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Garap - Adresse aux déserteurs de toutes les nations

jeudi 2 novembre 2023, par Karob, Robert Paris

Avertisssement : Nous avons reçu ce texte du GARAP que nous publions volontiers tout en défendant des positions différentes que nous avons plusieurs fois exposées, notamment ici :

Le Hamas vient de mener une attaque d’une ampleur inédite contre Israël dont l’Etat a été pris par surprise mais ce n’est pas pour autant une victoire pour les Palestiniens.

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article7420

Un nouvel épisode de guerre, entre Israël et le groupe armé palestinien Hamas, ensanglante le Proche-Orient. Moins d’un mois après l’attaque de l’Azerbaïdjan contre la population arménienne du Haut-Karabagh. L’Azerbaïdjan était armé, en grande partie, par Israël ! Cette poussée de l’Azerbaïdjan participe à l’encerclement de la Russie et de l’Iran. L’expulsion définitive d’Arméniens "chrétiens" du Haut-Karabagh, par les "musulmans" Azeris avec la complicité des impérialismes Européens et Nord-américains par l’intermédiaire de leur allié indéfectible Israël, du pilier de l’OTAN qu’est la Turquie, a été masqué en France derrière des "protestations humanitaires" du gouvernement.

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article7421

Nouveaux crimes de guerre d’Israël contre les Palestiniens

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article6234

Pourquoi Israël a aidé le Hamas à se développer ?

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article865

En agressant violemment Gaza, Nétanyahou tente de protèger la sécurité de sa réelection et celle de ses classes dirigeantes… du mécontentement social des Israéliens appauvris

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article2519
Quelle "solution" en Palestine ?

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article1803

Les Palestiniens et la révolution au Moyen-Orient

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article71

Une grève générale et des manifestations de masse ébranlent le régime israélien

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article7213

D’où vient l’extrême-droite qui gouverne aujourd’hui en Israël ? Du terrorisme !

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article3559

Garap

Adresse aux déserteurs de toutes les nations

Dans un monde où la barbarie est banale, les attaques du Hamas le 7 octobre 2023 ont constitué un nouveau pallier dans l’horreur : 1400 morts israéliens dont 1100 civils (prolétaires, pour la plupart) massacrés dans des conditions atroces – et 300 militaires et policiers, ainsi que des centaines d’otages emmenés dans la bande de Gaza. La double dimension – principalement criminelle et pogromiste, mais également militaire – des attaques du Hamas permet aux tenants du camp dit « pro-palestinien » de passer tactiquement sous silence les crimes de masse contre des populations civiles. A contrario, le camp dit « proisraélien » (auquel s’identifie l’axe « républicain » qui va du PS au RN en passant par LREM), « oubliant » la dimension militaire, n’évoque que les massacres de civils – permettant ainsi de justifier d’autres massacres de civils, avec les bombardements actuels sur la bande de Gaza (qui ont déjà coûté la vie à plus de 5000 personnes). À l’instar du ministre israélien de la Défense Yoav GALANT qualifiant les Gazaouis d’« animaux », il n’y a plus aucune distinction opérée entre civils et militaires : chaque peuple est considéré comme une grande masse indistincte tout juste bonne à être massacrée et les deux « camps » en présence participent à ce bal sanglant, nous sommant de choisir notre barbarie.

Au-delà de l’émotion générée par ces attaques, l’impasse politique dans laquelle les dirigeants israéliens ont enfermé la population de Gaza depuis trois décennies rendait pourtant inévitable tôt ou tard une tentative de solution « militaire ». En effet, Israël, tout en cherchant à briser son relatif isolement diplomatique et économique en négociant des traités de paix avec les États arabes voisins, laissait les Gazaouis croupir dans un territoire pauvre, surpeuplé et régulièrement bombardé par Tsahal – le tout sans aucune perspective de développement. Cette tentative de faire la paix avec les États arabes (soutiens traditionnels – quoique très hypocrites – de la cause palestinienne) tout en laissant en suspens la question palestinienne revêtait un caractère illusoire qui s’est révélé de manière sanglante à la société israélienne lors des attaques du 7 octobre 2023. Mais, si la Bande de Gaza est une prison, le Hamas est son geôlier appointé par Israël. En effet, afin d’endiguer les mouvements – laïcs – de la résistance palestinienne (Fatah, FPLP) en vogue à l’époque, les services de sécurité israéliens n’ont aucunement hésité à appuyer le développement du Hamas en Palestine en n’autorisant que l’ouverture de mosquées liées aux Frères musulmans (faisant doubler leur nombre entre 1967 et 1986) et en leur déléguant de fait les tâches habituellement dévolues au Welfare State. Le pari israélien n’a qu’en partie réussi : il s’avère à l’usage que l’islamisme se marie très bien avec le nationalisme mais, à défaut de supprimer la cause palestinienne, la manœuvre israélienne a au moins permis de l’« islamiser ». Depuis trente ans, le Hamas se révèle l’allié objectif de la frange la plus réactionnaire du mouvement sioniste et garantit, par ses nombreux attentats visant la population civile, qu’aucune fraternisation entre prolétaires juifs et arabes ne sera possible. Cette stratégie avait été explicitée par le chef du renseignement militaire israélien Amos YADLIN en juin 2007 : « Israël serait heureux si le Hamas s’emparait de Gaza parce que l’armée pourrait alors traiter Gaza comme un État hostile. »

Dénoncée par la jeunesse gazaouie dans un Manifeste de 2010 comme « une organisation tentaculaire qui s’est étendue à travers la société, tel un cancer malveillant déterminé à détruire dans sa propagation jusqu’à la dernière cellule vivante », le mouvement frériste palestinien impose un conservatisme social brutal à toute une société et supprime toute opposition en faisant régner la terreur. Parallèlement, dans une société où la jeunesse israélienne se détachait de plus en plus des valeurs militaristes et nationalistes, les exactions du Hamas qui a opportunément ciblé cette même jeunesse et attaqué les endroits qui étaient les plus hostiles à l’actuel gouvernement (le kibboutz de Beer’i, une rave party pour la paix, etc.) sont venues ressouder la société autour de ses piliers historiques : l’armée, la guerre, le racisme anti-arabe. Car, au-delà des éléments de langage distillés par les propagandistes zélés du sionisme (« Faire fleurir le désert », « Une terre sans peuple pour un peuple sans terre »), Israël est un État « bourgeois militariste et rabbinique » doublé d’une « économie artificielle » (Internationale Situationniste, 1967) totalement dépendant – pour sa survie – de l’aide diplomatique, économique et militaire états-unienne. Ce qui était initialement une utopie socialiste notamment avec le mouvement des kibboutz (villages collectivistes) a débouché sur un nettoyage ethnique lors de la guerre israélo-arabe et de la création d’Israël en 1948, pour devenir par la suite un enfer néolibéral et inégalitaire.

Les conditions de la création de l’État d’Israël n’ont cependant rien d’exceptionnel : ce qui l’a notamment rendu possible, c’est le cadre moderne du nationalisme inscrit dans un État-nation. Ce dernier implique nécessairement que se superposent une terre, un peuple / une nation et une langue voire – en bonus– une religion. L’État turc moderne, par exemple, s’est bâti sur le génocide de la population arménienne. La partition de l’Inde en 1947 s’est faite sur des bases ethno-religieuses qui ont donné lieu à des transferts massifs de population et des massacres de grande ampleur (environ un million de morts). D’autres pays, lors de leur création ou ultérieurement, ont été livrés à des guerres entre gangs rivaux – prétendant agir au nom de telle ou telle bannière identitaire et eux-mêmes instrumentalisés par des impérialismes concurrents – pour le contrôle du pouvoir et des ressources socio-économiques : Rwanda (génocide des Tutsis en 1994), Soudan du Sud (guerre civile de 2013 à 2020). La Yougoslavie – démantelée par les puissances impérialistes au nom du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » – a cédé la place à une myriade d’États eux-mêmes en proie à des micro-nationalismes : ainsi, la minorité kosovare, devenue majoritaire dans « son » propre pays en 1999, discrimine une population serbe devenue à son tour minoritaire. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes se transforme inévitablement en droit des États nouvellement créés à disposer comme ils l’entendent de leurs minorités.

À la lueur de tous ces exemples, comment croire que la « solution à deux États » en Palestine telle que prônée par la « communauté internationale » pourrait aboutir à un règlement juste et durable du conflit ? Dans un monde où règnent les impérialismes rivaux, où les richesses font l’objet de conflits, où les notions de « minorité » et de « majorité » conservent (hélas) leur fonction opératoire, comment penser qu’une simple partition de la Palestine sur des bases ethno-religieuses puisse être autre chose qu’une étape supplémentaire dans la perpétuation du conflit ? Israël se prétendant « État juif et démocratique », la conservation de son caractère « juif » ne peut être garantie qu’en maintenant la population arabe dans un état de minorité et en déversant le « trop-plein » chez ses voisins arabes. Et, dans ces conditions, que deviendrait, de son côté, la minorité juive dans l’État palestinien nouvellement créé ?

Quant à la solution alternative dite « à un État », celui de tous ses citoyens, de quel État s’agirait-il ? D’un Israël élargi où tout ou partie des Palestiniens des anciens territoires occupés seraient priés d’aller s’exiler ailleurs pour ne pas remettre en cause la majorité juive de l’État, tandis que les Arabes seraient maintenus au bas de l’échelle sociale ? D’un État « arabe » qui réduirait les Juifs à l’état de minorité et ne leur offrirait aucune garantie contre l’antisémitisme ? Comment imaginer que les deux peuples pourraient, sans une révolution radicale, oublier du jour au lendemain tous leurs clivages et toutes leurs haines et s’unir dans un État commun ? Dans sa sobre réalité, le nouvel État ne serait, à l’instar d’Israël avant lui, « rien d’autre qu’une vulgaire société de classes, où [se reconstitueraient] toutes les anomalies des vieilles sociétés » avec ses « divisions hiérarchiques », son racisme et ses « oppositions ethniques » (Internationale Situationniste, 1967). La solution dite « réaliste » n’est donc qu’une utopie. La tâche des révolutionnaires n’est pas de proposer des solutions pour mieux gérer ce monde tel qu’il est mais de le détruire.

Pour nous, le monde se divise en classes et non pas en clans ou en camps : nous refusons de diaboliser des peuples et des pays et ne faisons allégeance à aucun nationalisme sous quelque forme que ce soit. C’est sur la base de leur condition sociale que les populations doivent s’unir et non pas en fonction de leur identité. Ce vieux monde doit disparaître et il ne saurait être question pour nous d’entretenir ces vieilleries mortifères que sont les nations, les ethnies, les races et les religions. Il faut démanteler le cadre de l’État-nation, avec ses minorités et ses majorités, pour lui substituer partout des communes, des conseils, des soviets librement fédérés. L’État n’est pas la solution au problème du racisme et de l’antisémitisme : il est le problème. Nationalisme arabe et panislamisme, d’un côté, sionisme, de l’autre, sont les deux faces d’une même médaille. Leur affrontement spectaculaire se fait sur le dos du prolétariat. Que celui-ci se lève enfin et ils tomberont à terre aussitôt ! Le prolétariat n’a pas de patrie ! Au Proche-Orient comme partout ailleurs, ni un ni deux ni trois : zéro États ! Établissons le communisme mondial et sans frontières !

Signé par : Collectif Autonome Révolutionnaire (collectifautonomerevolutionnaire@riseup.net) ; Groupe d’Action pour la Recomposition de l’Autonomie Prolétarienne (contact.garap@protonmail.com)

Messages

  • Un premier point de désaccord avec ce texte est l’absence complète de dénonciation de l’impérialisme français :

    Les conditions de la création de l’État d’Israël n’ont cependant rien d’exceptionnel : ce qui l’a notamment rendu possible, c’est le cadre moderne du nationalisme inscrit dans un État-nation. Ce dernier implique nécessairement que se superposent une terre, un peuple / une nation et une langue voire – en bonus– une religion. L’État turc moderne, par exemple, s’est bâti sur le génocide de la population arménienne.

    Or ce "cadre" date de 1920, date non mentionnée par le Garap, et n’est pas celui décrit par le Garap comme « le cadre moderne du nationalisme inscrit dans un État-nation. » C’est celui des micro-nationalismes locaux (en général dans le but justement d’empêcher l’existence d’Etats-nations viables) orchestrés par les impérialismes français et britanniques, notamment lors de la conférence de San Remo (avril 1920). La création d’un Etat-nation a été empêchée par ces impérialismes (bataille de Meysalou, été 1920, le général français Gouraud écrase le roi Faysal) dans le cas de la Grande Syrie qui devait englober ce qui correspond aujourd’hui à Syrie+Liban+Israël+Jordanie+Cisjordanie+Bande de Gaza. Ce n’est pas le mécanisme spontané de mise en place d’Etats-nations laissé à lui seul qui a abouti à la situation actuelle au Proche-Orient, c’est l’impérialisme français et britannique, qui se sont opposés à ce mécanisme.

    De plus cet impérialisme français avait démembré la future Turquie par le Traité de Sèvres. La Turquie s’est construite contre ce traité, par la défaite de l’impérialisme français, qui fut une bonne chose. Pas seulement par le génocide des arméniens. Le Garap a l’air de renvoyer dos-à-dos la France et la Turquie bourgeoises dans cette question en la passant sous silence alors que les révolutionnaires en France auraient dénoncé le Traité de Sèvres, comme le firent les bolchéviks.

    Vu que cette absence de critique de l’impérialisme français est le dénominateur commun avec LO, le NPA, cette absence à elle seule compromet, à mon avis, la possibilité de signer cette version du texte. Car l’extrême-gauche officielle (LO, NPA) fait du tapage dans sa dénonciation (en paroles) du colonialisme d’Israël pour masquer son abdication devant le colonialisme français (Mayotte, Niger). Malheureusement le Garap à l’air de s’inscrire dans cette ligne par les formulations utilisées dans ce texte, alors que ce n’est peut-être pas le cas, vu les positions habituelles du Garap.

  • Merci pour ce texte du GARAP avec une vision qui tente de déjouer les nationalismes, les patriotismes, les systèmes religieux qui servent de couvertures à la classe dominante bourgeoise, mais qui au final ne fait que dénoncer une fois de plus l’état dans lequel le prolétariat dans son ensemble fermente. C’est le langage typique qu’utilisent les anarchistes sans offrir de solution autres que la dénonciation d’une situation au nom d’une révolution "prolétarienne", bien sûr, sans appel à créer un parti révolutionnaire à prendre résolument le pouvoir.

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    Le Garap écrit :

    "L’État n’est pas la solution"

    https://www.matierevolution.fr/spip.php?article7450

    Si cela concerne aussi l’Etat ouvrier ou pouvoir des conseils ouvriers, nous ne sommes pas d’accord !

    vive l’Etat ouvrier palestinien et l’Etat ouvrier israélien, fédérés ! vive l’Etat ouvrier russe et l’Etat ouvrier ukrainien unis !

    Le "à bas tout Etat" des anarchistes et de certains communistes de gauche nous désarme complètement face à l’Etat comme l’a bien montré la politique des anarchistes en Espagne en 1936...

    Il faut un Etat ouvrier pour déraciner l’Etat capitaliste !

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