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Le climat a-t-il forgé l’homme et la société humaine ?

lundi 6 mars 2017, par Robert Paris

Avertissement : il ne faut pas confondre le prétendu rôle de l’homme dans la transformation (le réchauffement dit anthropique, discutable) du climat actuel avec le rôle, réel, du climat dans la formation de l’homme et la transformation des sociétés humaines.

Homo, l’homme, un enfant du réchauffement climatique ?

« L’établissement et le progrès des sociétés humaines, l’action des forces naturelles peuvent changer notablement, et de vastes contrées, l’état de la surface du sol, la distribution des eaux et les grands mouvements de l’air. De tels effets sont propres à faire varier, dans le cours de plusieurs siècles, le degré de la chaleur moyenne. »

Joseph Fourier, dans « Remarques générales sur les températures du globe terrestre et des espaces planétaires », 1824

« Des climats et des hommes » de Claudie Haigneré, Jean-Paul Jacob et François Jacq :

« Nous sommes parvenus à croiser datations absolues (Potassium-Argon [K/Ar]), paléomagnétisme et biostratigraphie et ainsi construire une échelle d’un peu plus de trois millions à un peu moins d’un million d’années, qui sert depuis de référence à toutes les recherches africaines sur les mêmes périodes géologiques. Il a rapidement été évident qu’au cours de ces deux millions d’années, les faunes avaient évolué et s’étaient transformées pour s’adapter à des climats de plus en plus secs, ce que les flores ont confirmé plus tard. Et comme ces écosystèmes successifs comptaient, parmi leurs composantes, des restes d’hominidés, nous assistions, ni plus ni moins, à toute leur histoire, c’est-à-dire à toute notre histoire dans cette région, durant ce laps de temps. Comme c’est précisément à « ce moment-là » qu’un préhumain (pas encore identifié à coup sûr) s’était fait humain, nous avions le privilège de nous trouver devant un des endroits du « berceau » où la transformation s’était produite. L’émergence du genre homo, l’apparition de l’homme dans l’évolution des êtres vivants, était scellée là, dans ces couches de sédiments ; il suffisait de les fouiller pour tenter de le comprendre, et c’est évidemment ce que nous avons fait. Pour démontrer ce changement climatique et l’adaptation qu’il a entraînée, je prendrai quelques exemples d’évolution de flores, puis quelques exemples de modifications de faunes et je terminerai par le plus important de ces changements, celui des hominidés. Si l’on compte les pourcentages de pollens de plantes aimant l’humidité aux environs de 3 millions d’années d’abord (le temps des préhumains), puis les pourcentages des pollens des mêmes plantes aux alentours de deux millions d’années ensuite (le temps des humains), on obtient pour le genre Celtis, 45% puis 0% ; pour le genre Olea, 16% puis 6% ; pour le genre Typha, 23,1% puis 1,4%. La contrepreuve appliquée aux pollens de plantes préférant la sécheresse, donne, par exemple, pour le genre Myrica, 0% puis 20%. Si on s’amuse maintenant à faire le rapport du nombre de pollens d’arbres sur le nombre de pollens d’herbes pour les deux mêmes périodes, on obtient 40% pour la première et 1% pour la seconde ! Adressons-nous maintenant à la faune, à quelques exemples d’anatomie d’abord, puis à des exemples d’écologie, en en quantifiant certains. Les proboscidiens (éléphants), équidés (chevaux), suidés (cochons) illustrent par exemple très bien les changements morphologiques nécessités par les changements d’environnement ; les molaires du genre Elephas accroissent leur hauteur relativement à leur largeur, augmentent le nombre de leurs lames dentaires et la quantité de cément qui les lie, tandis qu’elles diminuent l’épaisseur de leur ruban d’émail ; les incisives et les molaires des hipparions (préchevaux) accroissent de même la hauteur de leur couronne tandis qu’elles développent des tubercules supplémentaires (ectostylide des molaires inférieures) ; les pattes de ces préchevaux réduisent en même temps le nombre de leurs doigts et l’hipparion se fait cheval (Equus)… Ces changements de pattes pour courir plus vite, ces changements de dents pour manger plus coriace ont évidemment la même signification : le paysage s’est découvert, exposant davantage les animaux aux prédateurs et l’herbe (riche en phytolithes d’opale hydratée) a remplacé les arbres, nécessitant une mastication plus importante et entraînant une usure beaucoup plus grande et rapide des dents… Quant aux petits singes… nous avons obtenu les chiffres suivants : 367 spécimens au kilomètre carré vers trois millions d’années ; 39 vers deux millions d’années, c’est-à-dire dix fois moins… Les hominidés n’ont évidemment pas fait exception et se sont trouvés confrontés, comme leurs voisins éléphants, cochons ou rhinocéros, à cette crise climatique qui découvrait le paysage et réduisait l’alimentation végétale. Aux alentours de trois millions d’années, vivaient dans cette région d’Afrique au moins trois préhumains, Kenyanthropus platyops à la face moins projetée et aux petites dents, Australopithecus anamensis aux fortes dents mais à la bipédie exclusive et Australopithecus afarensis (Lucy) aux grosses molaires et à la double locomotion (bipède et arboricole). Aux alentours de deux millions d’années (en fait, au moins deux et demi), on constate deux réponses à la crise dans la descendance et l’adaptation des préhumains précédents ; l’une, encore préhumaine, s’appelle Zinjanthropus ou Paranthropus ; et l’autre, la première humaine, s’appelle Homo, l’homme ! On peut dire, de manière un peu simpliste, que la première réponse a été une dissuasion physique. Le cerveau des zinjanthropes ou paranthropes ne se développe que très peu, alors que ces préhumains, encore appelés australopithèques robustes, acquièrent une taille massive et une denture à prémolaires et molaires énormes (ainsi que des superstructures du crânes assorties) pour écraser et moudre graines, fruits à coques dures et végétaux fibreux qui subsistent de l’environnement précédent et qu’ils ne consommaient pas auparavant. Et on peut dire que la deuxième réponse (il ne s’agit là ni d’un ordre hiérarchique ni d’un ordre chronologique !) a été une réponse « intellectuelle ». Cette fois, la taille ne change guère tandis que le cerveau se développe en volume et en complexité (plissement des lobes, irrigation) et que la mâchoire s’équipe d’une denture omnivore, qui ajoutera la viande à son menu végétarien résiduel. Ces deux réponses sont évidemment d’intéressantes sélections naturelles et elles valent le changement de la patte de l’équidé ou le développement de la molaire de l’éléphant… »

Peter de Menocal dans « L’humanité façonnée par le climat », article de la revue « Pour la Science », janvier-mars 2017 :

« Deux changements majeurs dans le climat africain, espacés d’environ un million d’années, coïncident avec deux événements importants dans l’arbre de l’évolution humaine. Le premier choc évolutif a eu lieu il y a entre 2,9et 2,4 millions d’années. Lucy et les autres Australopithecus afarensis se sont éteints, laissant la place à deux groupes assez différents. L’un correspond aux premiers membres du genre Homo. Ils présentaient les premiers traits modernes, y compris des cerveaux volumineux. Ces individus ont fabriqué les premiers outils. L’autre groupe qui a émergé à cette époque, connu sous le nom de Pananthropus ou Australopithecus robustus, était physiquement différent, avec une carrure solide et des mâchoires puissantes. Cette lignée a fini par disparaître. Le second choc s’est produit il y a entre 1,9 et 1,6 million d’années. Une espèce plus carnivore, donc au cerveau encore plus développé, Homo erectus (aussi nommée Homo ergaster lorsqu’on parle spécifiquement des fossiles africains), est apparue. Son squelette plus long et plus souple est difficile à distinguer de celui des humains modernes. Cette espèce a été aussi la première à quitter l’Afrique pour peupler l’Asie du Sud-Est et l’Europe. La fabrication d’outils de pierre a connu une amélioration majeure : les premières haches sont apparues, avec de grandes lames façonnées avec soin sur les deux côtés. (…) Le changement de végétation a probablement eu une influence sur nos ancêtres, en modifiant les ressources alimentaires disponibles. (…) Il faut se représenter les ancêtres de l’homme confrontés à des cycles climatiques rapides et réguliers et à deux changements importants qui ont établi la prépondérance de la savane africaine. »

Qu’est-ce que le climat

Les variations passées du climat

L’impact des événements climatiques extrêmes sur les espèces

Le climat a créé l’homme

Le rôle clé du climat dans l’histoire des sociétés humaines

Le climat fait l’histoire

Changements climatiques dans la région levantine à la fin du Pléistocène supérieur et au début de l’Holocène. Leurs relations avec l’évolution des sociétés humaines

Histoire comparée du climat et de la société humaine

Sociétés humaines et changement climatique à la fin du troisième millénaire : une crise a-t-elle eu lieu en Haute Mésopotamie ?

Le climat passé a eu un impact important sur les sociétés humaines

La disparition de civilisations florissantes dans l’est du bassin méditerranéen il y a 3.200 ans aurait résulté d’une longue sécheresse

L’apparition de Homo

A propos de l’ouvrage de Le Roy Ladurie, « L’histoire du climat depuis l’An Mil »

Le climat des XIe et XVIe siècles : séries comparées par Emmanuel Le Roy Ladurie

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