vendredi 21 février 2014, par
Les forces de l’ordre ont commencé à massacrer à Kiev et, évidemment, on ne peut que dénoncer cet assassinat programmé au plus haut niveau de l’Etat ukrainien avec la complicité et le soutien de la Russie. Cependant, on ne peut pour autant faire croire que l’objectif des manifestants soit la libération de la population ukrainienne d’un quelconque joug antidémocratique russe. Il faut plutôt remarquer que l’Ukraine est divisée, une fraction de la bourgeoisie ukrainienne faisant plutôt ses affaires avec l’Europe et l’autre partie plutôt avec la Russie. Comme par hasard, les prises de positions pro ou anti russes, pro ou anti signature d’un accord commercial avec l’Europe ou avec la Russie recouvrent exactement les intérêts contradictoires de la bourgeoisie ukrainienne. Donc, loin de recouvrir les intérêts populaires ukrainiens, la base du conflit à l’intérieur est fondé sur les intérêts des classes dirigeantes.
D’autre part, on constate que la Russie n’est pas la seule impliquée dans la dérive sanglante car l’Europe, elle aussi, y a poussé, refusant tout compromis avec le pouvoir et poussant les manifestants à croire qu’ils allaient avoir le soutien de l’Europe s’ils menaient un affrontement direct.
L’Ukraine menace donc d’être la nouvelle Syrie, une nouvelle région où les deux camps impérialistes du monde (d’un côté les anciens impérialismes dont les USA, l’Europe et le Japon et de l’autre les nouveaux dont la Russie, la Chine et l’Inde) s’affrontent de manière indirecte pour le moment, en préparant de plus en plus le jour où, du fait de l’aggravation de la crise économique, ils décideront de s’affronter directement.
Comme d’habitude, chaque camp développe les mêmes arguments : qui est l’agresseur, qui veut le compromis, qui est dans son bon droit, qui cherche à imposer ses vues, qui agit dans son seul intérêt, qui cherche la violence et chacun accuse bien entendu l’autre camp. En fait, on ne peut que rejeter dos à dos les deux camps, même si, en Ukraine même, l’un des camps possède le pouvoir d’Etat. En Syrie aussi, c’est Assad qui possède le pouvoir d’Etat mais on a bien vu que les forces impérialistes occidentales ont été capables d’aider à la mise en place d’un pouvoir d’Etat concurrent.
On n’en est pas encore là en Ukraine mais rien ne prouve que les USA et l’Europe n’attisent pas la guerre au point d’aider à la constitution de forces armées pro occidentales en Ukraine. En tout cas, en Syrie, il est certain qu’elles le font. Les deux camps ont des forces armées directement sous leurs ordres sur place et commettent autant de crimes contre le camp adverse comme contre les civils que l’autre camp.
Entre deux camps impérialistes, les travailleurs et les peuples n’ont pas à choisir. Il n’y a pas un camp de la démocratie et un camp de la dictature. Il n’y a pas un camp de la révolution populaire et un camp de la répression.
En Ukraine comme en Syrie, on monte en épingle les morts provoqués par le pouvoir mais on cache les exactions de la soi-disant révolution. Bien sûr, la propagande est à l’œuvre. Des deux côtés, les média sont engagés. L’information n’a rien d’indépendante.
Si on lit les média occidentaux, on ignore même qu’une fraction de l’Ukraine bascule d’un côté et l’autre fraction de l’autre. On ignore que les puissances occidentales jouent la division. On ignore qu’elles font pression sur tous les pays qui entourent la Russie pour les faire basculer de leur côté, de même qu’elles font la même chose autour de la Chine.
On est déjà dans une nouvelle « guerre froide » qui n’attend qu’un signe, selon lequel le barrage artificiel des capitaux des banques centrales pour retarder la crise romprait, pour déclencher l’affrontement mondial. En attendant, on prépare les opinions publiques. On diffuse des horreurs sur la Corée du Nord. Une campagne est déclenchée aux USA contre la Chine et les produits chinois. On dénonce l’attitude de la Russie vis-à-vis de ses voisins.
Par contre, aucune campagne médiatique et politique pour dénoncer par exemple l’attitude de la France en Afrique !
Aucune campagne pour dénoncer les exactions des forces armées pro occidentales en Syrie, en Afghanistan, en Afrique, en Irak, etc…
On monte en épingle tout acte de la Russie, présentée comme belliqueuse mais on cache tous les actes des USA pour occuper la mer de Chine et mettre sous leur coupe les pays d’Europe de l’Est. On cache le plus possible en occident la nouvelle politique agressive et militariste du Japon qui réarme à toute vitesse et pratique le plus d’agressions possibles à l’égard de la Chine et de la Corée du nord.
Le fait que l’Europe et la Russie soient en ligne directe dans les négociations entre les manifestants ukrainiens et le pouvoir de Ianoukovitch montre bien qu’au-delà d’un conflit entre Ukrainiens, c’est bien un morceau du conflit mondial qui se déroule en Ukraine et qu’il ne suffit pas de prendre parti pour les pauvres manifestants assassinés pour comprendre ce qui se passe là et prendre position.
On ne peut certes pas plus prendre parti pour Ianoukovitch que pour Assad, même si le premier peut prétendre être un chef d’Etat légalement choisi, car ce sont des dictateurs sanglants mais on ne peut certainement pas créditer les anciens impérialismes de l’être moins. L’Afghanistan, l’Irak, la Côte d’Ivoire ou la Libye l’ont bien montré. Les anciens impérialismes, même s’ils dominent une grande partie du monde, n’ont rien de pacifiques, de démocratiques, n’agissent pas pour défendre les peuples ou les révolutions. Leur transformation de la révolution syrienne en guerre en a fait une véritable boucherie sans même faire tomber le dictateur Assad. En Lybie, leur intervention a fait tomber le dictateur Kadhafi que Russie et Chine ont eu des réticences à soutenir mais ces deux puissances ont ensuite regretté d’avoir laissé les impérialismes occidentaux à la manoeuvre, constatant que cette guerre se déroulait d’abord contre eux. Quant au peuple libyen, il a été volé de sa révolution et n’a nullement constaté que la victoire occidentale en Lybie n’était en rien une victoire pour le peuple libyen.
Il en va de même en Ukraine : les puissances occidentales ne sont pas des libérateurs. Le fait que les manifestants se réclament ouvertement de ces puissances n’est en rien un gage que cette prétendue révolution en soit une. Ce n’est pas au nom d’un pouvoir exploiteur et oppressif que l’on mène une révolution !
Côté média occidentaux, on met en avant de plus en plus le nombre de manifestants morts et blessés sans le plus souvent indiquer qu’il y a presque autant de morts et blessés de l’autre côté.
Il est clair que les affrontements qui ont lieu aux quatre coins de la planète vont de plus en plus engager les deux blocs l’un contre l’autre et servir à faire pression sur les opinions publiques en les poussant à prendre parti pour un camp impérialiste contre l’autre. Cette préparation à la prochaine guerre mondiale doit être fermement combattue. Nous n’avons aucune raison de soutenir nos exploiteurs, aucune raison de les croire blancs de tous les crimes en attribuant ceux-ci uniquement à leurs adversaires. La France, l’impérialisme qui a organisé le génocide rwandais, n’a aucune leçon à donner à personne. Ses interventions en Afrique, en Afghanistan ou en Libye n’ont libéré aucun peuple. Nous n’avons aucune confiance à leur accorder dans leur intervention en Ukraine ou ailleurs !
Il n’est pas vrai que l’on doive prendre parti soit pour les puissances occidentales soit pour la Russie et la Chine !
Il n’est pas vrai que les classes ouvrières et les peuples doivent se jeter dans les bras de leurs exploiteurs et oppresseurs comme s’ils étaient leurs sauveurs.
Bien sûr, les peuples ukrainien ou russe n’ont nullement en Poutine un défenseur de leurs intérêts mais pas plus ni moins qu’Hollande n’est défenseur des prétendus intérêts du peuple français ou ukrainien et de même pour Cameron, Merkel ou Obama. N’oublions pas que ce sont les dirigeants occidentaux qui nous ont vendu l’idée que les dirigeants actuels russes et chinois étaient devenus des défenseurs de la liberté du marché et donc de bons interlocuteurs commerciaux et politiques, qu’ils avaient rompu avec l’ancien stalinisme pour se tourner vers la démocratie. Cette fable, même les USA l’ont vendue pour une Chine qui maintient un parti unique prétendument communiste et une interdiction complète de tout droit syndical pour la classe ouvrière sans même parler du plus grand goulag du monde. Mais ce n’est pas sur ces questions que les chefs des grandes puissances prétendent réagir mais pour imposer que des îles proche de la Chine et possédant des sous-sols pleins d’hydrocarbures leur reviennent plutôt qu’à la Chine ! En Ukraine, de même, ce n’est pas le caractère dictatorial ou pas du régime qui les préoccupe mais le fait que l’Ukraine signe un accord commercial avec l’Europe plutôt qu’avec la Russie. L’Europe souligne les pressions russes mais oublie gentiment les pressions européennes…
Ces grandes puissances occidentales s’entendent avec les dirigeants russes ou chinois quand cela les arrange et leur déclarent la guerre aussi quand cela les arrange et leurs motivations n’ont absolument rien à voir avec les intérêts des peuples.
La seule qui ait une perspective autre que choisir un des deux camps impérialistes.
L’absence d’une organisation internationale des travailleurs fait certes cruellement défaut mais il est clair que si elle existait, elle affirmerait rejeter également les deux camps et proposer, comme alternative à l’effondrement mondial violent qui se prépare, l’union des prolétaires de tous les pays contre toutes les bourgeoisies impérialistes du monde, qu’elles soient anciennes ou nouvelles !
Alors, en Ukraine comme ailleurs, la seule vraie révolution est celle qui vise le pouvoir aux travailleurs et qui réaffirme que les travailleurs n’ont comme patrie que le socialisme !