mercredi 19 décembre 2018, par
Bien sûr, en France, la question fait immédiatement penser aux gilets jaunes puisque ce mouvement de révolte spontané et auto-organisé a d’emblée démontré sa capacité à se développer par lui-même, de se coordonner, de mener ses actions, de développer son programme, de populariser ses objectifs et perspective, à s’autonomiser de ses encadreurs réformistes en se passant de toute direction syndicale et même de tout soutien des directions syndicales !!! Certes, parmi les travailleurs qui se mobilisent, on trouve de nombreux militants, anciens militants ou adhérents des syndicats de salariés mais ceux-ci ont rejoint les gilets jaunes en adoptant sa philosophie, à savoir de n’être surtout pas chapeautés, dirigés, encadrés par personne, ni appareil politique, ni appareil syndical, ni appareil associatif, de n’obéir à personne, de ne demander à personne ce qu’il penser et faire, ce qu’il faut décider et comment agir, que revendiquer et comment l’obtenir.
Nous sommes donc bien là à l’inverse des pratiques des directions syndicales ou intersyndicales que, dans le même pays, avec les mêmes gouvernants, avec les mêmes attaques, tous les syndicats viennent de nous administrer, que ce soit avec le mouvement des cheminots, avec les autres attaques antisociales comme les privatisations des services publics, les suppressions d’emplois privés (par exemple, à Ford Blanquefort et Ascoval), les suppression d’emplois publics (par exemple, dans l’enseignement et la recherche ou dans l’hôpital public), les suppressions des aides sociales ou les attaques contre les services sociaux, la santé, l’éducation, etc.
Dans tous ces cas, on a assisté au ballet traditionnel des appareils bureaucratiques des syndicats : aucune décision de la base, aucun contrôle de la base, aucun vote décisionnel de la base, aucune élection de délégués à la base, aucune organisation de la base et, finalement, les classes dirigeantes qui ne craignent rien du mouvement syndicale, qui ne cèdent sur rien, qui n’ont peur de rien…
Et aussi, autre caractéristique qui oppose ces journées d’inaction syndicales au mouvement des gilets jaunes, le réformisme syndical battait son plein hier, caractérisé par le respect de l’ordre des classes possédantes, l’encadrement policier… des syndicats, l’encadrement politique… des syndicats, le refus de toute forme d’insurrection ouvrière, le refus de toute forme d’auto-organisation ouvrière, le refus de toute tentative de déborder l’ordre des milliardaires, et notamment le refus de toute extension des mouvements en cours, de tout débordement vers d’autres secteurs d’activité, vers d’autres corporations, vers d’autres entreprises.
En somme, on a successivement la démonstration de l’inefficacité totale des syndicats dont tous les mouvements échouent sans cesse en ne se faisant nullement craindre des classes possédantes et de l’efficacité de l’insurrection du monde du travail qui, depuis un mois, ne cesse de frapper de terreur ces mêmes classes de bandits et de gouvernants à leur service !!!
Et l’un des principaux succès du mouvement actuel, c’est d’avoir fait monter brutalement le niveau d’auto-organisation et, du coup, de conscience sociale et politique du monde du Travail. Certes, dans ce domaine, tout ne changera pas en un jour, mais une réponse claire a été donnée à ceux qui prétendaient que la révolution sociale était très loin d’être d’actualité…
Le mouvement des gilets a clairement démontré que les travailleurs sont capables de s’organiser par eux-mêmes et que c’est la première des choses à faire pour faire reculer nos ennemis. Il a également démontré que la première des choses à ne pas faire, si on veut se faire craindre des classes possédantes, c’est de ne pas se ranger derrière des bureaucraties réformistes liées par mille liens (et d’abord ceux de leur financement) au pouvoir capitaliste et aux trusts.
Les premiers à avoir été complètement débordés, pris à contre-pied par le mouvement des gilets jaunes, c’est bien les appareils syndicaux, lesquels avaient participé activement à l’opération échouée de la campagne de propagande mensongère : gilets jaunes égale petite bourgeoisie puis gilets jaunes égale extrême droite, puis gilets jaunes égale ultra gauche, puis gilets jaunes égale casseurs, puis gilets jaunes égale affaiblissement des forces sécuritaires, égale manque de sécurité face au terrorisme !!!
Ensuite, le pouvoir a reculé, démontrant que les revendications des gilets jaunes, que ces syndicats voulaient discréditer, avaient bien une certaine valeur puisque le pouvoir bourgeois était contraint en partie au moins de leur céder. Là, les appareils syndicaux se sont divisé la tâche : les uns affirmant que ce recul qu’ils n’avaient en rien aidé était suffisant pour arrêter le mouvement qu’ils avaient combattu de toutes leurs forces. Ce sont les syndicats les plus ouvertement réactionnaires. Et les plus hypocrites, comme l’appareil de la CGT, eux, ont affirmé que le mouvement des gilets jaunes n’avait rien obtenu, que le pouvoir n’avait en rien reculé et qu’il n’y avait aucune démonstration d’efficacité de l’insurrection, comme d’inefficacité des appareils syndicaux !!! La plupart des organisations de gauche et d’extrême gauche, qui pactisent avec ces appareils syndicaux, ont tenu le même discours !!! Les plus gauches ont appelé les syndicats à agir « conjointement » au mouvement de colère, sans citer les gilets jaunes explicitement, sans les soutenir, sans appeler les travailleurs à s’organiser en comités de gilets jaunes dans les entreprises, sans dénoncer la répression violente des gilets jaunes !!!
En somme, bien des prétendus révolutionnaires, de prétendus syndicalistes, de prétendus socialistes ou communistes, ont montré ce qu’ils étaient face à une véritable montée révolutionnaire et insurrectionnelle.
Certes, ces derniers répliquent en disant que ce n’est pas une insurrection mais une révolte confuse, que c’est du mélange du pire et du meilleur et autres balivernes.
Ces derniers auraient certainement dit la même chose de la Commune de Paris de 1871 ou de la révolution d’Octobre 1917 en Russie, sans parler de la révolution espagnole de 1936 !!!
C’est trop agité pour eux, la véritable révolution sociale et ils ne sont pour que lorsqu’elle ne frappe pas à la porte, juste pour donner un peu de lustre à leur allure de simple soutien des appareils syndicaux.
On trouve aussi bien dans cette rubrique de révolutionnaires en peau de lapin des anarchistes, des anarchosyndicalistes, des trotskistes, des gauches communistes, des antiracistes, un peu de tout ! Le véritable mouvement du monde du Travail démasque dont et fait aussi le ménage parmi les faux amis, qui sont trop amis des appareils syndicaux pour être favorables réellement à l’auto-organisation insurrectionnelle des travailleurs !!!
C’est ainsi que tous les appareils syndicaux réformistes se sont retrouvés débordés, ridiculisés, négligés, mis à l’écart par un véritable mouvement social insurrectionnel qu’ils ont prétendu discréditer, isoler, dénigrer, affaiblir et faire arrêter.
Le pouvoir capitaliste a, en même temps, reconnu et démontré qu’il regrettait que les gilets jaunes ne soient pas encadrés par les appareils syndicaux, que c’est cela qu’il craignait justement en premier !!! Impossible, du coup, de savoir d’avance les limites que le mouvement se donnerait, impossible de savoir à quelles revendications il s’arrêterait, impossible d’empêcher que le mouvement approfondisse ses revendications, devienne un mouvement politique, remette en cause les fondements même de l’Etat au service des milliardaires !!!
Il est ainsi ouvertement apparu clairement que les appareils syndicaux, prétendument en lutte permanente contre le pouvoir capitaliste, n’avaient servi qu’à l’étayer, à le sauver, à le stabiliser et à discréditer les forces et les capacités du monde du travail !!!
Une leçon que les travailleurs ne sont pas prêts d’oublier !
Il a suffi que le monde du travail cesse de suivre ces pseudo-dirigeants syndicaux, pour qu’il soit capable de tout ce qui était apparu impossible pendant tous les mouvements précédents : s’organiser, unir les salariés et les chômeurs, unir les hommes et les femmes, unir les jeunes et les vieux, unir les retraités et les actifs, unir le privé et le public, unir les CDI et les précaires, dépasser les barrières professionnelles et corporatistes, etc, etc.
Et aussi, le mouvement a dépassé les barrières de la sacro-sainte légalité, celle de la loi du grand capital, imposée par ses forces de répression, par la défense de ses banquiers, de ses capitalistes, de ses financiers.
Jamais les syndicats n’avaient remis en cause les fondements même de l’impôt, les fondements même de l’Etat, les fondements même de l’exploitation, les fondements même de la tromperie pseudo démocratique de la démocratie bourgeoise.
Non seulement, les appareils syndicaux n’ont à aucun moment soutenu ce mouvement, mais ils n’ont même pas dénoncé sa répression violente par les forces étatiques du grand capital, ce qui nous indique de quels bords ils se trouveront dans la révolution sociale qui vient….
Le fait que tout cela se déroule dans un pays riche, développé, soi-disant démocratique, et même considéré par certains comme le symbole même de la démocratie politique et sociale, en dit très très long sur la grand changement mondial de la situation, non seulement sociale, mais fondamentalement économique. La lutte des classes n’est plus ce qu’elle était parce que l’état des classes sociales n’est plus le même.
Si le réformisme syndical est en voie d’être démasqué dans son rôle contre-révolutionnaire par l’action directe, autonome, des masses prolétariennes, c’est que la situation économique est mûre pour l’effondrement du système.
Cela signifie que, sous des formes diverses, l’organisation en masse du prolétariat, de type conseils ouvriers, redevient d’une brûlante actualité !!!
Et, de fait, dans toutes les parties du monde capitaliste, l’auto-organisation des luttes sociales, sous forme de gilets jaunes ou pas, recommence à apparaitre.
Dans les pays où le prolétariat est le plus combatif, cette auto-organisation est depuis longtemps l’essentiel des formes de luttes qui ont eu lieu ces dernières années. On peut citer ainsi toutes les luttes des prolétaires d’Asie qui sont en pointe du combat prolétarien mondial : du Vietnam, de Chine, de nombreuses luttes en Inde, au Cambodge.
Mais, même dans les anciens pays impérialistes occidentaux, l’auto-organisation, appelée également « grève sauvage » ou wildcat, coordinations, comités de grèves, comités de piquets ou collectifs de gilets jaunes, se développe partout.
On a vu qu’une bonne partie des luttes ouvrières actuelles des Etats-Unis, parmi les enseignants comme dans l’industrie, tendent à se passer des bureaucraties syndicales, à les déborder, à les débarquer, les travailleurs étant conscients que ces appareils ne visent qu’à les diviser, à les affaiblir, à les empêcher de partir ensemble en grève, à leur interdire de s’exprimer et de décider par eux-mêmes !!!
Si le réformisme est ainsi démasqué dans les métropoles impérialistes, si le réformisme politique et syndical y est battu en brèche et partiellement discrédité, c’est bien que l’état économique et social du capitalisme a changé. Et, particulièrement depuis l’effondrement de 2007-2008, les classes possédantes ne peuvent plus, ne veulent plus céder les quelques miettes qui faisaient la joie et le crédit des appareils syndicaux, contraints maintenant à ne faire que signer des reculs sociaux massifs, à ne faire que contribuer à la démoralisation et à la désorganisation du monde du travail !!!
La remise en cause globale de l’ordre des possédants nécessite, comme premier pas, celle de l’ordre des encadreurs professionnels réformistes, dont les bureaucrates syndicaux de tous bords sont les plus dangereux. C’est à eux que l’on doit attribuer l’échec de nombreux mouvements prolétariens insurrectionnels de ces dernières années, par exemple en Tunisie, en Egypte, en Turquie et dans plusieurs pays d’Afrique…
Prolétaires, organisons nous nous-mêmes, libérons-nous de nos prétendus sauveurs, réunissons-nous sans encadreurs professionnels, décidons nous-mêmes des moyens de nos luttes et de leurs objectifs et nous nous donnerons ainsi la conscience et l’organisation nécessaires pour que le monde du travail arrache le pouvoir au monde du capital, condition indispensable pour changer une situation économique et sociale chaque jour plus insupportable.
Le monde du travail est en train de revivre des épisodes d’action directe, d’auto-organisation, d’insurrection, de remise en cause des bases mêmes de l’exploitation et de l’oppression, et fait ainsi des pas gigantesques et rapides vers le renouveau révolutionnaire du prolétariat. C’est dans ce sens qu’est l’avenir de l’humanité et il suffit de voir les grimaces affolées des gouvernants du monde pour s’assurer que nous sommes de nouveau sur la bonne voie, celle de la révolution sociale et de la fin du pouvoir des milliardaires.
Personne n’est devin. Nul ne peut prédire quels seront les pas suivants car l’Histoire n’est ni répétitive, ni n’obéit à des lois prédictives, mais l’Histoire révolutionnaire du prolétariat s’est remise en marche et c’est exactement ce qui était indispensable face à l’effondrement économique capitaliste !!!
Syndicats et auto-organisation
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