mardi 30 novembre 2021, par
,Les prolétaires de Guadeloupe et de Martinique nous montrent la voie. Suivons-la
A l’échelle du monde, c’est bien à un capitalisme en panne depuis 2008 que répondent les mouvements qui prennent diverses formes sur tous les continents. La principale source des attaques que subissent les travailleurs, c’est cette chute d’un système arrivé à bout de course que les classes dirigeantes ne peuvent maintenir que par des contraintes étatiques violentes contre les opprimés, pour prévenir toute révolution.
C’est à une phase défensive que correspondent les réactions des travailleurs. Ils ont jusqu’ici essentiellement répondu à des attaques frontales plus politiques qu’économiques. Les "migrants" traqués comme des bêtes aux frontières de l’Europe, de la Pologne à la France, sont en fait des réfugiés fuyant les guerres civiles soutenues par les impérialismes pour écraser le « Printemps arabe ». Ils ont fui pour survivre.
Dans les pays les plus riches, l’épidémie de la Covid 19 a été utilisée par les gouvernements comme prétexte pour des licenciements déguisés, des baisses de salaire (les 85% du salaire pour le chômage technique présentés comme un "cadeau"), des restrictions des libertés de circuler, l’infantilisation de la population par la vaccination rendue obligatoire. Le caractère policier des prétendues mesures sanitaires est mis en évidence par la réduction de validité des tests : de 72h à 24h. Aucun argument médical n’est donné, c’est une mesure ouvertement répressive pour forcer les récalcitrants à se vacciner. Et ce n’est qu’un exemple du caractère arbitraire et dictatorial des mesures soi-disant de santé.
Les objectifs mis en avant par les travailleurs, les manifestants et grévistes des Antilles sont également défensifs, mais la différence avec les luttes en métropole, c’est que le refus des sanctions contre les non vaccinés, le refus de la vaccination obligatoire, ont abouti à une lutte collective quasi-insurrectionnelle, car se greffant sur des revendications économiques et politiques non résolues et explosives depuis des décennies.
Oui, les travailleurs des anciennes colonies nous montrent la voie ! La prochaine étape est en métropole : comment soutenir et étendre cette lutte ? Il faut suivre le même chemin vers l’insurrection sociale.
Il n’y a rien d’étonnant que les premières déclarations traduisant une réelle solidarité, quasiment les seules à ce jour, proviennent de groupes de Gilets Jaunes qui sont restés mobilisés depuis la naissance du mouvement il y a trois ans, et ont depuis des mois les mêmes revendications qu’en Guadeloupe. On lit par exemple dans les déclarations des GJ de Belleville-Montreuil-Pantin et ceux de Poitiers : "Comme en 1967, un an avant la métropole, la Guadeloupe nous montre la voie", ou en encore "Soutenons le soulèvement du peuple de Guadeloupe et de Martinique qui lutte contre les pseudo-politiques anti-covid et contre la misère ! Etendons la lutte, grève générale illimitée !"
Il est tout aussi naturel que les plus hypocrites déclarations de solidarité proviennent des organisations politiques et syndicales réformistes. En métropole, des candidats aux présidentielles dits « révolutionnaires » N. Arthaud et P. Poutou et jusqu’à la CGT, en passant par le PCF et les Insoumis, on reçoit des déclarations de solidarité, gênées, faiblardes, pleurnichardes, qui ne sont suivies d’aucun appel à l’action.
La première raison en est qu’aucune de ces organisations n’a pris la mesure de la crise historique du capitalisme en 2008 : les capitalistes restent riches individuellement nous disent-elles, donc tout va bien pour le capitalisme. Tant pis si le fonctionnement vital du capitalisme (la création de plus-value supplémentaire extraite du travail humain) décline, tant pis si une part croissante des investissements se détourne de la production de richesses nouvelles. Ces organisations « de gauche » sont trop fondamentalement adaptées au système pour imaginer seulement qu’il puisse s’effondrer.
La seconde raison est que ces organisations approuvent et cautionnent globalement la politique sanitaire, dont la vaccination de masse (y compris avec de faux vaccins) et le pass sanitaire (qu’elles disent parfois regretter mais refusent de combattre). Or ce sont ces mesures qui ont mis le feu au poudre : "Ce qui a été l’étincelle de la révolte c’est la suspension de centaines de travailleurs de la santé et du médico-social parce qu’ils ne voulaient pas se faire vacciner. Ils sont privés de salaire. C’est le gouvernement et les chefs des administrations qui sont les véritables responsables, les incendiaires, les boutefeux ce sont eux." écrit Jean-Marie Nomertin, à la fois dirigeant de la CGT Guadeloupe et de Combat Ouvrier (lié à Lutte Ouvrière – France) en Guadeloupe. Il en va de même avec la CGT de Martinique dirigée également par un leader politique lié à Lutte Ouvrière. Il est clair que de tels dirigeants ne poussent pas à la lutte et se plaignent que les gouvernants les y contraignent !
Même s’il n’a pas autant mis le feu aux poudres, ce même rejet existe aussi en métropole en France et dans de nombreux pays. En Autriche, après que le chancelier autrichien Alexander Schallenberg a décidé le confinement des personnes non vaccinées, des organisations ont appelé à un vaste soulèvement contre cette mesure qualifiée par une grande chaine télé de "liberticide et unique au monde". Manifestation d’extrême droite nous disent « les gauches » mais c’est elles qui militent pour qu’il en soit ainsi. C’est en n’appelant pas à participer massivement aux manifestations anti-pass du samedi que la CGT et la gauche de la gauche politique se retrouvent, après avoir théorisé que tous ces "anti-vax" n’étaient que de la graine de fachos, qu’elles se retrouvent à ne se solidariser que du bout des lèvres avec les travailleurs de Guadeloupe et des Antilles, qu’elles les ont laissé se battre seuls alors que le mouvement monte depuis des semaines. La théorie que les "anti-vax" (en réalité seulement anti faux vaccins covid et anti obligation vaccinale) sont tous d’extrême-droite est battue en brèche par la Guadeloupe et en Martinique.
Ayant décidé que le refus de la vaccination obligatoire et des sanctions qui s’en suivent n’est pas correcte, c’est un pseudo-radicalisme que les organisations politiques de gauche, de la gauche de la gauche, de l’extrême gauche ou syndicales manifestent en réclamant (avant, pendant et n’en doutons pas après la grève générale en Guadeloupe) des "augmentations des salaires et des pensions". Cette stratégie qui se prétend offensive est en décalage complet avec l’échelle de l’attaque des patrons et des gouvernants, mais plus encore avec le sens de celle-ci, notamment son caractère politique et de classe.
Le dirigeant de la CGT Guadeloupe constate à juste titre : "La Guadeloupe est bloquée par les barrages. La population soutient le mouvement. Les patrons et leur gouvernement commencent à nous craindre. Car ils ont peur du mouvement de masse." Dans ce mouvement de masse se trouvent des jeunes chômeurs, des petits commerçants et paysans. C’est un mouvement interclasse à l’image de celui des Gilets Jaunes. Mais ce même leader de la CGT Guadeloupe, de révolutionnaire qu’il se proclame, se transforme malgré lui en bureaucrate syndical lorsqu’il ajoute : "une revendication qui pourrait unir tous les travailleurs c’est celle d’une augmentation de salaire substantielle, uniforme et aussi l’augmentation des pensions et des minima sociaux." Non ! unir les travailleurs autour d’un mot d’ordre qui laisse de côté les jeunes qui n’ont pas de travail, les petits-commerçants, les paysans pauvres, c’est surtout isoler les travailleurs, les empêcher de prendre la tête d’une révolution de tous les exploités. Non à la baisse du niveau de vie ! Non a l’obligation vaccinale, non aux sanctions contre les travailleurs non vaccinés ! Suppression de tous les impôts indirects dont la TVA ! seraient des mots d’ordre défensifs qui pourraient être repris par tous. Les augmentations de salaire et la diminution du temps de travail, les travailleurs ne sont bien sûr pas contre. Mais c’est ce que la bourgeoisie oblige par la loi les patrons à négocier lors de la mascarade des "Négociations annuelles obligatoires". Cette défense de leurs intérêts économiques individuels, certes sous forme de conventions collectives, c’est le programme auquel la bourgeoisie veut forcer les travailleurs et leurs syndicats à se restreindre depuis la loi de 1884, car cette lutte pour les salaires est une impasse si elle n’est pas liée à une lutte politique de classe, une lutte pour la direction de toute la société, de la politique sanitaire, à la politique répressive, à la politique de guerre en passant par la politique financière.
Par leur combativité, et malgré leurs fausses directions politiques et syndicales, les travailleurs de Guadeloupe et de la Martinique ont donné un caractère offensif à leur riposte. Concernant les salaires, c’est l’abolition du salariat, bien plus que les augmentations de salaires qui permettrait de passer à une lutte offensive, une lutte révolutionnaire pour ceux qui le voudraient. Celle-ci ne commencera pas lorsque la "bonne" revendication sera mise en avant. C’est lorsque des comités auto-organisés se mettront en place, élieront des délégués qui mettront en place une direction du mouvement, n’en déplaise à toutes les "organisations" et "syndicats" qui actuellement prétendent à ce rôle, que par peur, les patrons proposeront des augmentations de salaires, comme en 1936.
La force des travailleurs franchira un cap lorsque ces comités permettront de réunir tous les exploités en lutte : des comités de quartier, de travailleurs, de paysans pauvres, de pompiers. Ils sont la seule forme d’organisation qui permettre de regrouper tous les exploités en lutte, dans un Front unique : qu’ils soient syndiqués ou non, pour ou contre l’autonomie, pour ou contre la vaccination obligatoire, pour ou contre la lutte armée. Que ces débats aient lieu dans ces comités contrôlés par les travailleurs, et que par leurs votes les travailleurs décident d’appliquer telle ou telle politique, et c’est un embryon d’Etat ouvrier qui apparait, comme le fût le cas sous la Commune de Paris de 1871 ou avec les soviets de Russie de 1917.
Le PS, le PCF, la CGT, les Insoumis et les pseudo-révolutionnaires qui régulièrement se transforment en syndicalistes sans perspective ou sociaux-démocrates de gauche ont mené la classe ouvrière bien des fois à l’échec, notamment en 1936, avant la guerre, puis lors de la décolonisation d’après 1945. C’est parce que cette décolonisation ne fut pas menée à bien par la classe ouvrière qu’elle a échoué à remettre en question l’impérialisme, et que, de la Birmanie au Mali, à la Guadeloupe, les travailleurs doivent reprendre le chemin de la lutte contre l’exploitation, les dictatures militaires et même l’oppression nationale ou raciale.
Une tout autre école, c’est celle de la victoire, celle du prolétariat français en 1871 qui contraignit les gouvernants français et allemands pourtant en guerre à s’unir contre lui, celle du prolétariat russe qui, en 1917, mit fin au massacre de la guerre mondiale en prenant le pouvoir avec le soutien des paysans. Après la prise du pouvoir des soviets, Lénine et Trotsky invitaient-ils les ouvriers à mettre en avant "la" bonne revendication des salaires ? Non, ils leurs proposèrent, à eux et aux autres classes exploitées et à tous les opprimés, une première étape, qui est d’actualité en Guadeloupe comme en Martinique, comme partout, en déclarant que la tache immédiate consistait à
« 1° Eclairer le plus largement les masses de la classe ouvrière sur la signification historique de la nécessité politique et pratique d’une nouvelle démocratie prolétarienne, qui doit prendre la place de la démocratie bourgeoise et du parlementarisme ;
2° Elargir et organiser des Soviets dans tous les domaines de l’industrie, dans l’armée, dans la flotte, parmi les ouvriers agricoles et les petits paysans. »
L’émancipation des travailleurs des pays riches de l’exploitation capitaliste, la libération du double joug de leurs armées bourgeoises et de l’impérialisme des peuples opprimés des Antilles, du Mali, du Soudan, de la Birmanie, passent par un même programme, la seule revendication qui unira les travailleurs à l’échelle de la planète : le pouvoir aux travailleurs à la tête de tous les exploités, pour la construction d’une société débarrassée de l’exploitation capitaliste qui survit seulement par la force des armées impérialistes, en Guadeloupe ou en Martinique, comme ailleurs !