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Qui "singe" par mimétisme et qui découvre par lui-même le monde ? Le singe ou l’homme ?

mercredi 25 novembre 2020, par Robert Paris

Formation infantile et développement, intelligence et apprentissage : le singe est un homme et l’homme est un singe…

Avertissement : il n’est pas question ici de faire parler aux singes le langage des humains, soi-disant pour les comparer à l’homme…

Lequel est plus autonome, lequel est plus individuel, lequel apprend par lui-même, lequel fait davantage ses propres choix, lequel est plus avancé, lequel est en retard ?

L’homme et beaucoup plus mimétique que le singe !! Le singe se forme de manière beaucoup plus autonome et dans l’autoapprentissage que l’homme !! C’est l’être humain qui « singe » et c’est le singe qui « découvre par lui-même le monde » !

Qui est simiesque et qui est humain, au sens de l’apprentissage, de la formation de l’intelligence, de la transmission des connaissances, de l’acquisition individuelle et collective du savoir et de la conscience ? Bien sûr, on peut aisément répondre que c’est le singe qui est simiesque et l’homme qui est humain. Mais ce n’est pas si vrai que cela peut le sembler ?

En tout cas, on a eu l’habitude d’appeler comportement simiesque le fait de « singer » l’autre et d’apprendre en l’imitant. Eh bien, il s’avère que la formation du petit singe ne se fait pas ainsi alors que celle du petit d’homme est, de ce point de vue, simiesque !!!

Et il ne s’agit pas d’un seul domaine mais de nombreux secteurs différents de formation du comportement de l’individu.

Le comportement humain se ferait par imitation aussi bien en ce qui concerne la formation des rythmes de battement cardiaque et de la respiration, de nombreuses mimiques du visage, notamment du sourire, du mode d’alimentation, du langage oral que de l’acquisition par le petit enfant des connaissances, des méthodes, des pratiques, des gestes…

Ainsi, le nouveau-né a besoin de « singer » la respiration des adultes en la sentant par contact, en dormant avec ses parents, pour pouvoir développer son propre rythme respiratoire et pour cela, il imite.

Autre exemple : un enfant qui n’aurait vu que des visages adultes ne souriant pas ne saurait pas sourire !!! En effet, il a besoin d’un visage souriant pour développer le sourire qu’il ne possède pas à la naissance, ni ne peut développer par lui-même plus tard.

La nervosité elle aussi est acquise à partir de celle des parents.

Ce n’est pas seulement des acquisitions cognitives qui vont entièrement dépendre d’un apprentissage aidé par les parents ou d’autres adultes, ce sont de multiples manière de vivre, d’exister, de sentir, de goûter, d’apprécier, de se comporter… Par exemple le goût culinaire, le son des voix, les réactions, les choix comportementaux…

Dans bien des domaines, le nouveau-né sait très peu de choses et il les apprend par imitation.

« Dès 6 mois les bébés sont capables d’imiter immédiatement des gestes simples comme par exemple tirer sur une ficelle ou appuyer sur un bouton (Abravanel & Badets, 1976 ; Barr, Dowden, & Hayne, 1996). Vers 9 mois, ils deviennent capables d’imitation différée (Herbert, Gross, & Hayne, 2006). Certaines études montrent une augmentation de l’imitation immédiate entre 8 et 12 mois (Devouche, 2004), d’autres entre 9 et 12 mois (Fagard, & Lockman, 2010), d’autres entre 12 et 15 mois (Elsner & Aschersleben, 2003) et d’autres enfin entre 15 et 18 mois (McCall, 1974). Ces différences dans les observations sont probablement dues aux actions cibles utilisées : plus l’action est complexe, moins l’enfant imite (Wang, Fu, Zimmer, & Aschersleben, sous presse). De plus, dans certaines études sur l’imitation les mêmes actions cibles sont utilisées pour tester des enfants d’âges différents. Or il est difficile de savoir en utilisant les mêmes tâches si les enfants les plus âgés imitent plus grâce à de meilleures capacités d’imitation ou grâce au fait que les tâches deviennent plus faciles pour eux et donc que l’imitation de ces tâches devient plus simple. Ainsi une étude utilisant des tâches de difficulté variée a montré une augmentation de l’imitation entre 9 et 12 mois pour les tâches simples et entre 15 et 18 mois pour les tâches plus complexes (Abravanel & Badets, 1976). Les études sur l’apprentissage par observation montrent que les enfants commencent à bénéficier de l’observation de l’autre pour apprendre une nouvelle action à partir de l’âge de 12 mois (Provasi, Dubon, & Bloch, 2001) et que l’apprentissage par observation devient efficace vers l’âge de 15 mois (Elsner, 2007). Une étude récente testant le développement de l’apprentissage par observation entre 8 et 18 mois en utilisant des tâches de difficulté croissante avec l’âge (Esseily, Nadel, & Fagard, 2010) montre que le pourcentage d’actions cibles réalisées après une démonstration commence à augmenter à 10 mois mais n’augmente de façon significative qu’entre 12 et 15 mois. Par ailleurs, nous savons que l’apprentissage par observation de nouvelles tâches aussi complexes que l’utilisation d’outils est rare avant deux ans (Tagawa, 1937 ; Chen & Siegler, 2000). Dans la plupart des études citées ci-dessus, qu’il s’agisse des études d’imitation ou d’apprentissage par observation, le modèle qui réalise la démonstration est un adulte. » Source

Le nouveau-né est-il capable d’imiter ?

Les étapes de l’imitation dans le développement de l’enfant

Le problème de l’imitation chez le nouveau-né

Bébé humain joue à vous imiter

Mimétisme : pour grandir, bébé imite tout ce que vous faites !

Le processus d’apprentissage du petit d’homme est essentiellement du mimétisme

Etre « malin comme un singe », le petit nouveau-né humain ne le peut pas !

Une des différences considérables entre bébés humais et bébés singes est le temps d’apprentissage, beaucoup plus long chez l’homme et aux étapes très retardées. Ce n’est pas un caractère culturel puisque toutes les étapes de formation physiciologiques sont également concernées par ce « retard » des horloges du développement de l’humain qui font que le bébé d’homme n’est nullement autonome quand le bébé singe l’est.

« Le bébé humain est aussi le seul de tous les bébés mammifères qui naît alors même que la construction de son cerveau n’est pas encore entièrement terminée… La plus grande partie de la construction du cerveau humain s’effectue à l’air libre, après la sortie du bébé du corps de la mère, contrairement aux bébés des autres espèces mammifères qui naissent avec un cerveau pour ainsi dire achevé et d’emblée opérationnel de manière assez autonome. » Source

« La boîte crâniennenon soudée à la naissance, l’absence de pilositédu bébé ou la faiblesse de l’appareil musculaire sont des marques de néoténie. L’importance de la néoténie pour la biologie humaine a été étudiée par Desmond Morris(par exemple dans son très célèbre ouvrage : Le Singe nu2), notamment pour expliquer la désirabilité des caractères juvéniles chez la femme(voir attirance sexuelle).L’hypothèse du caractère néoténique au sens large de l’être humain procède aussi d’une dimension anthropologique et philosophique, soulignée entre autres par le philosophe français Dany-Robert Dufour3 : du fait de son inachèvement, l’homme serait un être intrinsèquement prématuré, dépendant de la relation à l’Autre, d’où la substitution nécessaire de la Cultureà la Naturepropre à cette espèce, et sa place particulière dans l’histoire de l’évolution, l’homme se réappropriant le monde par la parole, la croyance symbolique et la « création prothétique », c’est-à-dire la technique. Le paradoxe de la « débilité » naturelle de l’humanité au regard de sa supériorité évolutive pourrait être expliqué par une hypothèse encore plus audacieuse : par son essence inachevée et naturellement indéterminée à la naissance, l’homme jouirait d’une supériorité sélective du fait de l’extraordinaire plasticité desadaptations culturelles au regard de la sélection naturelle. La techniqueet la culturese substituant à la programmation instinctuelle des autres animaux, créent la possibilité d’adaptations extrêmement plus rapides que celles permises par le processus darwinien de sélection naturelle, fondé sur la transmission des caractères génétiques. Cette disposition implique en contrepartie l’extrême vulnérabilité des petits humains, et leur longue dépendance vis-à-vis des sujets adultes, la socialisationconstituant une étape nécessaire, longue et coûteuse en énergie, à la formation d’individus viables et autonomes. Konrad Lorenzdans Psychologie et phylogénèseévoque la néoténie humaine. Il la relie à sa curiosité et son ouverture au monde et sa déspécialisation. Elles en font un être curieux non spécialisé4

Source

Néoténie chez l’homme

On sait que nous humains avons de grandes ressemblances et une grande proximité avec « les singes », notamment une proximité génétique et mrophologique et même parfois comportementale, et pourtant notre acquisition en tant que nouveau-nés est très dissemblable. Nous humains, sommes très EN RETARD dans notre développement !!! On dit que nous sommes néoténiques. Tous nos stades d’acquisition sont retardés par rapport au bébé singe…

Le développement du bébé est très dissemblable entre nouveaux-nés, bébés et enfants, humains et singes.

« À sa naissance, le bébé humain est le plus immature des animaux. Son cerveau fait à peine 30 % de la taille qu’il aura à l’âge adulte. » Source

« Juste après la naissance, le jeune singe est, comme chacun sait, infiniment plus actif que l’enfant humain dès sa naissance. » Source

L’homme nait plus immature que le singe

Jean-Didier Vincent dans "Celui qui parlait presque", Odile Jacob :
« Le petit enfant singe [...] vous ressemble : le front plat, les yeux émerveillés, le menton fuyant et la peau nue comme celle d’un baigneur.
— Vous voulez dire qu’à sa naissance le petit singe ressemble à l’homme adulte ?
— Nous appelons ce phénomène la néoténie : un nouveau-né capable de devenir adulte et d’acquérir la capacité de se reproduire sans s’être métamorphosé ou avoir atteint sa maturité complète.
— L’humanité naîtrait donc des suites d’un petit défaut génétique. Votre homme serait, non seulement un singe, mais un singe taré.
— Pourquoi pas ? Un freinage accidentel dans le développement du jeune singe et le voici à l’école, cent mille ans plus tard, dissimulant sa peau nue sous des pantalons tachés d’encre."

Stephen Jay Gould écrit dans « Le pouce du panda » :
« Le crâne de l’embryon humain diffère peu de celui des chimpanzés. Au cours de leur croissance, les formes deux espèces suivent le même chemin : diminution relative de la voûte crânienne, le cerveau se développant beaucoup plus lentement que le corps après la naissance et accroissement relatif continu de la mâchoire. Mais, alors qu les chimpanzés accentuent ces transformations et que les adultes présentent un aspect extérieur profondément différent de celui du nouveau-né, nous poursuivons notre croissance beaucoup plus lentement et n’allons jamais aussi loin qu’eux. C’est-à-dire qu’à l’état adulte nous conservons des caractéristiques de la jeunesse. (…) Le ralentissement sensible de notre développement a entraîné la néoténie. Les primates comparés aux autres mammifères ont un développement lent, mais nous avons accentué cette tendance plus qu’aucun autre mammifère. Nous avons une très longue période de gestation, une enfance qui se prolonge de façon remarquable et une longévité supérieure à celle de tous les autres mammifères. Les caractéristiques de la jeunesse éternelle nous ont rendu bien des services. L’accroissement de la taille de notre cerveau est, au moins en partie, dû au report de la rapide croissance prénatale à des âges plus tardifs. Chez tous les mammifères, le cerveau croît rapidement in utero, mais souvent fort peu après la naissance. Nous avons reporté cette phase fœtale dans la vie post-natale. Mais les changements dans le temps ont été tout aussi importants. Nous sommes au tout premier chef des animaux capables d’apprendre et notre enfance prolongée permet la transmission de la culture par l’éducation.

Lacan dans « Les Complexes familiaux » pour l’encyclopédie française :

« LE SEVRAGE : PREMATURATION SPECIFIQUE DE LA NAISSANCE
Il faut remarquer que le retard de la dentition et de la marche, un retard corrélatif de la plupart des appareils et des fonctions, déterminent chez l’enfant une impuissance vitale totale qui dure au delà des deux premières années. Ce fait doit-il être tenu pour solidaire de ceux qui donnent au développement somatique ultérieur de l’homme son caractère d’exception par rapport aux animaux de sa classe : la durée de la période d’enfance et le retard de la puberté ? Quoi qu’il en soit, il ne faut pas hésiter à reconnaître au premier âge une déficience biologique positive, et à considérer l’homme comme un animal à naissance prématurée. »
« La perception de la forme du semblable en tant qu’unité mentale est liée chez l’être vivant à un niveau corrélatif d’intelligence et de sociabilité. L’imitation au signal la montre, réduite, chez l’animal de troupeau ; les structures échomimiques, échopraxiques en manifestent l’infinie richesse chez le Singe et chez l’homme. C’est le sens primaire de l’intérêt que l’un et l’autre manifestent à leur image spéculaire. Mais si leurs comportements à l’égard de cette image, sous la forme de tentatives d’appréhension manuelle, paraissent se ressembler, ces jeux ne dominent chez l’homme que pendant un moment, à la fin de la première année, âge dénommé par Bühler « âge du Chimpanzé » parce que l’homme y passe à un pareil niveau d’intelligence instrumentale. »
Ainsi, l’homme, à la fin de sa première année, atteindrait un « âge du Chimpanzé », âge où l’intelligence est instrumentale. Cela signifie que le chimpanzé aurait une intelligence différente de celle de l’homme, type d’intelligence que l’homme dépasserait ensuite dans le développement de l’enfance.

Frédéric Fruteau de Laclos, dans « Émile Meyerson » :

« Dès les années 1930, en se fondant sur les travaux d’anatomie de son temps, Lacan défendait la thèse d’une « prématuration spécifique de la naissance chez l’homme » : tout se passe comme si l’être humain naissait prématurément. Il est fondamentalement inachevé, constitutivement déficient. Ainsi que l’écrit en une formule frappante Louis Bolk, référence chère à Lacan, « l’homme est, du point de vue corporel, un fœtus de primate parvenu à maturité sexuelle ». »

Comparativement aux autres primates, nous grandissons et nous nous développons à la vitesse de l’escargot. Pourtant, notre période de gestation ne dure que quelques jours de plus que celle du gorille ou du chimpanzé, et elle est très courte relativement à notre rythme de développement. Si le ralentissement de la gestation était aussi marqué que celui de notre développement, les bébés humains naîtraient selon les estimations, entre sept et huit mois ou même un an après les neuf mois effectivement passés in utero. Mais n’est-ce pas se laisser aller à une métaphore facile que de dire que les bébés humains sont encore des embryons ?

Chez les nouveau-nés humains, par exemple, les extrémités des os et les doigts ne sont pas ossifiées ; les centres d’ossification sont en général totalement inexistants dans les os des doigts. Ce niveau d’ossification correspond à la dix-huitième semaine du foetus chez le macaque. Quand les macaques naissent, à vingt-quatre semaines, les os des membres sont ossifiés dans des proportions que les bébés humains n’atteignent que plusieurs années après la naissance. De plus, notre cerveau poursuit sa croissance à un rythme rapide, foetal, après la naissance. Chez beaucoup de mammifères, le cerveau est, pour l’essentiel, complètement formé quand ils naissent. Chez les autres primates, le développement du cerveau continue au début de la croissance postnatale. A la naissance, le cerveau de l’enfant ne représente que le quart de sa taille définitive. Selon Passingham, « le cerveau de l’homme n’atteint la taille de celui du nouveau-né chez le chimpanzé que six mois après la naissance. Cela correspond exactement à la période à laquelle l’homme devrait naître, si sa gestation représentait une part aussi importante du développement et de l’espérance de vie que chez les singes ».

A. H. Schulz, anatomiste spécialisé dans les primates, conclut son étude comparative de la croissance des primates en ces termes : « Il est évident que l’ontogenèse de l’être humain n’est pas singulière en ce qui concerne la durée de la vie intra-utérine mais elle est très particulière si l’on se réfère au temps nécessaire à l’achèvement de la croissance et à l’apparition de la sénilité. » Mais pourquoi les bébés humains naissent-ils plus tôt qu’ils ne le devraient ? Pourquoi l’évolution a-t’elle allongé l’ensemble de notre développement dans des proportions aussi importantes, tout en limitant le temps de gestation, ce qui donne à notre bébé les caractéristiques d’un embryon ? Pourquoi la gestation n’a-t’elle pas été prolongée dans les mêmes proportions que le développement ? D’après Portmann, qui a une conception spiritualiste de l’évolution, cette naissance précoce serait fonction des nécessités intellectuelles. Il estime que les êtres humains doivent quitter l’obscurité rassurante du ventre de leur mère et accéder, toujours à l’état d’embryons, à l’environnement extra-utérin, riche en stimulations sensorielles.

La néoténie est un phénomène biologique rare qui consiste en la conservation de traits juvéniles chez un être vivant adulte. Au cours du vingtième siècle, différents auteurs ont formulé l’hypothèse que l’homme, sous certains aspects, pourrait bien, lui aussi, être qualifié de néoténique. Exemple d’un caractère néoténique de l’homme : l’homme affiche à 1 an seulement 50 % de son volume cérébral final. Le cerveau de l’homme est paradoxal. A la naissance, c’est le plus petit (par rapport à la masse corporelle) de tous les primates : il représente 25 % de la taille finale chez le nourrisson, alors que celui du bébé macaque monte à 70 %. Et à l’âge adulte, c’est l’inverse : c’est lui le plus gros.

Selon Jean Chaline, un grand nombre de modifications entre le singe et l’homme seraient liées à la néoténie, c’est-à-dire à ce retard d’horloge. Le menton de la mandibule des hommes modernes apparaît entre 6 et 13 ans. Ce serait le résultat d’un retard qui aurait des effets inégaux sur le développement des dents, s’arrêtant vers 7 ans, et de la partie basale de la mandibule qui se poursuit jusqu’à la maturité sexuelle. Il en serait de même en ce qui concerne notamment les poumons ou le pelage réduit de l’homme. Par exemple, nous avons la pilosité d’un enfant chimpanzé. La descente du larynx de l’homme qui agrandit le pharynx et permet le langage articulé est un phénomène tardif qui commence chez l’embryon, se poursuit chez le foetus et s’accomplit chez le jeune. Chez l’homme, jusqu’à un an et demi, la position du larynx est la même que chez le singe.
Autre phénomène tardif du développement : la croissance du fémur liée aussi à une maturité sexuelle avancée. Nous avons une très longue période de gestation, une enfance qui se prolonge de façon remarquable et une longévité plus grande que les autres mammifères et notamment les plus proches de nous, les singes.
La néoténie décrit, en biologie du développement, la conservation de caractéristiques juvéniles chez les adultes d’une espèce, ou le fait d’atteindre la maturité sexuelle par un organisme encore au stade larvaire. Ces phénomènes sont plutôt observés chez des amphibiens et des insectes, pour lesquels on parle de pédogenèse.

L’exemple le plus connu est l’axolotl ; on a même parfois cru avoir affaire à deux espèces alors qu’il s’agissait de larves se reproduisant sans avoir atteint l’âge adulte.

Par ailleurs, on distingue chez les animaux une tendance à la conservation de caractères juvéniles lors de la domestication. Par exemple, les chiens remuent la queue et aboient comme le font les louveteaux, mais conservent ce comportement toute leur vie alors que les loups l’abandonnent à l’âge adulte.

La néoténie existe également dans la Lignée Verte, et particulièrement chez les plantes présentes en milieu très sec. Ainsi, à la moindre averse, les graines germent et fleurissent très rapidement, devenant susceptibles de reproduction sexuée avant même que l’appareil végétatif soit pleinement développé. Cette stratégie a été sélectionnée car elle garantit une reproduction même dans le cas où les plantes meurent avant la fin de leur développement. On retrouve également la néoténie chez Welwitschia, une Gnétale du désert de Namib.

Cette idée a été appliquée à l’humain qui possède des caractéristiques communes avec de jeunes primates (Louis Bolk dans les années 1920-1930, puis plus récemment par Stephen Jay Gould). Selon cette approche, la boîte crânienne non soudée à la naissance, l’absence de pilosité du bébé ou la faiblesse de l’appareil musculaire sont des marques de néoténie. L’importance de la néoténie pour la biologie humaine a été étudiée par Desmond Morris (par exemple dans son très célèbre ouvrage : Le Singe nu), notamment pour expliquer la désirabilité des caractères juvéniles chez la femme.

Le bébé singe est aussi plus autonome que le bébé homme…
Emmanuelle Grundmann remarque qu’en matière d’éducation par exemple, les chercheurs observent que lorsque les enfants singes se bagarrent ou se disputent, les mères ont tendance à les laisser gérer seuls le conflit. L’objectif est de les rendre autonomes et de leur donner l’opportunité de se construire une personnalité. Une leçon de vie ? Pourquoi pas : observer les grands singes, nos frères, nos cousins, permet de redécouvrir des comportements et des gestes naturels.

Source

« Le singe nu » de Desmond Morris :

« Il existe cent quatre-vingt-treize espèces vivantes de singes et de gorilles. Cent quatre-vingt-douze d’entre elles sont couvertes de poils. La seule exception est un singe nu qui s’est donné le nom d’Homo sapiens. Cette espèce à part, qui a brillamment réussi, passe une grande partie de son temps à étudier les plus nobles mobiles de son comportement et non moins de temps à en négliger (là, elle s’acharne) les mobiles fondamentaux. Le singe nu est fier d’avoir le plus gros cerveau, mais il s’efforce de dissimuler le fait qu’il a aussi e plus gros pénis, préférant attribuer cet honneur au puissant gorille. (…) Contrairement à ce qu’on imagine d’ordinaire, les grands singes terrestres possédaient déjà un grand cerveau développé. Ils vaient de bons yeux et des mains qui savaient empoigner. Puisque c’étaient des primates, ils avaient, bien entendu, un certain niveau d’organisation sociale. (….) Chez les primates supérieurs le sens de la vue domine nettement celui de l’odorat. Dans leur monde arboricole, bien voir est beaucoup plus important que bien sentir, et le museau a considérablement diminué de taille, ce qui donne aux yeux un bien meilleur champ de vision. Dans la recherche des la nourriture, les couleurs des fruits sont des indices précieux et, contrairement aux carnivores, les primates ont acquis une bonne vision des couleurs. Leurs yeux sont également mieux équipés pour repérer les détails statiques. Or, leur nourriture est statique et déceler d’infimes mouvements est moins important que reconnaître de subtiles différences de formes et de texture. L’ouïe est importante, mais beaucoup moins que pour les carnassiers qui chassent, et leurs oreilles extérieures sont plus petites et n’ont pas la mobilité de celles des carnivores. Le sens du goût est plus raffiné, le régime plus varié et plus riche en saveurs diverses. Il y a notamment une forte réaction positive aux denrées sucrées. (…) Le singe n’avait pas le genre d’équipement sensoriel nécessaire pour la vie au sol. Son odorat était trop faible et son ouïe pas assez fine. Son physique ne convenait absolument pas aux rudes épreuves d’endurance et aux sprints foudroyants. (…) Ce qui s’est produit est assez curieux. Le singe chasseur est devenu un singe infantile. Ce n’est pas la première fois qu’on voit l’évolution recourir à ce genre de subterfuge ; on l’a observé dans un certain nombre de cas très divers. Pour exprimer les choses très simplement, c’est un processus (appelé néoténie) grâce auquel certains caractères juvéniles ou infantiles persistent à l’état adulte. L’exemple le plus connu est celui de l’axolotl, une sorte de salamandre, qui peut demeurer un têtard toute sa vie et qui est capable de se reproduire dans cet état. On comprendra mieux la façon dont ce processus de néoténie aide le cerveau du primate à grandir et à se développer si l’on considère l’enfant à naître d’un singe caractéristique. Avant la naissance, le cerveau du fœtus de singe se développe rapidement. Quand l’animal vient au monde, son cerveau atteint déjà 70% de sa taille définitive, et sa croissance est achevée dans les six premiers mois de la vie. Même un jeune chimpanzé achève sa croissance cérébrale dans les douze mois qui suivent la naissance. Notre espèce, au contraire, possède à la naissance un cerveau qui n’a que 23% de sa taille adulte. Une rapide croissance se poursuit dans les six ans qui suivent la naissance, mais le développement ne s’achève que vers la vingt-troisième année. Donc, pour vous et moi, la croissance cérébrale se poursuit encore une dizaine d’années après la maturation sexuelle, mais pour le chimpanzé, elle s’achève six ou sept ans AVANT que l’animal ne devienne apte à la reproduction. Voilà qui explique très clairement ce que l’on entend quand on dit que nous sommes devenus des singes infantiles ; encore faut-il préciser cette notion. Nous (ou plutôt nos ancêtres les singes chasseurs) sommes devenus infantiles sur certains points, mais pas sur d’autres. Les taux respectifs de développement de nos diverses qualités se sont désynchronisés : alors que notre système de reproduction allait de l’avant, notre croissance cérébrale traînait. Il en allait ainsi dans divers autres domaines, certains aspects de notre développement se trouvant plus ou moins ralentis. Le cerveau ne fut pas la seule partie du corps affectée : l’attitude corporelle se trouva également influencée. Un mammifère, avant de venir au monde, a l’axe de la tête perpendiculaire au tronc. (…) Pour un animal vertical comme le singe chasseur, il est donc important de conserver l’angle fœtal. Là encore, il s’agit d’un exemple de néoténie, le caractère pré-natal persistant dans la vie post-natale et adulte. On peut expliquer ainsi de nombreux autres caractères physiques particuliers du singe chasseur. Le cou long et mince, le visage plat, la petitesse des dents et leur apparition tardive, l’absence de lourdes arcades sourcilières et la non-rotation du gros orteil. »

Les limites de l’imitation chez le chimpanzé
Personne n’a de réponse vraiment claire à cette question mais il semble quand même que la capacité d’imitation des chimpanzés soit à la fois plus limitée et moins utilisée que celle des humains. Par exemple, on a montré dans une expérience faite en 1993 à des chimpanzés captifs comment récupérer de la nourriture à l’extérieur de leur cage au moyen d’un râteau avec les dents tournées vers le haut. Les chimpanzés ont bien essayé d’utiliser le râteau mais pas forcément dans le bon sens, alors que de jeunes enfants y sont parvenus sans problème dès l’âge de deux ans. Les chimpanzés semblent donc capables en observant un modèle, de faire le lien entre un objet, un mouvement et un résultat – c’est ce qui expliquerait les résultats obtenus avec les capucins- mais ils ont plus de difficulté à imiter exactement les détails du geste dès qu’il se complique un peu. Autrement dit ils se concentrent sur le résultat plus que sur le procédé.
Cette limite est spectaculairement mise en évidence dans une expérience devenue célèbre : on montre à un chimpanzé (ou à un jeune enfant) comment sortir une récompense d’une boîte (soit opaque, soit transparente) en faisant toutes sortes d’actions sur cette boîte, certaines utiles et d’autres non.
 Lorsque la boîte est opaque, on ne peut distinguer quelles actions sont utiles ou pas. Les chimpanzés refont la séquence complète d’actions pour obtenir la récompense, aussi bien que les humains. Preuve une fois de plus, que le chimpanzé sait imiter par observation les mouvements simples.
 Par contre, quand la boîte est transparente et qu’on voit quelles actions sont manifestement inutiles, les enfants refont quand même la totalité des actions du modèle adulte alors que les chimpanzés sautent les étapes inutiles.
Dès qu’il pense comprendre comment ça marche, le chimpanzé cesse d’imiter le procédé avec exactitude et il recherche la solution par lui-même. Il privilégie donc naturellement l’apprentissage par émulation sociale. Les enfants, eux, accordent plus d’importance aux intentions et aux méthodes et imitent spontanément leur modèle. Il me paraît extraordinaire que la rationalité dans cette expérience soit du côté de l’animal plutôt que de l’homme, mais en occurrence cette irrationalité humaine semble bien au cœur de notre capacité à innover, à cumuler les changements culturels et les rites compliqués. Copier “bêtement” serait-il le propre de l’homme et la condition de son extraordinaire créativité ?

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