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Marx adepte du pur déterminisme économique ?

lundi 2 octobre 2023, par Robert Paris

Marx adepte du pur déterminisme économique ?

Lettre de Engels à Starkenburg, 25 janvier 1894 :

« La dynamique des sphères politique, juridique, philosophique, religieuse, littéraire, artistique, etc., repose sur la dynamique économique. Ces sphères réagissent toutes les unes sur les autres, ainsi que sur la base, économique. Ce n’est pas que l’économie soit la seule cause active et que tout le reste n’exerce qu’une action passive. Au contraire, il y a action réciproque sur la base économique, encore que celle-ci l’emporte toujours en dernière instance. Par exemple, l’État agit par le protectionnisme, le libre-échange, par une bonne ou mauvaise fiscalité. »

Ces sphères ne constituent donc nullement des reflets passifs de la base économique, comme se l’imaginent les marxistes vulgaires qui manquent d’esprit dialectique et n’entendent rien au déterminisme. Dans la société capitaliste développée, chacune de ces « sphères » représente une véritable branche d’activité regroupant des masses considérables d’hommes et de femmes — souvent salariées — qui remplissent des fonctions indispensables au capital, quoique improductives ou socialement nocives, par exemple l’administration, la police, l’armée, l’éducation nationale, la presse, la publicité, les spectacles, les exercices religieux, etc.

« Dans la mesure où toutes ces activités constituent des groupes indépendants au sein de la division sociale du travail, leurs productions y compris leurs erreurs — exercent une influence en retour sur tout le développement économique. Ce qui n’empêche qu’elles soient toutes sous l’influence dominante du développement économique. » (Lettre de Engels à Conrad Schmidt, 27 octobre 1890)

Et Engels d’expliquer brièvement quel est le rapport entre l’économie et les activités superstructurelles :

« L’économie ne crée rien directement d’elle-même, mais elle détermine une sorte de modification et un développement de la matière intellectuelle existante, et encore le plus souvent indirectement. Ainsi ce sont les formes politiques, juridiques, morales, qui exercent le plus directement une action sur la philosophie. » (Ibid.)

On a souvent attribué à Marx et Engels un véritable déterminisme purement économique et effectivement ils ont affirmé que l’histoire est déterminée, à chaque étape, par le niveau atteint des forces productives fondant les rapports de production fondés et un type de propriété. Mais ils ont toujours précisé, comme on le verra dans les citations suivantes, que les hommes font leur propre histoire. Cela ne signifiait pas que les hommes font ce qu’ils veulent de l’histoire, ni que cette dernière dépendrait seulement de ce que les hommes veulent faire et devenir. Le point de vue de Marx et Engels est bien plus dynamique et révolutionnaire. La conscience des hommes est déterminée par la société du passé et la conscience de l’avenir n’est produite qu’au cours de la transformation elle-même, de la lutte révolutionnaire, qui est provoquée par les contradictions entre forces productives et rapports de production. Il n’y a pas de fatalisme ni économique, ni social, ni politique. Cela signifie que l’humanité ne peut se hausser au dessus des conditions d’existence qui sont permises par les moyens de production mais qu’elle peut parfaitement descendre bien en dessous quand les hommes ne se donnent pas les moyens sociaux et politiques des transformations historiquement nécessaires, s’ils ne disposent pas de la conscience, de l’organisation et de la mobilisation nécessaires à l’étape historique qu’ils vivent…

Karl Marx, « L’Idéologie allemande », 1846 :

« La façon dont les hommes produisent leurs moyens d’existence, dépend d’abord de la nature des moyens d’existence déjà donnés et qu’il leur faut reproduire. Il ne faut pas considérer ce mode de production de ce seul point de vue, à savoir qu’il est la reproduction de l’existence physique des individus. Il représente au contraire déjà un mode déterminé de l’activité de ces individus, une façon déterminée de manifester leur vie, un mode de vie déterminé. La façon dont les individus manifestent leur vie reflète très exactement ce qu’ils sont. Ce qu’ils sont coïncide donc avec leur production, aussi bien avec ce qu’ils produisent qu’avec la façon dont ils le produisent. Ce que sont les individus dépend donc des conditions matérielles de leur production. (…)La division du travail à l’intérieur d’une nation entraîne d’abord la séparation du travail industriel et commercial, d’une part, et du travail agricole, d’autre part ; et, de ce fait, la séparation de la ville et de la campagne et l’opposition de leurs intérêts. Son développement ultérieur conduit à la séparation du travail commercial et du travail industriel. En même temps, du fait de la division du travail à l’intérieur des différentes branches, on voit se développer à leur tour différentes subdivisions parmi les individus coopérant à des travaux déterminés. La position de ces subdivisions particulières les unes par rapport aux autres est conditionnée par le mode d’exploitation du travail agricole, industriel et commercial (patriarcat, esclavage, ordres et classes). Les mêmes rapports apparaissent quand les échanges sont plus développés dans les relations des diverses nations entre elles. Les divers stades de développement de la division du travail représentent autant de formes différentes de la propriété ; autrement dit, chaque nouveau stade de la division du travail détermine également les rapports des individus entre eux pour ce qui est de la matière, des instruments et des produits du travail. (…) Voici donc les faits : des individus déterminés qui ont une activité productive selon un mode déterminé entrent dans des rapports sociaux et politiques déterminés. Il faut que dans chaque cas isolé, l’observation empirique montre dans les faits, et sans aucune spéculation ni mystification, le lien entre la structure sociale et politique et la production. La structure sociale et l’État résultent constamment du processus vital d’individus déterminés ; mais de ces individus non point tels qu’ils peuvent s’apparaître dans leur propre représentation ou apparaître dans celle d’autrui, mais tels qu’ils sont en réalité, c’est-à-dire, tels qu’ils œuvrent et produisent matériellement ; donc tels qu’ils agissent sur des bases et dans des conditions et limites matérielles déterminées et indépendantes de leur volonté. Les représentations que se font ces individus sont des idées soit sur leurs rapports avec la nature, soit sur leurs rapports entre eux, soit sur leur propre nature. Il est évident que, dans tous ces cas, ces représentations sont l’expression consciente réelle ou imaginaire de leurs rapports et de leur activité réels, de leur production, de leur commerce, de leur organisation politique et sociale. Il n’est possible d’émettre l’hypothèse inverse que si l’on suppose en dehors de l’esprit des individus réels, conditionnés matériellement, un autre esprit encore, un esprit particulier. Si l’expression consciente des conditions de vie réelles de ces individus est imaginaire, si, dans leurs représentations, ils mettent la réalité la tête en bas, ce phénomène est encore une conséquence de leur mode d’activité matériel borné et des rapports sociaux étriqués qui en résultent. »

Frederich Engels « Lettre à Joseph Bloch » septembre 1890 :

« D’après la conception matérialiste de l’histoire, le facteur déterminant dans l’histoire est, en dernière instance, la production et la reproduction de la vie réelle. Ni Marx, ni moi n’avons jamais affirmé davantage. Si, ensuite, quelqu’un torture cette proposition pour lui faire dire que le facteur économique est le seul déterminant, il la transforme en une phrase vide, abstraite, absurde. La situation économique est la base, mais les divers éléments de la superstructure – les formes politiques de la lutte de classes et ses résultats, – les Constitutions établies une fois la bataille gagnée par la classe victorieuse, etc., – les formes juridiques, et même les reflets de toutes ces luttes réelles dans le cerveau des participants, théories politiques, juridiques, philosophiques, conceptions religieuses et leur développement ultérieur en systèmes dogmatiques, exercent également leur action sur le cours des luttes historiques et, dans beaucoup de cas, en déterminent de façon prépondérante la forme. Il y a action et réaction de tous ces facteurs au sein desquels le mouvement économique finit par se frayer son chemin comme une nécessité à travers la foule infinie de hasards (c’est-à-dire de choses et d’événements dont la liaison intime entre eux est si lointaine ou si difficile à démontrer que nous pouvons la considérer comme inexistante et la négliger). Sinon, l’application de la théorie à n’importe quelle période historique serait, ma foi, plus facile que la résolution d’une simple équation du premier degré. Nous faisons notre histoire nous-mêmes, mais, tout d’abord, avec des prémisses et dans des conditions très déterminées. Entre toutes, ce sont les conditions économiques qui sont finalement déterminantes. Mais les conditions politiques, etc., voire même la tradition qui hante les cerveaux des hommes, jouent également un rôle, bien que non décisif. Ce sont des causes historiques et, en dernière instance, économiques, qui ont formé également l’Etat prussien et qui ont continué à le développer. Mais on pourra difficilement prétendre sans pédanterie que, parmi les nombreux petits Etats de l’Allemagne du Nord, c’était précisément le Brandebourg qui était destiné par la nécessité économique et non par d’autres facteurs encore (avant tout par cette circonstance que, grâce à la possession de la Prusse, le Brandebourg était entraîné dans les affaires polonaises et par elles impliqué dans les relations politiques internationales qui sont décisives également dans la formation de la puissance de la Maison d’Autriche) à devenir la grande puissance où s’est incarnée la différence dans l’économie, dans la langue et aussi, depuis la Réforme, dans la religion entre le Nord et le Sud. On parviendra difficilement à expliquer économiquement, sans se rendre ridicule, l’existence de chaque petit Etat allemand du passé et du présent ou encore l’origine de la mutation consonnantique du haut allemand qui a élargi la ligne de partage géographique constituée par les chaînes de montagnes des Sudètes jusqu’au Taunus, jusqu’à en faire une véritable faille traversant toute l’Allemagne. Mais, deuxièmement, l’histoire se fait de telle façon que le résultat final se dégage toujours des conflits d’un grand nombre de volontés individuelles, dont chacune à son tour est faite telle qu’elle est par une foule de conditions particulières d’existence ; il y a donc là d’innombrables forces qui se contrecarrent mutuellement, un groupe infini de parallélogrammes de forces, d’où ressort une résultante – l’événement historique – qui peut être regardée elle-même, à son tour, comme le produit d’une force agissant comme un tout, de façon inconsciente et aveugle. Car, ce que veut chaque individu est empêché par chaque autre et ce qui s’en dégage est quelque chose que personne n’a voulu. C’est ainsi que l’histoire jusqu’à nos jours se déroule à la façon d’un processus de la nature et est soumise aussi, en substance, aux mêmes lois de mouvement qu’elle. Mais de ce que les diverses volontés – dont chacune veut ce à quoi la poussent sa constitution physique et les circonstances extérieures, économiques en dernière instance (ou ses propres circonstances personnelles ou les circonstances sociales générales) – n’arrivent pas à ce qu’elles veulent, mais se fondent en une moyenne générale, en une résultante commune, on n’a pas le droit de conclure qu’elles sont égales à zéro. Au contraire, chacune contribue à la résultante et, à ce titre, est incluse en elle. Je voudrais, en outre, vous prier d’étudier cette théorie aux sources originales et non point de seconde main, c’est vraiment beaucoup plus facile. Marx a rarement écrit quelque chose où elle ne joue son rôle. Mais, en particulier, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte est un exemple tout à fait excellent de son application. Dans Le Capital, on y renvoie souvent. Ensuite, je me permets de vous renvoyer également à mes ouvrages Monsieur E. Dühring bouleverse la science et Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande, où j’ai donné l’exposé le plus détaillé du matérialisme historique qui existe à ma connaissance. C’est Marx et moi-même, partiellement, qui devons porter la responsabilité du fait que, parfois, les jeunes donnent plus de poids qu’il ne lui est dû au côté économique. Face à nos adversaires, il nous fallait souligner le principe essentiel nié par eux, et alors nous ne trouvions pas toujours le temps, le lieu, ni l’occasion de donner leur place aux autres facteurs qui participent à l’action réciproque. Mais dès qu’il s’agissait de présenter une tranche d’histoire, c’est-à-dire de passer à l’application pratique, la chose changeait et il n’y avait pas d’erreur possible. Mais, malheureusement, il n’arrive que trop fréquemment que l’on croie avoir parfaitement compris une nouvelle théorie et p ouvoir la manier sans difficulté, dès qu’on s’en est approprié les principes essentiels, et cela n’est pas toujours exact. Je ne puis tenir quitte de ce reproche plus d’un de nos récents “ marxistes ”, et il faut dire aussi qu’on a fait des choses singulières. »

K. Marx, Lettre à Paul Annenkov, 26 décembre 1846 :

« Voici, en peu de mots, le résultat général auquel j’arrivai et qui, une fois obtenu, me servit de fil conducteur dans mes études. Dans la production sociale de leur existence, les hommes nouent des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté ; ces rapports de production correspondent à un degré donné du développement de leurs forces productives matérielles. L’ensemble de ces rapports forme la structure économique de la société, la fondation réelle sur laquelle s’élève un édifice juridique et politique, et à quoi répondent des formes déterminées de la conscience sociale. Le mode de production de la vie matérielle domine en général le développement de la vie sociale, politique et intellectuelle. Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience. A un certain degré de leur développement, les forces productives matérielles de la société entrent en collision avec les rapports de production existants, ou avec les rapports de propriété au sein desquels elles s’étaient mues jusqu’alors, et qui n’en sont que l’expression juridique. Hier encore formes de développement des forces productives, ces conditions se changent en de lourdes entraves. Alors commence un ère de révolution sociale. Le changement dans les fondations économiques s’accompagne d’un bouleversement plus ou moins rapide dans tout cet énorme édifice. Quand on considère ces bouleversements, il faut toujours distinguer deux ordres de choses. Il y a le bouleversement matériel des conditions de production économique. On doit le constater dans l’esprit de rigueur des sciences naturelles. Mais il y a aussi les formes juridiques, politiques, religieuses, artistiques, philosophiques, bref les formes idéologiques, dans lesquelles les hommes prennent conscience de ce conflit et le poussent jusqu’au bout. On ne juge pas un individu sur l’idée qu’il a de lui-même. On ne juge pas une époque de révolution d’après la conscience qu’elle a d’elle-même. Cette conscience s’expliquera plutôt par les contrariétés de la vie matérielle, par le conflit qui oppose les forces productives sociales et les rapports de production. Jamais une société n’expire, avant que soient développées toutes les forces productives qu’elle est assez large pour contenir ; jamais des rapports supérieurs de production ne se mettent en place, avant que les conditions matérielles de leur existence soient écloses dans le sein même de la vieille société. C’est pourquoi l’humanité ne se propose jamais que les tâches qu’elle peut remplir : à mieux considérer les choses, on verra toujours que la tâche surgit là où les conditions matérielles de sa réalisation sont déjà formées, ou sont en voie de se créer. Réduits à leurs grandes lignes, les modes de production asiatique, antique, féodal et bourgeois moderne apparaissent comme des époques progressives de la formation économique de la société. Les rapports de production bourgeois sont la dernière forme antagoniste du procès social de la production. Il n’est pas question ici d’un antagonisme individuel ; nous l’entendons bien plutôt comme le produit des conditions sociales de l’existence des individus ; mais les forces productives qui se développent au sein de la société bourgeoise créent dans le même temps les conditions matérielles propres à résoudre cet antagonisme. Avec ce système social c’est donc la préhistoire de la société humaine qui se clôt. »

Préface à la Contribution à la Critique de l’Economie politique, 1859 :

« Qu’est-ce que la société, quelle que soit sa forme ? Le produit de l’action réciproque des hommes. Les hommes sont-ils libres de choisir telle ou telle forme sociale ? Pas du tout. Posez un certain état de développement des facultés productives des hommes et vous aurez une telle forme de commerce et de consommation. Posez de certains degrés de développement de la production, du commerce, de la consommation, et vous aurez telle forme de constitution sociale, telle organisation de famille, des ordres ou des classes, en un mot telle société civile. Posez telle société civile, et vous aurez tel État politique, qui n’est que l’expression officielle de la société civile. (...) : Il n’est pas nécessaire d’ajouter que les hommes ne sont pas libres arbitres de leurs forces productives - qui sont la base de toute leur histoire - car toute force productive est une force acquise, le produit d’une activité antérieure. Ainsi les forces productives sont le résultat de l’énergie pratique des hommes, mais cette énergie elle-même est circonscrite par les conditions dans lesquelles les hommes se trouvent placés, par les forces productives déjà acquises, par la forme sociale qui existe avant eux, qu’ils ne créent pas, qui est la production de la génération antérieure. (...) Les hommes ne renoncent jamais à ce qu’ils ont gagné, mais cela ne vient pas à dire qu’ils ne renoncent jamais à la forme sociale, dans laquelle ils ont acquis certaines forces productives. Tout au contraire. Pour ne pas être privé du résultat obtenu, pour ne pas perdre les fruits de la civilisation, les hommes sont forcés, du moment où le mode de leur commerce ne correspond plus aux forces productives acquises, de changer toutes leurs formes sociales traditionnelles. (...) Ainsi les formes économiques sous lesquelles les hommes produisent, consomment, échangent, sont transitoires et historiques. Avec de nouvelles facultés productives acquises, les hommes changent leur mode de production, et avec leur mode de production, ils changent tous les rapports économiques qui n’ont été que les relations nécessaires de ce mode de production déterminé. »

Karl Marx dans « Préface de la critique de l’économie politique », 1859 :
« Dans la production de leur existence, les hommes se soumettent à des conditions déterminées, nécessaires, indépendantes de leur volonté. Ces conditions de production correspondent à un stade déterminé du développement de leurs forces productives matérielles. L’ensemble de ces conditions de production constitue la structure économique de la société, la base réelle, sur quoi s’élève une superstructure juridique et politique et à laquelle correspondent des formes de conscience sociales déterminées. Le mode de production de la vie matérielle conditionne la vie sociale, politique et intellectuelle en général. Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, mais, au contraire, c’est leur existence sociale qui détermine leur conscience. Ayant atteint un certain niveau de développement, les forces productives de la société entrent en contradiction avec les conditions de production existantes, ou, ce qui en est l’expression juridique, avec le régime de propriété au sein duquel elles ont évolué jusqu’alors. De facteurs de développement des forces productives, ces conditions deviennent des entraves de ces forces. Alors s’ouvre une ère de révolution sociale. Parallèlement à la transformation de la base économique s’effectue le bouleversement plus ou moins lent ou rapide de toute l’énorme superstructure. Lorsqu’on considère de tels bouleversements, il importe de distinguer toujours entre la transformation matérielle des conditions de production économiques – transformation qu’on doit constater à l’aide des méthodes exactes qu’emploient les sciences naturelles – et les formes juridiques, politiques, religieuses, artistiques ou philosophiques, bref, les formes idéologiques dans lesquelles les hommes prennent conscience de ce conflit et le mènent jusqu’au bout. De même qu’on ne juge pas un individu sur l’idée qu’il se fait de lui-même, de même on ne saurait juger une telle époque de bouleversement sur la conscience qu’elle a d’elle-même. Il faut, au contraire, expliquer cette conscience par les contradictions de production. Un type de société ne disparaît jamais avant que soient développées toutes les forces productives que cette société est capable de contenir, et jamais un système de production nouveau et supérieur ne s’y substitue avant que les conditions d’existence matérielles de ce système aient été couvées dans le sein même de la vieille société. C’est pourquoi l’humanité ne se pose jamais que les problèmes qu’elle peut résoudre, car en y regardant de plus près, il se trouvera toujours que le problème lui-même ne surgit que là où les conditions matérielles pour le résoudre existent déjà ou du moins sont en voie de naître. »

Marx et Engels ont maintes fois souligné le caractère émergent de l’homme, de la société humaine, de la propriété privée et de ses formes historiques diverses, des nouvelles classes sociales, des nouveaux modes de production, des nouveaux rapports sociaux, des nouvelles situations politiques et de la conscience sociale qui en découle :

« Il existe par conséquent des forces innombrables qui s’entre-croisent, un nombre infini de parallélogrammes de forces, donnant une résultante, l’événement historique, qui peut à son tour, être considéré comme le produit d’une puissance agissant comme un tout, sans conscience ni volonté. Car ce que chacun veut séparément est empêché par tous les autres, et ce qui en résulte, c’est quelque chose qu’aucun n’a voulu. »

Lettre d’Engels publiée dans le « Sozialistischer Akademiker en 1890
Et Engels reprend ce thème :
« Les hommes font eux-mêmes leur propre histoire, mais jusqu’à présent, même dans les sociétés bien délimitées, ils ne l’ont pas faite avec une volonté d’ensemble ni selon un plan général. Leurs aspirations s’entrecroisent, et c’est précisément pour cela que, dans toutes les sociétés semblables, règne la nécessité, dont le hasard est le complément et la forme sous laquelle elle se manifeste. »

Pour Marx, la superstructure a un caractère émergent :

« Dans la production sociale de leur vie, les hommes se trouvent liés par certains rapports indispensables, indépendants de leur volonté, par des rapports de production, qui correspondent à un degré déterminé de l’évolution de leurs forces productives matérielles. L’ensemble de ces rapports de production constitue la structure économique de la société, le fondement réel sur lequel s’élève la superstructure juridique et politique. »

Marx écrit dans sa lettre à Engels en date du 7 juillet 1866 :

« Notre théorie de la détermination de l’organisation du travail par les moyens de production. »

Le « déterminisme économique » de Karl Marx

https://www.marxists.org/francais/lafargue/works/1909/00/laf_19090000a.htm

Paul Lafargue

Déterminisme économique et sciences naturelles et mathématiques
(mars 1906)

https://www-marxists-org.translate.goog/archive/lafargue/1906/03/economic-determinism.htm?_x_tr_sl=auto&_x_tr_tl=fr&_x_tr_hl=fr

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