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La révolte des travailleurs de Douala (Cameroun) en septembre 1945 : écrasée dans le sang !

jeudi 4 juin 2015, par Robert Paris

La révolte des travailleurs de Douala (Cameroun) en septembre 1945 : écrasée dans le sang !

Dès 1945, la répression coloniale française faisait rage en Afrique. Elle prend un tour violent à Douala, au Cameroun. Dans cette ville, c’est un soulèvement spontané de la classe ouvrière qui menace de débuter une véritable insurrection anticoloniale. Elle est écrasée dans le sang le 24 septembre 1945. Au début des événements, la grève des journaliers du chemin de fer pour laquelle le quartier populaire de Bou-Béri a pris fait et cause. C’est toute une population pauvre qui s’est mobilisée, armée seulement de bâtons, et a envahi le quartier de New Bell. Les Blancs réagissent à l’arme à feu, faisant immédiatement 80 morts et lançant une chasse à l’homme contre les militants ouvriers.

Le 24 septembre 1945, une confrontation entre ce qu’on appelait à l’époque les “colons de combats”, venus avec le colonel Leclerc, et des Camerounais revendiquant leurs droits à l’activité syndicale et au minimum des acquis socioprofessionnels tourne au massacre avec l’achèvement, froidement, de dizaines de civils.

En septembre 1945, la confrontation entre les « colons de combat » et les Camerounais revendiquant leurs droits tourne au massacre à Douala, et de nombreux Africains sont à cette occasion « abattus dans le dos, le plus souvent avec des fusils de chasse ». Comme à Sétif, comme à Guelma.

En septembre 1945, ce sont les colons qui se sont révoltés. Du 5 au 8 spetembre, s’étaient réunis à Douala des planteurs et des exploitants forestiers venus de toute l’AOF qui s’alarmaient de la naissance du syndicat des planteurs africains et par la formation des syndicats d’ouvriers et de fonctionnaires. Le droit syndical pour les travailleurs africains, c’était bien plus que ce que ces colons pouvaient supporter ! D’une manière générale, ils craignaient toute vélléité des autorités françaises de réformer leur manière de surexploiter les populations africaines !

Le résultat de cette réunion avait surtout été de chauffer les esprits et de pousser tous ces colons à s’armer contre les populations africaines et à se préparer à faire un bain de sang contre elles…

L’Association des Colons du Cameroun décidait d’entrer en rébellion violente contre les clauses de la conférence de Brazzaville qui s’était tenue du 30 janvier au 8 février 1944 et qui supprimait les travaux forcés et le régime de l’indigénat dans l’AEF et octroyait aux colonisés le doit syndical et politique. Tout cela n’avait été qu’un calcul de De Gaulle pour retarder toute indépendance mais n’était pas perçu ainsi par les colons français d’Afrique !

La conférence de Brazzaville écrivait en préalable : « Les faits de l’œuvre de la civilisation accomplie par la France dans les colonies écartent toute idée d’autonomie, toute possibilité d’évolution hors du bloc français de l’empire. La constitution même lointaine de self gouvernement est à écarter. » Le programme général confirme : « On veut que le pouvoir politique de la France s’exerce avec précision et rigueur sur toutes le terres de son empire. »

De Gaulle à Douala en 1940

Pour cacher les buts de reconstitution de l’empire, quelques promesses pour un futur sans date… Ces promesses pourtant très vagues étaient cependant ressenties comme inacceptables par les colons. Des « Etats généraux de la colonisation française d’Afrique noire » se réunirent en 1945 à Douala au Cameroun, puis à Paris en 1946, pour s’opposer à l’instauration d’un collège électoral unique dans les colonies et réclamer le maintien d’un minimum de journées de travail obligatoires pour les Africains.

A Douala, exaspérés par la hausse brutale des prix des denrées alimentaires courantes, les cheminots s’étaient mis en grève, le 27 septembre, sans qu’il y ait un mot d’ordre syndical. La grève s’étendait quant eut lieu une manifestation venue des quartiers populaires africains de la ville. Quelques pierres furent lancées par les manifestants dans la ville européenne. La foule marcha sur l’aéroport et fut repoussée par les forces de l’ordre. C’est alors que les colons armés sont entrés en action et ont ouvert le feu sur les manifestants désarmés, faisant immédiatement entre 60 et 80 morts. Au bout de la journée, Gaston Donnat rapporte qu’il y avait des centaines de morts.

Les colons émeutiers ont le pouvoir mais les autorités se gardent de les combattre militairement. Le gouverneur Nicolas est de fait prisonnier des colons. Une chasse à l’homme s’ensuit, suite à laquelle les syndicalistes Léopold Moumé Étia, Lalaurie et Soulier échappent in extremis à l’exécution par les milices françaises.

Comme il y avait parmi les syndicalistes africains quelques syndicalistes français, les milices coloniales s’en prennent à eux. Les militants du parti communiste sont également arrêtés, séquestrés, enlevés, menacés de mort et finalement mutés ou expulsés du Cameroun.

Le mécanisme des événements de Douala est le même qu’en Algérie, à Sétif et Guelma : une manifestation spontanée et populaire sert de prétexte aux colons excités à « tirer dans le tas » et exercer une répression massive, violente, hors de proportion avec les menaces réelles.

Cependant, à Douala, c’était carrément l’imagination des colons qui les avait porté au crime car on n’a jamais pu citer aucun cas de blanc ou de Français qui auriat été victime et qui aurait servi de justification aux crimes de masse commis par les colons en armes.

On remarquera que, si les autorités françaises ont cherché à calmer la situation à Douala, elles n’ont jamais cherché à punir les colons criminels.

Le Pr Mouangue Kobila rapporte :

« En septembre 1945, des émeutes, parties de la misère, furent rapidement politisées et prirent tout aussi vite une tournure communautaire, sauf qu’à ce moment-là, les Camerounais faisaient tous ou presque partie de la tribu des exploités face aux Blancs. Voici comment décrit ces émeutes Richard Joseph, une voix que l’on conteste rarement : « D’une part les chômeurs, les travailleurs occasionnels mal payés et d’autres éléments du sous-prolétariat ; d’autre part, les forces de la réaction coloniale, c’est-à-dire les colons, mais aussi certains membres de l’armée et de la police et quelques administrateurs ». Les émeutes du 22 au 30 mai 1955 commencèrent simultanément à Douala et à Mbanga. A Douala, le théâtre d’opération principal n’était pas Deido mais New-Bell. Ces émeutes, organisées par l’UPC, s’étendirent jusqu’à Nkongsamba, Edéa et Yaoundé et firent de nombreux morts et blessés. »

Gaston Donnat rapporte dans « Afin que nul n’oublie » :

« Ce sont mes élèves du « Cercle d’Etudes » ui vienrent me prévenir, en pleine nuit, du début des événements de Douala, dont ils avaient eu connaissance par les tams-tams transmettant la nouvelle de village en village. Deux élèves avaient quitté l’internat pour venir jusqu’à notre case. (…) Au mois d’avril 1945, nous avions réussi à obtenir un local administratif pour notre Union régionale des syndicats… Bientôt, dans les administrations, l’on ne put pas faire autrement que de tenir compte de ce fait nouveau. (…) Nous n’avons jamais laissé croire aux syndiqués que tout serait facile, qu’il n’y aurait qu’à demander pour obtenir. (…) La société blanche ricanait, on ne nous prenait pas au sérieux. Les employés blancs de la gare de Yaoundé se moquaient de moi en particulier, m’appelant « le roi des nègres ! » (…) Le mouvement syndical s’élargissait : un syndicat des employés de commerce vint s’ajouter aux six déjà existants. C’était très important car il nous permettait de pénétrer dans le secteur privé et nous savions que nous aurions à faire face aux colonialistes les plus virulents. Le 8 mai 1945 fut une journée mémorable à Yaoundé. Je crois que c’est ce jour-là que la société blanche prit réellement conscience de ce qui était en marche. Après une discussion au « Cercle d’Etudes », nous décidâmes d’une manifestation publique pour célébrer la chute du nazisme. A l’Union des syndicats, l’idée fut adoptée d’emblée. Donc, ce jour-là, un cortège parcourut toute la cité administrative de Yaoundé. En tête, une grande banderolle portait l’inscription « Union régionale des syndicats ». Immédiatement derrière, marchaient une dizaine de camarades avec, sur les épaules, un immense cercueil drapé de noir et portant une croix gammée. Uns inscription disait : « Enterrons le nazisme, le racisme, le colonialisme. » Des milliers de Camerounais suivaient cet enterrement symbolique, et parmi eux, deux blancs : moi-même et Madame Jacquot. Les Européens de la cité administrative étaient sidérés, il n’y eut aucune réaction de leur part. (…) En juillet-aoüt 1945, ce fut une véritable contre-offensive des milieux coloniaux. Ils sentaient bien que la passivité habituelle des employés et serviteurs noirs faisait place à un nouvel esprit, revendicatif celui-là. Un syndicat des gens de maison (boys et cuisiniers) était en voie de formation. Les ultra-colonialistes rameutaient toute la société blanche. Les plus virulents étaient ceux qu’on appelait les « coupeurs de bois », exploitants employeurs privés. Ils trouvaient des alliés parmi les administratifs, en particulier aux chemins de fer et dans l’enseignement même. (…) Un certain jour de septembre 1945, nous fûmes informés d’événements graves se déroulant à Douala. Les bruits les plus confus commençaient à circuler. On parlait d’émeutes, de révoltes sans en connaître l’origine, ni les faits exacts. (…) Madame Jacquot eu vent de bruis selon lesquels des milliers de travailleurs camerounais auraient manifesté violemment, se seraient dirigés vers la ville européenne de Douala, que des Blancs auraient été violentés… Tout cela sans certitude. (…) Méric, lui, avait surpris un télégramme émanant des ultras de Yaoundé, adressé à des planteurs de M’Balmmayo, Bafia et autres lieux, leur demandant de s’armer et de venir se joindre à eux pour « remettre de l’ordre ». (…) Dans la nuit qui suivit, les tams-tams ne cessèrent pas de battre dans les alentours de la ville. Ces battements sourds, dans le grand silence nocturne, étaient très impressionnants. Deux de mes élèves s’échappèrent de leur dortoir pour venir nous prévenir et nous informer. Il ya avait eu des manifestations, puis les Blancs s’étaient armés et ils tiraient sur tous les Noirs qu’ils rencontraient. Il y avait de nombreux morts. C’était cela que disaient les tams-tams. Les Blancs semaient la terreur dans les quartiers camerounais. Les élèves avaient peur. Ils nous mettaient en garde. Que faire, en pleine nuit, nous étions seuls sur la pente de la colline, nous ne pouvions qu’attendre le jour. (…) Mon épouse apprit par un employé blanc d’une société coloniale qu’un groupe d’Européens très excités s’étaient réunis. Ils avaient décidé de procéder à l’exécution sommaire des dirigeants syndicaux. J’étais particulièrement visé. (…) Les autorités n’étaient pas sûres d’avoir la situation en mains, les Européens de Douala étaient maîtres de la ville. (…) Des gendarmes arrivèrent, soi-disant pour protéger la case et ma famille. Quelques instants après, j’embarquai dans la camionnette. Monsieur Delanoë, nouvel arrivé de France, n’avait jamais exercé dans un territoire colonial ; il était désigné par la nouvelle administration qui se mettait en place à Paris. Il m’inspirait confiance (note de M et R : Donnat est au PCF et le parti communiste français fait partie du nouveau pouvoir). Sachant que nous n’avions pas les moyens de résister à une attaque armée des Blancs, j’acceptai cette solution provisoire. J’étais persuadé que la révolte des colons ne pouvait pas durer bien longtemps car inévitablement le Gouvernement français d’alors allait réagir. Et c’était sans doute une illusion, car j’apprendrais plus tard que cette nouvelle administration coloniale comprenait essentiellement des socialistes et des démocrates chrétiens plus enclins à écraser un mouvement de libération nationale comme ce fut le cas en Algérie qu’à matraquer des assassins racistes. (…) Nous roulâmes ainsi une bonne partie de la nuit. Vers trois heures du matin, nous arrivâmes dans une agglomération, et l’on nous conduisit dans une « case de passage ». (..) Aux première lueurs de l’aube, on frappa violemment à la porte, puis celle-ci fut ouverte brusquement et un Blanc armé d’un revolver pénétra dans la pièce que nous occupions. Derrière lui, nous aperçumes un groupe de miliciens fusils en mains. Très brutalement, l’homme nous interpella, nous déclarant : « Je vous arrête. A la moindre tentative de votre part, je donnerai l’ordre de tirer. Nous sommes ici en état de sège, c’est mon droit le plus strict ! » (…) Plus tard, nous sommes parvenus à recevoir des informations : manifestations spontanées de travailleurs camerounais, non contrôlées par les syndicats ; massacres opérés par les Blancs armés, maîtrs de la région ; sévices subis par nos camarades Soulier, Lalaurie, Moumié Etia vivants par miracle ; mort du blanc Olivier tué par Lalaurie, etc. (…) »

Donnat rajoute :

« Une amie camerounaise, fille adoptive de Madame Jacquot, m’a fait parvenir un très beau poème « Heures rouges », écrit par Francesco N’Dintsouna. Les quelques extraits ci-dessous n’en représentent qu’une faible partie. »

Non, non, mon coeur non,

tu ne me délivreras pas, te dis-je

tu ne me délivreras pas de mes souvenirs

souvenirs de douleurs…

de sang répandu…

souvenirs de mon peuple traqué

comme une bête

sans merci

depuis ce matin

nous sommes en grève

une grève massive….

c’était en septembre

à peine la guerre venait de finir

à peine les voix de Brazza venaient de se taire

les voix de mensonges

en septembre 1945…

Leur orale

La voici

Ils ont des armes à feu

Ils ont des fusils

Des mitrailleuses

Armés jusqu’aux dents…

Nous n’avons que es bambous

Nos cailloux aussi…

Les balles sifflent

Partout sept jours durant

Sept jours

A Douala

Flaques de sang sur les chemins

Flaques de sang dans les maisons…

Et même les prêtres contre nous

Les prêtres qui hier

Hier encore de leur chaire

Prêchaient la fraternité des hommes

J’ai vu celui-ci

Tuer des nègres à coups de fusil

A coups de fusil dans le dos

A qui cherchait refuge dans son église…

Comment oublier mes frères

Ces flaques de sang dans leurs mains

Nous continuerons le combat…

Pour qu’enfin le Nègre

Dans les cités à venir

Ne soit plus qu’un HOMME

Comme les autres

Un homme tout court…

En fait, même si les révoltes spontanées qui découlaient dans tout l’univers colonial de la fin de la guerre étaient très surévaluées par les colons, elles étaient le début d’une grande révolution anticoloniale et sociale dans toute l’Afrique qui, elle, ne doit pas être sous-évaluée et qui étaient une véritable révolution prolétarienne, même si elle a été dirigée et détournée par des petits-bourgeois nationalistes, grâce au soutien des staliniens et des syndicalistes réformistes.

A Conakry (Guinée), d’autres événements, les 16 et 17 octobre 1945, avaient aussi fait cinq morts suite à des élections truquées. Les marches y seront réprimées et des dizaines de manifestants sans arme seront froidement abattus.

Là comme en Algérie ou au Cameroun, l’adminsitration et le gouvernement français avaient couvert les émeutiers colons et abandonné toute poursuite contre eux. Elle leur avait même laissé leurs armes, éventuellement leurs places de notables et de fonctionnaires ou de responsables locaux.

Dans le registre des massacres antérieurs à ceux du 8 Mai 1945 en Algérie, on peut citer un fait horrible, dénoncé dans le temps même par des soldats ayant pris part à l’expédition, et qui remonte aux premières années de la colonisation, soit au 18 juin 1845. Sous les ordres du colonel Pelissier, l’armée coloniale française enfume une grotte à Ghar El-Frachih, dans le Dahra, où près de 1 000 personnes, entre hommes, femmes et enfants, issues de la tribu des Ouled Riyah, s’étaient réfugiées. Selon des récits de soldats français, outre les blessés, 760 cadavres seront enregistrés à la suite de ce que l’histoire retiendra sous le générique des “enfumades du Dahra”. Le procédé barbare a consisté à mettre le feu aux bûchers installés dans les 5 accès de ladite grotte afin d’asphyxier les occupants.

Toujours avant le 8 Mai 1945, en décembre 1944, pour s’être révoltés afin de demander le paiement de leurs soldes, une dizaine de soldats tirailleurs sénégalais sont froidement exécutés près de Dakar. C’est le massacre de Thiaroye. À ce jour, on ne connaît même pas le lieu où ont été enterrées les victimes, pourtant issus d’un corps de supplétifs de l’armée coloniale.

Un certain nombre de soldats issus de l’Afrique occidentale française (AOF), connus sous le nom de « tirailleurs sénégalais », mais provenant de nombreux pays africains, furent rapatriés à Dakar en 1944. Ces soldats, ex-prisonniers de l’armée allemande, devaient être démobilisés à la caserne de Thiaroye, banlieue sud de la capitale sénégalaise et y recevoir leur prime de démobilisation. Les autorités refusèrent de changer leur argent au taux légal, leur proposant un taux de change très défavorable, en clair les escroquant, en invoquant le fait qu’ils n’avaient pas besoin d’argent dans leurs cases !

Le 30 novembre, las de tant d’humiliations, les soldats africains se mutinaient et retenaient le général français avant de le libérer au bout d’un jour. Le lendemain, les chars débarquaient dans le camp, massacrant les soldats africains désarmés. Bilan officiel : 25 morts et une quarantaine de blessés, chiffres largement sous-estimés, car la trace de 300 soldats a été perdue. Les survivants furent condamnés à la prison pour « insubordination ». Ils ne touchèrent jamais leur retraite de militaire.

On a peut également citer la grève de 1947 de chemin de fer, grève qui s’est étendue du Sénégal à la Côte d’Ivoire. En 1947, a lieu la grande grève des cheminots dans toute la partie de l’Afrique de l’ouest colonie française. En 1947, les ouvriers des chemins de fer de la ligne Dakar-Niger (de Dakar à Koulikoro via Bamako) cessent le travail afin d’obtenir les mêmes droits que les cheminots français.

On peut également citer la grève qui oppose les cheminots, et avec eux tous les travailleurs, aux Blancs armés de Matadi à Léopoldville, ou encore le soulèvement ouvrier au Kenya en 1947, dans le centre ferroviaire de Mombasa où, pendant onze jours, dockers et cheminots dirigent toute la classe ouvrière, domestiques compris, et font la loi dans la ville. En 1945-46, au Congo-Zaïre, ont lieu des mouvements de grève des lignes de chemins de fer accompagnés de révoltes urbaines. En 1946, c’est la grève de Dakar, en 1949 la grève des mines de charbon du Nigeria, les émeutes en Côte d’Ivoire en 1947 et 48. Et encore, en 1950, c’était à Nairobi qu’avait lieu la grève générale. Enfin, en 1956, en Côte d’ivoire et au Nigeria, de nouveaux soulèvements de la classe ouvrière réprimés férocement, par des fusillades et des arrestations.

Gaston Donnat date de la mi-mai 1945 la discussion au sein du Cercle d’études marxistes (rebaptise Cercle d’études sociales et syndicales) portant sur la création d’« un mouvement national camerounais avec comme objectif : l’indépendance ». Deux facteurs accélèrent ensuite le développement d’une conscience nationaliste chez les militants. Le premier est la répression à Douala, en septembre 1945, d’une grève des cheminots qui s’étend rapidement à tous les secteurs d’activité et aux nombreux chômeurs qui peuplent la capitale économique du Cameroun. Les colons, auxquels l’administration distribue des armes, tirent sur une manifestation la faisant dégénérer en émeute. « Les Européens se mirent à tourner dans Douala, explique l’historien Richard Joseph, spécialiste du mouvement national camerounais, et la suite ne peut être décrite que comme un massacre, les huit morts et les vingt blessés du rapport officiel ne reflétant certainement pas la réalité. Les Blancs utilisèrent même un avion, duquel ils mitraillèrent les émeutiers. » Les dizaines d’assassinats de septembre 1945 cimentent le nationalisme de nombreux jeunes Camerounais. L’expulsion vers la métropole des militants français de l’USCC, dans les semaines qui suivent les événements de septembre 1945, accélère le transfert des postes de responsabilité syndicaux aux jeunes militants camerounais. Um Nyobè devient secrétaire général de l’USCC en 1947.

Douala à cette époque, quelques photos

A LIRE :

John Richard dans « Settlers, strikers and sans-travail : the Douala riots of September 1945 »

Emmanuel Tchumtchoua et Pascal Ndjock (Université de Douala, Cameroun) : « Violences coloniales et amnésie collective au Cameroun. Retour sur l’histoire oubliée des massacres coloniaux en terre camerounaise : le cas de la « grève sanglante » de Douala » (septembre 1945)

Le récit de Richard Joseph

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