mardi 4 mars 2014, par
L’ambiance de guerre monte en Ukraine et autour de l’Ukraine et la Russie est loin d’être la seule à la faire monter. Europe et USA donnent un bon coup de main et d’abord elles ont poussé à faire basculer le régime ukrainien pro-russe qui avait choisi l’accord commercial avec la Russie plutôt qu’avec l’Europe. La propagande médiatique occidentale est déjà celle d’une guerre, dans laquelle tous les mensonges sont permis, dans laquelle une seule présentation des événements a droit de cité, dans laquelle les tons indignés sont d’une hypocrisie encore plus criante que d’habitude. Les peuples sont pris à témoins des agissements soi-disant scandaleux du camp d’en face.
Mais, les grandes puissances l’affirment par la voix d’Obama, elles seraient du côté de la vérité, du côté de la démocratie, du côté du droit des peuples… L’Ukraine a opté pour la démocratie, nous dit ce discours officiel relayé par les média, et la Russie essaie de lui imposer son dictateur, sa dictature violant les droits nationaux et la volonté du peuple entier, sauf une poignée de vendus au pouvoir. Le discours, aussi grossier que mensonger, est massivement répandu dans les pays occidentaux, sans aucune nuance, sans aucun bémol et il est soutenu par tous les partis politiques de la bourgeoisie. Par exemple, en France, il est diffusé aussi bien par la gauche gouvernementale que par la droite et le centre. L’opinion publique est massivement sollicitée pour dénoncer le monstre Poutine et ses attaques agressives et guerrières. Il est mis en cause dans la perfidité avec laquelle il s’est permis d’entrer scandaleusement dans un pays étranger avec ses forces armées… Sans rire, la France qui vient de faire des guerres, de la Libye à la Côte d’Ivoire et du Mali au Centrafrique, se permet d’administrer des leçons sur le droit international qui interdit toute immixtion et intervention armée dans un pays étranger…
La classe ouvrière est inondée par les dénonciations du dictateur Poutine et de ses copains oligarques (que l’on n’entendait pas autant lors des guerres et massacres de Tchétchénie ou quand les oligarques détruisaient l’URSS !) et des discours de soutien et de sympathie pour la « révolution ukrainienne », pour la « démocratie de la place Maïdan », de son conseil populaire et on en passe. Notons à cette occasion que les directions syndicales estiment nécessaire de faire silence sur le fond de l’affaire et de se garder de toute prise de position qui pourrait nuire à la propagande de la bourgeoisie. Pourtant, la classe ouvrière a son mot à dire dans tout cela. Si le monde tourne à la guerre, ce n’est pas sans relation avec la crise du système capitaliste : c’est directement connecté à l’incapacité des classes dirigeantes bourgeoises à conserver leur mainmise sur le monde et il est indispensable que les travailleurs affirment leur séparation avec les buts de guerre (économique seulement dans un premier temps) de leur classe dirigeante.
Il suffit de poser quelques questions simples pour voir toute la grossièreté des mensonges de ces classes dirigeantes dans la question ukrainienne.
Quels sont les buts de l’Europe en Ukraine ? Vise-t-elle seulement à tirer le peuple ukrainien de la crise économique et financière causée par ses classes dirigeantes et par le système mondial ? Si elles donnent quelques milliards d’aide à ce pays et à ses banques, en quoi cette aide aura-t-elle un caractère différent de la manière dont l’Europe aide la Grèce ? En rien ! La facture sera payée par le peuple, exactement comme elle l’est aussi si c’est la Russie qui signe un accord commercial avec l’Ukraine. Il n’y a pas d’un côté les bons, les pacifiques, les démocrates et les désintéressés et de l’autre les dictateurs, les guerriers, les agressifs, les profiteurs.
L’Europe va sauver l’Ukraine de la crise ? Mais elle fait partie de ceux qui l’y ont plongé. La crise ukrainienne est une partie de la crise mondiale de 2007-2008 et ce n’est pas une crise russe ou causée par la dépendance russe ! Déjà, en 2013, Kiev se serait retrouvée en faillite si elle n’avait bénéficié d’un crédit russe de 3 milliards de dollars – sur les 15 milliards initialement promis. Avec son économie très ouverte, l’Ukraine a fortement pâti de la crise internationale de 2008-2009. Depuis lors, sa croissance fait du yoyo : elle a rebondi en 2010 (+4,1 %) et en 2011 (+5,2 %), a stagné en 2012, puis traversé quinze mois de récession, avant de redécoller au quatrième trimestre 2013 (+3,7 %).
L’Europe veut débarrasser l’Ukraine de la mainmise russe mais c’est pour imposer sa propre mainmise bien évidemment et pour cantonner de plus en plus la Russie dans des limites plus étroites dans le cadre de la préparation d’un affrontement plus général auquel le monde entier, et pas seulement Poutine, se prépare sans le dire.
Il suffit de savoir que l’Ukraine n’avait que le choix entre signer un accord commercial avec l’Europe ou de le signer avec la Russie et qu’aucun de ces soi-disant partenaires économiques n’admettait qu’elle en signe un avec les deux en même temps ! Des deux côtés, il n’était question d’aider financièrement l’Ukraine ruinée qu’à condition qu’elle choisisse le « bon camp ». Des deux côtés, on n’était pas regardant sur les moyens, sur les forces locales sur lesquelles s’appuyer. Ianoukovitch n’est pas brillant mais l’Europe était prête à l’appuyer s’il faisait le bon choix. La Russie aurait préféré d’autres hommes politiques mais elle a appuyé celui qui était en situation de la soutenir. Mais que dire du choix des puissances occidentales d’appuyer un mouvement, celui de la place Maïdan qui est dirigé pour une part importante par une extrême ouvertement fasciste, antisémite, violente, anti-russe non seulement au sens de combattre l’Etat russe mais aussi violemment hostile aux populations russophones. On peut constater ainsi que la première mesure du nouveau pouvoir de Kiev aura consisté à supprimer tout enseignement du russe dans les écoles, sachant pourtant que l’Ukrainien n’est parlé que d’une minorité des Ukrainiens…
Cette extrême droite fasciste ukrainienne de Kiev, qui a eu un poids politique et militaire sur la place Maïdan bien plus important que son poids politique dans le pays, n’a pas gêné les commentateurs politiques français du type de BHL. Lui qui est si sensible à tout antisémitisme, réel ou inventé, a affirmé n’avoir jamais entendu des « A bas les Juifs » proférés sur la place Maïdan et en tire argument pour récuser toute influence de l’extrême droite fasciste à Kiev ! Le mensonge est grossier : l’extrême droite détient les dirigeants les plus médiatisés de la place Maïdan (voir précisions en fin d’article) !
On voudrait côté occidental présenter ce conflit comme une révolution démocratique et nationale dans laquelle le camp occidental prendrait évidemment parti pour la démocratie et le tsar Poutine pour la dictature. Les uns et les autres sont dans cette affaire déjà dans la posture justificatrice d’une guerre mondiale à venir et en pleine préparation psychologique des masses populaires de leurs pays.
Car, en réalité, il n’y a pas seulement un affrontement entre la Russie et l’Ukraine, même si, pour le moment, les puissances occidentales disent refuser toute intervention militaire. On voit bien en Syrie qu’on peut plonger un pays dans la boucherie guerrière avec des interventions indirectes (ou par forces spéciales) des deux camps et les deux camps sont les mêmes en Syrie, en Iran, en Corée que ceux qui s’affrontent aujourd’hui en Ukraine.
D’un côté, il y a la Russie, la Chine, l’Inde, l’Iran, la Syrie et la Corée du nord et de l’autre les USA, le Japon, l’Europe, la Corée du sud.
L’Ukraine n’est pas le premier pays de l’ex-URSS que le camp occidental tente de rallier à lui. La Russie est maintenant entourée de pays qui ont adhéré au pacte de l’OTAN, pacte guerrier occidental anti-Russe qui avait été mis en place dans le cadre de la politique des blocs (la prétendue « lutte contre le communisme ») et qui n’a pas été supprimé depuis, preuve s’il en est que le camp occidental n’est pas moins guerrier et agressif que l’autre camp.
Poutine est présenté comme l’agresseur parce qu’il a envoyé son armée en Crimée alors qu’elle y résidait déjà puisque l’Ukraine faisait il y a quelques jours encore partie de l’alliance russe. C’est plutôt la soi-disant pacifique Europe qui a poussé l’Ukraine, en profitant de sa faillite, à basculer dans le camp européen en lui laissant croire qu’elle interviendrait si la Russie ne se laissait pas faire et qu’elle aiderait financièrement l’Ukraine. Deux mensonges donc pour commencer une nouvelle alliance soi-disant entre les peuples, en réalité entre les bourgeoisies !
Les bourgeoisies occidentales clament qu’il est inadmissible d’entrer comme cela dans un pays étranger avec des forces armées ! Trop drôle ! Après les guerres menées aux quatre coins du monde par le bloc dit occidental, il se permet de décréter qu’on n’a pas le droit d’entrer avec des forces armées !!! Et l’Irak ? Et l’Afghanistan ? Hollande a oublié le Mali, le Niger, la Centrafrique, la Côte d’Ivoire, la Libye ? Les grandes puissances ont oublié qu’elles interviennent en Syrie pour transformer la révolution en boucherie guerrière. Elles oublient qu’elles ont cautionné l’intervention de l’Arabie saoudite et des Emirats du pétrole contre la révolution au Bahreïn en mars 2011. Elles oublient qu’elles ont cautionné les interventions de la Russie en Tchétchénie et de la Chine contre les Ouighours. Etc, etc... La liste est longue et ce n’est pas les impérialisme occidentaux qui auraient des leçons de pacifisme à donner ! Pour ne prendre qu’un seul exemple d’intervention militaire violant toutes les déclarations internationales, est-ce que les USA se gênent pour bombarder des civils sur le sol pakistanais avec des drones du fait que le gouvernement pakistanais le dénonce et qu’ils n’ont même pas déclaré la guerre à ce pays ?
D’ailleurs, s’il fallait libérer le peuple ukrainien, pourquoi l’Europe s’appuierait-elle sur des bandits fascistes qui ne craignent pas d’affirmer leur xénophobie, leur haine d’autres peuples de l’Ukraine, de s’unir aux groupes terroristes du Caucase ?
Il ne suffit pas de dire que Poutine est un dictateur allié à des oligarques pour justifier une telle politique d’encerclement de la Russie par des pays rendus hostiles. Les puissances occidentales prennent ainsi prétexte de l’oppression barbare des Tatars de Crimée par Staline pour justifier que la Russie ne devrait pas avoir un pied en Crimée ou réside depuis toujours une partie de sa flotte militaire. C’est un peu comme si la Russie contestait la présence française à Monaco sous prétexte que la France a commis le génocide rwandais !
Les justificatifs des grandes puissances sont déjà des motifs de guerre mondiale même si celle-ci n’est pas encore nécessaire aux classes dirigeantes. Et cette guerre sera une fois encore inter-impérialiste puisque on a d’un côté les anciennes puissances comme USA, France, Angleterre, Allemagne, Japon et de l’autre les nouvelles Russie, Chine, Inde…
On est encore dans la phase de préparation des opinions publiques car la situation économique ne nécessite pas encore l’entrée en guerre. C’est seulement quand il ne sera plus possible de retarder l’effondrement financier du capitalisme que les grandes puissances déclareront que la situation n’est plus acceptable et qu’on ne peut plus aller plus loin dans les efforts de paix. Ce jeu, les puissances impérialistes l’ont déjà joué plusieurs fois. Elles ont à plusieurs reprises prétendu tout faire pour la paix et en agissant ainsi elles préparaient leurs peuples à la guerre.
Pour le moment donc les grandes puissances n’ont pas intérêt à entrer en guerre avec la Russie et rien ne dit que ce soit à propos de l’Ukraine que la guerre mondiale se déclenche. En tout cas, ce ne serait alors qu’un prétexte. D’ailleurs, dans cette affaire, l’attaqué serait en un sens la Russie puisque l’Ukraine faisait partie de sa zone d’influence et vient d’en être arrachée.
Dans la guerre qui viendra, il sera, comme dans les précédentes, inutile de chercher qui a commencé, qui a agressé, qui est sur la défensive. Aucun impérialisme n’est pacifique. Aucun n’est démocratique. Aucun n’est progressiste. Quand la guerre mondiale démarrera, c’est parce que le système dans son ensemble sera en panne et toutes les bourgeoisies du monde auront alors intérêt à choisir la guerre plutôt que de risquer la révolution sociale.
Pour le moment, les classes dirigeantes cherchent à profiter de la situation pour entretenir une ambiance de guerre aux quatre coins de la planète et à préparer les peuples à l’idée que leur situation de plus en plus catastrophique sur le plan économique, social et politique provient de ces pays étrangers qui l’agressent. Poutine et l’Europe tiennent ce langage exactement comme la Chine et le Japon tiennent ce langage.
Ce climat guerrier permet de museler la classe ouvrière, de camoufler les vrais enjeux de la situation et en particulier la grande faiblesse des classes dirigeantes dont le système est en bout de course, de faire taire les oppositions, de contraindre les peuples à se solidariser avec leurs pires ennemis.
Les affrontements locaux, en Syrie comme en Ukraine, en Afrique comme en Iran ou en Corée, entre la Chine et le Japon, ne seront de toutes les manières qu’un prétexte aux affrontements mondiaux. C’est l’effondrement inévitable du capitalisme qui sera la vraie raison et, avec lui, la peur que la classe ouvrière continue de susciter dans les classes dirigeantes bourgeoises du monde, même si le prolétariat n’est pas conscient de sa force et de la faiblesse de son adversaire, et n’est pas conscient non plus du rôle qu’il pourrait jouer dans cette situation. Les classes dirigeantes savent parfaitement que le risque n’en est pas moins bel et bien réel…
Quand les grandes puissances entreront dans la guerre mondiale, c’est qu’elles penseront que les risques sociaux et politiques (avec un prolétariat se retrouvant face à un effondrement économique massif) seront plus grands en restant en paix. L’entrée en guerre est aussi porteuse de risques sociaux et même de risques révolutionnaires mais les classes dirigeantes auront alors pesé le pour et le contre comme elles l’ont fait dans les précédentes guerres mondiales.
Quant aux travailleurs et aux peuples, une guerre mondiale est bien plus qu’un danger, une menace, c’est un recul historique de l’humanité car nul ne peut dire jusqu’à quel stade de barbarie infra capitaliste la guerre nous fera reculer.
Alors, il ne s’agit pas seulement de dire qu’il faut refuser la guerre. Il faut prendre conscience que la classe ouvrière devra urgemment proposer un autre avenir que la société capitaliste en faillite. Si les travailleurs ne s’attaquent pas à la grande bourgeoisie, cette dernière se chargera d’envoyer les prolétaires tuer leurs frères prolétaires sur de nouveaux champs de bataille !
On croira mourir pour la Crimée ou pour l’Ukraine comme d’autres ont cru mourir pour l’Alsace ou la Lorraine mais on mourra toujours pour les banquiers et les capitalistes si on ne se décide pas à prendre le chemin de renverser le capitalisme pour bâtir un monde nouveau.
L’extrême droite ukrainienne, chef de file à la place Maïdan
L’Europe soutient ainsi une extrême droite ultra nationaliste, antidémocratique et xénophobe, incarnée par le Praviy Sektor. Le leader de la plateforme d’extrême droite ukrainienne Pravy Sektor (Secteur de droite), Dmitri Iaroch, a récemment publié sur sa page du réseau social VKontakte un appel à Dokou Oumarov, l’émir autoproclamé et chef des djihadistes du Caucase du Nord. Iaroch y rappelle que les nationalistes ukrainiens ont combattu contre les forces armées russes durant les guerres de Tchétchénie (entre 1994 et 2009), et demande aux Caucasiens d’aider le peuple ukrainien, par l’organisation d’attentats sur le territoire de la Russie cette fois, écrit le quotidien russe Moskovski Komsomolets. La nouvelle a par ailleurs peu circulé dans la presse occidentale mais les « indignés de Maïdan » (sic) avaient organisé pour le Réveillon un vertep (théâtre de marionnettes de nature religieuse) anti-sémite, dont le rôle principal était tenu par le député de Svoboda, Bogdan Beniouk.
Beniouk interprétait Zhyd, stéréotype du Juif orthodoxe avec son costume noir et ses papillotes. Financé par un personnage ressemblant à la fois à Victor Ianoukovitch et le roi Hérode, Zhyd se vantait de contrôler les banques, la finance, les médias et d’avoir « l’Est et l’Ouest entre ses mains ».
Zhyd, payé par le maître du pays est alors celui chargé de « massacrer les innocents » (sic), les manifestants de Maïdan pour sauver son propre peuple juif. La pièce fut suivie par l’hymne national ukrainien, et les félicitations des leaders de l’opposition Iatseniouk, Klitschko et Tyahnybok !
Le lendemain, près de 20 000 manifestants avaient répondu à l’appel de Svoboda pour fêter le Nouvel An par une « marche au flambeau » sur le boulevard Krechatik à Kiev pour fêter le 105 ème anniversaire du nationaliste ukrainien Stefan Bandera, collaborateur avec les Nazis, dont les partisans ont participé aux massacre des Juifs en Ukraine.
Non seulement l’extrême droite a pris la tête des manifestants de la place Maïdan, la tête des actions armées contre le pouvoir de Ianoukovitch mais elle se retrouve avec des ministres dans le nouveau gouvernement, ce que les prétendus démocrates occidentaux à la Hollande-Obama se gardent de souligner.