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L’Ancien Testament des Hébreux et l’invention du monothéisme

lundi 7 janvier 2019, par Robert Paris

Yahvé, El et Adonaï sont les trois noms de dieu des textes qui suivent et encore sont-ils des dieux différents suivant les époques. Par exemple, le premier Yahvé n’est pas un dieu unique mais le dieu d’une ethnie qui admet parfaitement que les autres ethnies aient d’autres dieux alors que la version de la Bible de Jérusalem est celle d’un dieu qui a choisi un peuple élu mais est le seul dieu des hommes...

L’évolution des conceptions de dieu a, bien entendu, suivi l’évolution sociale et politique des peuples en question. Il s’agissait d’époques différentes et parfois de peuples différents qui se revendiquaient tous du peuple hébreux. Ce peuple est passée sur cette longue période du nomadisme à la sédentarité, de l’élevage à l’agriculture et de l’ethnisme à l’Etat... Ceux qui croient que la religion ne s’en est pas trouvée modifiée se trompent. D’ailleurs, il n’y a jamais eu une seule religion des Hébreux, mais plusieurs, suivant les régions.

La dernière version connue et mondialement diffusée s’appelle le "judaïsme" du nom du pays, Juda, où elle a été fondée et s’est développée autour de la hiérarchie religieuse juive de Jérusalem. Au début, cette région, loin d’être la plus importante et la plus prospère pour les Hébreux était au contraire la plus pauvre et la plus arriérée, se fondant encore sur le nomadisme et l’élevage plus que sur l’agriculture et le commerce. D’autres régions d’occupation des Hébreux comme le nord appelé Israël et le nord-est (Haute Mésopotamie) appelé Cham connaissaient au contraire une agriculture prospère et un grand commerce. Mais ces deux régions allaient subir des occupations militaires de leurs grands voisins et les Hébreux allaient en être chassés. Juda a lui-même subi occupation et immigration forcée et c’est en revenant à Jérusalem que les chefs religieux ont développé la thèse de l’Ancien Testament : Israël et Cham avaient été punis par le seigneur pour avoir adoré plusieurs dieux... Elohim (contrairement à El) ne veut-il pas dire plusieurs dieux ?

L’Ancien Testament des Hébreux et l’invention du monothéisme

Les "difficultés" de la Bible et du dieu unique

On sait qu’à un peuple unique (autoproclamé tel), il fallait un roi unique et un dieu unique. Mais comment s’appelle-t-il ? Yahvé ? Adonaï ? Ou El ? Les trois sont cités dans la Bible des Juifs, mais il est surtout conseillé de ne pas discuter du nom de dieu.... Les Juifs s’imposent une interdiction de prononcer le Tétragramme, fondée sur le troisième commandement : « Tu n’invoqueras pas le Nom de YHWH ton Dieu en vain ». Trois noms pour un dieu unique, il doit bien y avoir toute une histoire derrière cette bizarrerie ! Et trois noms qui sont mêlés dans le texte biblique, fait de bouts et de morceaux de diverses origines et diverses époques...

Trois noms et de multiples expressions : l’éternel , l’unique, le seigneur, celui qui est,... El, Elohim, Sabaoth, Elion, Asher yeheyeh, Adonaï, Jah, JHVH (ou Jéhovah) et El-Shaddai pour un seul texte mais qui n’est pas le texte de tous les Hébreux.

La Bible de Jérusalem n’est pas « le » texte de la religion de tous les Hébreux, c’est seulement le texte des religieux de la région désertique du sud, de Juda, ce qui est beaucoup plus restrictif : cela exclue les Hébreux d’Israël (l’Etat du Nord) et les Hébreux de haute Mésopotamie (pays de Sham) notamment…

L’histoire de ce peuple est jalonnée de scissions, de guerres civiles et de défaites face à ses puissants voisins du sud ou du nord. A partir du vie siècle av. J.-C., le royaume d’Israël perd son indépendance. Il est intégré dans différents empires (babylonien, perse, grec séleucide, romain). Il sera rayé de la carte après une défaite catastrophique, lors d’une révolte contre les Romains en 70 de notre ère. La première synthèse de la religion des Hébreux eut lieu vers l’an 1000 avant notre ère. La société hébraïque se structure alors politiquement sur le territoire de la Palestine actuelle (avec pour capitale Jérusalem) et élabore une religion comportant un dieu ethnique exclusif.

Mais, si le monothéisme est évident mille ans avant notre ère, le judaïsme se revendique d’environ quatre mille cinq cent ans avant notre ère, ce qui semble admettre qu’il y a eu une histoire bien plus longue du judaïsme polythéiste que du judaïsme monothéiste.

Et surtout, si ce n’est nullement naturel à la religion juive d’être monothéiste, il convient de comprendre quel était l’enjeu de cette lutte qui peut sembler idéologique et va se révéler tout à fait politique !

Le monothéisme est né dans le judaïsme au retour de l’Exil de Babylone (538 av. JC) lorsque Cyrus roi de Perse a envahi tout le moyen orient et a renvoyé libres les peuples déplacés comme Israël.
L’existence - nouvelle - d’un roi unique et bienveillant pour quantité de peuples a donné l’idée qu’il en était de même dans l’univers.
C’est à ce moment que naît l’idée qu’il n’existe qu’un seul Dieu, unique, pour tous les peuples.

Jusque là, la théologie d’Israël était « hénothéiste », c’est-à-dire que l’on ne rendait un culte qu’à Yahvé seul, tout en admettant que d’autres Dieux existaient pour les autres peuples.

Michée 4.5 : Si tous les peuples marchent chacun au nom de son Dieu, nous, nous marchons au nom de Yahvé, notre Dieu à tout jamais.

Exode 20.3 : Tu n’auras pas d’autre Dieu devant ma face.

D’ailleurs, jusqu’à la grande réforme du roi Josias, à la fin du 7e siècle av. JC, il semble bien que Yahvé était associé à d’autres divinités qui lui étaient plus ou moins subordonnées :

Deutéronome 32.8 : Quand le Très-Haut (Eliôn) donna aux nations leur patrimoine, quand il sépara les fils de l’homme, il fixa le territoire des peuple suivant le nombre des fils d’Israël.

La LXX dit : « suivant le nombre des anges »
et les manuscrits de Qumran : « suivant le nombre des fils de Dieu ».
Ces deux formulations suggèrent l’existence d’autres divinités dont les Massorètes ont gommé la mention.

Il existe plusieurs mention d’Ashéra, parèdre associée à Yahvé : des ostraca de Kuntillet Ajrud trouvés au Sinaï et datant du 8e siècle av. JC disent : « Je vous ai bénis par Yahvé de Samarie et son Asherah » ou « Je vous ai bénis par Yahvé notre gardien et son Asherah »

On trouve aussi la mention « Yahvé et son Ashera » sur une inscription datant des environs de l’an 600 av. JC, dans la région de la Shefelah (royaume de Juda).

Le roi Josias s’est efforcé d’éliminer tout autre mention que celle de Yahvé :

2 Rois 23.4 : Le roi Josias ordonna de faire sortir du temple de Yahvé tous les objets qu’on avait faits en l’honneur de Baal, d’Ashéra et de toute l’armée des cieux.

(Aussi en 2 Rois 23.14-15)

Puis l’idée est venue qu’en fait, les autres Dieux n’existaient pas :

Esaïe 41.23-24. (Yahvé s’adresse aux autres Dieux) : Faites seulement quelque chose de bien ou de mal, Pour que nous le voyions et le regardions ensemble. Voici, vous n’êtes rien Et votre œuvre est le néant.

André Lemaire écrit :

Les patriarches (xixe-xviiie siècle av. J.-C.) seraient des polythéistes, adorant concurremment un dieu El local et des dieux claniques. Leur culte, qui se prolongera jusqu’au viiie siècle avant l’ère chrétienne, serait marqué par la présence d’un sanctuaire à ciel ouvert, d’un arbre sacré, d’une stèle et d’un autel. C’est avec Moïse (xiiie siècle av. J.-C.) qu’apparaît le yahwisme d’origine madianite, aniconique et monolâtre. Les premières attestations du tétragramme datent de la fin du ixe siècle (stèles de Mesha et de Tell Dan), voire du xive siècle av. J.-C., sur la liste d’un temple d’Aménophis III. Yahwé fait ici figure de dieu guerrier de la montagne et de l’orage. Il n’est d’ailleurs pas sans rappeler Baal. Son culte comporte des prières (surtout des bénédictions), des sacrifices (de communion), un autel, des stèles et un buisson sacré.

Du règne de David à celui de Yéhu (xe-ixe siècle av. J.-C.), se développe une politique d’assimilation des dieux locaux (en particulier El) à Yahwé. La monolâtrie (ou hénothéisme) s’affirme, de même que le lien particulier unissant Yahwé à Israël, comme le montre la métaphore conjugale. Avec le schisme consacrant la rupture entre les royaumes du Nord et du Sud (931), le culte de Baal connaît un renouveau, favorisé par le prestige économique et culturel des Phéniciens. Yéhu élimine le culte de Baal. À partir d’Élie, les prophètes n’auront de cesse de proclamer l’extra-territorialité de l’action de Yahwé.

La quatrième période, couvrant les règnes séparant Ezékias de Josias (viii-viie siècle av. J.-C.), est marquée par une politique religieuse inverse de déracinement des cultes yahwistes locaux : les sanctuaires locaux sont supprimés en faveur du temple, les arbres sacrés et les stèles disparaissent au profit d’un aniconisme désormais « vide ».

Enfin l’exil babylonien (586-538 av. J.-C.) est l’occasion de l’émergence du monothéisme au sens strict, c’est-à-dire d’un mouvement de pensée conscient de lui-même, comme en témoigneraient différents passages du Deutéro-Isaïe (XLIII, 10-11 ; XLIX, 6,8).

R. Debray écrit : « Le monothéisme est une création de l’exil, de la déportation babylonienne qui est bien plus tardive. » De ce moment de défaite face aux Babyloniens date la destruction du premier Temple de Jérusalem (586 av. J.-C.). Quoique les Perses, vainqueurs des Babyloniens en 539 av. J.-C., autorisent la reconstruction du Temple et accordent une large autonomie religieuse aux Hébreux, la religion se transforme profondément. Elle devient alors ce que l’on appelle précisément aujourd’hui « le judaïsme ». C’est-à-dire un monothéisme véritable.

« La toute-puissance du dieu unique à cette époque de malheur pour Israël est un effet de faiblesse, d’impuissance. C’est, semble-t-il, lorsque les hommes sont dans l’abandon qu’ils produisent une compensation psychique, idéologiquement efficace. Les prophètes et élites intellectuelles de l’époque, créatrices de la figure du dieu unique, disent en substance : " Nous sommes punis drastiquement, parce que nous n’avons pas été fidèles à notre dieu. Nous ne l’avons pas cru assez dieu. Mais désormais, puisqu’il n’y a qu’un seul dieu, il nous aidera " », précise R. Debray.

L’hypothèse médiologique lie les conditions politiques, les conditions sociales et les possibilités offertes par la technique ou les systèmes médiatiques. Elle peut paraître parfois un peu causale et mécanique : « Donnez moi l’écriture alphabétique, un peuple ballotté par les vicissitudes de la géopolitique du temps et je vous donnerai le monothéisme ! » Mais R. Debray n’en reste pas là. Pour lui, l’affaire est plus subtile et l’on doit s’interroger sur le processus anthropologique et philosophique de création du monothéisme juif.

« L’invention hébraïque est de créer un dieu invisible (c’est la conséquence de l’abstraction alphabétique) et il n’est plus besoin de voir pour croire. A un système pictographique d’écriture comme l’écriture hiéroglyphique égyptienne correspondent des dieux animaliers ou des projections monarchiques, mais il est impossible de se détacher du sensible. A l’inverse, le dieu des Judéens (juifs) n’est pas dieu des fleuves, ni dieu de l’orage, ni un éléphant, un lion ou un alligator, mais un dieu transhumain, qui ne peut être qu’induit par la formidable capacité d’abstraction de l’écriture alphabétique. Je dis cela pour compenser, en quelque sorte, ce qui pourrait y avoir d’apparemment sociomécaniste et un peu fruste dans l’idée que Dieu serait une compensation symbolique d’une situation politique ou sociale difficile. Il s’agit en fait d’une sorte de surdétermination : toute la situation de l’intelligentsia en exil autorisait l’abstraction. L’itinérance force également à l’abstraction en ce qu’elle interdit de se référer au lieu (on ne peut emporter une statue, un autel ou une acropole). Il faut bien alors emporter sa mémoire, c’est-à-dire la miniaturiser, la condenser. J’ai nommé cela la "dessiccation alphabétique", qui est tout simplement la capacité de consigner une parole, de la déposer sur un support d’écriture, de l’enrouler, et d’obtenir cette chose inouïe et grandiose qu’est le dieu "de poche". Je fais ici référence aux rouleaux de l’Arche d’alliance des juifs. »

Moïse* dit à Dieu : « Voici, je vais trouver les
Israélites et je leur dis : ’Le Dieu de vos pères m’a envoyé
vers vous.’ Mais s’ils me disent : ’quel est son nom ?’,
que leur dirai-je ? » 14. Dieu dit à Moïse : « Je suis celui
qui est. » Et il dit : « Voici ce que tu diras aux Israélites :
’Je suis’ m’a envoyé vers vous. » 15. Dieu dit encore à
Moïse : « Tu parleras ainsi aux Israélites : ’Yahvé, le Dieu
de vos pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le
Dieu de Jacob m’a envoyé vers vous. C’est mon nom
pour toujours, c’est ainsi que l’on m’invoquera de
génération en génération.’


Quelle est l’origine de ces différents noms de dieu ?

« El » ou « Elohim », ou père de l’humanité, dieu des pasteurs nomades d’une région allant de la haute Mésopotamie à la côte palestinienne, est le chef du panthéon des dieux cananéens et des sémites occidentaux. On l’appelle taureau, puissant, roi, père des années, très sage. Il est représenté comme un ancien sage barbu sur un trône, habillé d’une longue robe, coiffé d’une tiare avec des cornes. Il a deux femmes Ashérat et Anat, étoile du matin et étoile du soir. Sa puissance est contestée par son fils, Baal, ou grain, orage et fertilité, fils de Dagan, dieu agraire du Haut et Moyen Euphrate au troisième millénaire. La contestation de Baal provient de la puissance croissante de l’agriculture face à l’élevage (dans la Bible, le fameux Caïn qu’as-tu fait de ton frère Abel). Selon une tablette antique, Baal attaque El dans son palais du Mont Sapân et le châtre.

Si des versions plus récentes de l’Ancien Testament appellent dieu Elohim, des versions de dixième ou neuvième siècle avant J.-C. l’appellent Yahvé. Si le texte plus récent démarre en disant qu’Elohim créa le ciel et la terre, un texte yahviste, plus ancien, ne parle plus de création du ciel et de la terre, mais d’un désert que dieu (Yahvé) rendit fertile par un flot qui montait du sol. Yahvé « planta le jardin d’Eden » dans la haute Mésopotamie, pays de Sham. C’est le fameux jardin d’Eve et Adam… C’est là que sa soif de connaissance amena Yahvé à punir l’homme en le contraignant à travailler. Ce mythe plus ancien (celui du désert humidifié) semble avoir pris son origine dans une région désertique où habitaient les sémites avant de rejoindre la haute Mésopotamie… C’est sous Yahvé que Caïn qui cultivait le sol a tué Abel pasteur de petit bétail. Et Yahvé punit l’homme une deuxième fois pour ce crime. Et l’une des punitions fut le déluge. Une autre punition de Yahvé fut la multiplication des langues, empêchant les peuples de se comprendre. Yahvé va devenir le dieu d’Abraham et pourtant, à la même époque, il y a dans la même région un autre dieu, El, des Cananéens et les deux s’assimilent mutuellement et coexistent pacifiquement d’abord. Une synthèse s’opère dans les textes. Les récits patriarcaux des Hebreux multiplient les références à El qui est suivi d’un qualificatif : El de la montagne, El de l’éternité, El le roi, etc… La maison de dieu s’appelle beth-el. Les Hébreux adoptent les pierres dressées des Cananéens. Il y a symbiose des deux civilisations. Plus tard, la référence au Yahvisme, né dans un peuple de pasteurs nomades dans le désert, servira ensuite aux prêtres de Jérusalem à revenir en arrière sur ces influences cananéennes comme les pierres dressées.

L’histoire de Moïse, du buisson ardent, du choix du peuple élu et de sa sortie de captivité en Egypte, les dix plaies d’Egypte, l’ouverture des eaux, tout cela revient à nouveau à Yahvé.

Hymne à Aton


Tu apparais merveilleux à l’horizon du ciel

Toi ATON vivant, commencement de la vie.

Tu es grand, gracieux, brillant au-dessus de tous pays,

Comme tu es Rê, tu atteins la fin de tous,

et aucun des hommes ne connais tes voies.

Lorsqu’à l’horizon de l’Occident tu disparais,

le pays entre dans les ténèbres et semble mort.

L’obscurité devient un linceul et le silence couvre la Terre

A l’aube lorsque tu te lèves à l’horizon

par tes rayons tu chasses l’obscurité.

Arbres et plantes fleurissent

les oiseaux s’envolent de les

les poissons dans la rivière sautent devant tes bras

les poussins sortent de leur coquille pour te parler

O Dieu Unique, semblable à nul autre,

Seul, Tu as créé le monde selon ton désire

tu donnes à chaque homme le nécessaire,

Tu calcules le temps de chaque vie

et tu as créé les hommes différents

par leur nature et leur couleur de peau.

Tu as créé un Nil dans les cieux pour les étrangers

il arrose les champs, fructifie les graines,

et renouvelle le limon des montagnes

O Seigneur d’éternité !

Tes rayons allaitent chaque prairie

Tu as fait des millions de formes de toi-même

Tu es " Aton, lumière du jour " sur la Terre

Tu as rempli mon cœur en lui donnant

la connaissance de ton savoir et ta force.

Il n’est pas exclu, explique Mircea Eliade, qu’un Moïse (nom égyptien) ait connu le monothéisme solaire d’Akhenaton en 1375-1350. Il fait plusieurs parallèles entre les transformations d’Akhenaton et de Moïse : le dieu qui crée tout ce qui existe, la réforme de l’instruction, la transformation des structures religieuses de type cosmique en événements de l’histoire sainte.

A partir de là, on commencera à avoir un dieu qui n’a pas de nom et pas d’image.

Arrivé dans la région de Canaan, le dieu Yahvé des pasteurs, fondé sur l’hospitalité des nomades, devient un dieu Yahvé jaloux de l’unicité du peuple juif. Le chef cananéen Sisel, invité sous la tente, est massacré traîtreusement. Autre nouveauté : l’apparition des sanctuaires et des sites sacrés qui reflète la sédentarisation des Juifs arrivés au pays de Canaan.

Adonaï, qui signifie seigneur et père, est aussi l’un des noms du dieu des Hébreux.

À l’époque des deux royaumes, Yahvé n’est probablement pas le seul Dieu pour les hébreux. Un poème du Deutéronome20 comme un passage du Livre de Michée attestent de cette forme de monolâtrie polythéiste pour laquelle chaque peuple a son propre Dieu national reconnaissant les divinités des peuples voisins. On trouve ainsi une tradition monolâtrique assez similaire au judaïsme yahviste de cette période dans le royaume de Moab à travers le dieu Kamosh, comme la concurrence entre le populaire dieu Baal et Yahvé pourrait expliquer la virulence des textes vétérotestamentaires à l’encontre du premier. Le Dieu national Yahvé est ainsi à considérer à l’époque de la monarchie israélite - entre le Xe siècle av. J.‑C. et le VIIe siècle av. J.‑C. - comme une divinité assurant la sécurité et la fertilité à son peuple à travers le roi.

Par ailleurs, certains indices épigraphiques laissent supposer que Yahvé était peut-être honoré avec une déesse parèdre d’origine ougaritique nommée Ashéra mais sans qu’on sache avec certitude - les chercheurs en débattent encore - s’il s’agit de cette déesse ou d’un attribut, l’ashéra biblique désignant également un arbre sacré.

Le texte deutéronomique ne niant pas encore les autres dieux, déjà mentionné précédemment, semble avoir été écrit vers 622 av. J.-C. quand le roi Josias entend faire de Yahvé le seul Dieu de Juda et empêcher qu’il ne soit vénéré sous différentes manifestations comme cela semble être le cas à Samarie ou à Teman, dans l’idée de faire de Jérusalem le seul lieu saint légitime de la divinité nationale.

L’émergence du monothéisme judaïque exclusif est lié à la crise de l’Exil. En 597 av. J.-C., l’armée babylonienne défait le Royaume de Juda, l’occupe et déporte en exil à Babylone la famille royale, l’intelligentsia et les classes supérieures. Dix ans plus tard, les babyloniens ruinent Jérusalem et détruisent son Temple ; s’ensuit alors une seconde déportation qui semble cependant laisser sur place près de 85% de la population, essentiellement rurale. C’est au sein de cette élite déportée et de sa descendance que l’on trouve la plupart des rédacteurs des textes vétérotestamentaires qui vont apporter la réponse du monothéisme au terrible choc et la profonde remise en question de la religion officielle engendrés par cette succession de catastrophes.

Non seulement la défaite n’est pas due à l’abandon par Yahvé, mais c’est au contraire l’occasion de le présenter comme seul et unique Dieu : dans les récits que les intellectuels judéens écrivent alors, la destruction de Jérusalem, loin d’être un signe de faiblesse de Yahvé montre la puissance de celui qui a instrumentalisé les babyloniens pour punir ses rois et son peuple qui n’ont pas respecté ses commandements. Yahvé devient dès lors, au-delà de son peuple, le maître des ennemis de Juda.

L’exil babylonien met les rédacteurs judéens en contact avec les mythes mésopotamiens de la Création et du Déluge et les premiers livres de la Genèse présentent dès lors Yahvé comme la divinité créatrice de l’entièreté de l’univers. Le nom de Dieu est alors Elohim, marquant une tendance syncrétiste chez les auteurs sacerdotaux : en effet le terme peut se traduire par dieu ou dieux, suggérant que les dieux des autres peuples ne sont que des manifestations de Yahvé L’élaboration de la doctrine juive monothéiste se fait dans un contexte plus propice à de telles idées : le roi babylonien Nabonide tente de faire du dieu lunaire Sîn le dieu unique de son empire, en Grèce, les présocratiques défendent l’unicité de la divinité contre le panthéon et les successeurs achéménides de Cyrus II le Grand - considéré lui-même comme un messie de Yahvé - influencent le monothéisme judéen en faisant d’Ahoura Mazda le dieu officiel de l’empire.

Les Hébreux ont-ils inventé le monothéisme ? La réponse est évidemment : non !

La première tentative connue d’imposer une religion du dieu unique a été celle du pharaon Akhénaton qui visait à enlever le pouvoir aux prêtres et à imposer un pouvoir unique du roi. La seconde est celle des prêtres juifs de Juda. On se souvient que les Juifs étaient divisé en deux pays : Israël et Juda. Israël, agricole, plus prospère, acceptait les dieux des peuples voisins avec lesquels il commerçait. Juda, centrée sur l’élevage, a affiché une prétention à plus de piété pour accuser son voisin d’avoir rompu avec dieu. Et ce dieu unique a été imposé par un pouvoir unique, celui du roi de Jérusalem. Le Deutéronome — premier texte juif monothéiste même s’il ne nie pas encore les autres dieux — semble avoir été écrit vers 622 av. J.-C. quand le roi Josias entend faire de Yahvé le seul Dieu de Juda et empêcher qu’il ne soit vénéré sous différentes manifestations comme cela semble être le cas à Samarie ou à Teman, dans l’idée de faire de Jérusalem le seul lieu saint légitime de la divinité nationale et du pouvoir royal le pouvoir unique du peuple juif. Après la destruction du royaume juif, il a fallu justifier que le peuple élu ait perdu son royaume. C’est le but dès lors des dirigeants juifs qui expliquent que dieu a puni son peuple pour son manque de piété. Le peuple retrouvera son pays et aura un Etat quand le Messie reviendra sur terre et, à la fin des temps, restaurera "le royaume de dieu en Israël".

Vers l’an 2025, par exemple – près de huit siècles avant Moïse, si celui-ci a existé et s’il a vécu, comme on l’assure, au milieu du xiiie siècle - des textes font état d’un peuple jusque là inconnu qui dit vénérer un dieu tout aussi inconnu que lui, « Assur ». Le dieu et le peuple ont conclu une alliance à ce point étroite que le peuple se définit par l’appellation d’« Assyriens » : les fidèles du dieu Assur, et qu’il a donné le nom de son dieu à sa capitale : « Assur ». Un peu plus tard, dans la même région, les Babyloniens adoptent pour dieu protecteur « Marduk ». Or, aussi bien les inscriptions que les vestiges de sanctuaires prouvent que ces deux peuples vénéraient en même temps d’autres divinités. Nous avons affaire à une forme de polythéisme que nous nommons aujourd’hui, d’un terme qui n’est pas encore dans les dictionnaires, la « monolâtrie ». La monolâtrie est le culte rendu à un dieu de préférence aux autres, sans nier pour autant l’existence des autres dieux, dont certains ont un rapport privilégié, eux aussi, avec d’autres peuples. Les Juifs de l’Antiquité n’ont fait qu’imiter ce qu’ils voyaient pratiquer autour d’eux en liant leur sort à un dieu aussi obscur que Marduk ou Assur mais dont ils attendaient la même protection : on espère qu’un dieu inconnu ou marginal pourra se consacrer entièrement à vous, alors qu’un dieu célèbre, sollicité par beaucoup de peuples, risquerait de vous négliger ou de donner sa préférence à d’autres. Un prophète biblique, Michée, qui a vécu à Jérusalem au viiie siècle avant notre ère, est très conscient de cette situation : « Tous les peuples marchent chacun au nom de son dieu, et nous, nous marchons au nom de Iahvé, notre dieu, pour toujours et à jamais », Michée, 4, 5. Il n’empêche que les Israélites, à l’exemple des Assyriens et des Babyloniens, avaient d’autres dieux, notamment Baal, et même une déesse, compagne de Iahvé, Ashéra, comme en témoigne la Bible, si on la lit sans verres déformants, et comme le confirment des inscriptions découvertes récemment en Israël, qui parlent de « Iahvé et son Ashéra »

Ces religions qui prônent l’idée d’un dieu unique ont souvent été, dans un premier temps, polythéistes : elles admettaient alors l’existence de plusieurs dieux. Le culte solaire du dieu Aton, imposé par le pharaon Akhénaton durant son règne, au XIVème siècle av J-C, était un hénothéisme. Une forme de monothéisme dans lequel Aton, le dieu dominant, acceptait que les dieux mineurs aient aussi un culte.

Le mazdéisme, religion de la Perse entre le IIème et le Ier millénaire av J-C, était polythéiste. Mais Mazda, la principale divinité, a peu à peu accaparé tous les pouvoirs des autres dieux qui, bien qu’existant dans le panthéon, n’étaient plus vénérés : c’est ce que l’on appelle une monolâtrie.

Vers 700 av J-C, cette monolâtrie mazdéiste, réformée par le prophète Zarathoustra (Zoroastre en grec) devient monothéiste sous le nom de zoroastrisme. Cette religion existe toujours. Selon des historiens, le judaïsme découlerait aussi d’une monolâtrie, le yahwisme, qui, vers -600, associait dans son culte la déesse Asherah.

La religion juive a-t-elle été fondée sur le monothéisme ? Pas du tout ! C’est seulement la Bible de Jérusalem qui s’est fondée dessus. Et cela dans des buts politiques et pas essentiellement religieux !

L’explication de l’étonnante religion du dieu unique de Jérusalem lancée par les dirigeants et chefs religieux de Juda. Cette région sud montagneuse et pauvre n’a connu qu’un développement tardif alors que l’Etat du nord, Israël, était depuis longtemps prospère. Ces deux régions ont vécu longtemps séparément, avec des mœurs différentes liées aux différences économiques et sociales. Beaucoup plus riche, Israël était beaucoup plus ouverte sur le monde extérieur avec lequel il commerçait. les deux régions n’avaient pas le même dieu : Elohim au nord et Yahvé au sud. C’est l’invasion assyrienne qui envahit, occupe le nord et en déporte la population qui a donné sa chance au sud. ce dernier a affirmé, au travers du texte biblique, que dieu avait choisi le sud du fait des mœurs trop ouvertes du nord et de sa moindre rigueur religieuse. Juda a reçu un apport de populations israélites venues du nord et son développement s’est considérablement accru. D’où l’affirmation, au travers de la Bible, que Juda est le regroupement de tous les Israélites et la revendication d’un dieu unique.

La tradition fait remonter l’origine des Hébreux à la cité d’Our, en pays de Sumer, dont Abraham serait originaire vers -1750 (époque d’ Hammourabi). En fait, il semblerait qu’Abraham (nom comparable au Brahmane indien, le prêtre sacrificateur) puisse être d’origine Hittite (ce que suggère la Bible mais pour Ezechiel "votre mère était une Hittite et votre père un Amorite" Ez 16,45) ou bien Hourrite, en tout cas indo-européen, rapprochant les Hébreux des Hyksos, sémites encadrés par des indo-européens (utilisant le char de combat) qui, au temps de l’empire iranien de Mitani jusqu’en Palestine, envahiront l’Égypte vers -1600 (ce qui explique l’histoire de Joseph dans la Genèse) où ils seront ensuite réduits à l’esclavage vers -1500. Les pérégrinations des Hébreux, de l’Égypte à la Palestine puis l’exil Babylonien, sont au coeur de cette civilisation de l’écrit, retour des nomades sur la terre originelle du néolithique. Peuple incertain divisé en tribus dispersées, en ethnies diverses, leur unité est problématique, et le restera jusqu’à la destruction du temple de Jérusalem, se réduisant en fait à leur religion dont la caractéristique n’est pas le monothéisme mais plutôt le rejet des autres dieux (TU N’ADORERAS PAS UN AUTRE DIEU DEVANT MA FACE) au profit du "Dieu du père", dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. En fait la religion évoluera beaucoup du dieu Suméro-Cannanéen El (le souffle, la voix, le nom d’Israël donné à Jacob signifiant celui qui a lutté contre El) à Yahvé (Dieu des volcans, guerrier et jaloux, résultat d’un compromis muet, symbolisé par l’Arche d’alliance, entre les tribus égyptiennes et palestiniennes) puis Elohim ("Tous les dieux" mais suivi d’un singulier, contemporain des deux royaumes et de l’idole double) avant de se fixer en YHWH/Adonaï après l’exil sous l’influence de la religion perse et de son monothéisme. En fuyant d’Égypte vers -1250 les Juifs gardent le rite de la circoncision qu’ils avaient adopté des Égyptiens et qui signe l’appartenance à la communauté, prolongeant, peut-être, dans toute son abstraction (interdiction de représenter Aton) l’expérience religieuse synthétique d’Akhenaton, bien que brève et réprimée par ses successeurs. Ce n’est pourtant encore qu’une monolâtrie, dieu tribal jaloux, sectaire et cruel, dieu unique d’un peuple dont l’unité est problématique (opposition des royaumes de Judas et d’Israël). On peut dire que ce Dieu se réduit à l’idée de l’unité de ce peuple, qui s’y réfléchit et n’est plus une donnée naturelle. Mais même au temps des rois, cette religion d’état ne s’impose pas à tous. La religion Cananéenne insiste et impose ses représentations, les Hébreux adoptant aussi l’écriture phénicienne vers -950. Ce n’est qu’après la destruction du temple par Nabuchodonosor en -587 et la captivité babylonienne que va se constituer véritablement la tradition biblique attribuée à Moïse (Deutéronome), tout ce qui précède étant remanié. L’expérience de l’exil instituant la domination des prêtres devait accentuer l’intériorisation, l’approfondissement intellectuel, moral et métaphysique de la religion ainsi que la constitution d’un corpus destiné à préserver la singularité et l’unité des exilés. Libérés en -538 par le Perse Cyrus pour s’opposer à l’Égypte, la reconstruction du Temple fait de celui-ci le centre du Judaïsme. C’est Néhémie (ancien dignitaire à la cour d’Artaxerxès Ier) qui rétablit Jérusalem (-444), tandis qu’Esdras le scribe fonde la Loi (Thora) sur l’écriture, préparant la constitution de la Bible, sur un modèle proche du code d’Hammourabi mais rejetant l’esclavage (souviens-toi que tu as été esclave en Égypte) et les distinctions de castes. La confrontation à la religion iranienne devait marquer durablement la mystique juive à la fois dans le sens du monothéisme de Zarathoustra (Ahura Mazda, son char et ses anges célestes) et du fond dualiste de leur théologie qu’on retrouve chez les Esséniens par exemple. Les sacrifices seront remis en cause au profit de l’intériorité, mais là où la religion iranienne est positive, rejetant toute mortification, les Juifs vont y accentuer leur conscience déchirée de l’altérité, de l’éloignement de Dieu, son désert (la Loi témoigne contre Israël). Le malheur extérieur doit devenir la douleur intérieure de l’homme : il doit se sentir comme la négation de lui-même, reconnaître que son malheur est celui de sa nature, qu’il est en lui-même ce qui est séparé et divisé. Il se réfléchit en lui-même. 248 La chute, c’est la connaissance supprimant l’unité naturelle. 249 Ce n’est pourtant qu’en -167, en réaction à l’hellénisation forcée d’Antiochus IV, que la révolte des Maccabées va constituer définitivement la religion du Livre (Le zèle contre la Loi a créé le zèle pour la Loi), parti pris pour la lettre sacrée contre la banalisation de l’écrit, ce qui n’empêchera pas d’ailleurs la pénétration de la philosophie grecque platonisante surtout à Alexandrie (Philon). La promotion de la Loi donne un contenu, là où la religion perse se contente de l’opposition du bien et du mal, ce contenu se réduisant d’ailleurs aux lois de la parole. La médiation d’une loi écrite, dans les rapports à l’autre et comme fondement de l’unité du peuple, va nourrir la réflexion juive sur le droit (commentaires, jurisprudence) qui forme le Midrash, inaugurant une religion de l’écriture imitée par le Christianisme, le Manichéisme, l’Islam, etc. Religion de l’Histoire, des interventions divines, les fêtes juives font référence à des événements historiques (comme les Égyptiens, dont les rites renouvellent la source créatrice présente dans l’événement originel, mais orienté cette fois vers l’avenir - Apocalypses, messianismes comme les Perses - plutôt que vers la restauration d’un Paradis perdu). C’est la répétition de notre propre fondation, et non plus le retour d’un événement cyclique, saisonnier, extérieur (suppression des rites de résurrection païens). La religion juive se fonde, contrairement aux religions païennes, sur le rapport paradoxal de l’éternel transcendant et du temps historique constituant l’histoire sainte. Le Judaïsme moderne commence à Yabne après la destruction du temple en 70, mais surtout après la défaite de la dernière révolte en 135, la mort du messie Bar Koziba/Bar kokhba, la dispersion des juifs (Jérusalem leur est désormais interdite) et le transfert de l’académie de Yabne en Galilée près de Nazareth, où s’élaboreront les textes de base judéo-chétiens, en Hébreux, réalisation "kabbalistique" des écritures (comme il est écrit..., surtout le Livre d’Esther cf Dubourg) par le Messie (MSYH=Dieu ressuscité) Josué/Jésus (YSW=Le sauveur), inconnu encore du Pasteur d’Hermas. La création de nouvelles écritures séparait ces judéo-chrétiens des autre juifs (sadducéens ou pharisiens) pour qui le commentaire Talmudique de la Michnah et l’observation des rites deviennent réellement le seul fondement de la communauté se substituant à l’arche d’alliance puis au Temple de Jérusalem et l’espérance messianique abandonnant ses prétentions terrestres au profit d’une mystique de la Loi et du Texte redevenu obscur qu’il faut réinterpréter (Kabbale). La Shoa a redonné une nouvelle actualité à la question de sa faute ranimée par son pére-sécuteur. Le judaïsme consiste dans l’identification de la divinité au peuple, à son unité, à sa communion mais comme perdues. Ce peuple n’a pas une connotation raciste, biologique mais sectaire, se constituant uniquement de la loi commune qui fait autorité, rite, signe, séparation, médiation, et acceptant jusqu’au XIIème siècle au moins la conversion de nombreux étrangers (Ashkénazes). Sa tradition d’esclavage refuse toute distinction de nature, de classe, entre ceux qui font acte d’alliance avec le dieu de la communauté. Un autre intérêt de la tradition biblique est cependant de reprendre les mythes cananéens, reformulés autant que combattus, transmettant jusqu’à notre époque le souvenir de l’émergence du néolithique dans la terre promise. Mais il s’agit bien, après l’empire Mitanien, du retour des nomades sur la terre des sédentaires, de la religion unitaire inspirée de l’Iran plus que de l’Égypte et qui renie explicitement les croyances locales traditionnelles (le Veau d’or). Les hommes sont pris pour des individus, non pour des incarnations divines, le soleil pour le soleil, les montagnes pour des montagnes, sans que ces choses aient esprit et volonté.

Lire là dessus : Aux origines du judaïsme

Le dieu unique est lié à la royauté

Akhenaton est le premier véritable dieu-roi unique. Dans la religion sumérienne, Enlil est celui qui accède à la souveraineté du monde, le dieu roi.

"Des dieux à l’image des rois"

"De tout temps, l’image des dieux a été modelée sur celle des rois. Et, en retour, l’image des rois se pare de vertu divine. Mais la royauté divine n’est pas qu’un reflet de celle des humains. Les dieux représentent un modèle imaginaire plus tolérable du commandement humain. (...)

Les dieux sont comme des rois, mais pas parmi les hommes. Dotés d’une puissance bien supérieure à celle dont dispose le plus puissant des rois. L’idée de la divinité apparaît ainsi comme l’idée de la royauté, mais tiée dans l’imaginaire. (...) Les dieux ont le plus souvent été conçus comme des rois. Le Dieu de l’Ancien Testament est roi de la création, comme celui du Nouveau est "Christ-roi", même si son royaume n’est pas de ce monde. (...)

Selon Jean Bottero étudiant la Mésopotamie, les divinités ont toujours été "imaginées comme un reflet surexalté du pouvoir politique". Et cette conception a dû évoluer parallèlement à l’évolution du pouvoir politique. Tout d’abord partagé entre quelques familles, avec des chefs régnants sur des petites unités, sinon des villages, et des chefs entourés seulement par des proches, des parents et quelques fonctionnaires, le pouvoir politique finit par se concentrer à la fin du 3ème millénaire dans les mains de rois suffisamment puissants pour dominer des régions entières, et pour l’administration desquels ils ont besoin d’une armée de fonctionnaires. Aux divinités villageoises ont dû succéder pareillement dans le monde du surnaturel des dieux organisés en panthéon et dont le prestige a été "rehaussé à la hauteur du pouvoir politique". Les dieux régnèrent dans leurs temples comme les rois régnaient en leurs palais, les maisons des dieux (la ziggourat étant le plus connu des temples mésopotamiens) furent aussi somptueuses que celles des rois. les dieux ne furent jamais que ceux d’une ville, ou d’une ville dominante, ou d’une région organisée en royaume. Tous régnèrent loin de la foule puisqu’elle n’avait pas accès au temple de type mésopotamien, accessibles seulement à la caste privilégiée des prêtres.

Partout les dieux s’honorent de se voir attribuer des titres qui, s’ils ne sont pas ceux des rois, sont toujours ceux d’une instance politique suprême ; partout ils s’honorent de titres empruntés au vocabulaire profane de la société. L’histoire de ce que nous appelons "le dieu Baal" est à cet égard significative, car "baal" n’est à vrai dire qu’un terme courant pour désigner le maître dans les langues ouest-sémitiques. Quant au dieu du christianisme, il ne devient "le Seigneur" que dans le courant du Moyen-âge européen, à l’époque féodale, à une époque donc où les rois perdent tout pouvoir effectif et alors qu’il est partagé entre tous ceux que l’on n’appelle désormais que "seigneurs". (...)

Il reste un dernier point à verser au dossier du parallélisme, mais il est le plus gros et le plus difficile à traiter. C’est que, si les dieux ne sont que la contrepartie imaginaire du gouvernement réel des hommes par les rois, la croyance en des dieux ne doit se rencontrer que dans les sociétés gouvernées par des rois. C’est ce qu’un philosophe - bien informé en matière d’ethnologie - résume par cette phrase : "Un examen tant soit peu attentif des matériaux anthropologiques aujourd’hui disponibles montre une troublante corrélation entre l’apparition des dieux dans la pensée humaine et l’institution de l’Etat, c’est-à-dire tout d’abord du roi ou du despote exerçant un pouvoir coercitif sur l’ensemble de la société.

Sans rois, il n’existe pas de dieu unique

Personne ne s’est donné la peine de montrer le bien-fondé de cette thèse, qui nous paraît pourtant incontestable. C’est évidemment que l’ampleur de la tâche est immense, puisqu’il faudrait faire comparaître toutes les civilisations connues et montrer que celles sans rois ni Etat n’ont pas de dieux. Mais c’est aussi que nous associons si étroitement religion et croyance en des dieux que nous ne concevons qu’avec peine ce que peut être une religion sans dieux. Un dieu est caractérisé par son immense supériorité par rapport aux hommes. De nombreuses civilisations, en particulier celles sans écriture d’Amérique ou d’Océanie, n’ont pas de croyances en de telles entités surpuissantes, mais des croyances en des entités surnaturelles qui n’ont qu’une supériorité relative par rapport aux hommes. (...)

La religion est étroitement dépendante de l’organisation sociale et conçue sur le modèle de la société, elle ne sort pas des terreurs ni des seules psychologies individuelles."

Extraits des "Grands dossiers" de la revue Sciences humaines de décembre 2006

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