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Le front populaire de 1936 en France était le pire ennemi de la grève ouvrière de masse contre la misère, le fascisme et la guerre

lundi 4 mars 2024, par Robert Paris

Le front populaire de 1936 en France était le pire ennemi de la grève ouvrière de masse contre la misère, le fascisme et la guerre

Ou les lendemains qui déchantent...

La popularité du front « populaire » est due à un double contresens : il est pris comme un gouvernement qui appuyait la révolte ouvrière contre le fascisme et les capitalistes. Il est tout le contraire. Il n’a pas levé le petit doigt ni contre les uns ni contre les autres. Deuxième contresens : la vague de grève n’est nullement un des éléments du « front populaire » au sens où ce ne sont pas du tout ses organisations politiques et syndicales qui y ont poussé, qui y ont participé même, sauf pour faire reprendre le travail !

Les secteurs qui n’ont pas fait grève du tout sont les secteurs très syndiqués, très organisés politiquement aussi, notamment tout le secteur public. Les secteurs les plus grévistes sont ceux qui n’ont pas du tout d’organisation syndicale et politique de gauche !

Contrairement à ce que la gauche et les syndicats voudraient faire croire aujourd’hui, les revendications obtenues l’ont été grâce à la grève de masse, pas grâce au gouvernement « de gauche » (d’ailleurs, Blum et Thorez expliquaient que le front populaire n’était même pas un gouvernement de gauche mais à pacte avec les partis bourgeois, notamment un parti classique de la bourgeoisie anti-ouvrière, le parti radical. A peine la grève terminée, les attaques anti-sociales ont repris de plus belle et les revendications ont vite été enterrées.

La victoire de 1936 est un résultat de l’auto-organisation ouvrière, sa défaite finale est un produit de l’action des partis et syndicats de gauche (CGT, PCF, SFIO).

PCF-CGT-SFIO contre les grèves, un film documentaire :

https://www.youtube.com/watch?v=YXJsV3buWDQ

Léon Blum au procès de Riom :

« J’ai considéré la vague de grèves comme une giffle personnelle. »

« Il y avait violation du droit de propriété, cela ne fait aucun doute. Ce qui était menacé, c’était les formes du respect dû à la propriété et à l’autorité patronale ( … ) Je crois que c’était le samedi 30 mai. Le mouvement des occupations était dès ce moment-là extrêmement alarmant ».

« Je vous demande messieurs de vous souvenir. Rappelez-vous que le 4 et 5 juin, il y avait 1 million de grévistes. Rappelez-vous que toutes les usines de la région parisienne étaient occupées. Rappelez-vous que le mouvement gagnait d’heure en heure et de proche en proche la France entière… La panique, la terreur était générale. »

Blum rappelle alors les propos du président Lebrun, un homme assurément soucieux de l’intérêt du capital :

« Les ouvriers ont confiance en vous … vous allez leur promettre le vote immédiat des lois qu’ils réclament … ils vous croiront … »

Accusé d’avoir cédé aux revendications ouvrières, Blum rappelle que c’est le grand patronat qui l’y a poussé : « Je dois à la vérité de dire que l’initiative première est venue du grand patronat ». M. Lambert-Ribot (dirigeant patronal) fait amende honorable ; le voici qui « revendique » des hausses de salaires ! « M. Lambert-Ribot me faisait toucher pour me demander le plus vite le contact sur la base du relèvement général des salaires, avec l’évacuation des usines en contrepartie ». Bien sûr, de tous temps, en tous lieux, le patronat prétend que l’augmentation des salaires – l’augmentation du coût du travail comme ils disent – va générer du chômage et serait donc contraire aux intérêts des salariés et des patrons. Menacés de tout perdre, les patrons font mine de réviser leur jugement. »
« Tout le monde considérait cela (l’augmentation des salaires) comme une chose naturelle, nécessaire, inévitable, dans les circonstances où l’on se trouvait ».

Mort de trouille, le patronat exige du gouvernement de Front populaire des mesures immédiates. Blum rappelle :

« Il fallait aller vite, très vite, afin de liquider cette situation redoutable, cette situation que j’ai qualifiée non pas de révolutionnaire, mais de quasi révolutionnaire … »

« Alors, qu’est-ce que je devais faire pour apaiser les ouvriers ? » Envoyer la troupe ? Personne n’y songeait, pas même les plus exaltés de la « concurrence libre et non faussée ».

Blum ajoute : « La loi sur les 40 heures, elle m’a été imposée ».

Imposée par qui ? Par les patrons eux-mêmes, affolés de voir les ouvriers contester tout autre chose : leur sacro-sainte mainmise sur les entreprises !

« Je leur ai demandé (à la CGT et à la CGPF, c’est-à-dire le patronat) de conclure par accord amiable, comme je l’aurais fait à Matignon, une entente sur un système de conciliation et d’arbitrage permettant d’exclure et la grève et le lock-out. Les ouvriers y consentent. Au bout de quelques séances, le patronat rompt la conversation ».

Le 6 juin 1936, Léon Blum a condamné publiquement les occupations d’usines.

Il rajoute : « Je vous rappellerais que, chaque fois que la République a été menacée, elle a été sauvée par cette union de la bourgeoisie et du peuple républicains, et de la masse des travailleurs et des paysans. »

Et aussi : « Nous sommes un Gouvernement de Front populaire, et non pas un Gouvernement socialiste. Notre but n’est pas de transformer le régime social, ce n’est même pas d’appliquer le programme spécifique du parti socialiste… »

Le 11 juin 1936, Maurice Thorez, chef du PCF qui soutient le gouvernement Blum et pousse à la reprise du travail, prononce la célèbre phrase :

« Il faut savoir terminer une grève. »

Il dénonce ceux qui veulent transformer les grèves en révolution : les trotskistes qu’il qualifie de « vulgaires assassins » !

https://fresques.ina.fr/memoires-de-mines/fiche-media/Mineur02010/discours-de-maurice-thorez-a-garches-en-1936.html

Thorez rajoute : « Les militants du Parti doivent être en mesure de réagir contre les tendances gauchistes dans le mouvement. La lutte sur les deux fronts, ce n’est pas seulement une lutte intérieure, cela doit être, et souvent, une lutte portant sur toute la politique du Parti, là où s’exprime une tendance gauchiste. Je veux prendre un exemple. Si toutes les revendications essentielles des camarades métallurgistes sont satisfaites, si les salaires les plus bas ont été augmentés dans des proportions suffisantes de l’avis des couches salariées qui étaient jusqu’alors les plus frappées, si les catégories qui étaient les mieux payées sont augmentées dans la norme prévue, si le congé payé est inclus dans le contrat, on peut et on doit signer l’accord qui met fin au mouvement actuel et préparer des améliorations ultérieures.

Il faut attirer l’attention sur ces deux tendances gauchistes. Il faut aussi tenir compte des répercussions de certaines grèves. Il y a eu la grève des camionneurs. Immédiatement, nos camarades se sont efforcés de faire obtenir satisfaction le plus rapidement possible aux grévistes. Supposez, en effet, camarades, que les camionneurs soient en grève pendant plusieurs jours : c’est le ravitaillement de Paris qui serait compromis.

Il y a un autre aspect. Les camionneurs ont fait la grève, et les marchandises sont restées plusieurs heures dans les gares ; et nous avons reçu un télégramme de petits paysans de localités du Midi disant : « Attention, nos cerises vont se gâter. »
C’est-à-dire que là encore une couche de gens pouvait voir sa confiance dans la classe ouvrière et le Front populaire plus ou moins atteinte.

Bien sûr que la grève peut, pour certaines couches sociales, présenter des inconvénients, mais puisqu’en l’occurrence il s’agit d’alliés de la classe ouvrière, dans la mesure où nous pouvons atténuer ou faire disparaître ces inconvénients, nous devons le faire.

Il ne faut pas, non plus, que nous laissions s’accréditer l’idée que le Front populaire, c’est le désordre, c’est la désorganisation. On ne peut pas dire, non plus, que maintenant les questions revendicatives passent au second plan et qu’il s’agit de prendre possession des usines et de placer la production sous le contrôle direct des ouvriers. »

http://clioweb.free.fr/dossiers/1936/thorez-terminer.pdf

On a vu l’engagement de Thorez le 11 juin ; L’Humanité des jours suivants est sans équivoque. D’autre part, la thèse du complot communiste se heurte à deux invraisemblances majeures. La première est d’ordre stratégique : le P.C.F. était beaucoup trop docile aux injonctions du Komintern pour entreprendre de déstabiliser un pays dont la force, face à l’Allemagne hitlérienne, importait à la diplomatie stalinienne. La seconde est d’ordre tactique : s’il avait lancé les grèves, pourquoi le P.C.F. l’aurait-il fait dans l’industrie où il était relativement faible, et non dans les services publics où il était plus fort ?  Il faut chercher ailleurs l’origine du mouvement.
La responsabilité ne peut être imputée à l’extrême gauche : la C.G.T. syndicaliste révolutionnaire comme les trotskystes étaient beaucoup trop faibles pour avoir pu peser. Reste la C.G.T., à laquelle la réunification syndicale donne alors un dynamisme nouveau. Mais tous les témoignages la décrivent prise de court par le mouvement, comme le reconnaît lui-même son secrétaire général, Léon Jouhaux, le 15 juin : « le mouvement s’est déclenché sans qu’on sût exactement comment et où ».  En outre, les grèves correspondent ici moins encore que dans le cas du P.C.F. à des secteurs de forte implantation : les taux de syndicalisation sont particulièrement faibles dans les secteurs à fortes grèves, comme la métallurgie (4 %), le textile (5 %), les industries alimentaires (3 %), alors qu’ils sont de 22,44,36 et 35 % dans les chemins de fer, la poste, les services publics et l’enseignement où il n’y a pas de grève.  Le cas limite est les grands magasins, qui connaissent une grève particulièrement spectaculaire, alors qu’ils ne comptent pas de section syndicale, ni d’ailleurs de cellule communiste.

Il est donc clair qu’aucune force politique ou syndicale nationale n’a voulu ces grèves. Elles sont venues d’en bas, de la base, et non du sommet, des états-majors. C’est pourquoi on peut les dire spontanées. Ce qu’il ne faudrait pas caricaturer en imaginant que les ouvriers auraient obéi à une sorte d’impulsion soudaine et irrationnelle. Dire que les grèves ont été spontanées, c’est souligner qu’elles ont répondu à des initiatives locales, mais ces initiatives ont été souvent prises par des militants, notamment des unitaires qui, depuis parfois plusieurs années, se consacraient à créer les conditions d’un nouveau rapport de force dans l’entreprise. C’est au cours de cette « préhistoire » des grèves (J. Jackson) que se sont noués les réseaux militants sur lesquels repose dans certaines grandes usines le succès de 1936.

https://www.cairn.info/revue-le-mouvement-social-2002-3-page-33.htm

La classe ouvrière reprend confiance en elle et c’est bien ce que veut empêcher le front populaire

https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/ouvalafrance/ovlf5.htm

https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/ouvalafrance/ovlf6.htm

Qu’est-ce que le front populaire ? Le contraire du front ouvrier de classe ! L’alliance des organisations politiques et syndicales de gauche se réclamant de la classe ouvrière avec celles de la grande bourgeoisie pour museler politiquement les travailleurs alors que la domination capitaliste est en crise.

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article3610

Comités d’action à l’époque du Front populaire

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article1530

Léon Blum, son dirigeant principal, explique comment le Front Populaire de 1936 consistait, face à la menace de révolution prolétarienne, à défendre les intérêts généraux de la bourgeoisie.

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article1248

Quand le PCF, par la voix de Maurice Thorez, savait comment "terminer une grève" avant qu’elle ne se transforme en révolution et ne renverse la bourgeoisie

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article1351

1936 : La révolution française a commencé et elle est bloquée par les organisations de gauche

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article795

Jules Moch, ministre du gouvernement de front populaire et proche de Blum, expose que la gauche politique et syndicale n’a nullement poussé au mouvement gréviste et l’a même freiné et bloqué partout où elle était influente :

« Les occupations d’usine, comment est née cette tactique ? Trois explications avancées à l’époque sont à éliminer. Il faut rejeter tout d’abord l’hypothèse d’initiatives syndicales : il n’y en eut pas, au début. Les dirigeants syndicalistes, nationaux ou locaux, furent débordés par des mouvements qu’ils n’avaient pas prévus et qu’ils n’approuvaient que du bout des lèvres. Les occupations furent d’autant plus complètes et rapides que les syndicats étaient moins implantés. J’ai constaté, par exemple, en réquisitionnant, pour les hôpitaux et les boulangeries, du mazout dans des dépôts occupés, que nul syndiqué ne figurait parmi les occupants ! En ce début de mai, l’action syndicale ne s’est pas exercée, ou n’a agi que dans les formes classiques de revendications, non en faveur des occupations… Il semble donc qu’il faille, objectivement, éliminer l’action syndicale des causes des premières occupations de lieux de travail.

Il faut aussi complètement rejeter l’action de groupuscules révolutionnaires occultes… De tels mouvements existaient, avec des effectifs encore plus réduits qu’aujourd’hui. Mais ils étaient essentiellement formés de jeunes intellectuels… On n’a trouvé aucun signe d’une influence notable de trotskystes ou d’anarchistes dans les usines occupées…

Troisième cause à éliminer sans discussion : la presse de droite a tenté de voir dans les occupations les mains de l’étranger… aucune influence germanique, soviétique ou germano-sociétique ne s’est manifestée nulle part au cours de ces semaines…

On admet que deux millions de travailleurs se sont mis en grève entre le 12 mai, date de la première occupation, et le 6 juin, jour de la présentation du ministère Léon Blum,. Dans ce total ne figure pratiquement aucun fonctionnaire, ni aucun employé des services publics qui tous ont fonctionné normalement. La CGT a indiscutablement joué un rôle modérateur en ce qui concerne les services publics. »

(extraits de « Le front populaire, grande espérance… » de Moch)

Léon Blum expose sa politique face aux grèves : ne pas provoquer de radicalisation, désamorcer de manière prudente, isoler les grèves dures…

Blum : « …quiconque a l’expérience de la vie ouvrière sait aussi que pour les masses ouvrières, il n’est jamais possible de dissocier complètement leur action directe de leur action politique.

Voilà les causes que je veux indiquer à la Chambre. Il est possible qu’il y en ait d’autres. Je n’en connais pas d’autre pour ma part, ou je n’en connais pas d’une façon certaine.

On sent depuis quelques jours, d’après les indications qui me sont fournies, que certaines manœuvres assez suspectes chercheraient à modifier le caractère du mouvement. Si nous les saisissons, vous pouvez être assurés, messieurs, que nous y mettrons un terme, et sans aucun délai.

Le mouvement s’est étendu. Il a pris un caractère de masse. Il a parfois débordé les cadres des organisations syndicales. Il a pris une forme particulière, qui n’est peut-être pas aussi complètement nouvelle qu’on l’a supposé, car il y a dix-huit mois que se produisaient déjà dans la région du Nord ces premiers phénomènes qu’on a qualifiés, pas très exactement à mon avis, d’occupation d’usine, car aucune usine n’a été occupée du dehors, mais qui sont plutôt l’installation dans l’usine des ouvriers y restant, même après la cessation du travail.

On m’a reproché de m’être trop soucié de l’ordre public, ou d’avoir trop parlé de l’ordre.

Il se peut qu’au point de vue de l’ordre ces faits présentent des dangers moins graves que ces batailles de portes et de rues que nous avons connues dans la généralité des revendications ouvrières, que ces conflits entre les piquets de grève et les ouvriers voulant reprendre le travail, ou les forces de police assurant la liberté du travail, tout cela autour des portes cadenassées des usines.

D’autre part, les ouvriers protestent contre ces actes de violences personnelles dont il a été question tout à l’heure et que personne ici ne songerait à justifier.
On m’a demandé si je considérais ces occupations d’usines comme quelque chose de légal. Je ne les considère pas comme quelque chose de légal. Vous me posez la question. J’y réponds avec franchise, comme à toutes les questions qu’on me pose, et je dis toute ma pensée. Ces occupations ne sont pas conformes aux règles et aux principes de la loi civile française.

Mais quelles conséquences tirez-vous, ou prétendez-vous que je tire, de cette constatation ?

Les patrons, les propriétaires d’usines n’ont pas demandé qu’on usât de la force pour faire évacuer les usines. Bien loin de là : dans les premières lettres adressées par eux au Gouvernement, ils excluaient formellement cette hypothèse ; ils n’ont même pas fait de l’évacuation préalable des usines la condition sine qua non des conversations engagées par eux avec les représentants des organisations ouvrières.

Est-ce que vous voulez, aujourd’hui, me demander de faire évacuer les usines par la force ? Est-ce cela que vous voulez dire ?

Je ne suppose pas et je ne le concevrais pas — ceci n’est pas une précaution oratoire, j’exclus très sincèrement cette hypothèse — que les dispositions que je viens de rappeler aient changé parce qu’un Gouvernement en a remplacé un autre, et qu’après avoir admis, il y a huit jours, les faits que je viens de rappeler, on vînt aujourd’hui nous mettre en demeure, au nom de la légalité, d’user de la force pour obtenir l’application de la loi.

Il faut voir les choses comme elles sont.

S’agit-il aujourd’hui de faire évacuer les usines par la force, ce qu’à ma connaissance, personne ne nous a encore demandé ? On a parlé de réquisitions adressées par des patrons au Gouvernement. Je ne sais pas ce que le mot signifie. Je sais qu’en droit français il y a des cas où le Gouvernement possède le droit de réquisition vis-à-vis des citoyens. Je n’en connais pas où les citoyens ont un droit de réquisition vis-à-vis du Gouvernement.

S’il s’agit de mettre en action les forces de police, puis peut-être, le lendemain, l’armée et, qui sait, messieurs ! peut-être aussi certaines de ces ligues qui, en ce moment, contribuent à exciter le mouvement, mais qui, peut-être, s’offriraient demain pour la répression, comme un corps auxiliaire et volontaire… Si c’est cela que vous attendez du Gouvernement, eh bien ! je vous déclare que vous l’attendrez en vain, et je vais vous dire ce que peut, ce que doit être en ce moment, selon moi, l’action du Gouvernement.

Son devoir, bien entendu, c’est d’abord de parer aux situations les plus pressantes, les plus urgentes, et nous l’avons fait depuis deux jours en ce qui concerne les besoins ayant un caractère de nécessité, soit par la nature des denrées, soit par la nature des services. Nous l’avons fait et nous continuerons à le faire. Voilà le premier devoir, le devoir élémentaire.

Le second, et peut-être, à cet égard, un Gouvernement comme le nôtre est-il assez qualifié pour remplir cette tâche — nous pouvons, nous devons le faire — c’est de servir de compositeurs, d’arbitres ; c’est d’employer toute l’autorité du Gouvernement à la conciliation ; c’est d’insister auprès des patrons pour les rapprochements et les conversations nécessaires. C’est de persuader, d’autre part, les ouvriers que l’œuvre de ce Gouvernement qu’ils ont voulu, de ce Gouvernement qu’ils ont contribué à porter au pouvoir, ne peut s’accomplir que dans l’ordre, dans la discipline et dans la sécurité publique.

Enfin — et peut-être surtout — ce que peut et ce que doit le Gouvernement, c’est accélérer le vote des projets réglant les questions essentielles qui sont aujourd’hui débattues entre le patronat et les organisations ouvrières…

Peut-être obtiendrons-nous ainsi l’effet de détente indispensable ; peut-être réussirons-nous — c’est certainement votre vœu à tous — à apporter dans ce grave conflit l’apaisement que l’intérêt collectif, que l’intérêt national appellent.

https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Exercice_du_pouvoir/Partie_II/6_juin_1936

Il s’agit d’obtenir, rétroactivement, pour les conflits en cours, quels qu’ils soient, les résultats que la loi nous aurait procurés si elle avait été votée il y a quelques semaines. Nous déclarons que cette première conséquence du retard de la loi — l’occupation, la neutralisation directe ou indirecte — doit cesser. Nous touchons ici à un point dont M. Pernot a très bien compris l’importance. C’est qu’en effet si la loi avait été appliquée plus tôt, le travail aurait continué ; et le patron ne pourrait pas dire, comme il le dit dans certains conflits en cours, vous le savez aussi bien que moi monsieur Pernot : « Oui, je veux bien aller à l’arbitrage ; mais, en vertu de la jurisprudence de la Cour de cassation, tous les contrats individuels de mes ouvriers avec moi sont rompus. J’ai, par conséquent, le droit d’opérer par réembauchage individuel, en procédant à tous les filtrages que je veux et en éliminant tous les ouvriers que je considère, pour des raisons dont je suis seul juge, comme dangereux dans mon établissement. » Si la loi avait été votée plus tôt, si la conciliation et l’arbitrage avaient été organisés plus tôt, cette élimination n’aurait pas été possible et, en admettant que le patron eût, contre tel ou tel ouvrier, tel motif légitime de licenciement, c’est la conciliation et l’arbitrage qui auraient permis de trancher ce litige comme tous les autres.

Y a-t-il là, messieurs, quelque chose de monstrueux ? N’est-ce pas, au contraire, quelque chose de parfaitement pratique et raisonnable ? Allons au fond des choses. Vous savez que j’ai l’habitude de dire directement ce que je pense et je croirais vous faire injure en rusant avec vous. Nous avons, en ce moment même, des conflits d’une gravité particulière et sur lesquels l’application ou la non-application de cette disposition de l’article 2 porterait de la façon la plus directe. Il y a de graves conflits ouvriers dans le Nord. Pendant longtemps, ils se sont prolongés parce que l’arbitrage n’a pas été accepté. Grâce à vous, il a été accepté. C’est le soir de l’intervention de M. Mahieu, intervention qui avait produit sur tous les bancs du Sénat un effet que vous n’avez pas oublié, que j’ai pu obtenir et du côté patronal et du côté ouvrier l’adhésion au principe de l’arbitrage et l’accord sur le nom d’un arbitre que j’avais proposé. À présent, le principe de l’arbitrage étant admis, l’assentiment sur la personne de l’arbitre étant obtenu, par quoi sommes-nous arrêtés ? Par le fait que, invoquant la jurisprudence de la Cour de cassation, le patronat entend soustraire à l’arbitrage le cas d’un certain nombre de licenciements individuels…
Alors que ce sont des conflits qui, comme tous les autres cas de litiges entre ouvriers et patrons, doivent, le cas échéant, être résolus par la conciliation et par la sentence d’un arbitre.

Monsieur Desjardins, vous connaissez l’histoire des conflits ouvriers de ce pays, vous savez très bien que si nous en prenions la liste depuis cinquante ans, à commencer par les plus longs et les plus célèbres, comme la grève de Carmaux en 1893, nous constaterions que, dans la moitié des cas, et dans les cas les plus graves, c’est pour des questions de licenciements individuels que les conflits ouvriers ont éclaté dans le pays. Vous savez bien que c’est l’éternel litige, le patron disant : « J’ai renvoyé l’ouvrier pour des fautes professionnelles » ; les ouvriers disant : « Non, on l’a renvoyé parce qu’il était un des chefs de l’organisation syndicale » ; vous savez bien, ce litige, qu’il est éternel dans la vie ouvrière, et que vous entretiendriez sans fin les conflits ouvriers dans ce pays si vous vouliez, a priori, l’excepter des procédures arbitrales. Eh bien, si vous votez l’article 2, ce sont ces conflits-là qui sont réglés tout de suite.

À partir, en effet, du moment où vous dites aux ouvriers : « Plus d’occupations, plus de neutralisations », à partir du moment où vous dites aux patrons : « Plus de congédiements, plus de réembauchages », à partir du moment où vous dites aux uns et aux autres : « tout est remis à l’arbitrage », alors personne n’a plus intérêt à continuer la grève, et la reprise du travail — c’est-à-dire ce que vous souhaitez tous en ce moment — est la solution naturelle et nécessaire.

Je supplie le Sénat de voter ce texte dans ses dispositions essentielles, parce que, de ce vote, dépendra peut-être, à partir de demain, la solution de conflits dont vous savez tous la gravité et dont vous savez quelles peuvent être les répercussions pour la vie économique du pays.

Car enfin, nous délibérons en ce moment sur une loi de conciliation et d’arbitrage. Voilà six mois que nous essayons de concilier et d’arbitrer. Voilà six mois que des centaines et des centaines de conflits ont passé entre nos mains. Vous connaissez ceux qui ont éclaté, mais vous ignorez tous ceux que nous avons pu prévenir. Vous connaissez ceux dont le règlement a rencontré des difficultés, mais vous ne connaissez pas ceux qui ont pu être réglés à l’amiable. Nous avons acquis tout de même une sorte d’expérience professionnelle dans une profession qui n’était certes pas la nôtre ! Je vous le dis très franchement, s’il devait être entendu que l’on excepte de l’arbitrage, par voie directe ou par voie détournée, sous prétexte d’attentat à l’autorité patronale, tous les conflits résultant de congédiements individuels, toute législation de conciliation et d’arbitrage devrait être écartée ; et, pour ma part, j’aimerais mieux y renoncer tout de suite, plutôt que d’entrer dans cette espèce de fiction hypocrite, car, pour la classe ouvrière et pour le patronat à la fois, ce serait cela que nous leur offririons, au lieu d’un remède réel, efficace, à un mal que nous voulons tous guérir.

Voulez-vous que je vous dise, par exemple, comment des questions ont pu se poser dans telle ou telle usine que je pourrais vous désigner ? Voilà une usine qui licencie une portion considérable de son personnel. Elle a des commandes de l’État et les ouvriers viennent dire : « Nous affirmons qu’avec les commandes qui viennent d’être données à cette usine elle pourrait conserver une fraction plus importante de son personnel. » La question a été arbitrée à la satisfaction des ouvriers et des patrons — non pas peut-être à leur entière satisfaction, car, vous le savez bien, un bon arbitrage laisse tout le monde insatisfait ; mais en fait, cette question a été réglée dans des conditions telles que et les ouvriers et les patrons se sont inclinés et que le travail a été repris.
La même chose s’est produite tout récemment encore, il y a quelques jours, dans le conflit des raffineries Lebaudy. Là aussi des questions de personnel, des questions individuelles ont été réglées sur l’arbitrage de M. le contrôleur général Guinand, aujourd’hui Premier Président de la Cour des comptes.

Dans d’autres affaires, des questions plus délicates encore, touchant encore plus à ce que vous appelez la direction de l’entreprise, ont été soulevées. Voilà, par exemple, une usine qui, pour monter une fabrication, a embauché un grand nombre de techniciens et de dessinateurs. Elle entre maintenant dans le stade de la fabrication en série et elle déclare ne pouvoir garder que tel ou tel nombre de ces dessinateurs et techniciens qu’elle a embauchés. Voilà un arbitrage sur la question de savoir quel est le nombre de dessinateurs et de techniciens que les patrons de l’usine peuvent conserver, à partir du moment où ils commencent à fabriquer en série. L’arbitrage a eu lieu et il a abouti.

Je le répète, si vous voulez que les conflits ouvriers ne se perpétuent pas dans ce pays, il faut que vous acceptiez l’idée de renvoyer à la conciliation et à l’arbitrage des conflits comme ceux-là.

C’est au Sénat d’en juger. Mais ce que je lui demande avec instance, ce dont je l’adjure, c’est de ne prendre aucune disposition dont on pourrait, a contrario, tirer cette conclusion que les questions de licenciements individuels ne peuvent pas être soumises à l’arbitrage. Si le texte doit être remanié, j’adjure le Sénat de n’y rien introduire qui puisse avoir cette signification, car vous auriez alors dans ce pays des conflits ouvriers inextricables et insolubles. On entre ou non dans la voie de l’arbitrage. Ce n’est pas moi qui y suis entré, c’est le Sénat, vous le savez bien, et vous vous rappelez dans quelles conditions. Mais si on y entre, il faut y entrer franchement, délibérément, courageusement, et avec la volonté d’aboutir et de réussir.
(…)

Il est possible que, dès à présent — je n’en sais rien, c’est possible — les patrons du Nord, de Lille et de Maubeuge aient signifié à tout leur personnel un certain nombre de formules de licenciement. Peut-être l’ont-ils déjà fait. Peut-être même, allant jusqu’au bout de la théorie de la résolution du contrat de travail par la grève, ont-ils envoyé des significations de ce genre à tout leur personnel. S’ils ne l’ont pas fait hier, qu’est-ce qui les empêchera de le faire demain et ne voyez-vous pas que votre projet de loi va les y inciter ?

Qu’arrivera-t-il ? En vertu de votre texte, tous ces licenciements auront force et vigueur jusqu’à la décision ultérieure de l’arbitre, c’est-à-dire que vous allez prescrire la reprise du travail précisément après cette élimination et ce tri que les patrons de Lille et de Maubeuge veulent en ce moment opérer parmi leur personnel et qu’ils entendent soustraire à l’appréciation de l’arbitre.

Messieurs, de bonne foi, vous croyez que la reprise du travail aura lieu dans des conditions pareilles ? Vous croyez qu’après que 200, 300, 500 ouvriers, considérés par leurs camarades comme leurs chefs et leurs représentants naturels, auront été éliminés par voie de licenciement individuel et exceptés de la reprise collective du travail, cette reprise collective pourra s’opérer ? Qui peut le croire et qui, dans son for intérieur, trouvera le courage de blâmer les ouvriers qui manifesteraient leur solidarité à leurs camarades ainsi atteints et ainsi frappés ?

Messieurs, prenez-y garde, au lieu d’apaiser le conflit, vous allez l’aviver et le prolonger par une disposition comme celle-là.

Le Sénat me permettra-t-il, quelques réflexions d’un caractère un peu plus général. Sans nul doute, dans une partie du patronat français, se révèle en ce moment, non pas seulement un esprit de résistance devant nos efforts de conciliation, mais quelque chose que je trouve plus sérieux et plus grave : la conviction qu’au moment du trouble et de la crise de Juin, des concessions excessives leur ont été arrachées, soit au point de vue des avantages matériels, soit surtout, car pour beaucoup d’entre eux ces avantages matériels ne passent qu’au second plan, soit surtout au point de vue de leur autorité. Et ces concessions, ils jugent le moment opportun pour en reprendre une partie.

Il est hors de doute que nous nous trouvons en présence de cet état d’esprit et que, dans des conflits, dont nous avons eu les uns ou les autres à essayer de procurer la conciliation, nous nous sommes sentis en face de cet état d’esprit. Permettez-moi, messieurs, de vous le dire, je n’ai ni conseil, ni avertissement à donner à une assemblée comme la vôtre, mais j’ai le droit et le devoir de vous parler franchement.
Vous commettriez, je crois, une grande et redoutable erreur si vous permettiez, dans une mesure quelconque, à cette résistance patronale de s’appuyer en quoi que ce soit sur vous, sur ce que l’on peut présumer, soit de vos sentiments à l’égard du Gouvernement, ce qui est peu de chose, soit de votre position vis-à-vis des réformes sociales, ce qui est infiniment plus grave.

Je me permets de le dire au Sénat, un texte comme celui qu’on lui propose serait de nature à éveiller ou à fortifier un tel soupçon contre lequel, j’en suis sûr, il n’est pas un seul d’entre vous qui ne veuille se défendre.

Pour ma part, messieurs, je le dis dès à présent au Sénat, je ne serai pas en état de soutenir devant la Chambre une disposition comme celle-là, parce que je la crois inapplicable et parce que, même, j’en suis convaincu, si elle était appliquée ou si l’on tentait de l’appliquer, elle produirait un effet exactement contraire à celui que vous souhaitez tous avec la même sincérité.

Le Gouvernement, qui vit maintenant depuis un peu plus de six mois, a une tâche assez lourde à remplir. On nous disait hier que les choses n’ont pas beaucoup changé depuis six mois. Si ! messieurs, elles ont changé malgré tout ! Je vous en donnerai la preuve explicite si vous le voulez, en vous faisant le tableau exact de ce qui subsiste actuellement de conflits sociaux et de tous ceux que nous avons résolus, soit par la conciliation, soit même, ce que chacun de vous ignore sans doute, par des mesures de fermeté. En effet, quand nous les prenons, ce sont toujours celles qui sont le plus complaisamment ignorées. Mais la situation a changé, croyez-moi. Laissez-moi vous le dire, si elle n’avait pas changé, si elle était encore aujourd’hui ce qu’elle a été au mois de juin dernier, quand nous avons pris le pouvoir, nous rencontrerions, sans doute, moins de résistances.

Vous trouvez notre œuvre insuffisante ; c’est possible. Mais personne ne peut nier que nous ayons, malgré tout, depuis six mois, à l’intérieur de ce pays, introduit un peu plus de concorde… Comparez la situation d’aujourd’hui à celle que nous avons trouvée quand nous avons pris le pouvoir, M. Sarraut ou moi-même, et voyez s’il y a un changement.

Cet effort-là nous voulons le continuer, et nous vous en demandons les moyens. Nous, responsables de la sécurité de ce pays, déclarons que nous ne pouvons pas l’assurer si vous ne nous donnez pas les moyens d’y maintenir la concorde civique.
Nous vous déclarons — c’est là la raison de ce que vous nous avez tant reproché, de ce que vous appelez notre faiblesse — que laisser se perpétuer les conflits ou les éteindre par l’application de la force, ce sont des moyens différents de ruiner ou d’atteindre la concorde civique, la concorde nationale, et c’est parce que nous avons voulu ramener cette concorde et que nous en avons besoin plus que jamais dans les conditions françaises et dans les conditions européennes de l’heure, c’est pour cela que nous avons agi.

Je vous demande de considérer cela, je vous demande de considérer que la paix intérieure en France est aujourd’hui une des conditions de la paix dans le monde.
Le Sénat, dans sa très grande majorité, je crois, peut-être même dans son unanimité, cela est possible, éprouve de la sympathie et serait prêt peut-être à marquer un assentiment à l’effort que nous avons fait depuis des mois pour préserver la paix de l’Europe. Cet effort est vain, ou du moins compromis, nous en sommes convaincus, si nous ne parvenons pas à maintenir en France tout à la fois l’ordre public et la concorde civique. C’est de cela que nous vous demandons les moyens. Nous n’avons pas d’autres pensées.

Le Sénat nous suspecte de je ne sais quelles intentions partiales. Il pense que, par des procédures de ce genre, nous voulons consolider dans le pays, ou le pouvoir, ou le monopole, de telle ou telle organisation ouvrière. Messieurs, là-dessus, je veux m’expliquer tout de suite. Nous n’avons jamais entendu, soit par le projet de loi que nous vous avons soumis, soit par la demande de pouvoirs que nous vous présentons, installer le monopole en France de l’organisation confédérée. Elle est puissante, elle est l’organisation la plus puissante, elle est l’organisation la plus représentative. C’est un fait, le Conseil national économique composé de patrons et d’ouvriers l’a lui-même reconnu sans discussion. À quoi sert de fermer les yeux devant les faits ?

Je m’adresse à mes amis radicaux de cette Assemblée. N’ai-je pas le droit de rappeler que le Parti Radical participe au même titre que la Confédération Générale du Travail à la formation du Rassemblement Populaire qui a emporté la majorité, qu’on le veuille ou non, aux dernières élections législatives ? N’ai-je pas le droit de leur rappeler que les congrès du Parti Radical, à maintes reprises, et je crois bien encore le congrès de Biarritz, ont adhéré au programme de la Confédération Générale du Travail ? J’ai le droit de rappeler des faits comme ceux-là.

Ce nom de confédération a-t-il donc, je le demande, quelque chose qui brûle les lèvres quand on le prononce ? Et d’ailleurs, messieurs, depuis quelques mois, si je vous rappelais toutes les circonstances où, en présence de tel ou tel conflit délicat, on est venu nous dire, — nos collègues de la Chambre et parfois aussi nos collègues du Sénat — : « Ici ou là, il y a un incident pénible ; ne pouvez-vous pas faire intervenir la Confédération Générale du Travail pour y mettre un terme ? » Combien de fois nous a-t-on demandé cela et combien de fois l’avons-nous obtenu !

Par conséquent, il faut envisager cette question aussi franchement. Il est impossible de faire réussir en France une procédure de conciliation et d’arbitrage, si les organisations ouvrières et patronales ne se sentent pas également intéressées à la faire réussir, si elles ne s’y trouvent pas engagées, si elles ne s’en jugent pas responsables. C’est là l’intention, l’explication véritable des textes que nous vous proposons.

J’ai fait au Sénat un appel plus long et plus complet que celui que je voulais lui adresser. Mais je l’assure qu’il est en présence d’une décision sérieuse. Ni pour vous, ni pour nous, ni pour personne il ne faudrait qu’on eût l’impression qu’une loi de ce genre, dont l’intention ne peut être douteuse, dont les effets sont attendus et réclamés de tous, devient vaine ou inopérante parce que, dans ces va-et-vient interminables entre les deux Assemblées, elle a perdu quelque chose de sa vertu propre, de la confiance qu’elle peut inspirer, ou bien parce que des modifications continuelles de textes auront paralysé d’avance l’application qu’il sera possible d’en faire. Nous ne vous demandons pas autre chose que des moyens d’agir pour créer entre le capital et le travail, dans ce pays, une collaboration active, de façon à recréer une concorde civique, à ranimer une activité de production. C’est cela que nous voulons. Nous avons la chance d’avoir avec nous, dans cet effort, des organisations ouvrières qui, pendant de longues années, ont combattu des mesures comme celle que nous vous proposons. Et vous allez négliger cet avantage ? Vous allez le considérer comme vain ou comme suspect ? Vous allez mettre en doute la bonne foi d’hommes prêts à travailler avec nous dans une œuvre comme celle que je viens de définir ?

Je vous en supplie, ne commettez pas cette faute, elle serait funeste pour la République elle-même !

https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Exercice_du_pouvoir/Partie_II/D%C3%A9cembre_1936

L’ordre lancé par Maurice Thorez, le 11 juin, d’en terminer avec les grèves n’avait été que très incomplètement suivi. Pendant la seconde quinzaine de juin et tout le mois de juillet, les "grèves sur le tas" continuèrent à faire boule de neige. Après l’accalmie du mois d’août, pendant lequel l’application des congés payés provoqua, pour la première fois, la fermeture de nombreuses entreprises, les "occupations" reprirent de plus belle. (...) le ministre de l’Intérieur, le socialiste Salengro, avait juré d’y mettre un terme "par tous les moyens appropriés". (...) Le 7 octobre, Blum passa des gémissements aux actes : deux cent cinquante gardiens de la paix forcèrent la porte de la Chocolaterie des Gourmets, rue Violet, à paris, et, après une dure bagarre, en expulsèrent les "occupants". (...) Au début de juin 1937, la crise financière s’est aggravée (...) ,Blum annonce soudain qu’il démissionne et passe la main au radical Camille Chautemps. (...) Le 2" décembre 1937, à Colombes, la gigantesque usine Goodrich fut occupée par son très nombreux personnel. (...) Le 30, à l’aube, le camarade Max Dormoy, toujours ministre de l’Intérieur, fit encercler l’entreprise par six cents gardes mobiles, avec mission de déloger les grévistes. (...) En fin de journée, quelque trente mille ouvriers, accourus, entouraient le "fort" Goodrich. (...) les sbires de Dormoy durent battre en retraite. Mais les staliniens de l’Union des Syndicats de la région parisienne, Eugène Hénaff en tête, exigèrent, le 9 janvier, le respect d’une sentence arbitrale de compromis, qui équivalait à une capitulation."

Daniel Guérin dans "Le Front Populaire, révolution manquée"

Le front populaire en 1937

https://www.marxists.org/francais/broue/works/1966/01/broue_dorey_frpop_3.htm

La chute du front populaire

https://www.wsws.org/fr/articles/2013/04/blum-a16.html

Les grèves de mai-juin 1936 sont la dernière occasion révolutionnaire pour le prolétariat en France pour casser la dérive vers le fascisme et la guerre

https://enseignants.lumni.fr/fiche-media/00000000881/les-greves-de-mai-juin-1936-en-region-parisienne-et-dans-le-nord.html

Mai-Juin 1936 : de la grève générale à la révolution ou à la guerre

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article525

La trahison de la grève et de la révolution mène au fascisme et à la guerre.

https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/ouvalafrance/ovlf9.htm

Le front populaire a fait passer en quatre ans la classe ouvrière d’une confiance en ses propres forces à une démoralisation profonde et la France d’une majorité de gauche à une majorité profasciste…

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