’ordre social et pas pour un replâtrage de façade et ils ont suffisamment compris les erreurs du mouvement en Egypte pour ne pas vouloir retomber dans la même ornière. Il n’y a pas de compromis possible avec les chefs militaires et c’est une tromperie qui ne peut qu’être finalement sanglante.

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5359

Septembre 2018

Les premières manifestations ont lieu en septembre 2018. Elles commencent spontanément quand des centaines de citoyens soudanais à Atbara se rassemblent pour exprimer leur colère contre l’augmentation des prix des produits principaux comme le pain, qui a été multiplié par trois le 19 décembre ; la pénurie des denrées alimentaires dans quelques villes soudanaises, et la baisse du livre soudanais face au dollar américain. Quelques heures après son déclenchement, les forces de l’ordre entourent les manifestants et essaient de les empêcher d’arriver aux lieux sensibles du pays. Mais cette manifestation, initialement pacifique, devient hors de contrôle et les protestataires incendient les bâtiments du parti au pouvoir en réclamant le départ d’Omar el-Béchir.

Au tout début, les forces de l’ordre utilisent le gaz lacrymogène afin de disperser les manifestants. Dans les autres villes toutefois, les forces de l’ordre tirent à balles réelles sur les manifestants, causant la mort et des blessures (mineures et graves) de dizaines de manifestants sans aucune proclamation officielle de l’État.

Le deuxième jour, les moyens employés par les forces de l’ordre se développent ; les manifestants sont bastonnés, bombardés de gaz lacrymogène et de balles réelles par les forces de l’ordre. Les protestations ont augmenté, se concentrant à Atbara, Omdourman et Kordofan du Nord. Selon les informations, la police a tué au moins un manifestant dans la ville d’Atbara.
Les autorités décident la fermeture de toutes les universités ainsi que les écoles primaires et secondaires dans la capitale Khartoum pour une durée indéfinie. Un état d’urgence a été déclaré en imposant un couvre-feu de 18 heures à 6 heures du matin dans certains États. Des centaines de personnes dans la ville de Rabak, la capitale de l’État du Nil blanc, scandaient des slogans dénonçant les politiques gouvernementales, tandis que d’autres scandaient le fameux slogan qui a émergé au début de l’année 2011 pendant le Printemps arabe : le peuple veut renverser le régime. En contrepartie, un certain nombre de jeunes en colère ont mis le feu à un groupe d’institutions gouvernementales et privées, y compris le siège du parti du Congrès national.

Pendant ce temps et alors que les soudanaise étaient plein de colère, le porte-parole du gouvernement, Bishara Juma, a déclaré : « des manifestations pacifiques / non violentes ont déraillé et ont été transformées par des infiltrés en acte de sabotage ciblant des institutions publiques et privées en les détruisant et en incendiant un siège de la police » « Les forces de police et de sécurité ont traité les manifestants de manière civilisée sans s’y opposer ». Cependant, certaines sources de presse – dont BBC Arabic – ont indiqué qu’au moins huit personnes ont été tuées depuis le début des manifestations trois jours auparavant.

Les protestations se sont poursuivies pour la quatrième journée consécutive, incluant un plus grand nombre de villes par rapport aux trois jours précédents. Ce jour a également fortement marqué les esprits de par les affrontements entre les manifestants d’une part et les forces de l’ordre de l’autre. Quelques sources de presse ont rapporté que dix manifestants ont été tués en représailles de l’incendie du siège du parti au pouvoir dans un nombre de villes, en particulier à Al-Rahd.

Le gouvernement a réagi à tout cela en arrêtant plusieurs leaders de l’opposition à Omdurman et en tuant au moins cinq personnes en un jour. Le directeur du service de sécurité soudanais Salah Gosh blâmait ces manifestants d’être « rebelles avec des liens avec Israël » (la même accusation faite par le régime syrien, représenté par Bachar el-Assad à l’encontre des manifestantes d’Alep pendant les débuts de la révolution syrienne). De l’autre côté, le chef du parti d’opposition Oumma, Sadeq al-Mahdi, a dévoilé lors d’une conférence de presse que le nombre de morts a atteint 22 et que « des mouvements pacifiques sont légalement licites, justifiés par la dégradation des conditions de vie » en plus il a condamné la répression armée des forces de l’ordre contre le peuple indocile.

Le rôle révolutionnaire des femmes

https://www.lorientlejour.com/article/1179697/les-femmes-luttent-pour-leur-revolution-au-soudan.html

Au Soudan, les femmes en première ligne de la révolution

Des femmes aujourd’hui en première ligne dans les manifestations, y occupant une place prépondérante. De là à parler actuellement de révolution féministe... : « Ce serait exagéré de la qualifier ainsi. Le régime durait depuis des décennies, et appliquait sa politique restrictive pour les femmes depuis son installation sans que cela n’est fait bouger les lignes auparavant. La révolution en cours vient d’une faillite économique et financière du Soudan, qui concerne les femmes comme les hommes, bien plus qu’une lutte pour l’émancipation de femmes. Ce qui les a fait sortir dans la rue, c’est la crise financière, pas leurs conditions dans la société. Elles en profitent désormais pour revendiquer des libertés, mais ce ne fut pas l’étincelle déclencheuse. » M.Lavergne un mandarin du CNRS, specialiste des étincelles.

Même si certains symboles restent forts, notamment cette fameuse femme arguant la foule sur la voiture. Mais moins par sa stature au-dessus de la masse (et des hommes) que par ses vêtements : « Ce qui m’a marqué sur cette photo, c’est son habit blanc. Le régime voulait imposer la "pudeur" d’habits voilés et noirs dans un islamisme radical d’affichage. Lors des manifestations, les femmes remettent des vêtements colorés traditionnels, ou du blanc, loin du noir imposé. »

Présentes en nombre lors des manifestations, les Soudanaises veulent reconquérir leur liberté après trente ans d’un régime répressif.

La tenue d’Alaa Salah n’est pas anodine. Sa longue robe blanche « est portée par les femmes qui travaillent dans les bureaux et peut rappeler le coton (une exportation majeure du Soudan), donc elle représente les femmes actives en ville ou dans le secteur agricole », décrypte Hind Makki, une éducatrice américano-soudanaise spécialisée sur le dialogue interreligieux sur son compte Twitter.

Le « New York Times » ajoute que cette tenue blanche a été adoptée par de nombreuses manifestantes depuis le mois dernier. « Depuis, ces femmes en blanc ont souvent été appelées ’Kandaka’, en référence aux reines nubiennes », ces souveraines ayant marqué l’histoire de la région dans l’Antiquité.

Les disques dorés à ses oreilles sont quant à eux des bijoux traditionnels de mariage, symbole de féminité. « L’ensemble de sa tenue est un rappel aux tenues de nos mères et grands-mères des années 60, 70 et 80 qui s’habillaient ainsi lorsqu’elles manifestaient contre de précédentes dictatures militaires », conclut Hind Makki.

La présence en nombre des femmes souligne aussi que les revendications des manifestants se sont élargies depuis le déclenchement de la révolte, après une hausse du prix du pain. Aux revendications économiques initiales s’est ajouté l’appel à un changement de régime après trente ans d’un régime islamiste, qui applique la charia dans certaines régions.

Selon des ONG du pays, 15.000 Soudanaises ont été condamnées à la flagellation sur la seule année 2016. Le Programme des Nations unies pour le développement classe de son côté le Soudan se situe au 167e rang mondial sur son indice d’inégalité de genre.
Ihsan Fagiri, affirme que les jeunes femmes qui osent manifester reçoivent des menaces de viol ou de violences physiques. « Nous, les plus âgées, on nous menace de ne plus revoir nos familles. » Elle-même a été détenue pendant deux mois et demi, affirme-t-elle. Arrêtée dans la rue alors qu’elle s’apprêtait à rejoindre les manifestations, elle raconte avoir été emprisonnée avec neuf autres femmes dans une pièce de six mètres sur quatre, équipée de seulement cinq lits et éclairée par deux petites fenêtres de vingt centimètres sur douze.
Diabétique, elle n’a pas pu prendre son traitement pendant quinze jours et n’a pas eu de contact avec sa famille pendant un mois. « Mon fils pensait que j’étais morte », confie-t-elle. Elle a finalement été relâchée le 8 mars « pour la Journée internationale des Droits des Femmes », rit-elle avec amertume.

Le président Bachir avait en effet ordonné ce jour-là la libération de toutes les femmes détenues depuis le début des manifestations, mais le nombre de libérations n’a pas été communiqué. Selon elle, avec « tous ces gens qui se rassemblent, c’est une question de jours ou de semaines » pour que le régime tombe. Aujourd’hui, elle affirme :
"« Peut-être qu’ils m’arrêteront encore… Ils ne m’effraient plus. "

Pour les Soudanaises, la révolution en cours est l’opportunité de conquérir leur liberté. D’ailleurs Alaa Salah a prévenu sur son compte Twitter : le départ d’Omar El Béchir n’était que « le premier objectif » de la révolution.

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5324#forum45505

Janvier 2019

https://berthoalain.com/2019/01/16/manifestations-anti-gouvernementales-affrontements-a-khartoum-15-janvier-2019/

https://berthoalain.com/2019/01/18/manifestations-anti-gouvernementales-affrontements-a-khartoum-17-janvier-2019/

https://berthoalain.com/2019/01/19/manifestants-tues-echauffourees-a-burri-18-janvier-2019/

https://berthoalain.com/2019/01/23/manifestations-antigouvernementales-affrontements-a-khartoum-et-omdurman-20-et-22-janvier-2019/

https://berthoalain.com/2019/01/25/manifestations-anti-gouvernementales-affrontements-a-omdurman-24-janvier-2019/

Février 2019

https://berthoalain.com/2019/02/06/marche-antigouvernementale-affrontements-a-khartoum-et-omdourman-5-fevrier-2019/

https://berthoalain.com/2019/02/18/manifestations-anti-gouvernementales-affrontements-a-khartoum-15-16-fevrier-2019/

https://berthoalain.com/2019/02/25/manifestations-antigouvernementales-affrontements-a-khartoum-24-fevrier-2019/

Avril 2019

Le 11 avril, l’armée annonce une déclaration à venir. Omar el-Béchir est renversé par l’armée. Quelques heures auparavant, sa démission avait été annoncée dans les médias. L’armée souhaite gouverner le pays pendant deux années et Ahmed Awad Ibn Auf prend les rênes du pays. Son adjoint est le général Kamal Abdelmarouf, chef d’état-major. Il a également annoncé que la constitution était suspendue et qu’un couvre-feu d’un mois était imposé de 22 heures à 4 heures. L’état d’urgence est ramené à trois mois. L’armée promet la mise en place d’un gouvernement civil. Toutefois, les manifestations se poursuivent et il démissionne le lendemain. Le général Abdel Fattah Abdelrahmane al-Burhan lui succède.

Le 13 avril, Salah Gosh chef des renseignements (NISS), et qui a joué un rôle clé dans la répression, démissionne. Il est remplacé par Abou Bakr Mustafa. Le jour même, le Congrès national, ex-parti au pouvoir, dénonce le putsch et appelle à la libération de ses dirigeants. Le 15 avril, la junte annonce que le prochain gouvernement sera civil et dirigé par une personnalité indépendante.

Le 16 avril, Bechir est incarcéré, de même que deux de ses frères, tandis que le procureur général est limogé.

Le 17 avril, l’Union africaine adresse un ultimatum de deux semaines aux militaires pour transmettre le pouvoir à une autorité civile. Le 19 avril, alors que la mobilisation se poursuit27, l’Association des professionnels soudanais annonce la formation prochaine d’une instance exécutive pour diriger le pays. Le 20 avril, l’opposition, qui révèle avoir déjà discuté sans succès avec la junte, annonce des discussions le jour même avec celle-ci, et se dit disposée à reporter l’annonce de l’instance transitoire (qui doit durer quatre ans) si les militaires acceptent de discuter.

Le 21 avril, al-Burhan promet de transférer le pouvoir à une autorité civile dans une semaine maximum. L’opposition appelle à poursuivre le mouvement tout en reportant l’annonce de l’instance collégiale de transition. Le 22 avril, l’armée demande aux manifestants de libérer les routes. Un sommet de l’Union africaine a lieu le 23 avril. Il est alors accordé trois mois à l’armée pour transférer le pouvoir. Un accord est annoncé le 24 entre le Conseil militaire et l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), sans précision sur son contenu. Le lendemain a lieu une grande manifestation, baptisée la « marche du million », pour maintenir la pression sur les militaires.

https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_soudanaise

https://berthoalain.com/2019/04/07/manifestations-antigouvernementales-affrontements-a-khartoum-6-avril-2019/

https://berthoalain.com/2019/04/08/manifestation-antigouvernementale-affrontements-a-khartoum-7-avril-2019/

https://berthoalain.com/2019/04/09/manifestations-antigouvernementales-affrontements-a-khartoum-8-avril-2019/

Mai 2019

Le 13 mai, après de nombreuses suspensions des tractations, un accord est trouvé entre les généraux et les représentants civils sur une transition de trois ans. Omar El-Béchir est notamment inculpé pour « meurtre de manifestants ». La situation reste cependant tendue, et six personnes sont tuées à Khartoum en marge des manifestations de cette même journée. Lors de la nuit du 15 au 16 mai, les discussions sont suspendues pour 72 heures par l’armée. La junte exige alors que les manifestants démantèlent un des campements, tout en affirmant vouloir épargner le sit-in principal.

Le 18 mai, des manifestations favorables à la charia et opposées au transfert du pouvoir aux civils ont eu lieu. Rassemblant une centaine de personnes, elles ont lieu devant le palais présidentiel. Ils considèrent un tel transfert du pouvoir comme un « coup d’État ». Le 19 mai, la Forces de soutien rapide (issue des janjawid) du vice-président du CMT, Mohamed Hamdan Dogolo sont déchargés de la sécurisation du campement, au profit de la police.

Le 21 mai, le NISS empêche des procureurs et des policiers d’arrêter Gosh et de perquisitionner sa résidence.

Le 22 mai, après l’échec des négociations, l’ALC appelle à la grève générale. Elle doit avoir lieu les 28 et 29 mai. Le parti Oumma, membre de l’ALC, s’oppose à la grève, mais appelle le gouvernement à ne pas limoger les grévistes. Celle-ci est finalement suivie. Peu après, la junte propose une présidence tournante du Conseil de souveraineté, ou alors une présidence alternée d’un an et demi pour les civils puis les militaires, de même qu’un vote à la majorité simple ou des deux tiers des membres pour prendre toute décision exécutive.

Les 28 et 29 mai, grève générale.

Entre fin mai et début juin, trois fusillades ont lieu dans le secteur « Colombie » du sit-in des manifestants et font plusieurs victimes.

Le 31 mai, la junte ferme le bureau de la chaîne qatarie Al Jazeera.

https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_soudanaise

https://berthoalain.com/2019/05/05/sit-in-contre-larmee-affrontements-a-khartoum-4-mai-2019/

https://berthoalain.com/2019/05/14/transition-politique-affrontements-a-khartoum-13-mai-2019/

https://berthoalain.com/2019/05/16/transition-politique-affrontements-a-khartoum-15-mai-2019/

https://berthoalain.com/2019/05/30/transition-politique-affrontements-a-khartoum-29-mai-2019/

Juin 2019, massacre de Khartoum

Le lundi 3 juin 2019 à l’aube, la junte au pouvoir donne l’ordre de disperser violemment le campement des manifestants devant le siège de l’armée à Khartoum. Des militaires brûlent les tentes installées par les manifestants et tirent à balles réelles sur ces derniers, affirme le SPA. D’autres victimes sont jetées dans le Nil. Ils font au moins 30 victimes et des « centaines de blessés », selon le Comité central des médecins soudanais. Le nombre de victimes ne cesse d’augmenter et, toujours selon le Comité central des médecins soudanais, il est passé à 108 morts depuis lundi. Des images montrent également des policiers et soldats tués et blessés par les putschistes, 700 blessés et 70 personnes violées. Parmi eux, figurent de nombreuses femmes activistes qui ont par ailleurs subi des insultes obscènes. Les forces de sécurités prennent position dans les rues de la capitale pour empêcher pour reconstitution du sit-in. En réaction, l’ALC se retire des négociations et appelle au renversement du régime et à « la grève et la désobéissance civile totale et indéfinie à compter d’aujourd’hui ». Le lendemain, la junte annule les accords passés avec l’ALC et annonce des élections dans un délai de neuf mois. La junte ayant coupé l’accès à internet dans tout le pays, le réseau est complètement affaibli, provoquant des difficultés à émettre des appels téléphonique ou à envoyer des messages.

Pour disperser le sit-in, les putschistes ont d’abord envoyé des individus armés de matraques et de bâtons, qui ont été rapidement repoussés par les manifestants. Par la suite, les RSF sont intervenus et ont tiré.

L’association des professionnels soudanais a appelé à une désobéissance civile qui avance parfaitement surtout dans les centres gouvernementaux les plus importants. L’aéroport international de Khartoum a été fermé et les vols vers et depuis le Soudan ont été cessé.

Le 7 juin, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed tente une médiation entre l’ALC et la junte. Le jour même, quatre dirigeants de l’ALC, donc trois chefs du Mouvement populaire de libération du Soudan - Nord, sont arrêtés. Ces trois derniers ont été expulsés vers le Soudan du Sud.

Du 9 au 11 juin, une « campagne de désobéissance civile » bloque Khartoum…

Le 10 juin, les connexions internet terrestres sont coupées.

Par la suite, des médecins volontaires de l’Association des médecins soudanais ont soigné clandestinement les victimes dans des maisons et leur ont prodigué une aide psychologique contre les traumatismes.

D’après Gérard Prunier, les assaillants n’étaient pas des militaires — qui pour beaucoup sympathisaient avec les manifestants — mais des mercenaires venus du Darfour (les Forces de soutien rapide) et des unités apparentées aux services de renseignement.

Le 11 juin, la reprise des négociations est annoncée et la grève générale, qui a duré trois jours, levée. La Maison-Blanche décide de dépêcher sur place Tibor Nagy, secrétaire d’État américain adjoint chargé de l’Afrique. Les protestataires refusent d’ouvrir un dialogue direct avec la junte et menacent de proclamer une autorité parallèle.

Le 13 mai, après avoir prétendu pendant plusieurs jours qu’elle avait dispersé un campement annexe dont les membres auraient attaqué les protestataire, la junte admet avoir dispersé le sit-in tout en annonçant qu’elle ne permettra pas que celui-ci se reconstitue. Elle refuse aussi de rétablir les connexions internet, d’évacuer les RSF et d’accepter une enquête internationale. Parallèlement, 68 officiers, sont arrêtés, les uns pour tentative de putsch, les autres pour avoir dispersé le sit-in. Le 16 juin, Hemeidti promet que les auteurs du massacre seront punis de mort.

Le 18 juin, l’ALC appelle à des manifestations nocturnes. Le 19 juin, al-Burhan appelle l’ALC à négocier sans condition, tandis qu’il fait appel à d’autres parties pour négocier. La junte a aussi estimé que les négociations étaient à initier de nouveau.

Le 22 juin, l’ALC accepte la proposition éthiopienne de mettre en place un Conseil de souveraineté de quinze membres, dont sept issus de ses rangs et sept militaires. Le Conseil doit être dirigé par un militaire pendant les 18 premiers moins puis par un civil pendant les dix-huit mois suivants. La junte émet des réserves. Elle souhaite une présidence fixe et une transition de deux ans.

Le 23 juin, la justice ordonne le rétablissement d’internet. Le 26 juin, Sadeq al-Mahdi critique la décision de l’ALC d’appeler à des manifestations pour le 30 juin, date du 30e anniversaire de son renversement par Béchir. Le 27 juin, une manifestation d’étudiants est dispersée près du palais présidentiel, ce qui n’a pas eu d’effet jusqu’à présent.

Le 29 juin, la junte procède à l’arrestation de dirigeants de l’opposition de l’ALC et du Parti communiste. Elle empêche aussi la tenue d’une conférence de presse de l’ALC.

Le 30 juin, une manifestation rassemble plusieurs centaines de milliers de manifestants. Les putschistes empêchent les manifestants d’approcher du palais présidentiel et les heurts font 7 morts et 181 blessés. Le lendemain trois autres corps sont retrouvés. Une manifestation d’hommage aux victimes est prévue pour le 13 juillet, suivie d’un mouvement de désobéissance civile pour le 14 juillet.

https://berthoalain.com/2019/06/05/transition-politique-affrontements-a-khartoum-3-juin-2019/

https://berthoalain.com/2019/06/10/desobeissane-civile-affrontements-a-khartoum-9-juin-2019/

https://berthoalain.com/2019/07/01/contre-les-militaires-affrontements-a-khartoum-30-juin-2019/

Juillet 2019, tractations pour temporiser

De nouvelles discussions commencent le 3 juillet. Il s’agit de discussions directes sous l’égide de l’Union africaine et de l’Éthiopie, qui se poursuivent le 4 juillet. La junte fait un geste d’apaisement en libérant 235 membres de l’Armée de libération du Soudan, qui fait partie de l’ALC. Le jour même, des lycéens ont manifesté en faveur de la mise en place d’un gouvernement civil. Souvent, des manifestants demandent l’application de la loi du talion aux auteurs du massacre.

Le 5 juillet, peu après une rencontre tenue le 29 juin avec les deux camps et des responsables américains, l’ALC et les putschistes trouvent un accord sur une transition de trois ans et trois mois. Un Conseil de souveraineté de onze membres dont cinq de l’ALC et cinq autres de l’armée, et un civil choisi par les deux camps, doit être mis en place, ainsi qu’un gouvernement civil. Il sera dirigé pendant vingt-et-un mois par un militaire puis les dix-huit derniers mois par un civil. Le Parlement de transition, au sujet duquel la junte a annulé les accords passés avec l’ALC, doit être mis en place après la prise de fonction du Conseil de souveraineté et du gouvernement. Enfin, une enquête nationale doit avoir au sujet de la dispersion du sit-in. Après ces annonces, des célébrations ont eu lieu, sans la présence des RSF. Pour sa part, l’Armée de libération du Soudan, basée au Darfour, rejette l’accord. Pour sa part, la junte décide de ne pas retirer ses troupes de la rue pendant les vingt-et-un mois, de même que le Parti communiste.

Le 6 juillet, l’ALC annonce que sa campagne de désobéissance civile est annulée, et la manifestation du 14 juillet commémorera les 40 jours du massacre.

Le 10 juillet, internet est rétabli. Des vidéos des massacres sont diffusées, certaines prises par des éléments de l’armée, qui revendiquent ainsi leurs crimes.

Le 11 juillet, la junte affirme avoir déjoué une tentative de putsch. Des arrestations de généraux ont lieu.

Le 13 juillet, la manifestation de l’opposition marquant la fin de la période de deuil de 40 jours a lieu alors que les putschistes, toujours déployés, bloquent les rues menant à l’aéroport et au palais présidentiel.

Le 14 juillet, lors d’une nouvelle manifestation, un manifestant est tué et sept autres blessés par les RSF.

L’accord est signé le 16 juillet, alors que l’ALC rejette une immunité « absolue » pour les putschistes. Les désaccords persistant, sur ce point et sur celui d’un cessez-le-feu et d’aide aux populations des zones rebelles, les discussions sont reportées le 19 juillet.

Le 20 juillet, un prisonnier du NISS est mort, à la suite de tortures selon le comité des médecins soudanais. Le 23 juillet, les étudiants manifestent pour demander justice pour leurs camarades tués. Le 27 juillet, un accord intervient entre les rebelles et les autres composantes de l’ALC. Le 28 juillet, une enquête met en cause des officiers des RSF sans cependant mettre en cause les dirigeants. Le 29 juillet, cinq morts sont tués lors d’une manifestation étudiante à El-Obeïd (Kordofan du Nord). Les négociations sont suspendues et le CMT condamne ce crime

Août 2019

Le 1er août, alors que des milliers de personnes manifestent, une fusillade provoque la mort de quatre d’entre eux.

Le 3 août, un accord sur une déclaration constitutionnelle est trouvé. Selon l’accord signé le 4 août, le Conseil de souveraineté devait initialement être formé le 18 août, le Premier ministre nommé le 20 et le gouvernement le 28. L’ALC doit avoir 201 sièges de députés sur 300.

Le 9 août, le CMT annule les peines de mort à l’encontre de Malik Agar et Yasir Arman.

L’accord est signé le 17 août. Le Conseil de souveraineté, dirigé par al-Burhan, est formé le 20 août, et doit prendre ses fonctions le lendemain.

https://www.lorientlejour.com/article/1181549/chronologie-de-plus-de-sept-mois-de-crise-au-soudan.html

25 octobre 2021, la contre-révolution militaire

Le 25 octobre 2021, les militaires soudanais, dirigés par le général Abdel Fattah al-Burhan, ont arrêté les membres du gouvernement de transition et déclaré l’état d’urgence, initiant un coup d’État qui vise à réaffirmer leur domination sur le pays. Depuis lors, protestations de masse et grèves générales se sont succédées, des millions de personnes refusant le retour à la normale sous un régime militaire. Elles manifestent leur refus en érigeant des barricades, en s’organisant en comités de résistance, et en relançant la révolution soudanaise bloquée de 2018-19, dans des conditions d’une suspension quasi-totale de l’accès à internet.

https://www.contretemps.eu/soudan-contre-revolution-soulevement/

La réaction au coup d’Etat contre-révolutionnaire

https://www.contretemps.eu/soudan-annee-lutte-coup-detat/

https://www.contretemps.eu/soulevement-soudan-comites-resistance/

Avril-mai 2023

https://www.marxiste.org/international/afrique/soudan/3235-soudan-la-contre-revolution-se-dechire

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