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Que penser de la croissance actuelle des banques ?

vendredi 25 septembre 2009

Il faut encore revenir sur ce sempiternel sujet, loin d’être épuisé. Et se poser la question, en ces temps de publication de résultats faramineux d’un quarteron de banques américaines : de quoi sont en réalité faites ces performances et quel est donc le secret de cette excellence ?

Il a été largement relevé que la concurrence était devenue moindre, à ce haut niveau de compétition, depuis que plusieurs grands acteurs de Wall Street avaient disparu, après avoir fait faillite ou été rachetés. Goldman a vu couler son concurrent historique, Lehman Brothers, tandis que JP Morgan a absorbé Bear Stearns et Bank of America a fait son affaire de Merrill Lynch. L’horizon dégagé, les portefeuilles de clientèle des perdants n’ont pas été perdus pour tout le monde, la force de frappe financière des survivants en est sortie accrue. Le même phénomène est intervenu à moindre échelle en Grande-Bretagne, amenant George Osborne, le chancelier conservateur « fantôme », à prévenir par avance qu’il n’envisageait pas de limiter la taille des banques de son pays, en cas de victoire électorale de son parti (comme il est probable). Tout au plus serait-il demandé aux méga-banques britanniques de mieux couvrir en capital leurs opérations financières. Car, a-t-il expliqué, il y allait de leur compétitivité et donc de celle de l’économie britannique, le gouvernement ne pouvant agir seul si les autres pays ne procédaient pas de même. Sempiternel piège.

La ficelle était tellement grosse que tous les chroniqueurs économiques et financiers, mêmes les moins hardis, n’ont pas manqué de souligner que c’était grâce à l’argent des contribuables que ces méga-banques étaient toujours en vie et qu’elles avaient pu continuer d’intervenir sur les marchés financiers, pour dégager à nouveau des profits. Lawrence H. Summers, toujours qualifié d’économiste en chef de Barack Obama (avant, s’il y parvient, de pouvoir se prévaloir de la succession de Ben Bernanke et du titre de président de la Fed), n’a pas été en reste à l’occasion de la conférence qu’il a prononcée au Peterson Institute, qui ayant valeur de programme électoral était à ce titre significative. « Il ne faut pas sous-estimer la contribution de l’aide du secteur public à la relance financière » a-t-il déclaré, avant d’ajouter ce commentaire non sans portée dans le contexte actuel, en dépit de son imprécision : « Il est du devoir du secteur public d’insister que les réformes soient mises en place, afin que les erreurs du passé ne soient pas répétées ».

Un récent épisode a en effet montré la grande sensibilité politique qui existait aux Etats-Unis, dès qu’il s’agit des banques et de leur emploi des fonds publics, ainsi que la réactivité dont faisait preuve si nécessaire l’administration Obama. Il s’agit de l’affaire du rachat par les banques des warrants (certificats d’option) qu’elles avaient émis en faveur du Trésor, et du prix auquel la transaction retour devait se faire. Après une première opération qui avait déclenché une tempête de protestations, vu le cadeau qui était consenti par le Trésor, ainsi qu’une déclaration publique de JP Morgan, cherchant à faire baisser le prix de ses warrants, il a fallu improviser une solution coupant court à la contestation. Elle a repris une formule éculée, s’appuyant sur l’organisation d’enchères permettant officiellement que ces prix soient déterminés par « le marché ». Ce qui était à l’origine de toute cette affaire, il faut le souligner pour appuyer notre propos, c’était que, les fonds publics ayant été utilisés par les banques pour jouer au casino, il était normal que les bénéfices en soient correctement partagés à l’arrivée… Les comptes finaux n’ont pas été pour l’instant rendus publics.

Les résultats d’une enquête menée auprès de 360 banques par Neil Barofsky, inspecteur général spécial du TARP, vient à ce propos d’être rendue publique à point nommé et dont il ressort, selon les déclarations des banques qui n’ont pas été vérifiées, que ces fonds ont été largement utilisés pour d’autres usages que celui pour lequel ils étaient officiellement prêtés, à savoir relancer le crédit. Les banques s’en sont servi pour faire des affaires, soit des acquisitions, soit des investissements sur les marchés, ou pour se constituer un petit matelas (ou un gros), en prévoyance de temps futurs difficiles.

Les colonnes des journaux financiers sont alimentées depuis plusieurs semaines par des informations à propos du remboursement par les banques qui en ont bénéficié des fonds publics du Troubled Asset Relief Program (TARP). Pouvant faire croire qu’elles volent dorénavant de leurs propres ailes. Rien n’étant en réalité plus faux, si on considère qu’elles continuent d’être réfugiées sous l’ombrelle de divers programmes de garantie qui continuent d’être en vigueur, et d’être abreuvées de liquidités par la Fed dans des conditions pour elles rêvées. Elles sont toujours sous perfusion, les faits sont là.

Une autre explication de cette prospérité si vite retrouvée, ne pouvant que générer de fortes suspicions sur ses origines, pourrait prochainement faire scandale. Si tout du moins l’enquête engagée par le Department of Justice, qualifiée de « missile » par le Financial Times, ne se perdait pas entretemps dans les sables. Ce ne sont pas les discrètes tractations en cours entre l’administration américaine et la banque suisse UBS, qui devraient aboutir à un compromis afin d’éviter un procès (à propos de la liste des noms de ces dizaines de milliers de contribuables américains ayant pratiqué une évasion fiscale à grande échelle), dont la date est proche après avoir été reculée, qui infirmeront cette fâcheuse possibilité. De quoi, toutefois, s’agit-il ? D’une enquête concernant d’éventuelles ententes illicites sur le marché des OTC (les produits financiers « over-the-counter »), plus précisément sur leur prix, entre les plus grands intervenants sur celui-ci : JP Morgan et Goldman Sachs, ces stars du « Top ten » qui font la une quoiqu’il advienne. Les preuves de l’existence d’un cartel intervenant sur le marché via Markit, le plus important « vendor » (intermédiaire) américain, sont actuellement officiellement recherchées, une pratique occulte permettant d’intervenir de manière privilégiée sur cet énorme marché et dégager des profits en conséquence. Ce qui permettrait, en cas d’investigations fructueuses, de mieux comprendre les bénéfices dégagés par nos compères en si peu de temps. Cela s’appellerait alors avoir été pris la main dans le pot à confiture, mais attendons de voir….

Car soit il s’agit de malversations, soit ces mêmes banques ont continué de prendre des risques inconsidérés, sachant qu’elles bénéficiaient de la protection de facto de l’Etat et qu’elles seraient si nécessaire à nouveau financièrement aidées. L’augmentation ces derniers mois d’une valeur un peu énigmatique, la VAR (Value-at-Risk), qui mesure les pertes potentielles et notamment celles des banques, le montre clairement s’agissant de Goldman Sachs. Il y a donc probablement eu combinaison de ces deux facteurs, ce qui nous offre une image saisissante du monde financier.

Les mesures de régulation qui seront effectivement adoptées à propos des marchés de crédits dérivés, de la création de chambres de compensation et de la réglementation des hedge funds, vont être particulièrement importantes à cet égard. Car il s’agit de tout le secteur non réglementé qui est à l’origine même de la crise actuelle. Tant du côté américain que de celui de la Commission de Bruxelles, des projets existent à des degrés différents d’avancement, les Européens étant à la traîne. Mais les Britanniques freinent des quatre fers à propos de l’étendue des dispositions à prendre, tout en présentant les discussions comme une simple concurrence entre les places de Londres, Paris et Francfort. Dans ces conditions, du point de vue des partisans d’une plus forte régulation, le risque s’accroît que les Etats-Unis, fort de leur avance, imposent leurs solutions et leur contrôle. Ce qui reviendrait à laisser à Wall Street, c’est à dire aux méga-banques, les commandes.

On comprend mieux la politique des Britanniques quand on observe qu’ils envisagent, adoptant pour leur démarche un strict parallélisme avec celui de l’administration américaine sur quasiment tous les plans, d’entre autres confier l’essentiel des rênes de la régulation financière à leur banque centrale, c’est à dire à une structure soi-disant indépendante, mais en tout cas particulièrement opaque, qui échappe au contrôle de toute institution élective. L’adoption d’un tel dispositif est l’un des grands enjeux des bagarres en cours des deux côtés de l’Atlantique dans le monde anglo-saxon. L’arrivée au pouvoir des conservateurs en Grande-Bretagne ne pouvant qu’en faciliter l’adoption.

S’agissant de la politique britannique en matière de régulation financière, plusieurs rapports ont été successivement publiés, qui permettent d’avoir désormais une vue d’ensemble. Ceux de Sir Walter Walker, un ancien régulateur et banquiers d’affaires, d’Adaid Turner, le directeur du FSA (l’organisme de régulation), ainsi que de Sir Win Bischoff, un ancien dirigeant de Citigroup. Dans les trois cas, il s’agit d’insiders officiellement choisis en raison de leur pratique et connaissance de la finance, dont on ne s’étonnera donc, ni de leurs préconisations, ni des limites toutes trouvées de leurs remises en question.

A propos de l’ensemble de ces rapports, le Financial Times vient de publier un point de vue de Philipp Augar, un ancien banquier d’affaires. Sa conclusion, very British indeed, est la suivante : « Il n’y a par génération qu’une seule opportunité de réévaluation du monstre qu’est devenue l’industrie financière. Si une évaluation indépendante devait donc établir que la société a effectivement besoin d’un tel monstre, il serait beaucoup plus réassurant de ne pas avoir à s’en remettre pour cela à la parole du monstre lui-même ».

Mais le sujet des banques ne serait pas provisoirement épuisé s’il n’était fait état de ces banques très particulières que sont les banques centrales. Le domaine est rempli de mystères, protégé des inquisitions et des curiosités par une technicité à toute épreuve particulièrement hermétique. Les banques centrales sont dites indépendantes, une qualité qui leur permet de jouer les vierges effarouchées quand les questions se font trop précises et insistantes. Leur principale qualité est d’être en réalité « democracy-proof », étanches à la démocratie, comme les montres le sont à l’épreuve de l’eau.

F.Leclerc (extrait)

Messages

  • "Un banquier est un homme qui vous prête un parapluie quand il fait beau et vous le prend quand il pleut."

    Mark Twain

    "Si vous voyez un banquier se jeter par la fenêtre, sautez derrière lui : vous pouvez être sûr qu’il y a quelque profit à prendre."

    Voltaire

    Un homme d’affaires fort averti discute avec son fils :
     Mon fils, je veux que tu épouses une fille que j’ai choisie pour toi !
     Comment ?! Mais enfin, je veux pouvoir choisir ma femme moi-même !!!
    Le père dit alors :
     Mais cette fille est la fille de Bill Gates.
    Le fils : "Ahhh, dans ce cas..."

    Le lendemain, le père va voir Bill Gates :
     Bonjour, j’ai un mari pour votre fille.
     Comment ?! Mais enfin, ma fille est trop jeune pour se marier !!!
    L’homme d’affaires répond alors :
     Mais ce jeune homme est vice-président de la Banque Mondiale...
    Bill Gates : "Ahhh, dans ce cas..."

    Le surlendemain, le père va voir le président de la Banque Mondiale.
     Bonjour, j’ai quelqu’un à vous recommander comme vice-président de la banque.
     Comment ?! Mais enfin, j’ai déjà plus de vice-présidents qu’il ne m’en faut !!!
    Le père : - Mais ce jeune homme est le gendre de Bill Gates.
    Le président : "Ahhh, dans ce cas...."

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