mardi 8 octobre 2013, par
Dans la notion de réductionnisme, il y a déjà une critique : celle de la méthode réductrice. Réduire tout un fonctionnement à celui d’un de ses éléments est réducteur.
Le premier adage du réductionnisme consiste en effet à penser que le tout est la simplement la somme des parties et ses propriétés ne sont rien d’autre que la somme des propriétés des parties. Il faut donc décomposer le tout en parties et elles mêmes encore en parties plus petites, atteindre l’élémentaire. C’est au niveau élémentaire que l’on trouvera la clef de l’explication de l’ensemble du fonctionnement. Par exemple, l’atome pour la molécule et la molécule pour la matière, l’os pour le squelette, l’ADN pour la cellule vivante et la cellule pour la vie, la maison pour la ville, la molécule d’eau pour la nuage, l’individu humain pour la société, l’arbre pour la forêt, le cerveau pour l’homme, le neurone pour le cerveau.
L’idée réductionniste a eu des départs foudroyants car on a effectivement trouvé des niveaux inférieurs que parfois on ne connaissait pas. Généralement, on trouve effectivement des niveaux inférieurs et on trouve aussi des lois auxquels ces niveaux obéissent qui sont des lois différentes de celles du niveau ou des niveaux supérieurs. L’individu n’est pas la société. Il y a bien entendu des liens entre les deux mais au niveau social émergent des fonctionnements qui ne sont pas directement reliés au fonctionnement de l’individu.
L’attitude réductionniste n’est pas sans intérêt ni sans résultats. Ce n’est pas par simple erreur qu’elle a porté la science pendant de longues années. Elle a amené à de nombreuses études qui ont permis de mettre en évidence des lois nouvelles et des domaines nouveaux d’étude avec de nombreuses applications scientifiques et techniques.
Mais le réductionnisme n’a pas donné de réponse aux questions posées :
comment l’individu donne naissance à la société
comment le neurone crée la conscience
comment l’ADN crée la vie
etc, etc…
L’une des idées du réductionnisme est celle de lois préexistantes à la base qui vont permettre ensuite de construire la structure qui apparaît. C’est cette idée qui s’avère fondamentalement fausse. Par exemple, rechercher une nature de l’homme qui explique le fonctionnement social. Mais quand le fonctionnement social change brutalement et de manière importante qualitativement, est-ce que l’explication sur une nature inchangée de l’homme aide-t-elle à le comprendre ?
Dans l’idée du réductionnisme, il y a donc celle selon laquelle il y a un pilote et il suffit de le trouver.
Par exemple, on cherchera la gène responsable de telle ou telle fonction, la molécule qui pilote tel ou tel mécanisme du vivant, le réseau neuronal de tel sentiment ou de telle fonction cérébrale, la zone du cerveau qui pilote telle capacité cérébrale, le groupe humain responsable de tel changement radical dans une société. Mais à chaque fois, même si l’étude a semblé très intéressante, le constat est fait : la réalité n’est pas essentiellement dévoilée par ces affirmations.
Ces attitudes ne se cantonnent pas à un domaine particulier des sciences, de l’histoire ou d’autres domaines comme la psychologie. C’est une attitude philosophique.
Elle consiste d’abord à séparer causes et effets et à ne rechercher que des causes premières.
Elle consiste aussi à séparer les niveaux, inférieurs et supérieurs de structure.
Elle suppose que la structure nouvelle formée avait ses briques élémentaires de constituées avant d’apparaître. Sinon, cela lui semblerait magique…
L’opposé du réductionnisme est souvent appelé holisme, c’est-à-dire une vision globale.
Mais il me semble plus exact de dire que la notion la plus opposée aux conceptions réductionnistes est celle d’émergence de structure nouvelle.
Si le réductionnisme a eu ses beaux jours, il a été contredit dans à peu près tous les domaines d’étude. Il avait cherché un fondement matériel à tous les phénomènes sans remettre en question sa conception philosophique de la matière, de la lumière, de l’être, des interactions. Sa conception a atteint partout ses limites.
Même si Marx et Engels l’avaient dès le départ rejeté, il y a eu des interprètes réductionnistes du marxisme : la société se réduit à l’économie, la clef en est le classes sociales, et la clef du socialisme est le seul prolétariat.
La pensée réductionniste a longtemps semblé la base même d’une démarche scientifique matérialiste et ses défenseurs ne croyaient même pas défendre un a priori philosophique sous-jacent.
Pourtant, il y a effectivement toute une série de présupposés de la logique formelle qui guident dans tous ses pas le réductionnisme :
la logique diamétrale des contraires
la logique de la cause et de l’effet, comme deux moments séparés
la logique du tout considéré comme la somme des parties
encore plus fondamentalement, l’idée que l’ordre est un produit de l’ordre. En somme que le désordre est l’opposé diamétral de l’ordre et inversement.
l’idée est donc que l’ordre n’apparaît pas et peut seulement être cassé (désordre).
l’idée enfin que les propriétés n’apparaissent pas et étaient seulement sous-jacentes
Les interactions apparaissent ainsi à sens unique : de la cause vers l’effet, de l’élément vers l’échelon supérieur.
Un autre point philosophique fondamental : le réductionnisme nie la contradiction interne et est donc anti-dialectique.
Réductionnisme biologique de l’ADN
Réductionnisme physique de la brique élémentaire ou atome
Une conception anti-réductionniste du vivant : l’auto-organisation
Les structures émergeant désordre, un concept de Prigogine
Fonctionnement hiérarchisé et non-linéaire des gènes
Conception dialectique du vivant