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Travailleurs, organisons nous-mêmes luttes, grèves et insurrection !!!

mercredi 19 décembre 2018, par Robert Paris

Le monde du Travail peut-il organiser par lui-même, en se passant de ses encadreurs sociaux réformistes que sont les bureaucraties syndicales, la lutte insurrectionnelle contre le monde du Capital ?

Bien sûr, en France, la question fait immédiatement penser aux gilets jaunes puisque ce mouvement de révolte spontané et auto-organisé a d’emblée démontré sa capacité à se développer par lui-même, de se coordonner, de mener ses actions, de développer son programme, de populariser ses objectifs et perspective, à s’autonomiser de ses encadreurs réformistes en se passant de toute direction syndicale et même de tout soutien des directions syndicales !!! Certes, parmi les travailleurs qui se mobilisent, on trouve de nombreux militants, anciens militants ou adhérents des syndicats de salariés mais ceux-ci ont rejoint les gilets jaunes en adoptant sa philosophie, à savoir de n’être surtout pas chapeautés, dirigés, encadrés par personne, ni appareil politique, ni appareil syndical, ni appareil associatif, de n’obéir à personne, de ne demander à personne ce qu’il penser et faire, ce qu’il faut décider et comment agir, que revendiquer et comment l’obtenir.

Nous sommes donc bien là à l’inverse des pratiques des directions syndicales ou intersyndicales que, dans le même pays, avec les mêmes gouvernants, avec les mêmes attaques, tous les syndicats viennent de nous administrer, que ce soit avec le mouvement des cheminots, avec les autres attaques antisociales comme les privatisations des services publics, les suppressions d’emplois privés (par exemple, à Ford Blanquefort et Ascoval), les suppression d’emplois publics (par exemple, dans l’enseignement et la recherche ou dans l’hôpital public), les suppressions des aides sociales ou les attaques contre les services sociaux, la santé, l’éducation, etc.

Dans tous ces cas, on a assisté au ballet traditionnel des appareils bureaucratiques des syndicats : aucune décision de la base, aucun contrôle de la base, aucun vote décisionnel de la base, aucune élection de délégués à la base, aucune organisation de la base et, finalement, les classes dirigeantes qui ne craignent rien du mouvement syndicale, qui ne cèdent sur rien, qui n’ont peur de rien…

Et aussi, autre caractéristique qui oppose ces journées d’inaction syndicales au mouvement des gilets jaunes, le réformisme syndical battait son plein hier, caractérisé par le respect de l’ordre des classes possédantes, l’encadrement policier… des syndicats, l’encadrement politique… des syndicats, le refus de toute forme d’insurrection ouvrière, le refus de toute forme d’auto-organisation ouvrière, le refus de toute tentative de déborder l’ordre des milliardaires, et notamment le refus de toute extension des mouvements en cours, de tout débordement vers d’autres secteurs d’activité, vers d’autres corporations, vers d’autres entreprises.

En somme, on a successivement la démonstration de l’inefficacité totale des syndicats dont tous les mouvements échouent sans cesse en ne se faisant nullement craindre des classes possédantes et de l’efficacité de l’insurrection du monde du travail qui, depuis un mois, ne cesse de frapper de terreur ces mêmes classes de bandits et de gouvernants à leur service !!!

Et l’un des principaux succès du mouvement actuel, c’est d’avoir fait monter brutalement le niveau d’auto-organisation et, du coup, de conscience sociale et politique du monde du Travail. Certes, dans ce domaine, tout ne changera pas en un jour, mais une réponse claire a été donnée à ceux qui prétendaient que la révolution sociale était très loin d’être d’actualité…

Le mouvement des gilets a clairement démontré que les travailleurs sont capables de s’organiser par eux-mêmes et que c’est la première des choses à faire pour faire reculer nos ennemis. Il a également démontré que la première des choses à ne pas faire, si on veut se faire craindre des classes possédantes, c’est de ne pas se ranger derrière des bureaucraties réformistes liées par mille liens (et d’abord ceux de leur financement) au pouvoir capitaliste et aux trusts.

Les premiers à avoir été complètement débordés, pris à contre-pied par le mouvement des gilets jaunes, c’est bien les appareils syndicaux, lesquels avaient participé activement à l’opération échouée de la campagne de propagande mensongère : gilets jaunes égale petite bourgeoisie puis gilets jaunes égale extrême droite, puis gilets jaunes égale ultra gauche, puis gilets jaunes égale casseurs, puis gilets jaunes égale affaiblissement des forces sécuritaires, égale manque de sécurité face au terrorisme !!!

Ensuite, le pouvoir a reculé, démontrant que les revendications des gilets jaunes, que ces syndicats voulaient discréditer, avaient bien une certaine valeur puisque le pouvoir bourgeois était contraint en partie au moins de leur céder. Là, les appareils syndicaux se sont divisé la tâche : les uns affirmant que ce recul qu’ils n’avaient en rien aidé était suffisant pour arrêter le mouvement qu’ils avaient combattu de toutes leurs forces. Ce sont les syndicats les plus ouvertement réactionnaires. Et les plus hypocrites, comme l’appareil de la CGT, eux, ont affirmé que le mouvement des gilets jaunes n’avait rien obtenu, que le pouvoir n’avait en rien reculé et qu’il n’y avait aucune démonstration d’efficacité de l’insurrection, comme d’inefficacité des appareils syndicaux !!! La plupart des organisations de gauche et d’extrême gauche, qui pactisent avec ces appareils syndicaux, ont tenu le même discours !!! Les plus gauches ont appelé les syndicats à agir « conjointement » au mouvement de colère, sans citer les gilets jaunes explicitement, sans les soutenir, sans appeler les travailleurs à s’organiser en comités de gilets jaunes dans les entreprises, sans dénoncer la répression violente des gilets jaunes !!!

En somme, bien des prétendus révolutionnaires, de prétendus syndicalistes, de prétendus socialistes ou communistes, ont montré ce qu’ils étaient face à une véritable montée révolutionnaire et insurrectionnelle.

Certes, ces derniers répliquent en disant que ce n’est pas une insurrection mais une révolte confuse, que c’est du mélange du pire et du meilleur et autres balivernes.

Ces derniers auraient certainement dit la même chose de la Commune de Paris de 1871 ou de la révolution d’Octobre 1917 en Russie, sans parler de la révolution espagnole de 1936 !!!

C’est trop agité pour eux, la véritable révolution sociale et ils ne sont pour que lorsqu’elle ne frappe pas à la porte, juste pour donner un peu de lustre à leur allure de simple soutien des appareils syndicaux.

On trouve aussi bien dans cette rubrique de révolutionnaires en peau de lapin des anarchistes, des anarchosyndicalistes, des trotskistes, des gauches communistes, des antiracistes, un peu de tout ! Le véritable mouvement du monde du Travail démasque dont et fait aussi le ménage parmi les faux amis, qui sont trop amis des appareils syndicaux pour être favorables réellement à l’auto-organisation insurrectionnelle des travailleurs !!!

C’est ainsi que tous les appareils syndicaux réformistes se sont retrouvés débordés, ridiculisés, négligés, mis à l’écart par un véritable mouvement social insurrectionnel qu’ils ont prétendu discréditer, isoler, dénigrer, affaiblir et faire arrêter.

Le pouvoir capitaliste a, en même temps, reconnu et démontré qu’il regrettait que les gilets jaunes ne soient pas encadrés par les appareils syndicaux, que c’est cela qu’il craignait justement en premier !!! Impossible, du coup, de savoir d’avance les limites que le mouvement se donnerait, impossible de savoir à quelles revendications il s’arrêterait, impossible d’empêcher que le mouvement approfondisse ses revendications, devienne un mouvement politique, remette en cause les fondements même de l’Etat au service des milliardaires !!!

Il est ainsi ouvertement apparu clairement que les appareils syndicaux, prétendument en lutte permanente contre le pouvoir capitaliste, n’avaient servi qu’à l’étayer, à le sauver, à le stabiliser et à discréditer les forces et les capacités du monde du travail !!!

Une leçon que les travailleurs ne sont pas prêts d’oublier !

Il a suffi que le monde du travail cesse de suivre ces pseudo-dirigeants syndicaux, pour qu’il soit capable de tout ce qui était apparu impossible pendant tous les mouvements précédents : s’organiser, unir les salariés et les chômeurs, unir les hommes et les femmes, unir les jeunes et les vieux, unir les retraités et les actifs, unir le privé et le public, unir les CDI et les précaires, dépasser les barrières professionnelles et corporatistes, etc, etc.

Et aussi, le mouvement a dépassé les barrières de la sacro-sainte légalité, celle de la loi du grand capital, imposée par ses forces de répression, par la défense de ses banquiers, de ses capitalistes, de ses financiers.

Jamais les syndicats n’avaient remis en cause les fondements même de l’impôt, les fondements même de l’Etat, les fondements même de l’exploitation, les fondements même de la tromperie pseudo démocratique de la démocratie bourgeoise.

Non seulement, les appareils syndicaux n’ont à aucun moment soutenu ce mouvement, mais ils n’ont même pas dénoncé sa répression violente par les forces étatiques du grand capital, ce qui nous indique de quels bords ils se trouveront dans la révolution sociale qui vient….

Le fait que tout cela se déroule dans un pays riche, développé, soi-disant démocratique, et même considéré par certains comme le symbole même de la démocratie politique et sociale, en dit très très long sur la grand changement mondial de la situation, non seulement sociale, mais fondamentalement économique. La lutte des classes n’est plus ce qu’elle était parce que l’état des classes sociales n’est plus le même.

Si le réformisme syndical est en voie d’être démasqué dans son rôle contre-révolutionnaire par l’action directe, autonome, des masses prolétariennes, c’est que la situation économique est mûre pour l’effondrement du système.

Cela signifie que, sous des formes diverses, l’organisation en masse du prolétariat, de type conseils ouvriers, redevient d’une brûlante actualité !!!

Et, de fait, dans toutes les parties du monde capitaliste, l’auto-organisation des luttes sociales, sous forme de gilets jaunes ou pas, recommence à apparaitre.

Dans les pays où le prolétariat est le plus combatif, cette auto-organisation est depuis longtemps l’essentiel des formes de luttes qui ont eu lieu ces dernières années. On peut citer ainsi toutes les luttes des prolétaires d’Asie qui sont en pointe du combat prolétarien mondial : du Vietnam, de Chine, de nombreuses luttes en Inde, au Cambodge.

Mais, même dans les anciens pays impérialistes occidentaux, l’auto-organisation, appelée également « grève sauvage » ou wildcat, coordinations, comités de grèves, comités de piquets ou collectifs de gilets jaunes, se développe partout.

On a vu qu’une bonne partie des luttes ouvrières actuelles des Etats-Unis, parmi les enseignants comme dans l’industrie, tendent à se passer des bureaucraties syndicales, à les déborder, à les débarquer, les travailleurs étant conscients que ces appareils ne visent qu’à les diviser, à les affaiblir, à les empêcher de partir ensemble en grève, à leur interdire de s’exprimer et de décider par eux-mêmes !!!

Si le réformisme est ainsi démasqué dans les métropoles impérialistes, si le réformisme politique et syndical y est battu en brèche et partiellement discrédité, c’est bien que l’état économique et social du capitalisme a changé. Et, particulièrement depuis l’effondrement de 2007-2008, les classes possédantes ne peuvent plus, ne veulent plus céder les quelques miettes qui faisaient la joie et le crédit des appareils syndicaux, contraints maintenant à ne faire que signer des reculs sociaux massifs, à ne faire que contribuer à la démoralisation et à la désorganisation du monde du travail !!!

La remise en cause globale de l’ordre des possédants nécessite, comme premier pas, celle de l’ordre des encadreurs professionnels réformistes, dont les bureaucrates syndicaux de tous bords sont les plus dangereux. C’est à eux que l’on doit attribuer l’échec de nombreux mouvements prolétariens insurrectionnels de ces dernières années, par exemple en Tunisie, en Egypte, en Turquie et dans plusieurs pays d’Afrique…

Prolétaires, organisons nous nous-mêmes, libérons-nous de nos prétendus sauveurs, réunissons-nous sans encadreurs professionnels, décidons nous-mêmes des moyens de nos luttes et de leurs objectifs et nous nous donnerons ainsi la conscience et l’organisation nécessaires pour que le monde du travail arrache le pouvoir au monde du capital, condition indispensable pour changer une situation économique et sociale chaque jour plus insupportable.

Le monde du travail est en train de revivre des épisodes d’action directe, d’auto-organisation, d’insurrection, de remise en cause des bases mêmes de l’exploitation et de l’oppression, et fait ainsi des pas gigantesques et rapides vers le renouveau révolutionnaire du prolétariat. C’est dans ce sens qu’est l’avenir de l’humanité et il suffit de voir les grimaces affolées des gouvernants du monde pour s’assurer que nous sommes de nouveau sur la bonne voie, celle de la révolution sociale et de la fin du pouvoir des milliardaires.

Personne n’est devin. Nul ne peut prédire quels seront les pas suivants car l’Histoire n’est ni répétitive, ni n’obéit à des lois prédictives, mais l’Histoire révolutionnaire du prolétariat s’est remise en marche et c’est exactement ce qui était indispensable face à l’effondrement économique capitaliste !!!

Dans de nombreux pays comme en France et en Belgique, avec les gilets jaunes, les travailleurs dirigent eux-mêmes des luttes, des grèves et s’organisent en se passant des dirigeants traîtres des syndicats

Syndicats et auto-organisation

Grèves sauvages en Afrique du Sud en 2013

Grèves sauvages au Vietnam

Les gilets jaunes s’auto-organisent en France

Une grève sauvage historique : la grève Pullman de Chicago en 1894

Une grève sauvage chez Total

Grève sauvage à Arcelor-Mittal (Algérie)

Grèves sauvages en Egypte en 2006

Grève sauvage en Australie en 2009

En Afrique du sud, les affrontements avaient commencé vendredi 10 août 2010, lorsque des centaines de mineurs de fond ont lancé une grève sauvage

Teachers Wildcat Strike in California

Gilets jaunes sur les ronds-points

Teachers Wildcat Strike in Chicago

Seattle teachers resist standardized testing

L’Iran en juin 2018

Des nouvelles du front, sur les gilets jaunes en France

Wikdcat strike

Teachers in Oakland

Messages

  • Pourquoi les syndicats vont droit dans le mur et nous entraînent avec eux ?

    Lire ici

  • Le retour soudain de la grève sauvage aux USA...

    Les dockers des ports de New York et du New Jersey ont lancé une première grève sauvage le vendredi 29 janvier. La grève surprise a coûté des centaines de milliers de dollars en quelques heures au business portuaire de l’importation (et exportation) des marchandises.
    La grève a marqué les observateurs par sa spontanéité fulgurante, les industriels sont restés sans voix devant une telle situation inédite, se questionnant sur sa signification, et surtout, sur son renouveau probable à l’avenir.

    Le lundi suivant les employés-chauffeurs du groupe Uber, toujours à New York, lancèrent une grève de 24 heures et un rassemblement devant le siège de l’entreprise pour protester contre leur statut de « sous-traitants » prolétarisés.
    Bien que planifiée au moins un jour ou deux à l’avance cette grève sauvage a été organisée par un réseau informel « Uber Drivers United », également en coordination informelle avec la Taxi Workers Alliance. Uber s’est auto-proclamé , selon ses fondateurs de la Silicon Valey, comme les fossoyeurs des règles sociales et se vantaient d’être sans syndicats. Les grévistes n’ont pas réclamé de reconnaissance syndicale mais simplement la satisfaction de leurs revendications contre les baisses de salaire.
    Plus tôt en janvier encore, une fraction des enseignants de Détroit menée par Steve Conn (ancien dirigeant de la Detroit Federation of Teachers) orchestra une grève sauvage dont l’objectif tactique était de s’appuyer sur l’auto-organisation de l’ensemble des travailleurs de l’éducation, c’est-à-dire les non-syndiqués.

    Depuis Conn a tenté de mettre en place un syndicat alternatif (dégénérescence coutumière des luttes catégorielles) la « Detroit Teachers Union ». Cependant, d’une façon générale, les enseignants occidentaux étant habitué à un certain corporatisme de service ils sont majoritairement restés fidèles à la DTF même si ombre d’entre eux souhaitait prendre part au conflit amorcé par la DTU. Bien entendu la DTF a dénoncé le mouvement « basiste » des enseignants de Détroit. Si on ajoute à cela le faitque le Michigan a une législation férocement ultra-droite sur les grèves (pour les benêts qui pensent encore qu’il existe une étanchéité entre le fascisme et la « démocratie » c’est encore raté …) et qu’un syndicat risque gros en s’impliquant d’une façon ou d’une autre dans une grève sauvage, on imagine à quel point les bureaucrates de la DTF se sont tenus à carreaux, laissant seuls les enseignants de la DTU aller au charbon.

  • On aurait pu attendre des principales confédérations syndicales qu’elles saisissent cette formidable opportunité pour engager un rapport de force qu’elles peinent à mettre en place depuis tant d’années, à moins qu’elles aient fait semblant toutes ces années. Mais dès le début du mouvement, les principaux leaders syndicaux accueillent ces protestations avec une méfiance assumée : « impossible pour la CGT de défiler au côté du FN » tance Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT le 16 novembre, au lancement de la contestation. De son côté, Laurent Berger, le leader de la CFDT, a beau reconnaître que les gilets jaunes défendent un « paquet de sujets qu’on porte depuis longtemps », il fustige aussitôt les « personnes qui sont sur les barrages et qui ne se sont jamais engagées nulle part, dans quelque association que ce soit, expliquer que tous ceux qui s’engagent depuis des années sont des tocards ».

    Le 6 décembre, une intersyndicale rédige un communiqué qui se résume à l’ouverture de négociations et à la condamnation des violences. Le lendemain, Philippe Martinez estime qu’une « convergence des luttes est impossible au niveau national ».

    Cette incapacité des confédérations syndicales à se joindre à l’un des plus grands mouvements sociaux depuis Mai 68 met bien en lumière la paralysie qui frappe le syndicalisme en termes d’instrument de lutte alors qu’il n’est nullement inactif en termes de collaboration avec le pouvoir et les classes possédantes…

  • Oui ! Droit dans le mur, les syndicats !

    Depuis un mois de mouvement des gilets jaunes, dans la plupart des entreprises, quasiment pas un tract syndical sur les gilets jaunes, ce n’est pas un oubli, une erreur, un maque de tracts, c’est de black out !!!

  • Le mouvement des Gilets Jaunes

    Cet article est écrit par un camarade du “Cercle de Discussion de Paris”.

    Il n’y a pas si longtemps on entendait souvent dire que la lutte de classe était pratiquement condamnée, voire quasiment disparue. En fait, cela traduisait surtout la réalité d’une classe exploitée qui subit depuis des décennies le rouleau compresseur du “libéralisme”, toute cette politique guidée par la recherche systématique et violente de la réduction du “coût du travail”, cette politique qui se sert du chômage et la menace du chômage pour imposer la soumission sociale. C’était comme si la classe travailleuse gisait au sol avec le pied du pouvoir dominant appuyé sur son cou. Le mouvement des Gilets Jaunes apparaît d’abord et avant tout comme un réveil, un refus massif de cette situation. Tout le monde en convient aujourd’hui : la hausse du prix des carburants n’a été qu’un élément déclencheur.

    Comme pratiquement tous les grands mouvements sociaux sous le capitalisme, il est né spontanément. Il n’a été ni prévu ni organisé par les appareils politiques et syndicaux habituellement chargés de “commander leur troupes”. Qui plus est, le rejet de l’encadrement de ces appareils a non seulement été clairement et de façon répétée affirmé haut et fort dès le début, mais cela demeure une caractéristique majeure de son ADN près d’un mois après son commencement. Le mouvement de Mai 68 en France avait bien démarré en-dehors et contre l’avis des appareils syndicaux, mais ces derniers et leurs “partis ouvriers” avaient fini par reprendre le contrôle des mobilisations par le biais, entre autres, de la nécessité de formuler des revendications et de les négocier avec le gouvernement. On a souvent affirmé que le mouvement de 1968 avait connu sa plus grande dynamique tant qu’il ne s’était pas laissé enfermer dans les limites de “revendications réalistes”. Le mouvement des Gilets Jaunes, tout comme celui de Nuit Debout (certains parlent du mouvement actuel comme d’un “Nuit debout prolo”) et comme les mouvements “des places” (Occupy aux USA, les Indignés en Espagne, etc .) se caractérise par une violente méfiance à l’égard de tous ces systèmes de représentation, de nomination de délégués qui parlent et négocient sans contrôle au nom des autres. C’est un rejet du spectacle “démocratique”, du cirque électoral et syndical qui depuis tant de temps prétend représenter la population pour mieux signer les accords qui la soumettent aux impératifs du réalisme économique, aux cruelles nécessités du système dominant.
    Dans les centaines de rond-points et lieux où s’organisent les blocages des routes et autres actions de la lutte, on découvre les rapports de solidarité, la rencontre des autres que d’habitude l’on ignore dans son quartier, la création d’unité malgré les différences parfois importantes entre les participants (sur les questions soulevées par l’immigration, par exemple) et l’on aborde naturellement ce que pourrait être la société si elle apprenait à s’organiser autrement. On refait le monde. On balbutie mais on parle de “démocratie directe”, de “délégués élus et révocables”, de la nécessité de tout réorganiser, de changer de système. (Voir par exemple “L’appel de Commercy à des assemblées populaires partout !” ou les expériences de “La maison du peuple” à Saint Nazaire (1)).
    On a dit que le mouvement des Gilets Jaunes n’est préoccupé que par les seuls problèmes de “fin de mois”, à l’insuffisance des salaires, alors que l’augmentation des taxes sur les carburants, qualifiée d’écologique, se préoccupe de “la fin du monde”. Mais la rencontre à Paris entre les Gilets Jaunes et la “Marche pour le climat” a montré le contraire. Une grande banderole disait : “Fin du monde fin du mois – changeons le système pas le climat”. Les deux types de problème résultent de la même logique marchande. Celle qui fait de la force de travail une marchandise et du profit du capital le seul objectif de toute activité productive.
    L’hétérogénéité du mouvement
    Une des caractéristiques du mouvement est la diversité de ses participants. Il comprend des couches sociales diverses et des préoccupations hétéroclites. Dans certaines régions (PACA en particulier) on trouve des aspects anti-immigrés, par exemple. Cependant, les expressions d’extrême droite restent minoritaires, contrairement à ce qui a été mis en avant par le gouvernement au début du mouvement ou par ceux qui rejettent le mouvement parce qu’il ne s’identifie à aucun parti de gauche.
    La composition sociale est aussi variée. Mais ce n’est pas une partie des riches alliée à une partie des pauvres. Même si on peut y voir des petits patrons ou commerçants, des paysans, des cadres à la retraite à côtés d’ouvriers, d’employés, de chômeurs, dans son écrasante majorité c’est un mouvement des “pauvres” contre des mesures économiques gouvernementales au profit des riches.
    Et, si on regarde plus loin, si un jour un soulèvement général (des 99 % dont parlait Occupy) venait à se produire, il ne sera pas l’œuvre des seuls “prolétaires”, ceux qui sont directement exploités par le capital, mais aussi de tout un ensemble de couches non exploiteuses. Ce ne sera pas toujours simple de tenir des assemblées et prendre des décisions ensemble. Mais, apprendre à le faire est la caractéristique première d’une vraie auto-transformation révolutionnaire.
    Les mouvements révolutionnaires de notre époque ne pourront triompher que s’ils sont l’œuvre de “l’immense majorité au profit de l’immense majorité”.
    Les casseurs
    Le gouvernement fait tout pour mettre en avant l’action des “casseurs” et le spectacle de leurs destructions. C’est une vieille tactique des gouvernements confrontés à des mouvements de masse. Pour y parvenir ils n’hésitent pas à jeter de l’huile sur le feu en introduisant parfois des agents provocateurs. Ils cherchent par là à minimiser l’importance de tous les autres aspects du mouvement, à diviser les participants, à justifier le développement de la répression et à effrayer ceux qui voudraient se joindre au mouvement.
    Mais après un mois d’affrontements, dont quatre samedis particulièrement violents à Paris et dans la plupart des grandes villes françaises, la popularité du mouvement reste intacte dans la population (d’après les sondages, près de 80 % dit l’appuyer) et le nombre de participants ne diminue pas.
    La plupart des participants ne sont pas favorables au genre de violence des gilets jaunes “casseurs”, et parfois ils s’attachent à tenter de la limiter, mais ils savent qu’elle est pratiquement inévitable et disent pour le moins la comprendre. Ils savent aussi que les actions consistant à ralentir la circulation par des barrages filtrants, à bloquer les dépôts de carburant, à faire passer gratuitement les automobiles aux péages des autoroutes sont aussi des actions violentes qui s’attaquent à l’ordre établi. Les interventions des “forces de l’ordre” pour les en empêcher le leur rappellent rapidement. C’est un mouvement de lutte et il contient inévitablement des formes de violence.

    — 
    Jusqu’où ira cette lutte ? Quel sens pourra avoir la phrase que les participants disent et répètent : “Nous irons jusqu’au bout !” Difficile à dire. Mais, pour avoir su relever la tête, pour avoir commencé à faire rêver de nouveau, le mouvement des Gilets Jaunes a d’ores et déjà apporté un souffle nouveau à la vie sociale en France… et peut-être dans d’autres pays.
    Raoul Victor
    10 décembre 2018
    Notes
    1. https://www.youtube.com/watch?v=dfLIYpJHir4&t=8s ;
    https://lundi.am/Les-Gilets-Jaunes-de-St-Nazaire-et-leur-Maison-du-Peuple

    Source

  • La grève générale insurrectionnelle ne peut être que l’œuvre des comités de travailleurs.

    C’est entre nous qu’il faut voter. C’est parmi nous qu’il faut choisir les candidats. La démocratie, c’est nous, travailleurs, et c’est pas aux politiciens bourgeois de nous représenter.

  • Le mouvement des Gilets jaunes pose non seulement le problème de diriger nous-mêmes nos luttes mais de nous gouverner nous-mêmes !!!

  • Les gilets jaunes défraient l’actualité, envahissent les rues, bloquent les ronds-points, les autoroutes, se défient de tout le monde… C’est une véritable révolte sociale qui se déroule à l’heure actuelle.
    Une révolte qui s’insurge contre le mépris de classe, la morgue triomphante, l’ironie mordante de ceux qui nous gouvernent. A-t-on déjà vu un président de la République s’exprimer en ces termes : « les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien », montrant ainsi son peu de considération pour la majorité de la population française ?
    Sur les barrages, dans les manifestations, dans les médias, les femmes sont très présentes. La précarité, les fins de mois difficiles, les temps partiels, les horaires atypiques, les inégalités salariales, les pensions alimentaires qui ne rentrent pas, les courses effrénées aux horaires, une charge mentale démentielle pour tout organiser et les violences, au travail ou dans le couple : elles connaissent.
    Ce sont elles qui souffrent le plus de la disparition des services publics : une classe d’école, une poste qui ferment, et ce sont des dizaines de kilomètres en supplément à faire pour emmener les petits à l’école ou poster le courrier, une maternité de proximité liquidée, et c’est risquer d’accoucher dans la voiture, un hôpital éloigné et c’est l’impasse sur les soins. Une association de lutte contre les violences qui voit ses emplois aidés supprimés, et ce sont des heures d’attente pour parler des dommages subis.

  • "L’Assemblée des assemblées", coordination nationale démocratique des gilets jaunes se tiendra à Commercy dans la Meuse le 26 janvier prochain :

    Lire ici

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